Présentation
Pendant de nombreuses années, en raison d’une forte immigration en provenance des îles Britanniques, une grande partie de la population du Canada était née en Angleterre. Entre 1871 et 1901, entre 4 et 5 % des résidants canadiens sont nés en Angleterre. En 1911, 7 % de la population déclare l’Angleterre comme lieu de naissance, chiffre qui grimpe à 8 % en 1921. Après la Deuxième Guerre mondiale, la population du Canada née en Angleterre diminue. En 1981, lors du recensement canadien, on enregistre un peu moins de 4 % de Canadiens nés au Royaume-Uni, statistique qui englobe alors les personnes nées en Angleterre. Dans le recensement de la population de 2016, les citoyens canadiens nés au Royaume-Uni représentent 6,6 % des Canadiens nés à l'étranger et moins de 1,5 % de la population canadienne.
Même si Statistique Canada ne fait plus de distinction entre les immigrants anglais et britanniques dans ses recensements, on sait que tout au long de l'histoire du pays, les Anglais ont constitué le groupe ethnique majoritaire parmi les immigrants britanniques.
Lors du recensement de 2021, plus de 5,32 millions de personnes au Canada ont indiqué avoir des origines anglaises. Environ 14,7 % des personnes canadiennes sont d’origine anglaise, faisant d'elles le deuxième groupe ethnique en importance après « Canadien », l’origine ethnique la plus souvent déclarée lors du recensement.
Les Anglais et leurs descendants ont profondément marqués la toponymie, l’économie, les institutions, la vie politique et culturelle du pays. Ils ont contribué à l’évolution du Canada dans plusieurs domaines. Au rang des personnalités célèbres anglaises ou de descendance anglaise, se trouve plusieurs premiers ministres canadiens dont sir John Abbott, sir Mackenzie Bowell, sir Robert Borden, Richard Bedford Bennett, Lester B. Person, John Turner et Stephen Harper.
Explorations par les Anglais
15ᵉ siècle
Les Anglais sont parmi les premiers Européens à naviguer dans les eaux canadiennes et à atteindre les côtes du Canada après les marins scandinaves du 10ᵉ et du 11ᵉ siècle. Les marins anglais sont même probablement venus pêcher près des côtes canadiennes avant le voyage de Jean Cabot en 1497. L’astrologue de la reine Elizabeth Ire, John Dee, qui s’intéresse à la découverte du passage du Nord-Ouest par l’Arctique et l’Asie, obtient une information qui suggère que deux marchands de Bristol, du nom de Thorne et Eliot, ont atteint Terre-Neuve vers 1494.
16ᵉ siècle
Au début du 16ᵉ siècle, des marchands britanniques financent plusieurs voyages et, dès 1527, le port de St. John’s devient un lieu de rendez-vous pour les bateaux de pêche. En 1583, quand sir Humphrey Gilbert vient réclamer le territoire au nom de la reine Elizabeth Ire, il y trouve des installations de fortune érigées par des pêcheurs du Devon. Plus tard, en 1610, John Guy de Bristol, fonde le poste anglais bien connu de Cupers Cove, qui devient par la suite Cupids. C’est à partir de ce poste que la colonisation s’implante, les immigrants du sud-ouest de l’Angleterre étant deux fois plus nombreux que les Irlandais. Même aujourd’hui, Terre-Neuve demeure par ses origines la province la plus anglaise du Canada.
À cette époque, les Anglais se rendent à la baie d'Hudson par le passage du Nord-Ouest. Des capitaines célèbres de l’époque élisabéthaine se mettent en quête de ce passage, notamment sir Martin Frobisher en 1576.
17ᵉ siècle
En 1610, Henry Hudson pénètre dans une mer intérieure, appelée aujourd’hui la baie d'Hudson. Par la suite, la fondation de la Compagnie de la baie d’Hudson, en 1670, attire de nombreux marchands et travailleurs anglais, recrutés pour la plupart parmi les chômeurs des grandes villes. Ce sont des Anglais installés dans les forts de la compagnie autour de la baie qui mènent les expéditions d’exploration vers l’Ouest et le Nord. Parmi ceux-ci se trouve Henry Kelsey, qui, en 1690, se rend dans les prairies canadiennes, Anthony Henday, qui explore les terres intérieures du Nord-Ouest 1754, et plus tard Samuel Hearne, qui après une descente héroïque de la rivière Coppermine, atteint l’océan Arctique en 1771-1772.
Origines des migrants
Les personnes de descendance anglaise viennent soit directement d’Angleterre, soit des colonies américaines. Dans le premier cas, leur motivation est surtout d’ordre économique. Au début du 19ᵉ siècle, l’Europe est peuplée de chômeurs, et parmi les classes moyenne et favorisée, fils cadets et officiers mis en congé sont souvent incapables de maintenir le train de vie que commande leur rang. Vers la fin de la colonisation des Prairies occidentales (voir Politique sur les terres fédérales), beaucoup d’immigrants anglais sont attirés par l’offre de concessions de terres.
Quant aux immigrants américains d’origine britannique, la plupart étant des loyalistes, les raisons qui les poussent à quitter les États-Unis sont avant tout d’ordre politique. Toutefois, pour plusieurs Anglo-Américains qui migrent vers le Haut-Canada et plus tard vers les Prairies, ce sont surtout les opportunités agricoles qui les motivent. À l’exception des liens particuliers entre Terre-Neuve et les comtés de Devon et de Dorset dans l’ouest de l’Angleterre, aucune région de ce pays ne contribue plus qu’une autre à peupler le Canada. Les immigrants anglais viennent de partout, de la ville comme de la campagne.
Parce que l’Angleterre est le centre de l’Empire britannique, et par définition la « mère patrie » du Canada anglais, beaucoup d’Anglais, du moins jusqu’en 1867, remplissent des postes de fonctionnaires et de soldats. Ceux-ci, une fois relevés de leurs fonctions, demeurent au pays. Ainsi, en 1871, quand la Colombie-Britannique entre dans la Confédération, presque tous les fonctionnaires sont d’origine anglaise ou anglo-irlandaise.
Histoire migratoire
Les colonies britanniques
L’immigration au pays commence véritablement dans les colonies de l’Atlantique, avec la fondation de Halifax en 1749 alors que le colonel Edward Cornwallis s’y installe avec 2 500 colons principalement recrutés en Angleterre. À la suite de la prise de Louisbourg en 1758, de Québec en 1759 et de la ratification du Traité de Paris en 1763, la Nouvelle-France devient une autre colonie britannique. À compter de 1760, des fermiers de descendance anglaise de la Nouvelle-Angleterre commencent à s’installer autour de la baie de Fundy sur d'anciennes terres acadiennes. Au début des années 1770, un groupe originaire du Yorkshire s’établit dans le Nord de la Nouvelle-Écosse. Par la suite, en 1784, à la fin de la guerre de l’Indépendance des États-Unis, environ 45 000 loyalistes se déplacent en Amérique du Nord britannique et forment une nouvelle province, le Nouveau-Brunswick dont la population est déjà de descendance anglaise, à l’exception des Acadiens revenus après la déportation (voir Histoire de l’Acadie).
L’immigration américaine en Amérique du Nord britannique se poursuit au début du 19ᵉ siècle. Elle contribue à accroître la population du Haut-Canada et à coloniser la région des Cantons-de-l'Est dans le sud du Québec. Toutefois, la guerre de 1812 marque la fin de ce mouvement migratoire. À la suite des guerres napoléoniennes, un grand nombre d’Anglais d’Angleterre, victimes des effets d'un chômage chronique et de la baisse des salaires, viennent se joindre à eux. En 1819, la moitié des sujets britanniques qui voguent vers l’Amérique du Nord britannique sont des Anglais des îles Britanniques. Beaucoup d’entre eux sont appuyés par l’État. Les autorités impériales qui espèrent reproduire, au moins partiellement les classes sociales britanniques, et établir une certaine aristocratie au Canada, concèdent des terres à d'anciens officiers ainsi qu’à des membres de la bourgeoisie.
On octroie aussi de larges bandes de terre à des sociétés lucratives, comme la Canada Company, à condition d’y amener des Anglais aptes à devenir de bons colons. Tout au bas de l’échelle, des indigents, victimes de mauvaises récoltes et de la récession, sont envoyés au Canada, sans argent et en dépit de leur inaptitude à la colonisation.
Cette vague d’immigration prend fin en 1851, et après une émigration considérable vers les États-Unis, quelque 93 000 personnes nées en Angleterre demeurent dans le Canada-Ouest (Ontario), soit le dixième de sa population. Les Écossais sont presque aussi nombreux (90 000), mais les Irlandais (227 000) les dépassent largement.
Après la Confédération
Dans la période post-confédérative, il y a au moins trois grandes vagues d’immigration anglaise. De 1869 à la fin des années 1930, plus de 100 000 enfants originaires des îles Britanniques sont envoyés au Canada. Le transport de ces enfants orphelins, abandonnés et pauvres (la majorité d’entre eux sont des Anglais) au Canada est gratuit et ils sont pris en charge par différentes communautés (voir Petits immigrés britanniques; Migration des enfants au Canada).
Entre 1890 et 1914, à l’ouverture des provinces des Prairies, on assiste à une autre arrivée massive de colons anglais. En 1901, ils sont moins de 10 000, mais en 1906, trois ans après l’ouverture d’un bureau d’émigration au centre de Londres, ils sont 65 000 à immigrer. En 1913, ils atteignent le nombre record de 113 000.
Bien que le gouvernement britannique, en vertu de l’Empire Settlement Act (1922), aide 165 000 immigrants britanniques à s'établir au Canada après la Première Guerre mondiale, leur nombre n’augmente véritablement qu’après la Deuxième Guerre mondiale. En 1947 seulement, plus de 7 000 Anglais émigrent au Canada, dont de nombreux ouvriers spécialisés, des artisans et des techniciens. En 1957, le chiffre atteint 75 546 et en 1967, il diminue à 43 000. Par la suite, l’immigration en provenance de l’Angleterre décline. Par exemple, sur une période de cinq ans, de 2011 à 2016, le Canada a accueilli seulement 24 450 nouveaux résidents permanents en provenance du Royaume-Uni et de ses colonies (voir Citoyenneté).
Mode de peuplement au Canada
Toutes proportions gardées, l’immigration anglaise a été la plus importante à Terre-Neuve, en Colombie-Britannique et aux Maritimes, puis en Ontario un peu plus tard. Au Québec, on retrouve les Anglais principalement dans les enclaves de Montréal (voir Westmount) et des Cantons de l’Est. Mais peu importe où ils s’installent, exception faite du Québec (voir Anglos-Québécois), ils s’intègrent à la communauté locale, principalement parce qu’ils n’ont pas à apprendre une nouvelle langue et qu’ils ne rencontrent à peu près pas de préjugés. Les excès d’anglophobie sont tellement rares que les avis « Anglais, s’abstenir de postuler » qu’on pouvait voir au début des années 1900 dans l’Ouest font partie de la légende des Prairies comme curiosité historique.
Le ressentiment populaire à l’égard des Anglais (et à l’immigration en général) s’accentue en période de récession. Durant celle du début du 20ᵉ siècle, le gouvernement canadien est également intraitable avec les Anglais. Des quelques 1 800 personnes déportées en 1908, environ 1 000 sont renvoyées dans les îles Britanniques (voir Déportation). On rencontre quelques colonies rurales constituées uniquement d'Anglais, qui se regroupent surtout parce qu’ils appartiennent à la même classe sociale ou partagent les mêmes opinions, et non parce qu’ils sont de même nationalité. Un bon exemple de l’une de ces premières colonies est sans doute celle de Cannington Manor, en Saskatchewan, fondée par des gentilshommes anglais en 1882. Un autre, est l’une des dernières, à la frontière de l’ Alberta et de la Saskatchewan, soit la colonie Barr (voir Colons de Barr ).
Vie économique
Les Anglais et leurs descendants se retrouvent à tous les niveaux de la vie économique canadienne. Ils sont omniprésents au sein des gouvernements. Ils se partagent le contrôle des entreprises canadiennes avec les Écossais, non seulement dans les parties anglophones du Canada, mais aussi à Montréal (voir Élites; Élites du monde des affaires). Depuis la création des forces armées canadiennes, l’état-major est principalement formé d’officiers de descendance anglaise.
Les premières vagues d’immigration anglaise contribuent à peupler en grand nombre les régions rurales d’agriculteurs et les villes d’artisans spécialisés. Toutefois, après la Deuxième Guerre mondiale, ce sont aussi des professionnels, des techniciens et des artistes qui arrivent. Ils apportent une contribution appréciable à de nombreuses institutions culturelles canadiennes, notamment à l’Office national du film du Canada, à la Société Radio-Canada (CBC) et au Conseil des Arts du Canada, ainsi qu’au Ballet national du Canada et au Festival de Stratford.
Vie sociale et culturelle
En raison de leur domination, les Anglais n’ont jamais eu à défendre ou promouvoir activement leur culture de la même manière qu’eurent à le faire d’autres groupe ethnique au Canada. À une certaine époque, l’association culturelle anglaise la plus importante est la Société de bienfaisance des Fils de l’Angleterre (Sons of England). En 1913, elle compte 40 000 membres canadiens. Les loges, disséminées dans l’ensemble du Canada, sont habituellement dirigées par des Anglais fortunés, des professionnels, des ministres du culte et d’anciens officiers, tous de l’élite locale.
Le soutien le plus important dans le maintien des traditions est de la tenue de soirées sociales inspirées du modèle du music-hall anglais. Au cours de ces soirées, les Sons ou « fils d’Albion » entonnent des chants patriotiques, savourent de la bière brune et tiède et parlent dans leurs dialectes régionaux. En qualité d’association vouée au bien commun, les Sons organisent des réceptions pour accueillir les nouveaux venus, fournissent des services médicaux et paient des indemnités de chômage et d’invalidité. De manière relativement semblable, la St. George’s Society of Toronto (fondée en 1834) est l’une des plus anciennes associations philanthropiques du Canada. À l’origine, son objectif principal est d’assister les immigrants anglais et gallois et de promouvoir le patriotisme parmi les Canadiens anglais.
Contrairement aux Canadiens d’origine écossaise ou irlandaise, ceux d’origine anglaise ne commémorent pratiquement pas leur fête nationale. La fête de St. George par exemple, quoique célébrée largement à Terre-Neuve, est soulignée que par une infime portion de la population au Canada. Les Canadiens anglais maintiennent peu d’organismes pour entretenir les liens du groupe, bien que diverses activités contribuent à définir l’identité anglaise. Au fil des générations, les accents associés aux différentes régions et classes sociales de l’Angleterre se sont aussi fondus dans le langage canadien, et les clivages culturels et socio-économiques très apparents de la société d’origine se sont estompés.
Les institutions canadiennes : l’héritage du modèle anglais
Nombre d’institutions canadiennes, dont certaines très importantes, ont été profondément influencées par le modèle anglais. La gouvernance et les institutions démocratiques ainsi que la Common Law d’inspiration anglaise et britannique sont les legs les plus importants de la Grande-Bretagne à l’égard du Canada. Le système parlementaire, selon lequel le Cabinet est responsable devant le Parlement, constitue une extension du système de Cabinet britannique et implanté au temps de la colonie. Il a été inscrit dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867. Au chapitre du droit, neuf provinces et les trois territoires canadiens appliquent une forme de droit civil qui repose largement sur la Common Law anglaise. L’exception est le Québec qui conserve le droit civil français (voir Code civil). Le système judiciaire a aussi été établi en fonction du modèle anglais.
Sur le plan politique, le Canada diffère des États-Unis, en ce sens qu’il possède un troisième parti viable : le Nouveau Parti démocratique (autrefois la Co-operative Commonwealth Federation). Cette formation d’inspiration social-démocrate est fondée principalement par des leaders anglais, gallois et écossais élevés dans la tradition du British Independant Labour Party et plus tard du Parti travailliste britannique.
Une autre institution traditionnelle qui a été transmise au Canada par l’Angleterre, et que l’on trouve dans toutes les villes canadiennes, est celle du club, des cercles très fermés et fréquentés par des hommes d’affaires et des professionnels selon le modèle des clubs du West End de Londres. Jusqu’à récemment, tout comme leur pendants anglais, ces clubs n’admettaient ni les femmes, ni les personnes ayant des origines autre qu’anglo-saxonnes. L’école privée, qui s'inspire du « public school » anglais, est une autre institution exclusive.
L’Église anglicane, autrefois la « Church of England in Canada », est probablement la plus importante des institutions typiquement anglaises implantées sans modification majeure (voir Anglicanisme). Des institutions comme la Croix-Rouge et les Scouts et Guides sont aussi d’origine anglaise.
Enfin, les travailleurs anglais apportent avec eux leurs traditions syndicalistes et leur démocratie sociale (voir Histoire des travailleurs du Canada anglais). Historiquement parlant, les syndicalistes issus de la Grande-Bretagne ont formé l’élite du mouvement ouvrier au Canada. Le syndicalisme canadien, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est une forme hybride des syndicats américains et britanniques.