Acadie contemporaine | l'Encyclopédie Canadienne

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Acadie contemporaine

On connaît surtout l'Acadie contemporaine par la voix et les images de ses artistes et de ses festivals, bien qu’une population francophone considérable habitant la région du Canada atlantique s'identifie à cette « communauté » historique et culturelle et s'efforce de le transformer en société moderne (voirCulture acadienne).

Antonine Maillet
Mêlant l'aventure, le désir, la frustration, l'agonie et la joie, les romans d'Antonine Maillet offrent une nouvelle image de l'Acadie d'antan (photo d'Andrew Danson).
Arsenault, Eddy
Pour entendre \u00ab Le Reel acadien \u00bb d'Edward Arsenault, joué par la famille Arsenault au cours d'une fête acadienne, dans la région d'Evangéline, à l'Île-du-Prince-Édouard, cliquez sur le bouton \u00ab Son \u00bb (avec la permission de la Société Radio-Canada).
Radio, Radio en concert en 2014.
Image : \u00a9 Brock Dishart, http://brockpapers.ca/

Les Acadiens sont des descendants des colons français qui arrivent en Amérique du Nord à partir de 1604 (voir Histoire de l'Acadie). Bien que l'on désigne sous le nom d'Acadiens la majorité des francophones de la côte atlantique du Canada, ce terme a plusieurs significations.


Pour plusieurs, l'Acadie est tout un pays historique, voire mythique, dont on se remémore le sort tragique dans le cadre de diverses festivités, notamment le 15 août, considéré comme fête nationale (voir Déportation des AcadiensÉvangeline; Drapeau acadien). On trouve également la diaspora acadienne, composée des descendants du peuple dispersé, sur le continent américain et en Europe, aux environs de l’année 1755 (voir aussi Louisiane francophone et Canada). Cette diaspora s'inspire du folklore acadien et se réunit à l'occasion du Congrès mondial acadien, dont l'édition la plus récente a eu lieu en Nouvelle-Écosse en 2014. La réunion la plus récente a lieu en 2014 et est organisée conjointement à Madawaska (Nouveau-Brunswick) / Maine (É.-U.) / Temiscouata (Québec). Le Congrès mondial acadien 2019 aura lieu à l’Île-du-Prince-Édouard et dans le Sud-Est du Nouveau-Brunswick.

L'Acadie des Maritimes est constituée de nombreuses communautés francophones dispersées dans plusieurs régions de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick. Depuis environ les quarante dernières années, la population acadienne au Nouveau-Brunswick est la plus florissante, aussi bien sur le plan démographique qu'institutionnel.


Population et démographie

Selon les données du recensement de 2006, le Canada compte 96 145 Acadiens, dont la majorité vit dans les provinces maritimes (voir Provinces maritimes). La majorité des Acadiens vit au Québec (32 950), mais, proportionnellement, c'est le Nouveau-Brunswick qui compte la plus grande population acadienne (25 400). Cette situation a des répercussions majeures sur le pouvoir politique des différentes communautés à l'échelle provinciale et explique en partie le succès des Acadiens du Nouveau-Brunswick dans la revendication de leurs droits.

La vitalité démographique et linguistique de l'Acadie du Nouveau-Brunswick, comparativement à celle de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard, peut être illustrée à l'aide de deux indicateurs : la croissance de la population et l'indice de continuité linguistique.

Croissance démographique

De 1961 à 2001, la population francophone a augmenté de 12,4 % au Nouveau-Brunswick alors qu'elle a diminué de 14 % en Nouvelle-Écosse et de 28,8 % à l'Île-du-Prince-Édouard. Les tendances migratoires interprovinciales ont nui à la croissance démographique de la population francophone dans cette région du pays. Par exemple, au Nouveau-Brunswick, de 1996 à 2001, près de 10 200 francophones ont quitté cette province alors que seulement 7 200 francophones y ont immigré.

L'indice de continuité linguistique

L'indice de continuité linguistique est le rapport entre la population dont la langue d'usage est le français et celle dont la langue maternelle est le français. Cet indice mesure la continuité de la langue, ou vitalité, en comparant le nombre de personnes qui parlent une langue donnée chez eux au nombre de personnes qui ont appris cette langue comme langue maternelle. Il tient compte des transferts en provenance et au profit de toutes les autres langues. En soustrayant cet indice de 100, on obtient le taux d'assimilation. En 2001, l'indice de continuité linguistique était de l'ordre de 92 % au Nouveau-Brunswick alors qu'il se chiffrait à 58,2 %en Nouvelle-Écosse et 49,8 % à l'Île-du-Prince-Édouard. Ce résultat montre l'urgence de la situation dans ces deux dernières provinces et l'importance du défi à relever pour ces communautés.

Il existe une relation claire entre la cohésion sociale régionale des communautés et le taux d'assimilation. Par exemple, dans une région à majorité francophone comme Madawaska au Nouveau-Brunswick, où presque 95 % de la population est de langue maternelle française, le taux d'assimilation est inférieur à 1 %, voire négatif, parce que le nombre de personnes qui parlent l'anglais à la maison (635) est inférieur au nombre de personnes de langue maternelle anglaise (1575). À l'inverse, dans une région où les francophones sont minoritaires, comme le comté de Prince à l'Île-du-Prince-Édouard où seulement 9 % de la population est de langue maternelle française, le taux d'assimilation est de 68 %.

Société et identité

Malgré son statut minoritaire, et peut-être en raison de cette situation précaire, la population acadienne s'est dotée d'institutions qui donnent forme à ce que l'on pourrait appeler la société acadienne. S'appuyant sur ces structures, l'Acadie a développé des valeurs, des symboles et des pratiques qui cimentent son existence et guident ses perspectives d'avenir.

Aussi bien au niveau de l'ensemble de la région de l'Atlantique que de chacune des provinces, les Acadiens disposent de structures communautaires qui disent représenter les intérêts des francophones auprès des instances gouvernementales canadiennes et étrangères (France, Belgique et la Francophonie). L'égalité des droits des communautés francophones et anglophones est leur cheval de bataille commun et leurs actions visent non seulement l'obtention de services dans la langue française, mais aussi une reconnaissance officielle de leur spécificité.

On assiste également, au XXe siècle, à l'apparition d'institutions acadiennes d'importance notable dans des domaines liés à la jeunesse, aux femmes et à l'éducation. Des réseaux scolaires francophones desservent la quasi-totalité de la population acadienne. Au Nouveau-Brunswick, grâce aux réformes des politiques publiques entreprises par le gouvernement de Louis B. Robichaud dans les années 60, le bilinguisme officiel garantit désormais la dualité des services au ministère de l'Éducation. Au niveau postsecondaire, les francophones des Maritimes ont le choix entre l'Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, l'Université de Moncton au Nouveau-Brunswick et un réseau de collèges communautaires, en plus de pouvoir compter sur des services de formation à distance. L’Université de Moncton héberge le Centre d’études acadiennes Anselme-Chiasson (CEAAC).

Cette vitalité institutionnelle s'est considérablement accrue depuis les années 80 avec la multiplication des associations sectorielles se réclamant du caractère distinctif acadien. Les artistes, artisans, journalistes, juristes, entrepreneurs, parents d'élèves, personnes âgées, sportifs, agriculteurs, professionnels de la santé, etc. se sont ainsi constitués en groupes de pression et forment un véritable réseau d'associations. Les politiques fédérales qui appuient les minorités de langue officielle et l'appui plus restreint des provinces favorisent le développement de cette capacité organisationnelle acadienne.

Les médias occupent une position stratégique dans le développement des minorités acadiennes. L'Acadie des Maritimes en entier est reliée par la radio et la télévision de Radio-Canada, alors que seul le Nouveau-Brunswick dispose d'un journal quotidien, L'Acadie Nouvelle, qui côtoie des hebdomadaires tels Le Petit moniteurL'ÉtoileLe Madawaska et La République. L'Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse disposent des hebdomadaires La Voix acadienne et Le Courrier de la Nouvelle-Écosse. Outre les médias privés, les radios communautaires jouent un rôle important pour rallier les communautés acadiennes et raffermir leur sentiment d'appartenance. Enfin, comme ailleurs au Canada, Internet constitue une partie de plus en plus importante de l'espace public acadien.

L'Acadie n'en continue pas moins de miser sur des institutions plus traditionnelles comme le Mouvement coopératif, qui rallie une grande proportion des francophones, et l'Église catholique, qui conserve une certaine influence. Nouvelles ou anciennes, ces institutions trouvent une raison d'être dans la culture acadienne et alimentent ce qu'il est convenu d'appeler le caractère distinctif de l'Acadie.

L'identité collective acadienne est en constant renouvellement, bien que ses fondements soient essentiellement historiques. La langue française est à la fois son principal véhicule et sa plus grande préoccupation. L'attachement à la France demeure solide et la participation à la francophonie mondiale a pris un caractère officiel en 1977, les Acadiens y étant représentés par le gouvernement du Nouveau-Brunswick.

Tout compte fait, les Acadiens doivent composer avec deux alter ego : l'anglophone qui a suscité plus de conflits que de coopération par le passé et le Québécois qui, de partenaire historique dans l'aventure canadienne, semble être devenu le bouc émissaire de la difficile « survivance » de la communauté francophone hors Québec.

Le rappel du tragique événement de l'histoire acadienne, la déportation, continue de marquer l'acadianité. Le personnage symbolique d'Évangéline, émanant de la poésie de Henry Longfellow, demeure omniprésent dans l'imaginaire collectif. Un attrait pour le passé se manifeste par l'engouement pour la recherche généalogique et se fait également sentir dans la création d'une identité qui constitue le fondement de l'expression culturelle et artistique contemporaine. Les œuvres font constamment référence aux racines françaises et au drame historique qui ont façonné l'identité acadienne, tout en maintenant une connexion avec la géographie et l'esprit de la culture nord-américaine moderne.

Outre ce sentiment d'appartenance collectif, il faut souligner que les Acadiens adoptent de multiples identités. Sur le plan politique, ils affirment qu'ils appartiennent à leur communauté, à leur province, au Canada, à la population francophone ou même au contingent bilingue. Les figures traditionnelles de l'agriculteur et du pêcheur demeurent présentes, mais ont été éclipsées par un vaste éventail de rôles socioprofessionnels. On trouve également des Acadiens qui adhèrent à différentes confessions religieuses et quelques-uns revendiquent l'anglais comme langue d'usage.

Économie

Si l'on tient compte du revenu total par habitant pour illustrer le niveau de développement relatif des communautés acadiennes, on observe depuis 1961 une certaine amélioration de leur situation comparativement à la moyenne nationale. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, ce rattrapage est de l'ordre de 17,6 %. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Soulignons d'abord la hausse du niveau de scolarisation des Acadiens. Par exemple, en 1961, seulement 3 % de la population acadienne du Nouveau-Brunswick de 15 ans et plus avait fréquenté des établissements d'enseignement postsecondaire, comparativement à 42,4 % en 2001. L'augmentation de la participation au marché du travail est un autre facteur important. Mentionnons également le dynamisme entrepreneurial d'une nouvelle élite économique. Alors que traditionnellement on privilégiait l'entrepreneuriat coopératif comme principal mécanisme de prise en charge de certaines activités économiques, l'individualisme qui caractérise l'urbanisation et la marche vers la modernité a fait en sorte que les nouveaux entrepreneurs sont plus portés vers l'entreprise privée de type capitaliste. Cet esprit d'entreprise a mené au développement d'un réseau d'organisations économiques (Conseil économique du Nouveau-Brunswick, chambres de commerce, etc.). Ces organisations jouent un rôle de lobbyiste, mais participent également à l'élaboration de politiques de développement et à la gestion de programmes gouvernementaux comme le Réseau de développement économique et d'employabilité (RDÉE).

Enfin, la montée de l'État providence a joué un rôle majeur dans ce rattrapage, et ce, de plusieurs façons. D'abord par un important transfert de revenus aux individus. En 2001, chez les Acadiens des Maritimes, les revenus de transfert représentent 20 % du revenu total, comparativement à 16 % chez les anglophones. Ces revenus additionnels provoquent une injection de capitaux dans l'économie régionale qui appuie le développement, spécialement dans le domaine des services personnels. Le développement des services publics a permis la création d'un nombre imposant d'emplois bien rémunérés dans tous les domaines, élargissant ainsi l'assise économique des communautés régionales. En mettant sur pied divers programmes de développement régional, les gouvernements fédéral et provinciaux ont aussi favorisé le développement de l'entrepreneuriat local et, par conséquent, la création d'emplois.

Un autre phénomène porte ombrage à ce progrès; la persistance d'un écart assez considérable au niveau du développement. Par exemple, en 2001, le revenu total par habitant des Acadiens du Nouveau-Brunswick demeure 20,6 % au-dessous de la moyenne nationale. Cette différence s'explique, en partie, par le fait que le taux d'activité économique est inférieur à la moyenne canadienne et le taux de chômage, supérieur. Le secteur manufacturier concentre ses efforts sur la transformation des ressources naturelles et est peu présent dans les secteurs de haute technologie. Par conséquent, l'activité dans plusieurs régions est très saisonnière.

L'emploi demeure donc la principale préoccupation dans l'Acadie des Maritimes. C'est pour cette raison qu'au cours des dernières années, les communautés acadiennes ont manifesté fermement leur désaccord à ce que l'on modifie certains programmes des gouvernements fédéral et provinciaux. Du côté fédéral, on peut citer en exemple l'assurance-chômage, rebaptisée assurance-emploi en 1996 après le resserrement des critères d'admissibilité et à une réduction des prestations et de leur durée. Des manifestations houleuses ont eu lieu dans les régions dont l'activité économique est étroitement liée à la pêche, et ce dossier demeure une importante source de préoccupation.

Les travailleurs des industries saisonnières vivent de l'assurance-emploi durant la saison morte. En janvier 2005, le taux de chômage au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, était de 15,5 % et dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, de 16,1 %, comparativement à une moyenne de 7 % à l'échelle nationale. Le rapport emploi-population dans ces deux régions était de 41,1 % et 45,6 %, comparativement à 62,7 % pour l'ensemble du pays. Ces données nous permettent de mieux comprendre la réaction des travailleurs acadiens face aux réformes apportées aux programmes gouvernementaux. En dépit de cette situation, la population n'est pas prête à accepter n'importe quel emploi. La construction d'un incinérateur de sols contaminés dans le nord du Nouveau-Brunswick a suscité un vaste mouvement de protestation.

L'accès aux services dans l'ensemble du territoire constitue un défi majeur. Au Nouveau-Brunswick par exemple, le débat s'est cristallisé autour de la prestation des soins de santé. Cette rationalisation mène à une plus grande spécialisation des institutions et à une plus grande centralisation des services. Elle entraîne une réduction des emplois pour les travailleurs de la santé, ce qui accentue les différences entre les régions rurales et urbaines. Comme l'illustrent les données sur le marché du travail, les efforts de diversification de l'assise économique donnent des résultats décevants dans plusieurs régions.

Lecture supplémentaire

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