Colas et Colinette ou le Bailli dupé | l'Encyclopédie Canadienne

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Colas et Colinette ou le Bailli dupé

Colas et Colinette ou le Bailli dupé. « Comédie en prose mêlée d'ariettes », texte et musique de Joseph Quesnel, constituant vraisemblablement la première oeuvre lyrique avec musique originale écrite en terre canadienne (et fort probablement en Amérique du Nord), et la première à y être présentée.

Colas et Colinette ou le Bailli dupé

Colas et Colinette ou le Bailli dupé. « Comédie en prose mêlée d'ariettes », texte et musique de Joseph Quesnel, constituant vraisemblablement la première oeuvre lyrique avec musique originale écrite en terre canadienne (et fort probablement en Amérique du Nord), et la première à y être présentée. Composée vers 1789, elle fut créée à Montréal le 14 janvier 1790 au théâtre de Société et s'attira une critique élogieuse dans la Gazette de Montréal (21 janvier 1790), sous la signature de l'Anonyme : « ... la pièce plaît d'abord, ensuite charme, puis enchante... Les applaudissements qui ont été donnés sont justement mérités & font tout à la fois l'honneur & à l'auteur & aux spectateurs... elle est du nombre de ces ouvrages que decies repetita placent. » Une deuxième représentation fut donnée au même endroit le 9 février « au bénéfice des pauvres ».

Quinze ans plus tard, elle fut reprise au théâtre Patagon de Québec les 29 janvier et 23 février et la Gazette de cette ville (31 janvier 1805), après avoir noté que « c'est peut-être la première pièce de ce genre qui a été écrite et représentée dans cette Province », ajouta : « Comme production coloniale, elle possède un mérite infini. Il arrive rarement que la poésie et la musique soient composée [sic] par la même personne. » L'oeuvre fut à nouveau présentée les 7 février et 21 mai 1807. Bien que l'on ne puisse que supposer la présence de Quesnel à la première de son oeuvre, il semble qu'il ait assisté à Québec à au moins l'une de ces représentations et qu'il en ait peu goûté l'exécution puisqu'il écrivit en avril 1807 à l'éditeur John Neilson qu'il avait été « très peu flatteur » pour lui et « sans doute très désagréable pour les messieurs et dames de Québec que la musique, qui dans cette pièce est une partie aussi essentielle au succès de la pièce que les paroles... ait été écorchée d'une manière si barbare » et qu'il « eût cent fois mieux vallu [sic] se passer d'instruments et que les voix seules exercées avec précision eussent chanté sans aucun accompagnement plutôt que de les faire jouer par des clarinettes criardes et des cors étourdissants ».

Conçue dans l'esprit de la philosophie de Rousseau, l'intrigue met en scène la bergère Colinette, pupille de Monsieur Dolmont, qui préfère pour mari Colas, un jeune berger simple et honnête, au Bailli, prétendant bien établi mais plus âgé et pervers. La partition comporte 14 morceaux musicaux, comprenant des ariettes pour chacun des personnages, des duos ainsi qu'un ensemble final. Livret et musique sont d'inspiration française et rappellent certaines oeuvres de contemporains de l'auteur tels Grétry, Monsigny et Philidor. Les mélodies sont appropriées au caractère des personnages, empreintes de fraîcheur ou de noblesse selon la situation. Le ton en est même parfois dramatique. La partition ne précise pas le genre de voix requis pour chaque rôle. La tessiture moyenne convient cependant au soprano (Colinette), au ténor (Colas) et à la basse (le Bailli et Monsieur Dolmont). La forme ABA employée dans plusieurs morceaux se rapporte plutôt à la relation tonale ou métrique qu'à la répétition mélodique.

Des recherches effectuées en 1952 par Helmut Kallmann ont permis de mettre à jour les parties manuscrites complètes de chant et celle de second violon, conservées aux archives du séminaire de Québec (fonds Verreau). Il est donc permis d'affirmer que l'oeuvre fut représentée avec accompagnement instrumental, comme le précise par ailleurs le commentaire de Quesnel à Neilson. Rien n'assure cependant que le responsable de l'exécution à Québec de Colas et Colinette respecta l'instrumentation originale puisque Quesnel souligne dans sa correspondance avec Neilson que les accompagnements sont « faits exclusivement pour des violons alto et basse » et qu'il n'a pu « digérer ces maudites clarinettes ». En 1963, Godfrey Ridout reconstitua l'accompagnement instrumental en se basant sur les parties vocales et de second violon pour une reprise de Colas, le 6 octobre 1963, par la société Ten Centuries Concerts de Toronto. Cette présentation, en costumes mais sans mise en scène, réunissait Geneviève Perreault (Colas), Judith Lebane (Colinette), Peter Dimuantes (le Bailli) et Howard Mawson (Monsieur Dolmont). Le narrateur était John Walker et le chef d'orchestre, Ridout. L'ouverture que Quesnel se proposait de composer pour « mettre à la tête de la musique de la pièce ainsi que cela se pratique » ne fut jamais écrite de sa main et ne devait voir le jour qu'après la reprise de 1963, composée par Ridout à partir de thèmes de l'oeuvre. La radio de la SRC présenta l'oeuvre sur son réseau français en mars 1965 et, sur son réseau anglais, en mai de la même année. Elle fut à nouveau donnée, en anglais cette fois (traduction de Micheline Tessier), le 25 mars 1969 à la télévision de la SRC avec Perry Price (Colas), Claire Gagnier (Colinette), Claude Corbeil (le Bailli) et David Geary (Monsieur Dolmont), mise en scène et réalisation de Peter Symcox. D'autres représentations furent offertes à l'Université d'Ottawa en janvier 1972, avec une réduction pour deux pianos, et en 1977 dans le cadre des concerts I Pomeriggi musicali de Milan, avec la participation des chanteurs Janis Orenstein et Janos Vaskenicius, sous la direction de Harvey Sachs. Une version abrégée avec mise en scène, décors, costumes et accompagnement d'orchestre fut présentée en 1976 au Dundurn Castle à Hamilton, Ont., par le Mohawk College Opera Theatre, direction musicale de Lee Hepner et mise en scène de Giuseppe Macina. Plus récemment, Colas et Colinette a été repris au Harbourfront Studio Theatre de Toronto en 1981, au Victoria Hall de Westmount (Montréal) sous la direction de Eugene Plawutsky en 1986, au Temple grec en plein air du Guild Inn à Scarborough (Toronto) par le Comus Music Theatre, aussi en 1986, et à la Maison des arts de Laval par le Théâtre d'art lyrique de Laval en 1987, sous la direction de Gilbert Patenaude.

Le livret de Colas et Colinette ou le Bailli dupé fut publié à Québec en 1808 par Neilson qui se proposait également d'en imprimer la musique. Il échangea à ce sujet une dizaine de lettres avec Quesnel qui lui fit part de quelques suggestions, comme de « faire graver toute la musique en parties séparées et la pièce en brochure dans le même format que celles qui sont imprimées à Paris ou à Toulouse », ajoutant que la publication de la partition complète serait moins avantageuse « vu le peu de personnes en ce pays qui soient dans le goût ou en état de faire cette dépense ». Quesnel déplorait en effet que « le goût de la musique, qui chez les trois quarts des peuples de l'Europe est la source des plus grandes jouissances... est encore plus éloigné pour le Canada d'un siècle de plus que celui de la littérature ». L'on sait qu'il ne put cependant compléter la correction des épreuves avant sa mort et le projet ne fut pas poursuivi. À Montréal, le livret fut subséquemment imprimé (1848) dans Le Répertoire national de James Huston. L'édition originale de Neilson parut en fac-similé (Réédition Québec 1968). Le texte fut aussi publié dans Anthologie thématique du théâtre québécois du XIXe siècle par Étienne-F. Duval (Montréal 1978).

La version chant et piano de la reconstitution par Godfrey Ridout, accompagnée d'une traduction anglaise réalisée par ce dernier et Michel S. Lecavalier, parut en 1974 chez Thompson. On en retrouve des extraits dans le PMC (vol. X). Un enregistrement abrégé (12 extraits, RCI 234, Sel. CC.15.001 et SSC-24.160) a été réalisé en 1968 par le SI SRC avec Léopold Simoneau (Colas), Pierrette Alarie (Colinette), Claude Corbeil (le Bailli) et Claude Létourneau (Monsieur Dolmont), sous la direction de Pierre Hétu.

Selon Raymond Ericson du New York Times (11 août 1968), « l'oeuvre est plus qu'une simple curiosité, tout au moins dans la reconstitution de Ridout. Par la forme et le style, elle s'apparente aux oeuvres scéniques des contemporains de Quesnel comme Grétry. Elle possède un charme considérable. Certaines des arias se distinguent par leur qualité toute folklorique ou leur charme mélodique, et on y trouve un attrayant duo. »

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