La biochimie a pour but l'étude de la nature chimique des êtres vivants et des transformations chimiques qui s'y produisent. Les organismes vivants sont constitués de nombreux types de molécules (biomolécules) qui, une fois isolées et soumises à un examen, ne présentent aucune caractéristique particulière « de vie », mais qui ont un comportement chimique normal. Les propriétés de certaines de ces molécules, en particulier des plus grosses, sont complexes et abstraites, mais elles résultent de l'application des lois de la chimie et de la physique. La façon dont ces biomolécules sont assemblées à l'intérieur de la cellule et la manière dont elles se produisent déterminent les caractéristiques particulières des organismes vivants. La méthodologie utilisée en biochimie découle en grande partie de la physique, de la chimie, de l'immunologie et de la génétique.
Historique
C'est au cours des dernières décennies du 19e siècle que la biochimie fait son apparition au Canada et dans le monde. À l'origine, c'est généralement dans le cadre des facultés de médecine que des chimistes enseignent la biochimie. Ainsi, R.F. Ruttan et Sir William Osler organisent un cours de chimie clinique et physiologique à l'Université McGill en 1883. Le département de biochimie, fondé par Archibald Byron Macallum à l'Université de Toronto est le premier au Canada et le second dans l'Empire britannique. Maud L. Menten, qui a étudié avec Macallum, a travaillé, en association avec le biochimiste allemand Leonor Michaelis, à mieux comprendre la cinétique des réactions enzymatiques; l'équation fondamentale encore utilisée en cinétique enzymatique est connue sous le nom d'équation de Michaelis-Menten.
Recherches en milieu universitaire
Au cours des trois premières décennies du 20e siècle, la recherche en biochimie se fait essentiellement dans les universités. Les universités suivantes offrent des cours de biochimie : l'Université du Manitoba, 1909 (département, 1923); l'Université de Montréal, 1911 (département, 1951); l'Université Queen's, 1914 (département, 1937); l'Université de l'Alberta, 1915 (département, 1922); l'Université de la Saskatchewan, 1916 (département, 1946); l'Université Western, 1921; l'Université Dalhousie, 1924; l'Université de la Colombie-Britannique, 1927 (département, 1950); l'Université Laval, 1928 (département, 1940). La plupart des universités canadiennes offrent maintenant des cours de biochimie dans les facultés de médecine, de sciences et d'agriculture. De plus, un grand nombre de facultés d'agriculture offrent des programmes de biochimie végétale.
Au cours des années d'implantation de la biochimie en tant que discipline distincte, des chercheurs canadiens poursuivent d'excellents travaux de recherche dans tous les domaines de la biochimie, des protéines céréalières aux substances inhibitrices de réactions neurales, comme celles du cerveau. Les biochimistes médicaux ont largement contribué à l'étude des hormones (endocrinologie), des groupes sanguins, du métabolisme des éléments chimiques (zinc, soufre) et des protéines.
Le premier événement remarquable à survenir au Canada est la réussite de la première extraction d'INSULINE du tissu pancréatique, à des fins thérapeutiques pour le traitement du diabète. Sir Frederick Banting, Charles Herbert Best et John James Richard Macleod participent à cette découverte, ce qui vaut à Banting et à Macleod un prix Nobel en 1923. (Voir aussi Les prix Nobel et le Canada.) La participation de James Bertram Collip à la mise au point des procédés de purification qui permettent l'utilisation de l'insuline sur des humains est très importante; on lui attribue la découverte de la parathormone, à l'Université de l'Alberta. (Voir aussi Découverte de l’insuline.)
Parmi les autres recherches qui ont des applications directes dans le domaine médical, il faut compter les premières études sur la toxémie et la nausée au cours de la grossesse, menées par Victor John Harding (Université McGill et de l’Université de Toronto), qui donnent lieu à l'application de la thérapie glucidique. D'autres recherches sont également effectuées dans divers domaines. Ainsi, Earle Willard McHenry (Connaught Laboratories, à l'Université de Toronto) entreprend des recherches sur la production d'extraits glandulaires qui aboutissent à un processus de préparation d'extraits de foie actifs pour usage oral (utilisés plus tard en injections intramusculaires) dans les cas d'anémie pernicieuse. De leur côté, J.S. Browne et Eleanor Venning (Université McGill) étudient les stéroïdes. Browne s'intéresse au métabolisme des protéines chez les victimes en état de choc.
Plus récemment, les recherches en milieu universitaire ont apporté des progrès importants en biochimie : élaboration de méthodes de mutagénèse sous la direction de Michael Smith (Université de la Colombie-Britannique), qui lui a permis de partager le prix Nobel de chimie en 1993; réalisation de recherches célèbres sur la structure et la fonction des protéines (U. de l'Alberta), faisant appel à des méthodes innovatrices en cristallographie et en résonance magnétique nucléaire des protéines; découverte, par J. Wang (U. du Manitoba, U de Calgary), de la calmoduline, une importante protéine impliquée dans la régulation de fonctions cellulaires; découverte et délimitation du rôle des protéines fixatrices de calcium par D. MacLennan et ses collègues (U. de Toronto).
Recherches dans les instituts
Au cours des années 80 en particulier, les recherches en biochimie se multiplient dans certains centres médicaux d'instituts associés à des hôpitaux. Notons, entre autres, l'Institut de recherches cliniques, l'Institut neurologique de Montréal et d'autres instituts en milieu hospitalier de Montréal; l'Institut de recherche du Hospital for Sick Children, et, à Toronto, le Samuel Lunenfeld Institute et le Mount Sinai Hospital. Dans ces instituts, d'importants progrès sont réalisés en biochimie, comme les recherches sur la synthèse des hormones peptidiques (Michel Chrétien), la découverte du gène de la mucoviscidose (Lap-Chee Tsui) et la description des composants responsables de la transduction d'un signal cellulaire (T. Pawson).
Instituts de recherches fédéraux
Dès la fin des années 30, des biochimistes des instituts de recherches fédéraux contribuent de façon substantielle au développement de la biochimie et un grand nombre de leurs réalisations ont des applications immédiates. Le Conseil national de recherches du Canada est le point de départ de la recherche en biochimie avec la mise sur pied, en 1932, de laboratoires appropriés.
À l'origine, la recherche au CNRC revêt un aspect très pratique. Elle se consacre, par exemple, à la transformation et à la conservation des aliments, aux effets des hormones sur le blé et, plus tard, à la conservation des échantillons de sang humain. Puis, la recherche aborde des sujets plus diversifiés et on cesse de mettre l'accent sur les applications alimentaires. Plus récemment, elle englobe les processus biochimiques des micro-organismes (lipoprotéines et structure ribosomique). Le CNRC a établi son Institut de recherche en biotechnologie à Montréal.
Énergie atomique du Canada Limitée possède des centres de recherche biochimique sur les effets des radiations. Les laboratoires de Santé et Bien-être social Canada, disséminés dans tout le pays, permettent les analyses nécessaires à la mise en application de la Loi sur les aliments et drogues. La division de foresterie du ministère des Ressources naturelles et le ministère des Pêches et Océans du Canada ont tous deux des laboratoires de biochimie.
Agriculture Canada mène des recherches nombreuses et variées (contenu protéinique des céréales, méthodes d'amélioration de ce contenu, propriétés de cuisson qui en dépendent, métabolisme des toxines végétales, champignons pathogènes, acides gras des graines oléagineuses, synthèse des hormones chez les espèces animales et pathologie animale).
Recherches dans l'industrie
Si, dans le passé, la recherche et le développement en biochimie ont longtemps été laissés pour compte dans l'industrie au Canada, plusieurs facteurs ont contribué à un regain d'activité. Des modifications apportées à la Loi sur les brevets concernant les médicaments ont relancé la recherche sur la mise au point de produits pharmaceutiques dans des laboratoires comme ceux de Merck-Frosst, par exemple, lequel a investi beaucoup dans ses centres de recherche à Montréal. Sanofi Pasteur Limitée à une excellente réputation en recherche et développement, en matière d'hormones protéiques et de vaccins.
De nouvelles entreprises en biotechnologie s'établissent en grand nombre au Canada, à la suite, bien souvent, de retombées des recherches universitaires. Mentionnons, entre autres, QuadraLogics (Vancouver), BioMira (Edmonton) et Biochem Pharma (Montréal).
La biochimie offre d'importantes applications pratiques dans les industries des aliments et boissons. Un grand nombre de fabricants possèdent des laboratoires de contrôle de la qualité, alors que certains autres, comme Aliments Maple Leaf Inc. et Labatt, ont des laboratoires de recherches.
Financement
La recherche au Canada est en grande partie subventionnée par le gouvernement fédéral. C'est le Conseil de recherches médicales du Canada qui est le principal coordonnateur des subventions accordées aux chercheurs et aux groupes de recherches. (Voir aussi Instituts de recherche en santé du Canada.)
Sociétés
À l'exception de la Société royale du Canada, c'est la Société canadienne de physiologie, fondée en 1934, qui fut la première association nationale à compter dans ses rangs une bonne proportion de biochimistes. La Société canadienne de biochimie (aujourd'hui la Société canadienne de biochimie et de biologie moléculaire) est une ramification de cette association. La Fédération canadienne des sociétés de biologie date de 1957.