Guerre d’Aroostook | l'Encyclopédie Canadienne

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Guerre d’Aroostook

La guerre d’Aroostook est une confrontation entre les autorités britanniques et celles de l’État du Maine sur le territoire contesté connu sous le nom de Madawaska. Durant les guerres napoléoniennes, la Grande-Bretagne manque cruellement de bois, et les forêts de pins de la région deviennent une importante ressource. Réclamé par le Maine et le Nouveau-Brunswick, Madawaska est un terreau fertile d’affrontements entre les deux parties. La guerre atteint son apogée en 1838-1839 quand le gouverneur du Maine, John Fairfield, envoie un groupe mené par Rufus McIntyre pour empêcher les « provinciaux » d’entrer sur le territoire que John Fairfield croit appartenir au Maine. Rufus McIntyre est capturé et accusé d’invasion de la colonie. Le conflit prend fin en 1842 avec le traité Webster-Ashburton qui divise le territoire avec le fleuve Saint-Jean pour frontière.

Contexte

Le nerf de la guerre d’Aroostook est le commerce du bois. Durant les guerres napoléoniennes (1803-1815), la Grande-Bretagne est coupée du commerce continental européen. Forcés de trouver une nouvelle source de bois pour les mâts de leurs navires, les Britanniques se tournent vers leurs colonies d’Amérique du Nord. Le Nouveau-Brunswick (et plus précisément la région connue sous le nom de Madawaska) abrite une vaste forêt de pins. La Grande-Bretagne entame l’importation de grandes quantités de bois en provenance de l’Amérique du Nord. L’exportation de bois au Nouveau-Brunswick explose, représentant les deux tiers des exportations totales de la province en 1825. À mesure que le bois devient une importante ressource, des prospecteurs du sud du Maine, du Bas-Canada et du Nouveau-Brunswick débarquent dans la région et se font concurrence.

Pin blanc
Le pin blanc est l'arbre le plus important du commerce du bois parce qu'il est léger et robuste et qu'il résiste bien aux changements atmosphériques. On l'utilise dans la construction des mâts et des ponts de navires. À la fin du XIXe siècle, il devient très rare (avec la permission du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario).
Port de Saint-Jean
Port de Saint-Jean, vers 1900. L'économie de la ville s'est développée à partir du commerce de bois et de la navigation (avec la permission des Archives provinciales du Nouveau-Brunswick/00239-1).

Territoire contesté

À l’époque, ce territoire est contesté entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. À la suite de la Guerre de l’Indépendance américaine, le traité de Paris (1783) vise à définir les frontières entre l’Amérique du Nord britannique et les États-Unis. Bien que la rivière Sainte-Croix ait été choisie comme frontière orientale naturelle, la formulation du traité est trop vague. Ainsi, il est stipulé que « … l’angle qui est formé par une ligne tirée directement au nord, depuis la source de la rivière Sainte-Croix jusqu’aux Hautes Terres; puis le long de ces Hautes Terres qui séparent les rivières qui se jettent dans le fleuve Saint-Laurent de celles qui tombent dans l’océan Atlantique, jusqu’à la source la plus nord-occidentale de la rivière Connecticut… »

La partie occidentale de la frontière est laissée à l’interprétation : la Grande-Bretagne réclame des terres vers le sud jusqu’à la rivière Aroostook, et les États-Unis, vers le nord jusqu’au fleuve Saint-Laurent. En fait, même une commission (1816-1821) dirigée par l’Américain Cornelius P. Van Ness et le représentant britannique Thomas Barclay, n’arrive pas à déterminer une fois pour toutes les frontières du territoire. Chaque partie a des frontières radicalement différentes et aucune ne veut concéder de terrain sur le territoire disputé.

Escalade des tensions

Bien que les deux parties réclament le territoire, aucune des deux ne souhaite entrer en guerre pour le conquérir. Et pourtant, aux prises avec de fortes tensions, la région devient bientôt un terreau fertile pour des conflits. Des bûcherons illégaux et des intrus s’opposent souvent aux autorités coloniales et étatiques, et de violents affrontements s’ensuivent entre Américains et bûcherons « provinciaux ».

À la suite de l’indépendance du Maine en 1820, la situation s’intensifie. Les politiciens locaux prennent une position beaucoup plus ferme quant à leur revendication de la région, allant jusqu’à faire preuve d’un nationalisme extrême afin que l’État en obtienne le plein contrôle. L’arrivée d’Américains qui adoptent des comportements similaires alimente les tensions existantes. Dans les années 1820, des familles américaines s’installent sur le territoire contesté. John Baker, le colon américain le plus marquant qui s’y est établi depuis peu, défend la position adoptée par l’État du Maine. Le 4 juillet 1827, John Baker proclame l’indépendance du territoire – la république de Madawaska – dans le but avoué de l’annexer aux États-Unis. Quand il intercepte du courrier en provenance du service postal britannique, les autorités anglaises s’impatientent et le mettent en état d’arrestation. Baker passe plusieurs mois derrière les barreaux avant d’être reconnu coupable de sédition et de complot. Il est condamné à deux mois de prison et reçoit une amende de 25 livres.

Vue du fleuve Saint-Jean \u00e0 Fredericton, au Nouveau-Brunswick. Photo prise le 14 octobre 2015.

En raison de la montée des tensions dans la région, les gouvernements britannique et américain demandent au roi William I des Pays-Bas d’arbitrer la dispute au sujet des frontières. En 1831, le souverain néerlandais conclut que le fleuve Saint-Jean doit servir de frontière. Même si Londres et Washington sont prêtes à accepter ce compromis, les résidents du Maine sont loin d’être ravis. Ils rejettent immédiatement l’offre, car ils veulent l’entièreté du territoire contesté et vont même jusqu’à l’incorporer à titre de comté pour ainsi réaffirmer leur autorité sur celui-ci.

Guerre d’Aroostook

En 1838‒1839, la situation s’envenime, au point de frôler un conflit armé. À la suite de son élection, le gouverneur John Fairfield souhaite réaffirmer l’autorité du Maine sur le territoire. Inquiet que des « provinciaux » s’introduisent et bûchent illégalement sur le territoire, il envoie dans la région un groupe mené par Rufus McIntyre. Les autorités néo-brunswickoises interprètent ce coup comme une invasion et dépêchent des troupes au fleuve Saint-Jean. Des bûcherons du Nouveau-Brunswick capturent Rufus McIntyre et l’envoient sur-le-champ aux autorités provinciales. John Fairfield répond en envoyant la milice étatique; un affrontement s’ensuit. Pour éviter un conflit violent dans les zones frontalières, le secrétaire d’État américain John Forsyth et le ministre britannique à Washington Henry S. Fox en viennent à une entente : des citoyens néo-brunswickois sont autorisés à rester dans la vallée Saint-Jean, et les autorités du Maine peuvent maintenir un « groupe armé », mais pas une milice, le long de la vallée de la rivière Aroostook. Pour protéger leurs revendications territoriales respectives, les autorités du Maine et du Nouveau-Brunswick mettent sur pied une série de blockhaus et de postes militaires.

Carte illustrant la fronti\u00e8re établie en vertu du Traité de Washington signé le 9 ao\u00fbt 1842, d'une par les colonies de sa Majesté du Nouveau-Brunswick et du Canada et d'autre part, les \u00c9tats-Unis d'Amérique.

Même si la guerre d’Aroostook s’est déroulée à des milliers de kilomètres, elle a eu une certaine portée sur la rébellion canadienne. Selon une étude récente, les rebelles canadiens et les Manois qui s’opposent à la Grande-Bretagne s’encouragent; ils souhaitent que le conflit autour du territoire contesté mène à une guerre entre les deux nations, menant à la défaite des Britanniques. Un front commun contre les Britanniques fait même l’objet de discussions des représentants du Maine et des rebelles, mais rien de sérieux n’en découle.

Webster-Ashburton

En fait, aucune nation ne souhaite aller en guerre. Quelques années plus tôt, les autorités britanniques et américaines refusent d’entrer en guerre après une série d’événements violents – comme l’affaire du Caroline – qui alimentent les tensions le long de la frontière qui sépare le Haut et le Bas-Canada des États-Unis. Aucune des deux nations ne veut perdre l’importante relation de commerce qu’elles ont forgée au fil des ans.

L’affrontement intense autour du territoire contesté se résout en 1842 avec le traité Webster-Ashburton. À la suite de cette « entente entre gentlemen », on choisit les fleuves Saint-François et Saint-Jean comme les frontières qui séparent le Nouveau-Brunswick et le Maine. Bien que les deux nations partagent la vallée Saint-Jean, le Maine demeure l’unique propriétaire de la vallée Aroostook. L’État américain se voit également octroyer des droits de navigation sur le fleuve Saint-Jean, ce qui satisfait les bûcherons locaux et favorise le développement forestier dans le nord du Maine. Même si certains politiciens mainois sont réticents à l’idée de céder toute parcelle du territoire contesté, ils s’y conforment, mettant ainsi fin au conflit dans la région.

Voir aussi Madawaska : région frontalière entre le Canada et les États-Unis, de la colonisation à la division.

Lecture supplémentaire

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