Fondation et expansion
C’est à l’initiative du Toronto Trades and Labor Council (TTLC) que sont convoquées à Toronto en décembre 1883 les diverses organisations ouvrières afin de discuter de la création d’un congrès canadien du travail. Sous la direction de Charles March, président du TTLC, les négociations ne débouchent pas immédiatement sur la création d’une organisation permanente. À l’instar de la défunte Union ouvrière canadienne (1873-1877), la cinquantaine de délégués se prononcent plutôt pour un programme de réformes politiques. Il faut attendre une seconde assemblée en 1886 pour que la structure organisationnelle prenne forme. Le CMTC a alors pour objectif « de rallier toutes les organisations ouvrières pour travailler à la confection de nouvelles lois ou d’amendements aux lois existantes, dans l’intérêt de ceux qui ont à gagner leur vie, en même temps que pour assurer le bien-être des classes ouvrières ».
Largement dominé par les Chevaliers du travail, le CMTC réunit d’abord les syndicalistes de l’Ontario, mais atteint une envergure nationale dans la décennie suivante alors qu’elle fonde des comités législatifs au Manitoba (1896), en Colombie-Britannique (1896) et au Nouveau-Brunswick (1899).
Ces antennes doivent favoriser le lobbying politique. À ce chapitre, le CMTC fait parvenir annuellement un mémoire aux autorités comprenant les résolutions adoptées par le congrès et organise des rencontres avec les politiciens. En 1898, son programme de réformes comprend par exemple : l’instruction gratuite et obligatoire, la journée de travail de huit heures, l’inspection gouvernementale de toutes les industries, la propriété publique des services publics, l’abolition du Sénat, l’interdiction du travail des enfants de moins de 14 ans et l’abolition du travail des prisonniers.
Fractionnement
Le CMTC est cependant en proie à d’importantes dissensions entre ceux préconisant son intégration aux structures syndicales américaines et ceux souhaitant une plus grande indépendance des syndicats canadiens vis-à-vis de leurs confrères du sud. Ses maigres capacités financières l’empêchent d’embaucher des organisateurs à temps plein et ses règlements freinent l’adhésion de certains syndicats locaux. Des délégués vont jusqu’à remette en cause l’utilité de ce « parlement des ouvriers ».
Sur le terrain, les syndicats internationaux affiliés à la Fédération américaine du travail (FAT) livrent une guerre aux Chevaliers du travail dans le but de recruter les travailleurs. Le CMTC devient le théâtre de ces affrontements en 1902 alors que l’assemblée tenue à Berlin (Kitchener), en Ontario, expulse tous les syndicats ayant une juridiction concurrente par rapport à celle des syndicats internationaux. Vingt-trois syndicats sont alors expulsés, dont plusieurs assemblées des Chevaliers du travail. Ceux-ci créent, par la suite, une structure concurrente : le Congrès national des métiers et du travail. Cet épisode met fin à la quasi-hégémonie du CMTC sur le mouvement syndical canadien. Par la suite, celui-ci est fragmenté par des syndicats nationaux, par des organismes ouvertement socialistes et syndicalistes, et par la montée du syndicalisme industriel.
Malgré ces querelles internes, le CMTC poursuit son mandat de représentation politique. Pressé par les délégués de la Colombie-Britannique et du Manitoba, le CMTC revoit son engagement au tournant du 20e siècle, époque où apparaissent les premiers partis ouvriers. En 1906, le CMTC endosse la création d’un parti travailliste à la suite d’un débat entre ses factions réformistes et socialistes. Certains de ses dirigeants comme Ralph Smith et Alphonse Verville briguent alors les suffrages.
Nouvelles divisions, renouveau et déclin
En 1919, sous l’effet des tensions politiques qui le déchirent, le CMTC connaît une véritable crise et les syndicalistes socialistes et industriels l’abandonnent pour former le One Big Union (voir Syndicalisme industriel révolutionnaire). Après les échecs essuyés par les syndicalistes industriels durant la grande vague de grèves de 1919, le CMTC refait surface comme principale centrale syndicale. En 1924, l’organisme prétend avoir plus de 200 000 membres. Toutefois, le ralentissement de la syndicalisation entre 1920 et 1924 lui coûte près de 50 000 adhérents.
Il doit ensuite affronter le nouvel élan de syndicalisme industriel mené par la Ligue pour l’unité ouvrière, puis par le Comité des organisations industrielles (fondé en 1935 ; devenu le Congrès des organisations industrielles en 1938). Encore une fois, les dissensions survenues aux États-Unis entre les partisans de la FAT et du Congrès des organisations industrielles (COI) forcent le CMTC à expulser à contrecœur ses syndicats membres du Congrès des organisations industrielles en 1939. Ces derniers fondent avec le Congrès pancanadien du travail, le Congrès canadien du travail (CCT) en 1940. Cet organisme devient la principale centrale syndicale grâce à l’essor rapide du syndicalisme industriel pendant et immédiatement après la Deuxième Guerre mondiale.
Après une chasse lancée contre les communistes dans les deux centrales syndicales à la fin des années 1940 et au début des années 1950 et après la fusion de la FAT et du COI aux États-Unis en 1955 (voir AFL-CIO), le CCT et le CMTC s’unissent en 1956 pour créer le Congrès du travail du Canada.