La chimie est la science qui étudie principalement la structure et les propriétés de la matière et les transformations de celle-ci. De nos jours, c'est l'une des sciences les plus complexes du point de vue théorique et méthodologique, et ses débuts remontent à l'alchimie du Moyen Âge. Comme elle étudie la matière au niveau fondamental, elle a des liens avec les sciences physiques (voir Physique), les sciences de la vie (voir Biochimie; Médecine contemporaine) et les sciences de la terre (voir Géologie; Géochimie). En plus d'expliquer des phénomènes naturels, les études de chimie servent à fabriquer un grand nombre de produits essentiels à la vie quotidienne, qu'il s'agisse d'aliments, de médicaments, de chaleur ou d'électricité, en passant par les substances employées en arts visuels. Les ingénieurs chimistes se spécialisent dans l'application des connaissances théoriques à l'industrie.
Histoire et formation au Canada
La chimie est enseignée pour la première fois (1720) au Séminaire de Québec (en 1852, institution qui parrainera l'Université Laval). Le premier Canadien à rédiger un manuel de chimie est J.-B. Meilleur, dont le Cours abrégé de leçons de chymie est publié à Montréal en 1833. En 1825, King's University à Windsor, en Ontario, reconnaît la chimie comme discipline universitaire et l'inclut dans son programme d'enseignement. Dès 1900, toutes les universités de l'Est du Canada ont un département de chimie et offrent des baccalauréats spécialisés en sciences. Elles ont établi des sections : chimie physique, chimie organique (étude des composés du carbone) et chimie minérale. Toutefois, le taux d'obtention de diplômes en chimie n'est pas élevé.
À la fin de la Première Guerre mondiale, un intérêt pour la recherche se manifeste, et les universités des quatre provinces de l'Ouest ouvrent à leur tour des départements de chimie. Après la Deuxième Guerre mondiale, les installations d'enseignement prennent de l'expansion et cela se poursuit jusqu'au début des années 1970. Au cours des années qui suivent, les programmes du baccalauréat spécialisé en chimie deviennent plus flexibles; ils s'ouvrent sur un plus grand nombre d'activités interdisciplinaires et les techniques instrumentales jouent un rôle beaucoup plus important dans l'apprentissage en laboratoire. À partir de la fin des années 1970 et du début des années 1980, le développement des départements de chimie fait une pause en raison des restrictions budgétaires, et le nombre d'étudiants inscrits aux études supérieures demeure constant. Certaines écoles et facultés fusionnent matériel et personnel avec ceux des institutions voisines pour établir des instituts de recherche en chimie.
L'élève apprend d'abord la chimie à l'école secondaire. Pour devenir chimiste, il doit étudier à l'université. Le cours universitaire comprend de l'enseignement magistral et des expériences en laboratoire. Après trois ou quatre ans, l'étudiant obtient un baccalauréat. Le diplômé poursuit alors des études supérieures ou travaille, par exemple, dans les domaines suivants : contrôle de la qualité et régulation de procédés, analyse, planification et surveillance en matière d'environnement, représentation technique, étude de marché, rédaction technique, gestion. Les détenteurs d'une maîtrise ou d'un doctorat peuvent se consacrer à la recherche et à l'enseignement dans des institutions d'enseignement postsecondaire ou dans des instituts de recherche ou trouver un emploi dans l'industrie chimique ou des secteurs connexes. À l'université, on enseigne les disciplines connexes comme la biochimie et le génie chimique, et dans les collèges d'enseignement postsecondaire, la technologie chimique.
Les principes de chimie servent, à certaines occasions, dans la plupart des industries parce qu'on doit y faire l'analyse chimique des matières premières et des produits finis. Parmi les principaux employeurs, on trouve les industries suivantes : chimie, pâtes et papiers, métallurgie, aliments et boissons, caoutchouc, matières plastiques, pharmacie, pétrole, enduits protecteurs, textiles, explosifs et énergie nucléaire. Pendant la Première Guerre mondiale, l'ancienne entreprise Shawinigan Chemicals Ltd. fut la première au Canada à faire de la recherche en chimie industrielle. Ses chimistes mirent au point un procédé commercial pour fabriquer de l'acétone nécessaire à la production des explosifs. De nos jours, la plupart des entreprises dynamiques ont un secteur recherche et développement scientifiques. Les gouvernements fédéral et provinciaux, et quelques gouvernements municipaux, emploient des chimistes dans leurs laboratoires de contrôle et leurs instituts de recherche.
Le Conseil national de recherches du Canada (CNRC), organisme du gouvernement fédéral, est fondé en 1916. Les divisions des services de laboratoire voient le jour en 1928. L'un des scientifiques du CNRC, Gerhard Herzberg, reçoit le prix Nobel de chimie en 1971 pour ses travaux en spectroscopie. (Voir aussi Les prix Nobel et le Canada.) En 1986, John Charles Polanyi, du département de chimie de l'U. de Toronto, est un des récipiendaires du prix Nobel de chimie pour ses travaux sur la chimiluminescence infrarouge. Les sept conseils de recherche provinciaux ont des programmes importants en chimie; le premier d'entre eux fut l' Alberta Research Council (1921). Les universités canadiennes sont les principaux endroits où l'on pratique la recherche fondamentale en chimie.
Les premiers travaux dignes de mention furent réalisés par le physicien Ernest Rutherford et par le chimiste Frederick Soddy à l'U. McGill au début du siècle. Ils proposèrent la théorie générale de la désintégration atomique, ce qui valut à Rutherford le prix Nobel de chimie en 1908.
Applications de la chimie
Les principes de chimie trouvent des applications chaque jour dans de nombreux domaines. En fait, notre organisme lui-même est un assemblage de petites usines chimiques qui fabriquent d'innombrables produits, depuis les acides de la digestion jusqu'aux produits chimiques organiques peu connus comme la noradrénaline dans le cerveau. Les mêmes principes sont utilisés pour extraire les produits chimiques de leur milieu naturel (de la terre ou de l'air) et pour les transformer afin d'améliorer notre qualité de vie. On exploite des mines et des carrières pour en retirer des produits chimiques inorganiques (sel et potasse) et des minéraux inorganiques (calcaire et gypse) ainsi que des minerais de métaux non ferreux. Le sol renferme aussi des composés organiques (qui contiennent du carbone) comme le pétrole et le gaz naturel. D'autres produits chimiques inorganiques sont extraits de l'air, comme l'azote, l'oxygène, l'argon et le néon. Certains produits proviennent des industries chimiques ou sont des sous-produits des fonderies et des raffineries de pétrole.
Sociétés et revues
Les premières sociétés de chimie sont formées en 1902 : la McGill Chemical Society à Montréal et la division canadienne de la Society of Chemical Industry (Royaume-Uni) à Toronto. Plus de cent personnes assistent à la première conférence nationale qui a lieu à Ottawa en 1918, à la suite de laquelle on fonde la première société nationale, le Canadian Institute of Chemistry (1921). Cet institut fusionne avec d'autres groupes en 1945 pour former une nouvelle société scientifique nationale, l'Institut de chimie du Canada (ICC). En 1993, l'ICC regroupe 4500 chimistes, 1550 ingénieurs chimistes et 500 technologues chimistes. L'ICC chapeaute trois sociétés constitutives, la Société canadienne du génie chimique (fondée en 1966), la Société canadienne de technologie chimique (1973) et la Société canadienne de chimie (1985).
En Ontario, au Québec et en Alberta, trois sociétés distinctes représentent les intérêts généraux (non scientifiques) que portent les chimistes à des questions provinciales. Les chimistes canadiens ont également à leur disposition un certain nombre de périodiques. Le Canadian Journal of Research est fondé en 1929 par le CNRC pour publier toute recherche originale, peu importe le domaine scientifique. Par la suite, il est remplacé par plusieurs périodiques destinés à des disciplines différentes, comme le Journal canadien de chimie, la Revue canadienne de biochimie et biologie cellulaire (aujourd'hui Biochimie et biologie cellulaire) et le Canadian Journal of Technology. Ce dernier est cédé à l'ICC (puis à la SCGC) en 1956; on lui donne alors le nom de Canadian Journal of Chemical Engineering. L'ICC publie aussi une revue pour les informations générales dans le domaine de la chimie, Chemistry in Canada (1949), qui porte le nom de L'Actualité chimique canadienne depuis 1984 (voir aussi Divisions de la chimie).
Chimie et les autres disciplines
La chimie est étroitement associée aux autres disciplines de science et de génie. Dans les années 1960, les scientifiques de Merck Frosst Ltd., à Montréal, entreprennent des recherches sur de nouveaux médicaments pour combattre l'hypertension artérielle. Une équipe de chimistes, s'appuyant sur des travaux de leurs collègues en biologie et en pharmacologie, effectuent la synthèse de nouveaux produits organiques pour trouver des molécules candidates et, vers la fin des années 1960, mettent au point une nouvelle substance appelée maléate de timolol, un médicament qui semblait des plus prometteurs.
Des études de génie chimique permettent de mettre au point un procédé de production commerciale et le médicament est évalué au cours d'un programme de recherche et de développement pharmacologique.
À la fin des années 1970, le maléate de timolol satisfait au processus d'évaluation de l'organisme fédéral de réglementation pharmaceutique et mérite une réputation de traitement efficace dans plusieurs domaines de la médecine. Sa mise au point et sa production ont nécessité la collaboration de chimistes, de biologistes, de toxicologues, de pharmacologues, d'ingénieurs chimistes, de médecins et de pharmaciens.
Produits chimiques inorganiques
En général, les gens ne sont pas tellement au courant de l'importance des produits chimiques inorganiques pour les industries canadiennes. Tous savent qu'on utilise du sel ordinaire pour l'assaisonnement des aliments. Cependant, peu savent que le sel est la matière première dans la production du chlore, de la soude caustique et du chlorate de sodium. De plus, ces substances sont essentielles à la fabrication de divers produits : pâte de bois, matières plastiques, médicaments, désinfectants, pesticides, agents de blanchiment, céramique, cosmétiques, verre, rayonne, détergents et aluminium. Il y a environ 130 ans, le Canada était le plus grand exportateur de composés de potassium, extraits par lixiviation des cendres de bois et utilisés dans la fabrication du savon. Il est encore un grand exportateur de composés de potassium sous forme de potasse (utilisée dans les engrais) provenant d'importants gisements en Saskatchewan. Le calcaire est aussi une matière première importante. Chauffé dans des fours, il se transforme en chaux; celle-ci sert de fondant pour la fusion du minerai de fer et des minerais non ferreux, et pour la fabrication de la lessive de cuisson pour la pâte de bois.
Jusqu'à l'implantation de l'industrie pétrochimique au Canada au cours de la Deuxième Guerre mondiale, le calcaire inorganique constitue la base de l'industrie chimique organique, dont les activités se déroulent principalement à Shawinigan, au Québec. On fait réagir du calcaire et du coke dérivé du charbon afin de produire du carbure de calcium et, par la suite, de l'acétylène, à partir duquel on fabrique un grand nombre de composés organiques, de résines synthétiques et de matières plastiques. L'acétylène sert aussi en soudure. Le cyanamide est le produit de départ pour la fabrication des résines mélamine-formaldéhyde utilisées dans l'industrie des plastiques pour faire de la vaisselle. On abandonne le procédé à base de cyanamide dans les années 50. Une fois calcinée, la roche de gypse perd son eau et peut servir à la fabrication de panneaux de revêtement en placoplâtre ou, sous forme de poudre, à faire des moules qui servent en médecine ou dans les arts. Le gypse ralentit également le temps de durcissement du ciment Portland, lui-même fait de calcaire chauffé avec de l'argile dans de grands fours rotatifs. L'ammoniac, autre substance inorganique utile, provient d'une combinaison d'azote et d'hydrogène. L'ammoniac et ses dérivés servent d'engrais et permettent également de fabriquer divers produits : médicaments, cosmétiques, détergents, colorants et pesticides.
Les industries métallurgiques sont aussi des sources importantes de produits chimiques inorganiques divers qui proviennent des opérations de fusion. Ainsi, depuis les années 1920, le soufre et l'acide sulfurique sont récupérés des fumées qui s'échappent de la fusion des minerais. Le soufre et l'acide sulfurique se rencontrent dans la fabrication d'un grand nombre de produits et servent à de nombreux procédés chimiques, depuis les engrais et les détergents jusqu'au raffinage des métaux non ferreux et du pétrole. De grandes quantités d'azote et d'oxygène gazeux sont utilisées pour la soudure, la congélation des aliments et la médecine. Les gaz rares (l'argon et le néon) servent dans les enseignes lumineuses et en soudure quand des atmosphères inertes sont nécessaires. Le gaz naturel acide de l'Alberta est aujourd'hui la principale source de soufre. La récupération du soufre provenant des fumées de fonderies et du gaz naturel acide réduit la gravité des pluies acides au Canada.
Produits chimiques organiques
Les produits chimiques organiques sont fabriqués à partir du pétrole brut et du gaz naturel et, en plus petites quantités, de graisses animales et d'huiles végétales. Ce sont des éléments importants de nombreux biens de consommation. Les gisements de pétrole brut canadiens ont permis d'implanter une industrie pétrochimique dont les produits sont nombreux : alcools, antigel, résines plastiques, solvants, caoutchouc synthétique, fibres textiles synthétiques et noir de carbone. Le gaz naturel sert à produire des substances chimiques comme l'alcool méthylique et le soufre élémentaire. Avant la fabrication des produits pétrochimiques, seule la sidérurgie canadienne fournissait benzène, toluène et autres produits chimiques à base de charbon. La gazéfication et la liquéfaction du charbon pourraient devenir des sources de substances organiques quand les réserves de pétrole ne seront plus aussi abondantes.
Produits chimiques fins et spécialités chimiques
Ces produits diffèrent des produits chimiques « lourds » vendus en très grandes quantités et utilisés dans divers procédés industriels. Les spécialités chimiques incluent aérosols, détergents, produits chimiques de traitement des eaux, produits ignifuges, ingrédients et colorants alimentaires, agents antiparasitaires, produits chimiques sanitaires, cires et encaustiques. Les produits chimiques fins (comprenant les médicaments) sont des produits à usages particuliers fabriqués d'abord dans les pharmacies locales dès la fin du 19e siècle. Ainsi, en 1847, quatre mois seulement après l'utilisation, pour la première fois, du chloroforme en obstétrique, un pharmacien-chimiste entreprenant de Pictou, en Nouvelle-Écosse, fabrique ce produit.
Pendant la Première Guerre mondiale, on commence à fabriquer de grandes quantités de produits chimiques fins, comme de l'acide acétylsalicylique (aspirine). La production de produits médicamenteux n'a cessé de croître depuis ce temps pour inclure toute une gamme de produits comme les vitamines, les hormones et les antibiotiques. Parmi les autres produits chimiques fins fabriqués au Canada, on note : la vanilline artificielle comme agent de saveur; l'acide citrique pour les aliments et les boissons gazeuses; les sels d'argent et d'iode pour l'industrie de la photographie; l'acide stéarique et les stéarates de métaux pour les peintures, les lubrifiants, les produits hydrofuges et les matières plastiques; les désinfectants pour la fabrication des détergents et l'entretien ménager; les produits chimiques à base d'argent pour la galvanoplastie; les sels de cobalt pour l'accélération du séchage des peintures; l'iodure de potassium ajouté au sel de table comme mesure préventive contre le goitre. Il est intéressant de noter qu'au Canada, la vanilline est un dérivé de l'industrie des pâtes et papiers et qu'un autre sous-produit, la lignine, entre dans la composition des boues de forage pour l'exploration pétrolière.
Contrairement à l'industrie de produits chimiques qui fabrique des substances, l'industrie chimique de transformation utilise ces substances pour fabriquer ses produits. Les principaux exemples d'industries « utilisatrices » de produits chimiques comprennent : les pâtes et papiers (emploi de soufre, d'acides, d'alcalis, d'agents de blanchiment, d'amidon, de colles, de colorants et de pigments); les pneus et articles de caoutchouc (emploi de caoutchouc synthétique, de noir de carbone, de matières de charge, d'antioxydants, de lubrifiants, d'antiozonants et de détergents); la plasturgie (emploi de résines synthétiques, de noir de carbone, de matières de charge et de colorants); les textiles (emploi de fibres synthétiques, de savons, de détergents et de teintures). D'autres domaines, comme l'agriculture et l'alimentation, utilisent des produits chimiques tels que : engrais, herbicides, fongicides, insecticides et autres produits pour la protection des récoltes; dioxyde de soufre pour la fabrication de l'amidon.