Musique des Doukhobors | l'Encyclopédie Canadienne

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Musique des Doukhobors

Doukhobors. Adhérents d'une secte chrétienne fondamentaliste d'origine russe. Les principes d'une foi simple tinrent les doukhobors à l'écart de ce qu'ils considéraient être l'idolâtrie, la richesse et la corruption de l'Église orthodoxe russe.

Doukhobors

Doukhobors. Adhérents d'une secte chrétienne fondamentaliste d'origine russe. Les principes d'une foi simple tinrent les doukhobors à l'écart de ce qu'ils considéraient être l'idolâtrie, la richesse et la corruption de l'Église orthodoxe russe. Même si l'épithète de « doukhobortsys » (lutteurs de l'esprit) leur fut appliquée par l'église au XVIIIe siècle, un grand nombre de leurs croyances proviennent d'autres sectes et sont vieilles de plusieurs centaines d'années. Considérés comme hérétiques, ils furent bannis à diverses époques et exilés dans des régions reculées de l'empire russe où, invariablement, leur persévérance et leurs talents d'agriculteurs leur apportèrent la prospérité. Durant certaines périodes, ils vécurent relativement libres mais au cours des années 1890, sous le règne du tsar Nicolas II, les persécutions atteignirent une telle intensité que beaucoup décidèrent d'émigrer. Arrivés au Canada en 1899, 7500 d'entre eux s'établirent dans les Prairies et construisirent plus de 60 villages communautaires dans une région située au nord de Yorkton, Sask. Des dissensions internes et des disputes avec les fonctionnaires du gouvernement au sujet de la réglementation des terres entraînèrent une deuxième migration à partir de 1908. Leur chef traditionnel, Peter V. Verigin, entraîna plusieurs de ses disciples dans les vallées centrales de la Colombie-Britannique afin de fonder de nouvelles communes chrétiennes. Des luttes internes divisèrent éventuellement les doukhobors en trois groupes : 1. les indépendants, demeurés en grande partie dans les Prairies pour cultiver à titre individuel; 2. l'union des communautés spirituelles du Christ (doukhobors orthodoxes dans la tradition de Verigin); 3. les Fils de la liberté, plus militants. Au sein de ce dernier groupe, un petit nombre de fanatiques posa des gestes provocateurs (incendies criminels, attentats à la bombe, manifestations nudistes). Rapportés avec sensationalisme par les médias, ces gestes radicaux furent reliés, dans l'esprit du public, à la grande majorité des doukhobors, innocents et pacifiques. Cependant, au milieu des années 1970, en même temps que les anciennes traditions et rivalités s'estompaient, un nouvel esprit de coopération se manifesta. Des doukhobors plus jeunes et mieux instruits, travaillant en collaboration avec des aînés sympathiques à leur cause, recherchèrent une application plus large des croyances et façons de vivre qui avaient si bien fonctionné dans les communes isolées.

La musique traditionnelle des doukhobors est exclusivement vocale. La vaste compilation de préceptes religieux, connue sous le nom de Livre de vie, fut transmise oralement de génération en génération par le chant choral de l'ensemble de la communauté. Le chant des textes sacrées en assemblée fut, en effet, la manifestation sonore du style de vie de la commune chrétienne. Aucune notation musicale, aucun hymnaire ne fut utilisé. Les complexités du chant contrapuntique et harmonique furent transmises avec le même degré de virtuosité mnémonique que les textes.

La plus ancienne source musicale se trouve dans les psaumes. Les textes sont en prose non mesurée. Quelques-uns furent composés par les doukhobors eux-mêmes tandis que d'autres venaient de la tradition ou étaient adaptés de textes antérieurs. La respiration décalée est utilisée inconsciemment pour produire un discours sonore ininterrompu. Le tempo est lent et le style mélismatique très marqué. Dans le psaume « Le chant des psaumes embellit nos âmes », il faut presque 10 minutes pour chanter les cinq premiers mots. Au Canada, le reste des vers de tels psaumes est simplement récité. Un ou deux psaumes sont monodiques, mais la plupart présentent un type de contrepoint primitif quelque peu similaire à l'ancienne polyphonie de l'Église russe orthodoxe. Beaucoup de recherches restent à faire, mais il semble probable que le style du chant psalmique des doukhobors soit un développement polyphonique du chant znamenny. Ce dernier découle, à son tour, des chants byzantins des VIe, VIIe et VIIIe siècles.

Le plus récent recueil de musique sacrée comprend des hymnes de divers genres. Celles-ci sont métriques et écrites en vers. Un petit nombre d'hymnes antérieures ressemblent aux psaumes mais se chantent plus rapidement. Certaines ont été empruntées de sectes partageant les mêmes convictions : molokans, chrétiens évangéliques, mennonites, etc., mais la plupart viennent des doukhobors. Un groupe considérable d'hymnes furent composées au Canada, toutes dans l'ancien style russe. Le poète et auteur d'hymnes doukhobor-canadien le plus prolifique fut John F. Sysoev. Le chant des hymnes des doukhobors est différent du style choral occidental basé sur l'étagement des voix en parties de soprano, alto, ténor et basse, avec la mélodie à la voix supérieure. Dans le chant doukhobor, la mélodie se situe au centre, avec contrepoint ou harmonie subordonnés à l'aigu ou au grave, ou aux deux. Plus de 500 de ces hymnes et psaumes ont survécu au Canada.

La musique profane est tirée de la tradition du chant folklorique russe. Les chansons de folklore sont chantées par une diversité de formations : choeur, solo, duo, trio, quatuor. Le chant improvisé à plusieurs voix constitue un genre hautement cultivé parmi les doukhobors.

Des exemples de plusieurs genres, religieux et folkloriques, se trouvent dans Songs of the Doukhobors de Kenneth Peacock (Musée national de l'Homme, Ottawa 1970, incluant quatre enregistrements).

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