Dictionnaire
Un dictionnaire est un ouvrage de référence qui explique des éléments inscrits par ordre alphabétique. Ainsi, au Canada, on trouve le DICTIONNAIRE BIOGRAPHIQUE DU CANADA/DICTIONARY OF CANADIAN BIOGRAPHY, édité en 1966 en plusieurs volumes. Mais en pratique, le mot « dictionnaire » désigne un livre qui inscrit les mots d'une langue par ordre alphabétique et qui présente l'orthographe et la signification de chacun, en plus d'une foule de renseignements (p. ex. la prononciation, les parties du discours, des exemples qui illustrent l'usage, les formes dérivées, l'étymologie et l'histoire, la traduction dans une autre langue), au gré des lexicographes (les auteurs de dictionnaires). Bien que le public ait tendance à voir ces ouvrages comme les gardiens d'un usage correct et figé de la langue, la conception moderne du dictionnaire se base sur une approche descriptive du langage; on y constate les différents usages, plutôt que de les prescrire. Pour établir des dictionnaires sûrs, les lexicographes examinent un grand éventail de citations ou des textes complets, afin de déterminer avec précision le bon usage de la langue. En outre, comme aucun dictionnaire ne pourrait contenir tous les mots d'une langue, les lexicographes doivent sélectionner les mots et les significations qu'ils incluront dans leur dictionnaire, en se demandant quels sont les besoins particuliers de leurs usagers.
Catégories
On peut départager les dictionnaires en deux catégories principales : les dictionnaires historiques et les dictionnaires d'usage courant. Les dictionnaires historiques, dont le plus célèbre est le Oxford English Dictionary (OED), retracent l'évolution des mots au cours des âges à travers les différentes significations attribuées à ces mots dans l'ordre chronologique de leur apparition. Ils tentent de retracer la première occurrence écrite d'un mot et illustrent les termes par des exemples tirés de sources écrites. Les dictionnaires usuels mettent l'accent sur le vocabulaire d'usage courant, présentent les significations d'un mot suivant un ordre familier à l'usager moderne et omettent souvent les significations archaïques. On classe parmi ces dictionnaires ceux qui sont destinés aux adultes qui parlent cette langue, ceux qui servent à l'apprentissage d'une langue seconde et les dictionnaires pour enfants.
Les dictionnaires de langue anglaise les plus anciens, en commençant par le Table Alphabetical ... (1604) de Robert Cawdrey, expliquent les « mots difficiles ». Le premier livre qui tient lieu de dictionnaire complet de la langue anglaise est le Universal Etymological English Dictionary (1721) de Nathaniel Bailey, qui a été le point de départ du Dictionary of the English Language (1755) de Samuel Johnson. Ce dernier établit la tradition lexicographique d'illustrer la signification des mots par des citations tirées de la littérature. En 1828, Noah Webster publie An American Dictionary of the English Language, un ouvrage en deux volumes qui défend le caractère distinctif de l'anglais parlé aux États-Unis et précise les variations orthographiques telles que les terminaisons en -er (plutôt qu'en -re) et en -or (plutôt qu'en -our).
Le Oxford English Dictionary (1884-1928, publié en 12 vol. avec un supplément en 1933) rend compte des origines et de l'évolution des mots anglais depuis l'époque des Anglo-Saxons. Un supplément mis à jour (R.W. Burchfield, dir.), publié en 4 vol. de 1972 à 1986, est ajouté à la deuxième édition en 20 vol. (J. Simpson et E.C.W. Weiner, dir., 1989). Cette dernière édition ajoute quelque 5000 entrées nouvelles et totalise 600 000 termes, illustrés par environ 2,5 millions de citations. Des informaticiens de l'U. de Waterloo ont participé à l'élaboration de cette édition : en 1984, ils mettaient au point un système d'enregistrement et de recherche de texte à partir d'une base de données informatisée. Une troisième édition du OED est actuellement en préparation.
Dictionnaires anglophones
Les dictionnaires en usage au Canada anglais ont trop souvent été soit américains soit britanniques. Rares sont ceux qui tiennent compte des termes canadiens ou des variantes orthographiques et des prononciations canadiennes. Certains dictionnaires publiés au Canada ont eux-mêmes peu de contenu canadien. Dès 1937 paraît le Winston Dictionary for Canadian Schools, qui est simplement un ouvrage américain, avec quelques ajouts et changement canadiens. Plus récemment, la volonté des directions scolaires d'acquérir des livres produits au Canada a amené plusieurs éditeurs à créer des dictionnaires, mais ces derniers ne sont que des réimpressions d'ouvrages américains, auxquels on ajoute quelques mots canadiens.
Néanmoins, à la fin des années 50 et 60, on peut observer un regain d'intérêt pour les recherches approfondies sur la langue canadienne anglaise, ce qui entraîne la publication du Dictionary of Canadianisms on Historical Principles (1967), sous la direction de Walter S. Avis, C. Crate, P. Drysdale, D. Leechman et M.H. Scargill. Ce dictionnaire présente plus de 10 000 mots créés au Canada, qui ont une signification proprement canadienne ou qui prennent une connotation différente au Canada. Comme il s'agit d'un dictionnaire historique, plusieurs de ces mots ne sont plus en usage. Une version abrégée de cet ouvrage, A Concise Dictionary of Canadianisms, est publiée en 1972. Au cours des années 60 et 70, bon nombre de projets y ont recours pour produire des dictionnaires principalement destinés aux écoles, inspirés de modèles américains, mais dont le contenu est plus canadien que celui des ouvrages précédents. Parmi les principaux, on trouve les dictionnaires Gage, basés sur la série américaine Thorndike-Barnhart, dont le plus connu est le Gage Canadian Dictionary (rév. 1983), une série de dictionnaires Winston, dont le plus récent est le Compact Dictionary of Canadian English (1976) et le Funk and Wagnalls Standard College Dictionary, édition canadienne (1973), publié par Fitzhenry et Whiteside, lequel a été légèrement révisé depuis sa parution. Le Penguin Canadian Dictionary, dont la liste de mots est assez limitée et qui comporte des omissions importantes, est publié en 1990.
La recherche initiale sur laquelle reposent ces dictionnaires date maintenant de plus de 30 ans. C'est pour combler cette lacune que Oxford University Press Canada fonde en 1992 un département permanent du dictionnaire. À partir d'une recherche approfondie et de fichiers de plus de 14 millions de mots tirés de textes canadiens relevant de genres extrêmement variés et couvrant tous les sujets, Oxford University Press Canada doit publier une série de dictionnaires canadiens d'usage courant. Le premier de ces dictionnaires, le Canadian Oxford Dictionary, paraît en 1998.
Bon nombre de dictionnaires régionaux canadiens relevant de la même tradition historique que le OED ont été publiés au cours des 15 dernières années. Le Dictionary of Newfoundland English (1982; 2e éd., 1990), sous la direction de G.M. Story, W.J. Kirwin et J.D.A. Widdowson, a recours à des témoignages oraux authentifiés, tout autant qu'à des citations tirées de la littérature et du folklore terre-neuviens. Le Dictionary of Prince Edward Island English (1988) de T.K. Pratt repose également sur de l'information orale et sur des sources écrites. Un dictionnaire historique de l'anglais parlé au Cap-Breton est en préparation sous la direction de W. Davey et R. MacKinnon.
Dictionnaires francophones
Tout comme les Canadiens de langue anglaise, les Canadiens francophones ont dû longtemps s'accommoder de dictionnaires qui reflétaient une réalité linguistique différente de la leur. De plus, depuis la première parution, en 1694, du Dictionnaire de l'Académie Française, un ouvrage conservateur et normatif, a prévalu une tendance à marginaliser les variantes de la langue française parlée en dehors de la France. Parmi les autres dictionnaires historiques du français qui ont de l'importance, mentionnons le Dictionnaire de la langue française d'Émile Littré (5 vols., 1863-72; nouvelle éd., 4 vol., 1974, Alain Rey, dir.), le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de Paul Robert (7 vol., 1965; 2e éd., 9 vol., 1985) et le Trésor de la langue française : Dictionnaire de la langue du 19e et du 20e siècle (1971-1994) en 16 volumes.
Avec la publication, en 1880, du Glossaire franco-canadien d'Oscar Dunn, les Canadiens de langue française commencent à montrer à quel point leur français diffère du français habituellement parlé en France. En 1930, La Société du parler français au Canada publie le Glossaire du parler français au Canada. Louis-Alexandre Bélisle compile et publie le Dictionnaire général de la langue française au Canada (1957), un ouvrage érudit de premier ordre, qui est révisé en 1974 et publié à nouveau sous le titre de Dictionnaire nord-américain de la langue française (1979). La tendance actuelle des dictionnaires québécois reflète une tension entre, d'une part, les tentatives destinées à normaliser le français parlé au Québec d'après les normes du français européen, et, d'autre part, le désir de légitimer les usages propres au Québec. Dans la foulée de la RÉVOLUTION TRANQUILLE, de nombreux ouvrages exaltent le caractère distinctif du français parlé au Québec et acceptent même souvent des formes et des expressions dialectales telles que les anglicismes et les vulgarismes, que désapprouvent les traditionalistes. Le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron (1980), traduit en anglais sous le titre de The Québécois Dictionary (1982), en est un exemple notoire. Le Dictionnaire des Canadianismes (1989) de Gaston Dulong présente les canadianismes du français de façon plus universitaire, à partir d'une recherche dialectologique menée dans tout l'Est du Canada, y compris l'ACADIE (voir aussi LANGUE FRANÇAISE).
À l'instar des anglophones, les Canadiens de langue française souffrent des dictionnaires importés, qui sont réimprimés après une révision sommaire ou même parfois sans révision du tout (par exemple, le Dictionnaire Beauchemin canadien, 1968), mais auxquels on a accolé une étiquette canadienne. Des adaptations plus complètes des dictionnaires français sont publiées à la fin des années 80 et 90 : le Dictionnaire du français Plus à l'usage des francophones d'Amérique (dir. C. Poirier, 1988) et le Dictionnaire québécois d'aujourd'hui (dir. J-C. Boulanger, 1992, rév. 1993). Ces ouvrages restent oeuvres de pionniers parce qu'ils sont les premiers dictionnaires qui témoignent de la conviction que le français en usage au Canada est valable et qu'il peut constituer une norme en soi, au lieu d'être marginal par comparaison avec le français de France. Ils encouragent l'importante recherche compilée à l'U. Laval par l'équipe du Trésor de la langue française au Québec, laquelle a fait paraître, en 1998, le Dictionnaire historique du français québécois, sous la direction de Claude Poirier.
Un petit dictionnaire bilingue, le Canadian Dictionary/Dictionnaire canadien (Jean-Paul Vinay, dir.) est publié en 1962. Des équipes de chercheurs de l'U. d'Ottawa, de l'U. de Montréal et de l'U. Laval, sous la direction de R. Roberts et d'A. Clas, préparent un dictionnaire bilingue plus important, le Bilingual Canadian Dictionary/Dictionnaire bilingue canadien.
Langues autochtones
Il existe un bon nombre de dictionnaires des langues autochtones du Canada. Dans les années 70 et 80, le MUSÉE CANADIEN DES CIVILISATIONS a produit des dictionnaires bilingues d'ABÉNAQUIS, de HEILTSUK, de Kwakwa'la (KWAKIUTL), de MOHAWK et de MICMAC. Les missionnaires ont également accompli un travail lexicographique important, notamment le Cree-English English-Cree Dictionary (G. Beaudet, 1995) et le Ulirnaisigutiit: An Inuktitut-English Dictionary of Northern Quebec, Labrador, and Eastern Arctic Dialects (1985) de L. Schneider (voir aussi AUTOCHTONES, LANGUES DES).
Le Centre d'études médiévales de l'U. de Toronto supervise également un projet important de dictionnaire, le Dictionary of Old English. Ce dictionnaire retrace l'évolution historique de l'anglais depuis la période la plus ancienne (600-1150 ap. J-C), et complète le traitement des phases ultérieures de cette évolution par le OED. C'est l'un des rares dictionnaires, quelle qu'en soit la langue, qui se base sur un examen approfondi des témoignages qui ont survécu : sa base de données informatisée, d'où sont tirés les mots et les citations, est constituée d'au moins une copie de chaque texte en vieil anglais qui ait été conservé. Cinq des vingt-deux lettres du dictionnaire sont publiées sur microfiches : A (1994), B (1991), C (1988), D (1986), E (1996). Le travail est en cours pour les lettres F, G et H. On prévoit ultérieurement une publication informatisée du dictionnaire, une fois que sera implanté un système de repérage structurel permettant les recherches.
Tous les dictionnaires reflètent la culture pour laquelle et dans laquelle ils ont été écrits. Les dictionnaires canadiens produits au pays sont donc un outil essentiel pour faire reconnaître l'identité canadienne.