L'allocation familiale ou pour enfant à charge est une prestation mensuelle que le gouvernement verse aux familles pour les aider à faire face aux dépenses relatives aux enfants. L’allocation familiale est créée en 1945 et constitue le premier programme universel de sécurité sociale au Canada. Les allocations sont versées indépendamment des revenus ou des biens de la famille selon l’idée que tout enfant canadien mérite l’appui public. Cependant, depuis les années 1980, ces prestations visent de plus en plus en priorité les familles à faible et moyen revenus.
Origines
Une recherche sur les causes de la pauvreté en Angleterre et ailleurs au début du XXe siècle démontre que la dimension de la famille en constitue un facteur déterminant. Les salaires dans la société industrielle reflètent la production du travailleur, sans considération de ses responsabilités familiales. Un salaire qui peut sembler adéquat pour un célibataire peut représenter le seuil de pauvreté pour un autre individu exerçant le même travail, mais devant subvenir aux besoins d’une famille. Les allocations familiales versées par l'État (ou moins fréquemment sous la forme d'une charge sociale) sont alors proposées non seulement pour combattre la pauvreté, mais aussi comme un moyen de faire progresser le principe d'« équité horizontale » entre les travailleurs qui ont la responsabilité financière d’élever leur progéniture et ceux qui ne l'ont pas.
Le concept d'allocations familiales est discuté au cours des années 1920 en Grande-Bretagne, en Australie, aux États-Unis, au Canada et à la Société des Nations. En 1929, un comité du Parlement canadien reçoit le mandat d’entendre les témoignages d'examiner la question. À Québec, une commission d'enquête sur la sécurité sociale (1930-1932) examine des propositions sur ce sujet. Ni l'un ni l'autre ne recommande l'adoption d'allocations familiales.
Création
On entend peu parler de ce sujet jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, quand le plan de reconstruction d'après-guerre (rapport Marsh) est rendu public en 1943. Le rapport Marsh s’attaque en profondeur à la pauvreté et à l'insécurité sociale. Il s'appuie sur un vaste plan de sécurité sociale qui repose sur des allocations familiales universelles, un système de santé public et un vaste programme d'aide à l'emploi à l'échelle nationale. Le plan est trop radical et onéreux pour le Cabinet fédéral de l'époque, mais des facteurs politiques et économiques incitent le premier ministre William Lyon Mackenzie King à opter pour les allocations familiales, comme proposé dans le rapport, pour s'attirer les votes lors des élections suivantes. Il s'agit aussi d'une tactique destinée à écarter la gauche, qui progresse alors dans l'électorat.
Les décisions de King ont l'appui des économistes, dont une majorité prédit une vague de chômage importante à la fin de la guerre (comme celle qui avait suivi la Première Guerre mondiale). Les allocations familiales sont également perçues comme un moyen de soutenir le pouvoir d'achat. D'un point de vue constitutionnel, un programme d'allocations familiales cadre bien dans le budget du gouvernement fédéral et soulève donc peu d'objections de la part des provinces.
Controverses
Les adversaires voient néanmoins dans les allocations familiales un gaspillage de l'argent des contribuables, parce qu'elles sont distribuées aux familles riches comme aux familles pauvres. Ces mêmes adversaires affirment que le « bonus du bébé », tel qu’il est alors présenté, constitue une tactique pour obtenir les votes du Canada français, où les familles nombreuses sont plus fréquentes. Il est suggéré de distribuer cet argent sous forme de services, plutôt que par l’émission de chèques. Au même moment, les défenseurs des allocations familiales soutiennent qu'à elle seule cette approche sous forme de services est paternaliste et que les allocations rehausseront l'autonomie des familles.
En dépit d'une légère opposition des conservateurs à la Chambre des communes en 1944, la loi est votée à l'unanimité en deuxième lecture, fait remarquable pour une loi aussi capitale.
Expansion et déclin
Les versements d'allocations familiales, exemptes d'impôt, varient en fonction de l'âge : 5 $ par mois pour les enfants de moins de 5 ans, 6 $ ceux de 6 à 9 ans, 7 $ pour ceux de 10 à 12 ans et 8 $ pour ceux de 13 à 15 ans. Le montant moyen versé à chaque enfant est de 5,94 $, soit considérablement moins que le versement minimum de 7,50 $ par enfant recommandé par le rapport Marsh. Au début, les allocations sont réduites à partir du cinquième enfant, mais cette disposition est supprimée en 1949.
En dépit de sa popularité, le programme est sérieusement négligé par le gouvernement fédéral et, malgré l’inflation, une seule augmentation minime est votée entre 1945 et 1973. Cette majoration est suggérée par le Québec, qui se dote d’un programme similaire en 1961.
En 1972, en réponse à l'inquiétude publique face à la pauvreté croissante au Canada, le gouvernement fédéral tente de remettre l'universalité du programme en reliant le niveau des allocations familiales au revenu des familles. Selon cette proposition, 36 % des familles, soit les plus pauvres, recevraient des indemnités maximales, 34 % des indemnités partielles, et 30 % ne bénéficieraient d’aucune prestation. Les allocations seraient déterminées à partir du revenu de l'année précédente et le plan soulève une vive opposition en raison de son inefficacité à combattre adéquatement la pauvreté et de sa complexité administrative. Ce projet de loi meurt au feuilleton à la Chambre des communes avant l'élection fédérale de 1972, qui ramène au pouvoir un gouvernement libéral minoritaire. C’est néanmoins le Nouveau Parti Démocratique, fervent défenseur de l'universalité du programme, qui détient la balance du pouvoir.
Le gouvernement abandonne alors son plan sélectif, dont les partisans sont minoritaires, et propose une nouvelle Loi sur les allocations familiales qui incorpore la sélectivité et l'universalité en rendant les allocations familiales imposables. Cependant, même les parents qui disposent d'un haut revenu peuvent conserver une part de leur indemnité. Ainsi le principe de l' « équité horizontale » est sauf.
En 1978, les libéraux, qui sont à nouveau majoritaires au Parlement, procèdent à une restructuration majeure du régime des allocations familiales. Le soutien aux enfants repose désormais davantage sur le système fiscal que sur celui des allocations familiales. Le gouvernement met ainsi en place un crédit d'impôt remboursable pour enfant de 200 $ par année destiné aux familles dont les revenus sont de 18 000 $ ou moins. Pour les revenus qui s'élèvent au-dessus de ce seuil, les indemnités se trouvent progressivement imposées jusqu'à disparaître entièrement à 26 000 $. Étant donné qu’en 1978 le revenu moyen des familles est de 19 500 $, la majorité des familles reçoivent une indemnité en vertu du nouveau programme qui entre en vigueur en 1979.
En 1985, le gouvernement conservateur élu à Ottawa, soucieux de la dette du gouvernement et du déficit, annonce un programme de restructuration des indemnités familiales échelonné sur quatre ans. À partir de 1986, les allocations familiales ne sont que partiellement indexées au coût de la vie. Les crédits d'impôt remboursables pour les enfants sont augmentés pendant trois années consécutives, de 1986 à 1988, jusqu'à atteindre 549 $ par an. À partir de 1989, ils sont aussi partiellement indexés de la même manière que les allocations familiales. Au même moment, le plafond de revenu pour être admissible au crédit d'impôt est également abaissé, passant de 26 330 $ à 23 500 $.
En 1989, le gouvernement conservateur met un terme à l'universalité des allocations familiales, en demandant aux familles à revenu élevé de rembourser toute leur indemnité au moment de l'impôt. Cela fait partie de son programme destiné à concentrer les indemnités sociales sur les bénéficiaires à faible ou moyen revenus. Paradoxalement, il maintient et augmente la déduction d'impôt pour les dépenses relatives à un enfant, ce qui assure davantage d'indemnités aux familles à revenu élevé.
Évolution au cours des dernières années
En 1992, après une discussion publique minimale, le gouvernement conservateur remplace l'allocation familiale par une nouvelle prestation fiscale pour enfant, qui réunit l'allocation familiale et les deux crédits d'impôt pour enfant, l'un remboursable, l'autre non. La nouvelle indemnité, qui représente un maximum de 85 $ par mois par enfant jusqu'à l'âge de 18 ans, est exempte d'impôt et dépend du revenu familial net tel qu'il apparaît dans la déclaration de revenus de l'année précédente. Les indemnités maximales sont réduites graduellement, au fur et à mesure que les revenus des familles dépassent le plafond.
La prestation fiscale pour enfant du gouvernement canadien existe toujours. Elle bénéficie toujours aux familles à faible et moyen revenus. Le supplément de la prestation nationale pour enfants, mis en place en 1998, permet d’éradiquer la pauvreté infantile et fournit des revenus supplémentaires aux familles. Cependant, le programme a été supprimé en 2009. Au début du XXIe siècle, les familles canadiennes peuvent également demander à bénéficier d’une Prestation universelle pour la garde d'enfants, consistant en un montant imposable de 100 $ versé chaque mois pour chaque enfant âgé de moins de six ans et permettant d’aider à payer les coûts associés à la garde d’enfants. Une prestation pour enfants handicapés est également offerte aux familles comprenant un enfant atteint d’une déficience physique ou mentale.
En dépit des efforts accomplis depuis 1978 pour que les allocations familiales et les réductions d'impôt pour charge d'enfant ciblent les familles à faible et moyen revenus, le taux de pauvreté infantile au Canada est le deuxième plus élevé au sein des nations occidentales industrialisées, le deuxième après les États-Unis. Le Québec continue à offrir un programme d'allocations familiales universel, jusqu'à ce que les enfants atteignent la majorité. Cependant, en 2005, le régime des allocations familiales est remplacé par un crédit d'impôt appelé simplement Soutien aux enfants. Son montant est calculé chaque année en fonction des revenus de la famille et du nombre d’enfants âgés de moins de 18 ans qu’elle comprend. Les familles avec enfants handicapés peuvent également bénéficier de suppléments.