Activités
La BdC exécute son mandat selon trois angles principaux, soit les taux d’intérêt, la masse monétaire et la pression morale.
Taux d’intérêt
Les taux d’intérêt représentent le coût lié à la détention de monnaie. L’intérêt, qui est soit accumulé par le prêteur, soit versé par l’emprunteur, détermine le montant des prêts pouvant être consentis aux particuliers et aux entreprises. Les taux d’intérêt sont en grande partie déterminés par la BdC, en sa qualité de principal créancier des banques à charte et d’autres bailleurs de fonds (voir Coopératives de crédit). On désigne sous le nom de taux d’escompte le taux d’intérêt imposé par la BdC aux institutions du pays qui empruntent chez elle. Le taux d’escompte peut être revu à la hausse ou à la baisse par la BdC en tout temps. Toute modification au taux d’escompte se répercute dans les taux qu’exigent les banques à charte et les autres bailleurs de fonds des particuliers et des entreprises qui souhaitent emprunter chez eux. Par exemple, si la BdC réduit le taux d’escompte, les banques à charte pourront réagir en réduisant le taux d’intérêt qu’elles imposent à leurs emprunteurs, qui, à leur tour, auront tendance à emprunter plus. L’activité économique s’en voit alors stimulée. Si la BdC augmente le taux d’escompte, les banques à charte exigeront un taux plus élevé pour leurs prêts; les particuliers emprunteront alors moins d’argent.
Les taux d’intérêt ont également une incidence sur le taux de change du dollar canadien. De manière générale, lorsqu’augmente le taux d’escompte, il en va de même pour le nombre d’investisseurs étrangers souhaitant investir au Canada, ce qui a pour effet d’accroître la demande de dollars canadiens et d’augmenter la valeur du dollar par rapport à d’autres devises, et vice versa (voir Investissement étranger).
Masse monétaire
La BdC contrôle la quantité de papier-monnaie imprimé et le crédit dans l’économie canadienne. Lorsqu’elle souhaite augmenter la masse monétaire, elle achète des obligations du gouvernement fédéral auprès de particuliers et d’investisseurs du marché. Cette masse monétaire accrue peut alors servir à l’achat de plus de produits et services, ce qui augmente l’activité économique. Une activité économique accrue peut se traduire par une augmentation des prix, que l’on appelle inflation (voir Indice des prix à la consommation). Le processus inverse (chute des prix) s’appelle « déflation ». La BdC publie régulièrement des statistiques décrivant en détail la fluctuation de la masse monétaire dans l’économie (voir Politique monétaire).
La BdC est responsable de la conception, de la production et de la distribution des billets de banque canadiens. La Monnaie royale canadienne, une société d’État, est quant à elle chargée de la conception, de la production et de la distribution des pièces de monnaie.
Pression morale
En tant qu’organisme régissant l’industrie bancaire, la BdC peut exercer une pression sur les banques à charte pour les inciter à ajuster leurs politiques bancaires. Par exemple, au milieu des années 1950, la BdC, constatant une hausse marquée des emprunts des consommateurs pour l’achat de biens durables neufs (p. ex., machines à laver, téléviseurs, voitures), a voulu ralentir l’inflation en faisant pression sur les banques pour qu’elles durcissent leurs conditions de prêt aux consommateurs et aux entreprises. Dans les dernières années, la BdC a exprimé certaines préoccupations aux banques quant à la montée en flèche du prix des logements et du taux d’endettement des ménages au pays (voir L’immobilier au Canada). C’est ce qu’on appelle la pression morale. La BdC l’exerce par des moyens publics et privés afin de persuader l’industrie financière de prendre une direction particulière. La BdC publie des recherches économiques approfondies à l’appui de ses politiques.
Histoire de la Banque du Canada
Le Canada n’a pas toujours été doté d’une banque centrale. Alors que se développe le système financier canadien au 19e siècle – et comme aucune crise bancaire d’importance ne survient à cette époque –, on ne voit pas la nécessité d’établir une banque centrale. À la place, c’est la plus grande banque du pays, la Banque de Montréal, qui agit à titre de banque non officielle du gouvernement fédéral. Afin de superviser les banques, d’apporter les changements nécessaires et d’inciter les banques à restreindre leur prise de risques et à mener leurs activités prudemment, le gouvernement fédéral incorpore des périodes d’examen de dix ans obligatoires à la Loi sur les banques, promulguée en 1871. La Loi régit les activités bancaires et le renouvellement de la charte des banques (tous les cinq ans à partir de 1992). À l’époque, chaque banque émet ses propres billets de banque ou sa propre monnaie, qui sont échangeables entre les différentes banques.
En vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, seul le gouvernement fédéral est autorisé à octroyer des chartes aux banques (voir Banques à charte). Ce contrôle centralisé signifie que les gouvernements provinciaux ne peuvent faire obstacle d’aucune façon à la création de monnaie pour satisfaire leurs intérêts régionaux ou politiques (voir Économie régionale). Les banques sont désormais des institutions financières nationales dès leur établissement, ce qui vient diversifier le risque global de l’industrie bancaire en permettant aux banques de répartir le risque lié aux prêts dans différentes régions et différents secteurs d’activité.
Au lendemain de la Confédération, la Loi sur les banques stipule que la moitié des réserves d’une banque à charte doit être détenue en obligations du gouvernement fédéral, que l’on appelle « billets du Dominion ». Le gouvernement fédéral est ainsi en mesure de maintenir un certain contrôle sur la masse monétaire, étant donné que les billets du Dominion servent de garantie pour le papier-monnaie émis par les différentes banques à charte.
En cas de faillite bancaire, on se tourne à cette époque vers la Banque de Montréal pour diriger les efforts du secteur afin de réduire les effets globaux sur l’industrie et résoudre la situation. En 1900, l’Association des banquiers canadiens (ABC), un regroupement sectoriel des banques à charte du pays, est officiellement constituée, avec l’autorisation du gouvernement fédéral d’évaluer le dossier de tout candidat désireux d’obtenir une charte bancaire. Cela confère au secteur la capacité de s’autoréguler, en plus de déboucher sur la création du premier système de compensation centralisé pour les monnaies des banques sous la supervision de l’ABC.
Pressions en faveur de l’établissement d’une banque centrale
L’absence d’une banque centrale au Canada crée d’importants problèmes à partir des années 1920. En 1923, la Loi sur les banques doit être révisée. On tient alors des audiences publiques. Sous la pression de l’ABC, la nouvelle Loi sur les banques est présentée et adoptée avec peu de modifications. Peu après, au cours de la même année, on assiste à l’effondrement de la Home Bank of Canada, suivi de nombreux problèmes dans d’autres banques du pays. La réaction du public – particulièrement celle des agriculteurs et des Canadiens de la classe moyenne – ne se fait pas attendre. En effet, nombreux sont ceux qui, avec la Home Bank, voient s’envoler presque toutes leurs épargnes et une source de crédit essentielle. On s’exprime de plus en plus en faveur de la mise en place d’une banque centrale pour surveiller et contrôler le système bancaire canadien, formaliser la politique monétaire nationale relativement aux taux d’intérêt et à la masse monétaire et élaborer une politique relative aux prêts de dernier ressort à mettre en application dans l’éventualité d’une autre faillite bancaire.
LE SAVIEZ-VOUS?
Un prêteur de dernier ressort est une institution (généralement, une banque centrale comme la Banque du Canada) qui propose des prêts aux banques et à d’autres institutions financières en difficulté.
Face à une forte pression du public, le gouvernement fédéral met sur pied en 1924 – avec l’appui de l’ABC – le Bureau de l’Inspecteur général des banques pour assurer la surveillance financière des banques à charte. Le gouvernement ne crée toutefois pas de banque centrale à ce moment-là.
Entre 1926 et 1929, le gouvernement fédéral émet ses billets du Dominion avec la promesse de payer en or au moment du rachat. Cette politique marque l’adoption, au Canada, de l’ étalon-or. Cela signifie que la masse monétaire est dorénavant liée aux réserves d’or détenues par le gouvernement. Étant donné que l’or est en approvisionnement fixe, il est maintenant plus difficile pour le gouvernement de gérer l’inflation, chose qui déplaît encore plus à la population.
Création de la Banque du Canada
Pendant la crise des années 30, la pression du public s’intensifie pour la création d’une banque centrale, particulièrement chez les agriculteurs, durement touchés. En guise de réponse, le gouvernement conservateur du premier ministre R. B. Bennett met sur pied en 1933 une Commission royale d’enquête sur le système bancaire et financier, mieux connue sous le nom de Commission Macmillan. Les recommandations du rapport final de la Commission donnent lieu à l’adoption de la Loi sur la Banque du Canada en 1934, puis à l’ouverture de la Banque du Canada l’année suivante.
La BdC, au départ de propriété privée, devient détenue majoritairement par le gouvernement fédéral en 1936, pour enfin être entièrement nationalisée en 1938. Son premier gouverneur est Graham Towers, ancien cadre dirigeant de la Banque royale du Canada.
La BdC devient la chambre de compensation officielle pour l’ensemble des banques à charte canadiennes, assumant le rôle auparavant joué par l’ABC. Toutes les banques à charte sont tenues de réduire graduellement leurs réserves internes de monnaie et de les remplacer par une monnaie nationale unique : le dollar canadien. Ce changement de contrôle dans l’émission de la monnaie a pour but d’apaiser les demandes populistes (provenant principalement des agriculteurs) pour accroître la masse monétaire et, par le fait même, le crédit.
Peu après la création de la BdC, et durant la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement fédéral, par l’entremise de la BdC, augmente la masse monétaire au sein du système financier afin de financer une production accrue de matériel de guerre. Pour ce faire, il emprunte des fonds auprès du système bancaire par le biais d’obligations du gouvernement fédéral émises par la BdC (voir Obligations d’épargne du Canada).
L’affaire Coyne
Un conflit survient quant à la manière dont la BdC souhaite maîtriser l’inflation et la croissance économique, incompatible avec celle privilégiée par le gouvernement fédéral. Ceci se produit au milieu des années 1950, lorsque la BdC tente de resserrer le crédit afin de freiner l’inflation. Au même moment, le gouvernement libéral du premier ministre Louis St-Laurent s’efforce d’accroître la masse monétaire et les prêts consentis à la population afin d’accroître la demande et de combattre le chômage. Cette période coïncide avec un changement de direction à la Banque du Canada, James Coyne succédant à Graham Towers comme gouverneur en 1955, et avec l’élection du gouvernement progressiste-conservateur de John Diefenbaker en 1957.
La controversée « affaire Coyne » qui s’ensuit est causée par un manque de clarté quant à la relation entre le gouvernement fédéral et la Banque du Canada, ainsi qu’à la détermination de la partie responsable de la politique monétaire.
James Coyne, peu friand des politiques du gouvernement fédéral, adopte une politique stricte en matière de lutte contre l’inflation. Il augmente les taux d’intérêt, se mettant à dos plus d’un homme politique, ainsi que de nombreux universitaires et membres du public. En 1960, c’est l’indignation dans le secteur public comme dans le secteur privé. 29 économistes universitaires envoient une lettre au ministre des Finances, dans laquelle ils expriment leur méfiance vis-à-vis de la direction de la Banque du Canada. En 1961, le gouvernement Diefenbaker exige la démission de James Coyne. Celui-ci refuse; le gouvernement rétorque en le congédiant par voie de projet de loi déclarant son poste vacant. Le Sénat rejette le projet de loi. Qu’à cela ne tienne, James Coyne présente sa démission peu de temps après.
L’épineuse question de la relation entre le gouvernement fédéral et la BdC est enfin résolue par négociation à l’élection de Louis Rasminsky comme gouverneur de l’institution en 1961. À partir de ce moment-là, la BdC jouit d’une indépendance complète par rapport au gouvernement fédéral pour la gestion de la politique monétaire. En 1967, des modifications apportées à la Loi sur la Banque du Canada viennent confirmer le contrôle quotidien par la BdC de la politique monétaire, avec cependant un bémol : c’est le gouvernement qui doit définir les objectifs globaux de la politique.
Poursuite des opérations
La BdC se fixe plusieurs objectifs politiques différents dans le cadre de ses activités, chacun étant fonction de l’évolution de l’environnement économique canadien et international. Durant les années 1950 et 1960, elle maintient un taux de change fixe avec le dollar américain dans le but d’améliorer le commerce avec ce pays (voir Commerce international). Cette politique est abandonnée en 1970; la BdC estime qu’il est insoutenable de maintenir des taux d’intérêt élevés et une croissance monétaire serrée qui entraînent un tel afflux de capitaux à court terme au pays, exerçant une pression à la hausse sur le dollar canadien. La Banque imprime alors plus de papier-monnaie, tentant de réduire la valeur du dollar canadien. Ceci a cependant pour effet d’augmenter la demande de biens et d’entraîner une hausse des prix et de l’inflation.
La Banque du Canada annonce en 1975 son intention d’adopter une nouvelle politique axée sur la croissance de la masse monétaire, avec l’objectif de mieux gérer l’inflation. Cela devient encore plus difficile lorsque les banques à charte introduisent de nouvelles innovations bancaires qui accroissent la rotation de l’argent dépensé dans l’économie (ou « vitesse de circulation de la monnaie »). En 1982, la Banque du Canada annonce qu’elle abandonne ses objectifs de croissance monétaire et qu’elle entend dorénavant se concentrer sur le contrôle des taux d’intérêt afin de lutter contre l’inflation. John Crow, élu gouverneur de la Banque du Canada en 1987, insiste beaucoup sur le fait que la priorité essentielle en matière de politiques à long terme de l’autorité monétaire sera la stabilité des prix, priorité que la Banque compte réaliser par la gestion des taux d’intérêt.
L’inflation ne montrant aucun signe de ralentissement, la Banque annonce en 1991 que son principal objectif sera désormais celui d’établir des cibles d’inflation. On vise au départ un taux d’inflation de 3 %, pour ensuite passer à 2 % avant la fin de la décennie. La politique de la BdC est toujours la même à ce jour.
Défis actuels
En 2015, la Banque du Canada dévoile un plan décrivant en détail la manière dont elle compte réagir aux crises économiques futures causées par des circonstances semblables à celles de la récession de 2008. La BdC se préoccupe particulièrement des difficultés éventuelles des institutions non bancaires, comme les fonds communs de placement, les fonds négociés en bourse, les portefeuilles de titres non liquides, les fonds spéculatifs et autres. Par exemple, quelle réaction exiger des autorités monétaires dans l’éventualité où un fonds commun de placement ne saurait répondre à une avalanche de demandes de rachat sur une courte période, ne disposant que d’une encaisse modeste?
Monnaie numérique
L’introduction de nouvelles technologies au sein du système financier constitue également un défi pour la Banque du Canada. Celle-ci révèle en 2016 qu’elle travaille à l’élaboration d’une cryptomonnaie canadienne (une version numérique du dollar canadien), en réponse à la popularité grandissante que connaissent le bitcoin et certaines autres monnaies numériques à chaînes de blocs. Cette initiative nécessitera l’émission, le transfert et la mobilisation des actifs monétaires de la banque centrale au moyen d’une comptabilité informatisée, au lieu de dollars imprimés. Des études et des essais expérimentaux sont en cours depuis 2016. Au nombre des banques qui participent à cette nouvelle initiative, citons la Banque royale du Canada, la banque CIBC et le Groupe financier Banque TD; les partenaires institutionnels comprennent Paiements Canada et TMX Group.
Gouverneurs de la Banque du Canada
Gouverneur |
Mandat |
1934-1954 |
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1955-1961 |
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1961-1973 |
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1973-1987 |
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1987-1994 |
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1994-2001 |
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2001-2008 |
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2008-2013 |
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Stephen Poloz |
2013-2020 |
Tiff Macklem |
2020-aujourd'hui |