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Communauté

Dans l'usage courant, le terme « communauté » est l'un de ces concepts qui se prêtent à plusieurs interprétations.

Communauté

Dans l'usage courant, le terme « communauté » est l'un de ces concepts qui se prêtent à plusieurs interprétations. Divers sens y sont apparentés et tournent autour de l'idée fondamentale de partage, dont :

1) le fait de partager quelque chose, comme des valeurs, des buts ou des intérêts;

2) des liens sociaux, accompagnés du partage d'une même conscience de soi ou de son identité;

3) le simple fait d'appartenir à la population d'un secteur, d'un voisinage ou d'une ville.

Dans ce troisième sens, le terme de collectivité locale remplacerait avantageusement celui de communauté. C'est le premier sens et, dans une certaine mesure, le deuxième sens qui ont donné naissance à des expressions telles que « la communauté médicale », « la communauté artistique », « la communauté des services de police », « la communauté anglophone du Québec » ou « la communauté noire ». Il faut remarquer que les deux premiers sens renvoient à des caractéristiques des relations sociales (le partage) et à une identité commune. Le troisième sens s'applique strictement à des paramètres de lieu, à un espace partagé. Cette forme de partage peut inclure ou non les premier et deuxième sens. Il ne va pas de soi que la population d'une ville ou d'un voisinage particulier partage des valeurs et des buts et possède une identité commune. Il faudrait l'établir par enquête.

En 1979, dans son deuxième rapport, la Commission de l'UNITÉ CANADIENNE précise qu'« une communauté est un groupe de personnes unies par la conscience des caractéristiques qu'elles ont en commun [...] et par la conscience des intérêts qu'elles partagent ». Cette interprétation est semblable aux deux premiers sens mentionnés précédemment. Il s'agit d'un emploi générique plutôt que spécifique du terme, c'est-à-dire que tout groupe humain présente une telle conscience jusqu'à un certain point, que ce soit un club sportif local, un groupe de scientifiques partageant un intérêt particulier, un groupe ethnique ou un groupe d'âge. En revanche, les études sur les communautés comme champ de recherche en anthropologie et en sociologie mettent habituellement l'accent sur le lieu (hameaux, villages, petites villes et grandes villes). L'ouvrage d'Everett Hughes, French Canadians in Transition (1943; trad. Rencontre de deux mondes : la crise de l'industrialisation du Canada français, 1972), et les ouvrages sur des milieux locaux au Canada qui y ont donné suite, soit la thèse de doctorat de Marc Lesage, Les derniers modernes : enquête sur une petite ville d'Occident (1996); Northern Plainsmen (1969), de John Bennett; et A Small Town in Modern Times: Alexandria, Ontario (1991), de David Rayside, pour n'en nommer que quelques-uns, portent tous sur un endroit particulier.

Un sociologue américain, Jessie Bernard, désigne ces deux concepts de communauté comme étant la « communauté » et « la communauté » (dans le sens de collectivité locale) respectivement. Le premier fait référence aux valeurs et aux intérêts communs ainsi qu'à un sens commun de l'identité. Le deuxième s'applique à des endroits et aux activités qui s'y déroulent, c'est-à-dire le lieu. Dans un essai récent de Bernard Yack, on peut noter qu'Aristote appelait « communautés » tous les groupes sociaux composés de membres qui diffèrent les uns des autres sur des points importants, mais qui en même temps partagent quelque chose et interagissent en fonction de ce partage.

Il y aurait sans doute beaucoup moins de confusion si les endroits étaient simplement désignés comme des établissements et qu'on réservait le terme « communauté » aux formes de relations sociales.

Communauté et conflit

La définition d'Aristote du terme communauté comprend les « communautés politiques » comme une forme de communauté caractérisée par les éléments que les individus partagent en tant que citoyens d'une polis (cité). C'est ainsi qu'on peut retrouver simultanément les notions de plaisirs et de tourments dans la vie communautaire.

Toute communauté déterminée présente inévitablement, à l'intérieur de ses cadres, l'harmonie et le désaccord, le consensus et le conflit, l'ordre et le désordre, car divers membres et factions s'y affrontent au sujet des objectifs, des tactiques, des stratégies et des ressources. Plusieurs études portent sur les conflits internes considérés comme un élément de la vie d'une communauté. Dans son ouvrage Community and Conflict: French-English Relations in Ontario (1988, éd. rév.), John Jackson étudie les conflits linguistiques et religieux dans l'éducation et la politique locales. Claire Helman, dans The Milton Park Affair (1987), et Graham Fraser, dans Fighting Back (1972), se penchent sur le conflit engendré par des projets de réaménagement urbain dans des quartiers de Montréal et de Toronto. Dans la même veine, Don Clairmont et Dennis Magill mènent une enquête sur la conjoncture créée par le racisme, la pauvreté et les intérêts liés au développement dans une communauté de Halifax (1987, rév.). (Voir RÉFORMES URBAINES)

Membres de la communauté

Toute personne est susceptible d'appartenir simultanément à plusieurs communautés, y entrant et en sortant selon les circonstances. Une personne peut considérer être membre d'une communauté ethnique particulière, d'une communauté de voisinage, d'une communauté de collègues étudiants d'une école particulière, et ainsi de suite. De ce point de vue, les gens construisent leurs propres communautés, leur vision de la communauté étant définie par leur perception de ses limites. L'anthropologue Anthony Cohen se réfère au sens que les gens donnent aux limites de la communauté comme étant la « construction symbolique de la communauté ». Nous utilisons les caractéristiques géographiques du paysage, des différences de LANGUE, des différences d'IDENTITÉ ETHNIQUE, des différences de CLASSE SOCIALE ou des combinaisons de ces caractéristiques et d'autres de la vie sociale et culturelle, qui symbolisent notre communauté. En ce sens, la communauté renvoie à une qualité affective qu'on perçoit dans les rapports entre les personnes, mais ne renvoient pas à une entité objective, comme une maison ou une rue.

Les gens créent leurs propres communautés, mais toujours dans le contexte d'événements culturels et politiques spécifiques dans le temps. Ainsi, nous pouvons parler de la communauté chinoise de Vancouver, comme le fait Kay J. Anderson dans son livre Vancouver's Chinatown: Racial Discourse in Canada, 1875-1980 (1991), ou de la communauté italienne de Toronto, telle que décrite dans l'ouvrage de Nicholas DeMaria Harney, Eh, Paesan! Being Italian in Toronto(1998). On peut aussi parler des communautés de classe ouvrià re à l'exemple de Thomas W. Dunk dans It's a Working Man's Town: Male Working-Class Culture in Northwestern Ontario (1991) ou de communautés organisées autour de l'orientation sexuelle à l'instar de Michael Ford dans The World out There: Becoming part of the Lesbian and Gay Community (1996). Une personne naît donc au sein d'une ou de plusieurs communautés, mais elle peut en sortir et entrer dans d'autres communautés, selon sa situation personnelle. Ce qu'il faut retenir, c'est que les gens sont désignés membres de communautés, mais peuvent aussi choisir d'être membre de communautés.

Réseaux sociaux et communautés virtuelles

Barry Wellman et d'autres chercheurs associés au Centre for Urban and Community Studies, de l'U. de Toronto, recourent à l'analyse de réseaux afin de développer un outil très sophistiqué pour décrire et comprendre les rapports entre les personnes, au moyen de l'analyse des lignes d'interaction et de communication qui s'établissent entre personnes ayant des intérêts semblables et des liens d'amitié, de travail ou de parenté. Leur ouvrage Social Structures: A Network Approach (1988) décrit bien les communautés en tant que réseaux sociaux. De telles communautés ne se composent pas nécessairement de personnes qui interagissent constamment face à face. En effet, parce que les communautés sont étendues sur de grandes régions géographiques, comme le sont souvent les réseaux, le téléphone peut constituer leur principal moyen de communication. Dans un article récent, « Net Surfers Don't Ride Alone: Virtual Communities as Communities » (1995), le Centre traite de formation de réseaux par communication électronique sur INTERNET. Une interaction « communautaire » intense et fréquente repose sur des intérêts communs, et les participants ne se sont jamais vus ou entendus parler et n'auront probablement jamais l'occasion de se voir ni d'entendre leurs voix : c'est la communauté virtuelle. Toutefois, pour ce qui est des autres perspectives sur la communauté électronique dont il était question précédemment, certaines gens de lettres tels que Robert Dunn (1998) qualifie la communauté virtuelle de communauté artificielle.

Disparition de la communauté

Une grande part de documentation met l'accent sur les importants changements historiques qui sont survenus dans les sociétés occidentales pendant la croissance du capitalisme et de ses processus parallèles d'urbanisation et d'industrialisation rapides -. La modernisation a progressivement transformé les relations humaines en relations marchandes. Le passage des relations humaines centrées sur la personne à des relations centrées sur le produit constitue un aspect de la transformation du travail humain en un produit qui s'achète et se vend sur le marché (voir TRAVAIL). Cette transformation est un thème classique de la sociologie du XIXe et du début du XXe siècle. Ferdinand Tönnies fait figure de modèle parmi les auteurs qui ont abordé ce thème. Son essai de 1887, Gemeinschaft und Gesellschaft (trad. Communauté et société; Catégories fondamentales de la sociologie pure, 1977), attire l'attention sur ce virage des relations humaines. Il aborde les communautés dans le sens d'une qualité particulière des relations humaines, qui imprègne toutes les activités et tous les groupes sociaux, une qualité semblable aux première et deuxième définitions mentionnées plus tôt, et qui se désintègre dans le sillage du capitalisme. Charles Taylor offre un traitement récent de ce thème dans The Malaise of Modernity (1991).

Des études suivies sur les communautés vues comme des établissements humains ou villages (troisième définition) accentuent le sort de ces villages en regard de l'économie politique des régions et du Canada dans son ensemble. Patricia Marchak, dans Green Gold (1983), étudie les effets des décisions prises par les sociétés multinationales de l'industrie forestière en Colombie-Britannique sur la vie quotidienne des gens de deux localités axées sur l'exploitation des ressources naturelles. Dans son ouvrage The Queen's People: A Study of Hegemony, Coercion and Accommodation Among the Okanagan of Canada (1991), Peter Carsten expose les problèmes rencontrés par des communautés appartenant aux PREMIÈRES NATIONS devant l'expansion du capitalisme canadien. C. Zimmerman et G. Moneo, dans The Prairie Community System (1970), examinent différents types de localités de l'Ouest, en rapport avec l'organisation générale qui s'est développée dans la région, pour répondre aux intérêts du capital du Canada central.

Communauté en tant que résistance

Bien qu'une menace pèse toujours jusqu'à un certain point sur la communauté prise dans le sens de partage et dans le sens d'établissement humain, de nouvelles communautés émergent souvent dans l'adversité. C'est dans le milieu local, dans la communauté, que la plupart des gens mènent leur existence quotidienne : ils y vont à l'école, y élèvent une famille, y travaillent, y adhèrent à des associations, y assistent à des services religieux et forment avec d'autres personnes des réseaux fondés sur des valeurs et des intérêts communs (les communautés dans le premier sens). La formation de tels réseaux, qu'ils reposent sur l'amitié, la parenté ou le lieu de travail, crée un milieu propice pour entreprendre une action collective et pour organiser la résistance et l'opposition aux bouleversements créés par les forces de l'individualisation. Ce type d'activités, qui prend la forme de l'autodétermination et de l'auto-organisation, n'est pas nouveau dans la vie canadienne. Ralph Matthews aborde cette question dans son étude intitulée There's No Better Place Than Here (1976), portant sur trois localités de Terre-Neuve, où il observe une résistance issue de la communauté devant les plans des dirigeants gouvernementaux. C'est aussi le cas dans les deux études sur les réaménagements urbains mentionnées au début. Marcel Rioux montre que la capacité de s'opposer aux décisions imposées par les entreprises publiques et privées et influant sur la vie locale peut être à l'origine d'actions d'émancipation. La communauté, en tant que base des actions émancipatrices, constitue un terrain peu exploré dans le domaine des études sur la communauté et mériterait d'être défriché. (Voir MOUVEMENTS POPULAIRES URBAINS)

Lecture supplémentaire

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