Notes sur la terminologie
Le gouvernement du Canada, au paragraphe 35(2) de la Loi constitutionnelle de 1982, définit trois groupes de « peuples aborigènes » (maintenant désignés sous le nom de peuples autochtones) : les Indiens (c.-à-d. les Premières Nations), les Inuit et les Métis.
Pendant longtemps, les ministères responsables des affaires autochtones et du Nord utilisent l’appellation « Indiens » pour désigner les personnes des Premières Nations. Ce terme, généralement considéré comme obsolète et offensant, possède toujours une certaine signification juridique au Canada. L’article 3 de la Loi sur les Indiens de 1876 décrit les critères s’appliquant aux personnes juridiquement définies comme étant des « Indiens ». Bien que des amendements apportés plus tard à cette loi viendront modifier certains des critères, c’est toujours le principal texte utilisé par le gouvernement fédéral pour gérer les questions touchant de nombreux membres des Premières Nations.
La Loi sur les Indiens ne s’applique ni aux Métis ni aux Inuit. En effet, au moment de l’adoption de la loi, le gouvernement fédéral ne se considère pas comme responsable de la gestion de ces communautés. Pourtant, dans de nombreux cas, le gouvernement réserve aux Métis et aux Inuit le même traitement qu’aux Indiens, en appuyant leur assimilation grâce au système de pensionnats et en les poussant à céder leurs territoires ancestraux.
En 1939, une décision rendue par la Cour suprême du Canada incorpore les Inuit à la définition du terme « Indiens » en vertu du paragraphe 91 (24) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Cela a pour effet d’attribuer au gouvernement fédéral la responsabilité des affaires inuites. Avant cela, la portée des relations entre le gouvernement fédéral et les Inuit se limite principalement à la traite des fourrures. Même la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest de 1905 ne prévoit aucune disposition administrative particulière pour les affaires inuites.
Pour les Métis, il faudra attendre la conclusion de l’affaire Daniels en 2016 (portant sur un différend juridique survenu en 1999) pour que la Cour suprême statue que le Parlement dispose du pouvoir législatif relativement aux Métis et aux Indiens non inscrits. Toutefois, des relations existent déjà entre le gouvernement fédéral et les Métis avant cela, comme en témoigne la signature de l’Accord-cadre avec la nation métisse de 2005 (connu depuis 2008 sous le nom d’Accord Canada-Nation métisse), lequel établit certains processus bilatéraux visant à résoudre divers problèmes touchant les Métis. Auparavant, en l’absence d’une gestion fédérale, les politiques de certains gouvernements provinciaux incluent les Métis. C’est le cas, notamment, de la Loi sur le Manitoba de 1870, menant à la fondation de la province du Manitoba et garantissant aux Métis certains droits fondamentaux, et de la Metis Betterment Act (Loi sur l’amélioration des conditions de vie des populations métisses) de l’Alberta de 1938, laquelle prévoit la cession de terres aux Métis.
Premiers ministères, 1755-1873
Pendant la guerre de Sept Ans, le gouvernement britannique met sur pied son premier ministère consacré aux affaires indiennes dans la colonie. Il souhaite ainsi contrer les alliances établies entre Français et Autochtones. Le ministère est scindé en deux parties (la section nord et la section sud), toutes deux relevant du commandant militaire britannique. Sir William Johnson, surintendant du nord, forme des alliances stratégiques avec d’importants groupes autochtones appuyant la Grande-Bretagne, comme les Haudenosaunee.
En 1830, les Britanniques transfèrent le ministère des affaires indiennes, autrefois géré par l’armée, au gouvernement civil. En effet, à cette époque, les alliances entre l’armée et les Autochtones n’ont plus autant d’importance aux yeux des Britanniques, qui détiennent un contrôle encore plus serré sur le reste de leurs territoires en Amérique du Nord.
Pour le reste de l’ère coloniale, le ministère des Affaires indiennes demeurera quelque peu désorganisé (ce qui « fait foi de son insignifiance », comme le dira l’historien Brian Titley). L’office des colonies britanniques est favorable à une politique d’assimilation des peuples autochtones, mais laisse principalement les missionnaires chrétiens se charger des détails. Par ailleurs, il ne fournit que peu de ressources à l’appui de ces efforts. (Voir aussi Pensionnats indiens.)
Le gouvernement britannique demeure responsable de gérer les questions touchant les Premières Nations jusqu’en 1860, lorsque la responsabilité du ministère des Affaires indiennes est confiée aux administrateurs coloniaux, sous la gouverne du ministère des Terres de la Couronne. Confédération en 1867, la responsabilité des Indiens et des terres réservées aux Indiens est transmise au gouvernement canadien en vertu du paragraphe 91 (24) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. En 1868, la Direction des Affaires indiennes est placée sous le contrôle du ministère du Secrétariat d’État du Canada. Elle le demeurera jusqu’en 1869. À partir de ce moment-là, et jusqu’en 1873, les affaires indiennes sont gérées par le ministère du Secrétariat d’État des provinces. Le secrétaire d’État agit comme chef des Affaires indiennes, poste connu entre 1868 et 1936 comme celui de surintendant général des Affaires indiennes. Les titulaires les mieux connus de ce poste sont Hector Louis Langevin et Joseph Howe.
Ministères de l’Intérieur et des Affaires indiennes, 1873-1936
En 1873, le gouvernement fédéral crée le ministère de l’Intérieur, auquel il incorpore la Direction des affaires indiennes. À l’origine, le ministère a pour mandat de promouvoir la colonisation de l’ouest, dans le contexte de la Loi des terres fédérales. Entre autres stratégies, cela nécessite la négociation de traités avec les Autochtones des Prairies en ce qui concerne l’accès à leurs territoires à des fins de colonisation et de développement. (Voir aussi Traités numérotés.) Contrairement à ses prédécesseurs, ce ministère est désormais aussi chargé du portefeuille des affaires du Nord (jusqu’en 1936, lorsqu’on le transfère vers un autre ministère).
En 1880, les affaires indiennes ont droit à un ministère attitré. Toutefois, le ministre de l’Intérieur continue de remplir les fonctions de surintendant général des Affaires indiennes (en plus de gérer le portefeuille des affaires du Nord). Ce nouveau ministère distinct des Affaires indiennes est divisé en un service extérieur et un service intérieur. Le service intérieur regroupe les agents basés à l’administration centrale à Ottawa, tandis que le service extérieur comprend les agents chargés des Indiens, très nombreux, les instructeurs agricoles et certains employés de partout au pays qui sont appelés à interagir directement avec les peuples autochtones. Le service extérieur compte également un certain nombre de surintendants et de commissaires chargés des Indiens, représentant différentes provinces et les Territoires du Nord-Ouest.
Le ministère des Affaires indiennes est responsable du maintien « en fiducie » des terres de réserve. Or, de l’avis de plusieurs érudits, cela contredit le rôle que s’était donné le ministère précédent, soit la colonisation de l’ouest du pays. Cette tension mène, au tournant du 20e siècle, à la cession à grande échelle de terres de réserve destinées au départ à ouvrir la voie à la colonisation par les Blancs. Clifford Sifton, surtout connu pour sa promotion vigoureuse de l’immigration visant à coloniser l’ouest des Prairies, est surintendant général des Affaires indiennes de 1896 à 1905. Arthur Meighen, futur premier ministre, occupe lui aussi ce poste de 1917 à 1920.
Dans l’ensemble, les ministères de l’Intérieur et des Affaires indiennes sont étroitement liés du point de vue de leur mandat et de leur personnel. À l’exception de deux brèves périodes (la première entre 1883 et 1887 et la deuxième en 1930), le ministre de l’Intérieur occupe le poste de surintendant général des Affaires indiennes. Entre 1897 et 1902, les postes adjoints des deux ministères sont également assumés par la même personne (James A. Smart). De 1878 à 1887, et de nouveau brièvement en 1888, le premier ministre John A. Macdonald est surintendant des Affaires indiennes.
Restructuration avant et après la guerre, 1936-1966
En 1936, on fait des Affaires indiennes une division du ministère des Mines et des Ressources ; en 1950, ce portefeuille fait de nouveau l’objet d’un transfert, cette fois vers le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Ellen Fairclough, première femme ministre au cabinet, dirige le ministère de 1958 à 1962. En 1965, les Affaires indiennes sont incorporées au ministère des Affaires du Nord et des Ressources naturelles.
Le portefeuille des Affaires du Nord est lui aussi transféré au ministère des Mines et des Ressources en 1936. En 1950, on l’incorpore au ministère des Ressources et du Développement ; il y demeurera pendant trois ans. Entre 1953 et 1966, les Affaires du Nord rejoignent les Affaires indiennes au ministère des Affaires du Nord et des Ressources naturelles.
Ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord, 1966-2017
En 1966, le gouvernement fédéral crée le ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord. C’est la première fois que les deux portefeuilles cohabitent au sein d’un même ministère spécialement conçu pour répondre aux besoins des communautés autochtones et du Nord. Parmi les anciens ministres responsables de ces portefeuilles, citons Jean Chrétien (1968-1974) et David Crombie (1984-1986).
Une réorganisation du ministère en 1968 donne naissance à trois domaines de programme séparés des services de soutien : Affaires indiennes et esquimaudes (qui devient Affaires indiennes et inuites en 1978), le Programme de développement du Nord (qui devient le Programme des affaires du Nord en 1973) et Parcs Canada (qui devient la responsabilité du ministre de l’Environnement en 1979). En 2018, Parcs Canada est sous la gouverne d’Environnement et Changement climatique Canada. L’ancien ministère du Développement du Nord et des consultations avec les Autochtones est à peu près équivalent à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord, le ministère actuel, tandis que l’ancien ministère des Affaires indiennes et inuites s’apparente à Services aux Autochtones Canada.
Le Bureau des revendications des autochtones est établi en 1974 pour représenter le gouvernement fédéral lors de négociations avec les nations autochtones. De nos jours, les négociations sont dirigées par le Tribunal des revendications particulières, établi en 2008. (Voir aussi Revendications territoriales des Autochtones.)
Changements de nom
Le ministère change de nom à plusieurs reprises entre 1966 et aujourd’hui. Tout récemment, on lui donne le nom d’Affaires autochtones et Développement du Nord (2011-2015), puis d’Affaires autochtones et du Nord Canada (2015-2017). Les changements de nom coïncident souvent avec l’élection de nouveaux gouvernements et tiennent compte de leur approche aux affaires autochtones et du Nord, ainsi que de l’évolution des perspectives quant aux termes acceptables à l’échelle nationale et internationale pour désigner les peuples autochtones. Par exemple, on remplace au fil du temps les termes « Indien » et « Aborigène » par « Autochtone », et « Eskimo » par « Inuit ».
Dans l’ensemble, cependant, les versions modernes de ce ministère visent surtout à appuyer le cheminement vers l’autonomie gouvernementale et la mise en œuvre des revendications territoriales, du développement économique, de l’amélioration de la qualité de vie au sein des communautés autochtones, d’une meilleure gestion des terres et des ressources naturelles et financières autochtones et du développement du Nord.
Remaniement ministériel du gouvernement Justin Trudeau, 2017-2018
En 2017, suivant une recommandation de la Commission royale sur les peuples autochtones (1996), le gouvernement de Justin Trudeau annonce son intention de dissoudre Affaires autochtones et du Nord Canada pour créer deux ministères distincts : Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord et Services aux Autochtones. Services aux Autochtones Canada s’occupe, quant à lui, d’améliorer la qualité des services offerts aux Autochtones pour que ceux‑ci en viennent à être offerts par les nations autochtones plutôt que par la Couronne. Ce nouveau ministère absorbe la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuit de Santé Canada. Le gouvernement fédéral décrit cette restructuration du ministère comme la « prochaine étape » vers l’abolition de la Loi sur les Indiens.
Le ministère des Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord encadre les relations entre le gouvernement et les Autochtones, y compris les discussions portant sur les traités autochtones et l’autonomie gouvernementale. Le ministère est également chargé de diriger le travail du gouvernement fédéral dans le Nord. Il travaille notamment avec les gouvernements territoriaux et d’autres dirigeants pour élaborer des politiques destinées aux peuples autochtones et non autochtones vivant dans les communautés du Nord, concernant des questions telles que le pétrole et le gaz (voir aussiPipelines au Canada), les terres et les ressources (voir aussiRessources naturelles; Ressources minérales), l’environnement et la santé.
En juillet 2018, les Affaires du Nord sont intégrées au ministère des Affaires intergouvernementales et du Nord et du Commerce intérieur du Canada. L’année suivante, le ministère des Affaires du Nord retrouve le nom Relations Couronne-Autochtones. Le ministère compte désormais deux ministres : un ministre des Relations Couronne-Autochtones et un ministre des Affaires du Nord.
Liste des ministères chargés des affaires autochtones et du Nord, de 1763 à aujourd’hui
Ministères chargés des affaires indiennes/autochtones :
Département des Indiens (1755-1860)
Secrétariat d’État du Canada (1860-1869)
Secrétariat d’État des provinces (1869-1873)
Ministère de l’Intérieur (1873-1880)
Affaires indiennes (1880-1936)
Ministère des Mines et des Ressources (1936-1950)
Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (1950-1965)
Ministère des Affaires du Nord et des Ressources nationales (1966)
Ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord (1966-2017)
Services aux Autochtones (2017-aujourd’hui)
Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord (2017-2018)
Relations Couronne‑Autochtones (2018-2019)
Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord (2019-aujourd’hui)
Ministères chargés des affaires du Nord :
Ministère de l’Intérieur (1873-1936)
Ministère des Mines et des Ressources (1936-1950)
Ministère des Ressources et du Développement (1950-1953)
Ministère des Affaires du Nord et des Ressources nationales (1953-1966)
Ministère des Affaires indiennes et du Développement du Nord (1966-2017)
Relations Couronne‑Autochtones et Affaires du Nord (2017-2018)
Ministère des Affaires intergouvernementales et du Nord et du Commerce intérieur (2018-2019)
Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord (2019-aujourd’hui)