Le bilinguisme est la faculté de parler ou d'écrire couramment deux langues. Au Canada, le terme a pris une connotation plus particulière : c'est la faculté de communiquer (ou le fait de communiquer) dans les deux langues officielles du Canada, l'anglais et le français. Selon le recensement de 2021, 18 % de la population canadienne est en mesure de parler l'anglais ainsi que le français.
Voir aussi anglais canadien; langue française au Canada; Langues autochtones au Canada; Langues en usage au Canada.
Le bilinguisme a pris une tournure formelle dans la politique linguistique fédérale du Canada, quand le gouvernement a tenté de répondre à une question sociale difficile : jusqu'à quel point est-il possible de faire des compromis (légalement et en pratique) pour permettre aux deux communautés linguistiques officielles de préserver leur caractère culturel distinct, tout en poursuivant des objectifs communs? Pour les institutions gouvernementales, « le bilinguisme d'État » consiste à fonctionner dans les deux langues, sans que chacune ne soit obligée d'être bilingue.
Historiquement, le bilinguisme d'État a pris en considération les réalités de la colonisation et du développement du Canada. L'idée que les communautés anglophones et francophones ne devraient pas seulement coexister, mais aussi se compléter est centrale à la fondation de la confédération canadienne. La loi constitutionnelle de 1867 (autrefois appelé l'Acte de l'Amérique du Nord britannique) a fait de l'anglais et du français les langues législatives et juridiques des institutions du Québec et du Canada. Il a aussi prévu le droit à l'enseignement confessionnel, qui était alors étroitement associé aux traditions linguistiques et culturelles des anglophones (protestants) et des francophones (catholiques romains).
Le développement de la nature bilingue et biculturelle de la confédération canadienne n'a pas tardé à connaître des écueils, en partie parce que ses principes n'étaient pas appliqués de façon uniforme, en partie par intolérance linguistique. Bien que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et l'Acte du Manitoba (1870) aient accordé un statut officiel à la langue française au Québec et au Manitoba, les populations francophones importantes de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick n'ont pas bénéficié d'une reconnaissance similaire. De plus, à la fin du 19e et au début du 20e siècle, dans tout le Canada, une série de promulgations législatives ont restreint sérieusement l'éducation en français et pratiquement éliminé l'usage du français dans les législatures et les cours provinciales en dehors du Québec (voir Canadiens français dans l'Ouest ).
Bien que les conséquences de ces promulgations et d'autres mesures similaires restent, à juste titre, gravées dans la mémoire de nombreux Canadiens, le Canada a montré, depuis la Deuxième Guerre mondiale, un regain d'intérêt pour le statut officiel de l'anglais et du français et pour la destinée des communautés linguistiques minoritaires de tout le pays. En même temps, les aménagements démographiques, et en particulier la tendance des francophones hors Québec à s'assimiler à la communauté anglophone, ont accru la polarisation entre les groupes linguistiques officiels(voir aussiAnglo-Québécois). En retour, cela a attiré l'attention sur la relation qui existe entre la justice linguistique et l'unité nationale. De plus en plus, on considère que la promotion de la langue et de la culture française au Canada et la réaffirmation des droits de la langue et de la culture anglaise au Québec sont essentielles pour maintenir un degré raisonnable d'intégrité nationale.
Loi sur les langues officielles
La Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963-69) a clairement exposé les problèmes et les exigences du bilinguisme dans les structures nationales. Les recommandations de la Commission partaient de l'idée que, du moment qu'elles étaient d'une certaine importance, l'on devrait garantir aux minorités françaises et anglaises de tout le Canada des services publics dans leur langue et leur fournir aussi souvent que possible des occasions de s'exprimer dans leur langue. La Commission a aussi vivement conseillé que le français devienne, avec l'anglais, l'une des langues normales du travail au sein de l'administration fédérale. Elle a recommandé que la correspondance et les documents gouvernementaux soient généralement disponibles dans les deux langues. La Commission a de plus insisté sur le fait qu'il y avait place, dans un état officiellement bilingue, pour d'autres formes de pluralismes linguistiques et culturels, de façon à ce que le bilinguisme et le multiculturalisme puissent se compléter.
Le travail de la Commission a mené à l'adoption de la Loi sur les langues officielles (1969), conçue pour être la pierre angulaire du bilinguisme d'État canadien. La Loi, qui proclame l'« égalité de statut » de l'anglais et du français au Parlement et dans les services publics, s'applique à tous les ministères fédéraux, à tous les corps juridiques ou quasi juridiques, aux organismes administratifs et aux corporations de la Couronne jouissant du statut fédéral.
En plus de prescrire des réformes fédérales et de fonder le bureau du Commissaire aux langues officielles (maintenant le Commissariat aux langues officielles), de façon à assurer l'application de ces réformes, la Loi a entraîné des initiatives qui ont dépassé le cadre de l'administration fédérale. Avec l'aide et le soutien financier d'Ottawa, les gouvernements des provinces ainsi que certains secteurs parapublics et privés ont entrepris de réexaminer leurs politiques linguistiques, au moins pour les services qu'ils offraient. Ils ont fait des efforts pour parvenir à une politique de bilinguisme d'État. Une nouvelle loi a été votée en 1988 (voir Loi sur les langues officielles (1988)).
Politiques provinciales
Le succès de toute politique canadienne portant sur le bilinguisme est étroitement lié à la collaboration des provinces. Les pouvoirs des provinces en matière de justice, de services publics et d'éducation, ne peuvent être qu'indirectement influencés par les politiques fédérales. Pour achever le tableau, de nombreux services administratifs, judiciaires, sociaux et éducatifs, doivent être fournis par les autorités municipales et provinciales dans des régions où les groupes linguistiques minoritaires sont importants.
Le Nouveau-Brunswick a voté en 1969 une Loi sur les langues officielles, octroyant un statut et des droits égaux aux Anglais et aux Français. Depuis le début des années 70, l'Ontario a intensifié l'usage du français dans ses cours de justice et a voté un projet de loi garantissant des services en français dans les régions de la province où vivent la majorité des Franco-Ontariens. Quant au Manitoba, par suite d'un règlement de la Cour suprême de 1979, il est en voie de traduire ses lois en français et de transformer ses cours de justice pour en faire des institutions bilingues (voirFrancophones du Manitoba). La question de savoir si le Manitoba suivrait à la lettre ses exigences constitutionnelles a été au cœur d'un chaud débat, tant dans la province qu'à l'extérieur de celle-ci. En 1985, la Cour suprême donnait trois ans à la province pour traduire ses lois (voir Loi 101 (Charte de la langue française)).
En 1974, le Québec reconnaît le français comme sa seule langue officielle. Bien qu'un bon nombre de services gouvernementaux y soient disponibles en anglais (habituellement sur demande), cette province présente la singularité d'être bilingue sur le plan constitutionnel et dans les institutions fédérales, tout en ne reconnaissant officiellement que le français dans les institutions provinciales.
Soutenues, dans une certaine mesure, par le programme scolaire fédéral des langues officielles, toutes les provinces ont des programmes scolaires destinés aux minorités linguistiques. En outre, l'enseignement des langues secondes a fait de grands progrès partout au Canada, manifestement grâce à l'expansion des programmes d'immersion en français dans les écoles primaires (voir aussiCanadian Parents for French).
Charte canadienne des droits et libertés
En avril 1982, entre en vigueur la Charte canadienne des droits et libertés, qui a donné davantage de force aux principes constitutionnels déjà en place touchant l'usage des langues dans les cours fédérales et dans celles du Québec et du Manitoba. Elle a affirmé de nouveau que des services bilingues sont disponibles dans l'administration fédérale et confirmé que le Nouveau-Brunswick est la seule province complètement bilingue. Elle a innové également, en intégrant le droit à l'éducation dans une langue minoritaire au Canada, garantissant ainsi le droit des enfants nés de citoyens canadiens, s'ils se trouvent dans la situation d'une minorité linguistique officielle, de recevoir une éducation dans leur propre langue partout où leur nombre le permet. Cette garantie constitue la reconnaissance que l'éducation dans une langue minoritaire peut être la clé de la survie des communautés linguistiques dans tout le pays. Les principes de la loi du Nouveau-Brunswick établissant l'égalité de ses deux communautés linguistiques officielles ont été enchâssés dans la Charte en 1993.
La Charte définit ce qui était possible dans le domaine du bilinguisme d'État au moment de son entrée en vigueur, mais il est toujours possible de développer ses recommandations ou d'y ajouter des clauses. Dans ce domaine, le leadership des autorités fédérales et provinciales est essentiel pour parvenir au but qui est sous-jacent à la réforme linguistique au Canada, soit la possibilité pour tout individu, qu'il soit d'origine anglophone ou francophone, d'aller d'une province à l'autre sans avoir à renier ses droits linguistiques fondamentaux et son identité culturelle.