Art des lieux publics | l'Encyclopédie Canadienne

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Art des lieux publics

Chez les autochtones d'Amérique du Nord, de nombreux peuples produisaient autrefois de nombreuses oeuvres d'art public, principalement sous forme de sculptures sur bois.
Parc commémoratif de la guerre à Ottawa
Le parc commémoratif de la guerre à Ottawa a été érigé à la mémoire des aviateurs morts au cours de la Deuxième Guerre mondiale, qui n'ont pas de lieu de repos connu (avec la permission de la Commission canadienne du tourisme).
Arc-en-ciel
Michael Hayden a créé cette sculpture pour la station Yorkdale du métro de Toronto, en 1978 (avec la permission de Michael Hayden).
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Peinture réalisée par le frère Luc à l'Hôpital général de Québec (photo de John de Visser).

Art des lieux publics

Les oeuvres d'art situées dans des lieux publics précis proviennent de commandes placées par des personnes ou des groupes. Parcs, édifices du gouvernement, banques, écoles, églises, hôtels, gares, sièges sociaux et restaurants sont quelques-uns des endroits où l'on présente des oeuvres fixes dont la composition, les dimensions et les proportions s'agencent au site environnant, qui en fait ressortir la signification. Le thème de l'oeuvre peut se rapporter à la fonction du bâtiment ou de l'espace qu'elle met en valeur. L'art dans les lieux publics est souvent produit à des fins de célébration, de propagande, de commémoration ou d'éducation. À sa fonction décorative peut s'ajouter un message politique, social ou religieux qui exprime l'idéologie du groupe ou de l'individu qui a commandé l'oeuvre.

Chez les autochtones d'Amérique du Nord, de nombreux peuples produisaient autrefois de nombreuses oeuvres d'art public, principalement sous forme de sculptures sur bois. Cet art remplissait à la fois des fonctions sociales et rituelles (voir ART AUTOCHTONE; ART INUIT; AUTOCHTONE DE LA CÔTE DU NORD-OUEST, ART).

Sous le régime français, la forme d'art la plus répandue dans les endroits publics était la SCULPTURE. Les peintures, importées pour la plupart, étaient de petite taille et pouvaient s'adapter à différents décors. Seul le frère LUC créait des peintures qui se mariaient à l'architecture des retables. En 1686, l'intendant Bochart de Champigny a fait ériger un buste en bronze de Louis XIV sur la Place Royale, à Québec. Des statues de saints dans des niches ornaient les édifices aux intersections et permettaient de reconnaître certaines rues. Des sculptures monumentales, le plus souvent en bois, ornaient les façades d'églises, par exemple celles de Sainte-Famille (île d'Orléans) et de Cap-Santé (Portneuf), et les retables du maître-autel étaient richement agrémentés de statues dorées, de bas-reliefs et de peintures. L'un des plus beaux exemples de retables, exécuté par Pierre-Noël LEVASSEUR et des membres de son atelier, se trouve à la chapelle des Ursulines de Québec.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les sculpteurs ont trouvé des débouchés dans la sculpture navale et ont fait connaître de part et d'autre de l'Atlantique les noms des chantiers navals et des armateurs du Québec et des Maritimes. La tradition de la sculpture religieuse et de la sculpture navale s'est perpétuée au cours du XIXe siècle grâce aux membres de la famille BAILLAIRGÉ, de Québec, et des ateliers de QUÉVILLON et de ses compétiteurs, de la région de Montréal.

Ces premières sculptures s'apparentaient aux traditions culturelles françaises et soulignaient la présence d'une autorité royale et catholique. Les changements qui ont résulté de la Conquête étaient principalement iconographiques. La nouvelle puissance politique était moins démonstrative, et les ÉDIFICES GOUVERNEMENTAUX étaient surmontés des armoiries britanniques. Le meilleur exemple de ce changement de régime politique consiste en une colonne de pierre dominant la ville de Montréal et érigée en 1808 pour célébrer la victoire de l'amiral Nelson à Trafalgar (1805). En 1828, un obélisque en pierre a été construit à Québec à la mémoire des généraux Montcalm et Wolfe. Il est devenu le premier d'une série de MONUMENTS austères érigés au Canada pour commémorer la vaillance dans la mort.

L'économie florissante, la population croissante ainsi que l'immigration d'artistes itinérants dans la colonie ont entraîné une prolifération des oeuvres d'art dans les endroits publics. Au XIXe siècle, les oeuvres éphémères étaient en vogue : arches de triomphe, chars allégoriques et affiches (voir PEINTURE : LES DÉBUTS). Les artistes Louis Dulongpré, Joseph LÉGARÉ et, plus tard, Alfred PELLAN ont tous créé des décors de théâtre.

Au début, les premières peintures étaient inspirées d'artistes étrangers, notamment italiens et allemands. Les plus anciens décors peints connus sont les colonnes et la voûte de la cathédrale Notre-Dame de Montréal. Conçus comme un ensemble et exécutés sur place en collaboration avec l'architecte, ils ont été produits vers le début des années 1830. En 1844, Andrew Morris a créé les allégories du commerce et de l'agriculture pour l'édifice de l'administration municipale de Montréal, reflet de la sécularisation croissante de l'art au Canada.

En Europe, les nazaréens et les préraphaélites encourageaient l'art dans les lieux publics, une influence qu'ont subie les membres du clergé catholique du Canada lors de leurs nombreux voyages à l'étranger. Des artistes immigrants ont laissé des marques de leur habileté à créer des programmes iconographiques complets, à la mesure de l'ARCHITECTURE pour laquelle ils étaient conçus : Lamprecht à l'église de Saint-Romuald, les frères Mulleir au Gésu de Montréal et Luigi Cappello dans la région de Montréal. Côté sculpture, les artistes italiens ont apporté au Canada le goût des stèles et des monuments funéraires élaborés, souvent ornés de reliefs de bronze ou de figures en ronde-bosse. À la fin du XIXe siècle, la firme montréalaise de Carli et Petrucci était un chef de file sur le marché de l'Est du Canada.

Progressivement, les artistes canadiens se sont approprié le marché de la peinture murale, au moment où d'importants projets de monuments commémoratifs ont encouragé le développement de leur carrière. On avait prévu une riche ornementation iconographique pour la façade de l'Hôtel du Parlement de Québec, mais le travail a été retardé jusqu'en 1890, quand Louis-Philippe HÉBERT a réalisé les sculptures de Frontenac, d'Elgin, de Salaberry, de Wolfe, de Montcalm, de Lévis et les sculptures de groupe Halte dans la forêt et Pêche au nigog. Napoléon BOURASSA, qui a terminé sa formation en Italie et en France, s'est révélé le pionnier canadien de la peinture murale. Il a été l'architecte et le décorateur de Notre-Dame-de-Lourdes (1883) et le fondateur du studio où Hébert et de nombreux autres peintres de murales seront formés.

La décoration, par cinq jeunes artistes, de la chapelle du Sacré-Coeur de la cathédrale Notre-Dame de Montréal a consacré les artistes canadiens maîtres de l'art mural. Charles HUOT et Ozias LEDUC ont développé des thèmes canadiens directement reliés au cadre environnant et ce, jusqu'à une époque avancée du XXe siècle. L'évolution politique s'est accompagnée d'une conscience accrue de l'histoire, marquée par la prolifération des sociétés historiques locales, des historiens et des généalogistes. Le nombre de personnages et d'événements historiques dignes d'être représentés a rapidement augmenté, et les pères de la jeune nation canadienne, George-Étienne Cartier et John A. Macdonald, se sont vu dédier de nombreux monuments (voir HARRIS, ROBERT).

En 1899, George A. REID a conçu une série de peintures murales pour le hall du nouvel hôtel de ville de Toronto, qui dépeignaient la fondation d'établissements dans le Haut-Canada. Ce projet n'a jamais été achevé, mais Reid a tout de même laissé plusieurs murales importantes à Toronto, dont celles de la bibliothèque d'Earlscourt et de l'auditorium du Jarvis Collegiate Institute. Comme la plupart des artistes de la peinture murale canadiens de cette époque, Reid n'utilisait pas la technique de la fresque, mais fixait plutôt sur le mur les canevas peints. En Europe et aux États-Unis, les grands projets de construction comportant des monuments sculptés, des peintures murales, des mosaïques et des vitraux étaient populaires au tournant du siècle. L'année 1898 a vu la création de la Toronto Guild of Civic Art, et, après 1895, l'Académie royale des arts du Canada (ARC) consacrait parfois une salle de ses expositions annuelles à la peinture murale.

Le Canada étant un pays relativement pacifique, les monuments commémorant la guerre et ses victimes y sont peu nombreux. La GUERRE DE 1812 est commémorée par une statue héroïque d'Isaac BROCK juchée au sommet d'une haute colonne classique à Queenston Heights, en Ontario. Pour leur part, George W. Hill, à Montréal (le Lord Strathcona Memorial), et W.S. Allward, à Toronto, ont érigé des monuments en mémoire de la GUERRE DES BOERS. Après 1918 et de nouveau après 1945, les artisans fondeurs et les sculpteurs ont joui de revenus considérables grâce aux dons privés et aux fonds publics. Les villes et les édifices publics ont été décorés de plaques commémoratives, de bustes, de statues en pied ou même de représentations de soldats au combat, généralement surmontés d'une allégorie de la Victoire, comme c'est le cas de l'éloquent monument de la Place de la Confédération, à Ottawa.

Les fontaines et les monuments en hommage à des personnages historiques ou contemporains ont donné l'occasion à des artistes comme E.O. Hahn, Alfred LALIBERTÉ et Elizabeth WYN WOOD de produire des oeuvres splendides. L'architecte et sculpteur John M. LYLE a intégré dans ses édifices de nombreux reliefs allégoriques inspirés de l'iconographie canadienne.

La croissance industrielle du Canada au cours de la Première Guerre mondiale s'est traduite par la construction de nombreux édifices publics dans le secteur privé (sièges sociaux, hôtels, banques) dont de nombreux s'ornaient de peintures murales. Certains artistes ont utilisé cette technique seulement à l'occasion (Charles COMFORT, Arthur LISMER), mais d'autres, comme Gustav Hahn, Guido Nincheri ou Frederick Challener, en ont fait leur spécialité. En 1923 et en 1924, l'ARC a organisé deux concours d'art mural. En 1924, 10 artistes ont reçu une commande consistant à décorer l'église St. Anne de Toronto.

Cette tendance à décorer de grandes surfaces a été encouragée par les écoles d'art, et bon nombre d'oeuvres remarquables ont été produites avant et après la Crise des années 30, bien que, contrairement aux États-Unis, le Canada n'ait pas entrepris de projets artistiques dans les lieux publics pour procurer du travail aux artistes. Parmi les rares exemples d'oeuvres datant de ces années, notons la construction et la décoration du Chalet du Mont-Royal, remarquable pour son effort de renouvellement d'une iconographie historique basée sur des faits plutôt que sur des mythes.

Dans les arts appliqués, les professions ont lentement évolué au Canada. Leur essor est survenu surtout après 1960, et les matériaux comme l'émail, la céramique, le tissage et le verre font désormais partie des oeuvres d'art public. De nombreux auditoriums, centres d'exposition, campus universitaires et aérogares trouvent de nouvelles façon d'intégrer les arts dans l'architecture. Les tisserandes Mariette Rousseau-Vermette et Micheline BEAUCHEMIN, entre autres, ont confectionné des rideaux de théâtre, l'une pour la Place des Arts, à Montréal, et l'autre pour le Centre national des Arts du Canada, à Ottawa. Jordi Bonet a créé des oeuvres murales et des portes en céramique et en bronze pour de nombreux théâtres et places publiques. Il a également décoré le pourtour du hall principal du Grand Théâtre de Québec d'un relief d'une grande inspiration, mais qui a suscité beaucoup de controverses.

EXPO 67 à Montréal, le triste sort de « Corridart » lors des Jeux olympiques de 1976 et la construction et l'agrandissement des réseaux du métro de Montréal et de Toronto ont été autant d'occasions de produire des oeuvres d'art public. La collaboration entre les architectes, les ingénieurs et les artistes a facilité l'intégration de la lumière et du mouvement dans ces espaces, illustrant de nouveaux rapports entre les humains et leur environnement. Cependant, l'art public a souvent été perçu comme de la simple décoration, et c'est seulement au cours des dernières années que les gouvernements ont amorcé un effort concerté pour en encourager le développement rationnel.

LAURIER LACROIX

L'art dans les endroits publics de 1976 à nos jours

Au cours des 20 dernières années, l'art destiné aux endroits publics au Canada s'est considérablement transformé et diversifié sur les plans de sa fonction, de sa forme et de sa définition. Le monument, la forme la plus pérenne d'art public, a fait place à des modes d'expression contemporains aussi diversifiés que l'art des rues, l'art spécifique à un lieu, le land art, l'art en tant qu'architecture, la peinture, la photographie, la performance, l'art communautaire et l'art électronique comme dans les panneaux publicitaires (voir COURANTS ARTISTIQUES CONTEMPORAINS). Les changements qui s'opèrent actuellement dans l'art public sont directement reliés à ceux qui se produisent dans l'art contemporain et dans la société, et le mécénat dont bénéficient les oeuvres d'art des lieux publics s'est modifié et élargi, passant de l'Église et des organismes gouvernementaux aux municipalités, aux groupes communautaires, aux organisations artistiques et au secteur privé.

En 1978, le ministère fédéral des Travaux publics, alors responsable des commandes d'oeuvres d'art pour tous les édifices gouvernementaux, a mis un terme à son programme de subventions grâce auquel des artistes comme Alex Wyse, Bob BOYER, Russell Yuristy et Joe FAFARD avaient produit des oeuvres destinées à différents édifices dans tout le pays. Maintenant que le gouvernement fédéral a entrepris de privatiser certains organismes publics, tels les aéroports, de nombreux ministères commencent à penser à des stratégies pour retirer du domaine public ces oeuvres à grande échelle.

En réaction au virage qu'ont pris le mécénat et le financement, les grandes villes et certaines provinces ont instauré des programmes d'art public au début des années 80 et poursuivent encore de nos jours leur action en ce sens. Dans bien des divisions administratives, des politiques et des règlements ont été adoptés pour exiger qu'un pourcentage (généralement 1 p. 100) du budget des projets des travaux de développement touchant, par exemple, les installations, les parcs et les places publiques, soit consacré à l'art. Si les politiques et les programmes provinciaux et municipaux varient, ils poursuivent un même objectif : intégrer l'art dans l'environnement quotidien.

De nombreux gouvernements provinciaux (par exemple celui du Québec) administrent des fonds pour les oeuvres d'art dans les lieux publics et commande des oeuvres pour les écoles, les hôpitaux et autres installations provinciales, même les établissements correctionnels (l'exemple type étant le travail qu'a réalisé Jean-Yves Vigneau pour une prison de Hull, au Québec). La ville d'Halifax a été la première à instaurer un tel programme, imitée par d'autres grandes villes. Dans le cadre de leur politique à cet égard, des villes comme Vancouver, Toronto, Calgary et Edmonton, entre autres, encouragent les promoteurs privés à affecter à l'art 1 p. 100 du budget de leurs projets de développement.

Les édifices publics se sont depuis longtemps révélés d'excellentes sources de commandes d'oeuvres d'art, une tradition qui se poursuit encore. En 1993, la ville d'Edmonton a commandé des oeuvres importantes à plus de 40 artistes albertains pour son nouvel hôtel de ville, notamment à Douglas HAYNES, à Isla Burns, à Glenn Guillet, à Hilary Prince et à Wendy Toogood. Le Grand Toronto a également demandé à des artistes et à des artisans de produire des oeuvres pour son nouvel édifice. Gerald McMaster, Cynthia Short et la tisserande Betty Kirby, par exemple, ont créé des meubles, des éléments architecturaux, des sculptures de grandes dimensions, des peintures murales, etc.

L'hôtel de ville d'Ottawa est une création de Moriyama & Teshima Architects qui ont aussi co-dessiné (avec Griffith Rankin Cook Architects) le Musée canadien de la guerre. En 1991, huit artistes ont été invités à collaborer avec les architectes pour intégrer l'art et l'architecture, dont Micheline BEAUCHEMIN, de Grondines au Québec, Ann Newdigate, de Saskatoon, Catherine Widgery, de Montréal, et Juan Geuer, d'Almonte en Ontario. Vox Populi de Juan Geuer, une sculpture lumineuse animée par la voix, utilise l'édifice comme dispositif sonore pour parler de démocratie. L'oeuvre de Widgery, Objective Memory, évoque l'équilibre entre l'être humain, la nature et l'environnement. D'autres oeuvres sont de nature fonctionnelle : une aire de jeu, de l'ameublement, etc.

Les grands événements urbains constituent souvent de bonnes occasions de créer des oeuvres d'art public. À Expo 86 à Vancouver, James Wines a réalisé Highway '86 - Processional, une oeuvre dépeignant les différents modes de transport. De plus, dans une oeuvre orchestrée par Stephen Braithwaite pour célébrer le 125e anniversaire du Canada, le public a pu devenir artiste et participer à la création d'une sculpture durant 125 jours pour le compte de la Commission de la capitale nationale. En 1988, le comité organisateur des Jeux olympiques d'hiver de Calgary a commandé des oeuvres d'art à plusieurs artistes. Le plancher de linoléum de Barbara ASTMAN, incrusté de l'ovale olympique du patinage de vitesse, en est un exemple.

Au Canada, les installations sportives dominent le paysage et la culture, et l'art sert encore souvent de simple élément décoratif à ces édifices. Cependant, plusieurs artistes sont récemment allés au-delà de la simple création de monuments en l'honneur d'un héros ou d'un sport pour traduire littéralement dans l'oeuvre d'art l'utilisation à laquelle l'endroit est voué. Par exemple, l'oeuvre figurative The Audience, de Michael SNOW, qui se trouve au Skydome de Toronto, rend hommage à l'assistance. Pour sa part, prenant le « jeu » pour thème de son oeuvre située sur l'aire publique de l'aréna des Canucks de Vancouver, Liz Magor a collaboré avec les architectes paysagistes pour créer une planche de jeu surdimensionnée accompagnée de balles géantes.

Dans les années 80, le « site » lui-même, avec ses particularités physiques, esthétiques, sociales et/ou historiques, est devenu un élément clé dans les projets soumis par les artistes. Les sites propices à la présentation d'oeuvres d'art sont très variés : intérieurs ou extérieurs d'édifices, aires ouvertes des rues, divisions administratives à l'intérieur des villes et projets d'aménagement de parcs. Le site dans lequel s'intègre une oeuvre d'art peut grandement faciliter le dialogue entre l'art et le public. On considère maintenant que l'inclusion des artistes dans l'équipe d'architectes, de paysagistes, d'urbanistes, d'ingénieurs et d'entrepreneurs pendant la phase conceptuelle d'un projet est un aspect essentiel du processus de commande. En 1995, par exemple, Gwen Boyle, une sculpteure de Vancouver, a collaboré avec les architectes paysagistes, dans un projet de développement privé, pour intégrer au trottoir du texte relatant l'histoire du bord de mer. De la même façon, une oeuvre de Justin Wonacott a combiné divers composants pour évoquer la vie sur la rue Rideau à Ottawa au début du XIXe siècle. Des éléments tels que des images et des textes incrustés dans les trottoirs, des citations dans les abribus, des passages pour piétons peints et une boîte lumineuse formée d'un triptyque photographique représentent des événements et des points de repère.

Parallèlement à la tendance de l'art à s'éloigner du « monument » pour se rapprocher de l'art in situ, on a assisté à l'émergence d'activités artistiques dans les endroits publics qui se déroulent de façon continue au sein de la communauté. Qualifiées par l'histoire d'art activiste, d'art féministe, d'art ethnique, d'art sociopolitique, ces oeuvres favorisent la communication et, en ce sens, peuvent être classées dans la catégorie de l'art à caractère public. Par exemple, l'artiste Krzysztof Wodiczko utilise la projection d'images pour créer des oeuvres d'art public qui abordent des questions urbaines contemporaines comme la situation lamentable des sans-abri, l'environnement et la violence. Joe Fafard, un artiste saskatchewanais connu pour ses vaches de bronze qui broutent au centre-ville de Toronto, oeuvre commandée par la Banque Toronto-Dominion, a terminé en 1995 une oeuvre environnementale de grandes dimensions produite en collaboration avec un groupe de fermiers de la Saskatchewan Wheat Pool. Les collectifs d'artistes comme Fastwurrns mélangent souvent la politique et l'humour afin de transmettre leur message, et la plus récente (et dernière) oeuvre de General Idea porte sur la crise du sida.

Des programmes d'artistes résidents ont vu le jour dans les centres communautaires, les ateliers industriels et les écoles, et le secteur privé participe souvent aux projets entrepris dans les centres-villes. Ainsi, C.J. Fleury, artiste résident de Wakefield, au Québec, a travaillé avec plus de 300 mécaniciens municipaux, nettoyeurs de rues, ouvriers d'entretien et autres pendant un an afin d'imaginer, de concevoir et de fabriquer une sculpture imposante à Ottawa. À Calgary, la 4th Avenue Art Society, dont sont membres les propriétaires d'immeubles et de commerces du secteur, a commandé à des artistes des peintures murales et des installations sculpturales. Le long de cette rue, la principale de Calgary, on peut maintenant admirer les oeuvres de Joan Cardinal Schubert, de Tiko Kerr et d'autres peintres albertains très en vue. En fait, la peinture murale prend de nouvelles formes dans les communautés, à mesure que des artistes tels le peintre Ken LOCHHEAD et Diane Woodward transforment les pataugeoires des quartiers en peintures de grandes dimensions.

À Vancouver, comme dans bien d'autres villes, le travail des artistes a devancé les programmes officiels mis sur pied pour parrainer leurs projets. Au début des années 80, le collectif Artists for Non-Commercial Culture, de Vancouver, a commencé à travailler à plusieurs projets d'art public. Par exemple, les artistes Jil P. Weavirg, Susan Edelstein et Margot Leigh Butler, notamment, ont exécuté des oeuvres sur des bancs à des arrêts d'autobus choisis de Vancouver dans le cadre du projet Benchmarks. Les slogans, les dessins relatifs à l'immobilier ou aux réclames publicitaires ont été remplacés par les slogans et les dessins du collectif d'artistes, qui avait pour mission de « revendiquer une portion de la sphère publique pour recueillir les commentaires de ses constituants ». Le projet Mount Pleasant Community Fence, parrainé par la galerie The Grunt, de Vancouver, dirigée par des artistes, consiste en une clôture de 400 pieux en cèdre conçus et sculptés par des enfants du voisinage, des personnes âgées, des groupes multiculturels et des artistes locaux pour entourer un jardin communautaire.

De tels projets illustrent la tendance croissante vers la participation des citadins à la création d'oeuvres d'art public et démontrent que, dans cette forme d'art, le processus de création est aussi important que le produit fini. Des artistes collaborent avec d'autres artistes et des profanes pour réaliser leurs projets de sorte que le public se fait participant et collaborateur.

Plus la forme et la définition de l'art public changent, plus le rôle de l'artiste continue à évoluer.

ANNALEE ADAIR

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