The Halluci Nation (A Tribe Called Red) | l'Encyclopédie Canadienne

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The Halluci Nation (A Tribe Called Red)

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Le groupe autochtone de musique électronique A Tribe Called Red (ATCR) a obtenu une reconnaissance internationale pour sa musique de danse aux airs . Jouée au rythme des percussions, celle-ci comporte un fort contenu politique. Le groupe, mené par DJ Bear Witness (Thomas Ehren Ramon) et 2oolman (Tim Hill), s’est fait connaître peu à peu lors des soirées Electric Pow Wow organisées dans une boîte de nuit d’Ottawa à partir de 2007. Parmi les anciens membres d’ATCR, on compte DJ Shub (Dan General) ainsi que les membres fondateurs DJ NDN (Ian Campeau) et Dee Jay Frame (Jon Limoges). Le groupe a décrit sa musique « powwow step » comme « la bande sonore d’une évolution contemporaine du pow-wow ». Il s’inscrit dans le mouvement que l’animateur et éducateur Wab Kinew a nommé la « renaissance musicale autochtone », portée par une nouvelle génération d’artistes autochtones novateurs au Canada. ATCR a été en nomination pour le Prix de musique Polaris en 2013 et en 2017, et a remporté trois prix Juno, dont celui du groupe révélation de l’année en 2014 et du groupe de l’année en 2018.

Origine et formation

Inspiré par les soirées organisées pour la jeunesse coréenne et sud-asiatique d’Ottawa, DJ NDN (Ian Campeau), un ancien videur de boîte de nuit d’origine ojibwée devenu DJ, s’intéresse à l’organisation de soirées du même type pour les jeunes autochtones. Après avoir discuté de cette idée avec son ami Bear Witness (Thomas Ehren Ramon), d’origine cayuga, et un autre DJ, Dee Jay Frame (Jon Limoges), d’origine mohawk, les trois mettent sur pied un premier événement baptisé Electric Pow Wow au Babylon, une boîte de nuit d’Ottawa, en 2007.

Encouragés par l’accueil extrêmement positif qu’ils reçoivent, les trois DJ décident d’organiser des soirées de ce type la deuxième fin de semaine de chaque mois. Ce calendrier se poursuivra jusqu’en décembre 2017. Les soirées présentent des enregistrements de pow‑wow traditionnels de la jeunesse de Ian Campeau dans lesquels celui-ci joue des percussions et auxquels sont mélangés différents rythmes et de genres de musique électronique comme le dubstep, le moombahton et le dancehall. Le groupe, qui prend le nom de A Tribe Called Red à partir de 2008, surnomme « powwow step » ce mélange de genres.

Les Electric Pow Wow s’adressent directement à la jeunesse autochtone d’Ottawa, mais attirent également un grand nombre d’Allochtones. Ces soirées comportent, en plus de la musique, des présentations multimédias de Bear Witness, qui s’inspire des activités militantes de sa mère pour créer des spectacles multimédias recontextualisant des représentations stéréotypées de personnes autochtones au cinéma et à la télévision.

Premiers enregistrements et premier album (2012)

À un certain point, ATCR commence à se concentrer sur des créations originales. À la fin de 2010, DJ NDN envoie un certain nombre de morceaux à Diplo, un célèbre producteur de musique électronique aux côtés duquel il a travaillé comme DJ par le passé. Le groupe gagne en notoriété lorsque Diplo publie des critiques enthousiastes des chansons « Electric Pow Wow Drum » et « Pow Wow Riddim » sur son populaire blogue Mad Decent.

Au début de 2011, ATCR téléverse une version remixée de « Red Skin Girl », une chanson du groupe vocal Northern Cree, nommé aux prix Grammy. La chanson devient très populaire et ATCR la sort sous la forme de single quelques mois plus tard. En octobre 2011, le groupe sort un microalbum intitulé Moombah Hip Moombah Hop, qui propose des versions remixées de morceaux hip‑hop à l’ancienne ainsi que des chansons originales.

Pendant la période de transition où ATCR commence à se construire une discographie, Dee Jay Frame quitte le groupe. Les autres membres commencent alors à collaborer avec un doctorant du département d’ethnomusicologie de l’Université de la Californie à Los Angeles. Ils se servent de certains de ses enregistrements de chanteurs autochtones sur cylindres de cire pour créer une chanson intitulée « General Generations ». ATCR produit également « Woodcarver », qui présente l’enregistrement de la rencontre entre le sculpteur sur bois John T. Williams de la Première Nation nuu‑chah‑nulth et le policier de Seattle à l’origine de sa mort.

ATCR produit son premier album éponyme en mars 2012. Offert en téléchargement gratuit, il est réalisé sans le soutien d’une maison de disques. A Tribe Called Red suscite des critiques élogieuses dans le monde entier et fait partie de la longue liste des lauréats possibles du Prix de musique Polaris en 2012. À la fin de la même année, le groupe sort le microalbum Trapline, qui propose plusieurs nouveaux morceaux.

Nation II Nation (2013)

Sorti en mai 2013, le deuxième album du groupe, Nation II Nation, est une œuvre au contenu politique nettement marqué. Il propose des échantillonnages de morceaux d’artistes de la maison de disques Tribal Spirit. Le texte de la pochette du CD comprend des photos des certificats de de chacun des membres d’ATCR, accompagnés de la déclaration suivante : « Après les événements des cent dernières années, le simple fait d’exister encore aujourd’hui constitue une déclaration politique. En tant qu’Autochtones, tout ce que nous faisons est politique. »

Dans une entrevue pour promouvoir l’album, DJ NDN déclare : « Par le titre de l’album [Nation II Nation] ou le nom du groupe, A Tribe Called Red, je me retrouve comme Ojibwé, comme Anichinabé. Les deux autres gars, Dan et Bear, sont Cayugas. Nos langues à elles seules sont aussi différentes que l’anglais et le chinois. Historiquement, nous sommes ennemis. Alors ensemble, en formant ce groupe, nous mettons en place une relation de nation à nation. Ensuite, en regardant les choses à plus grande échelle d’un point de vue fédéral, il pourrait y avoir une relation de nation à nation entre les nations colonisatrices et les Premières Nations, et cette relation doit commencer à exister. Il faut commencer à avoir cette conversation. »

Le single vedette de l’album, « The Road », est dédié aux manifestations du mouvement Idle No More et à la chef de la Première Nation attawapiskat, Theresa Spence, qui a mis fin à sa grève de la faim un peu plus tôt dans l’année. Avant le lancement de Nation II Nation, ATCR sort également un enregistrement avec le groupe new‑yorkais Das Racist sous le titre « Indians From Every Direction ». Nation II Nation est en nomination pour le Prix de musique Polaris de 2013.

À la fin de 2013, le groupe produit le morceau « A Tribe Called Red » de la rappeuse américaine afroautochtone Angel Haze pour son album Dirty Gold. Au début de 2014, ATCR est nommé pour le prix Juno du groupe révélation de l’année et du meilleur album électronique de l’année. Le groupe avait préalablement décidé de ne pas présenter son album Nation II Nation dans la catégorie du meilleur album autochtone de l’année. ATCR remporte le prix Juno du groupe révélation de l’année pour 2014.

En septembre 2014, DJ Shub quitte officiellement le groupe, invoquant son besoin de passer plus de temps avec sa famille. Il est remplacé par le producteur hip‑hop Tim Hill (également connu sous le nom de 2oolman), qui est mohawk. En novembre 2014, juste à temps pour l’Action de grâce américaine (Thanksgiving), le groupe sort son single « Burn Your Village to the Ground ».

Suplex (2015)

Le 19 mai 2015, ATCR lance Suplex, un microalbum de quatre morceaux. La chanson‑titre, interprétée conjointement avec Northern Voice, sort également sous forme de single, tandis que le morceau « The Peoples’ Champ », co-interprété par le rappeur cri Hellnback, est utilisé dans une publicité pour l’iPhone. Après la sortie de ce microalbum, le groupe produit un remixage de « Working for the Government » (2008) de Buffy Sainte‑Marie. Il effectue par la suite une tournée au Canada, se produisant au festival de musique et d’arts Osheaga de Montréal, au festival Panamania pendant les Jeux parapanaméricains et panaméricains à Toronto, et dans différents spectacles gratuits organisés sur des réserves des Premières Nations dans tout l’Ontario. ATCR joue également au Smithsonian’s National Museum of the American Indian à Washington, DC.

We Are The Nation (2016)

Le groupe lance son troisième album, We Are The Halluci Nation, le 16 septembre 2016. Il est produit par la maison de disques Pirates Blend. Plus collaboratif que les œuvres précédentes, l’album s’inspire de John Trudell, activiste santee dakota et ancien chef du American Indian Movement. Ce dernier est également l’auteur du titre de l’album, sur lequel il fait du spoken word aux côtés de l’auteur Joseph Boyden.

We are the Halluci Nation comporte des œuvres cocrées avec les artistes Shad, Mos Def, Tanya Tagaq et Lido Pimienta. Il s’agit sans doute de l’album le plus influencé par le hip‑hop et le plus expérimental du groupe. Il se vend bien et se hisse au 7e rang du palmarès des albums de musique de danse ou de musique électro les plus populaires compilé par Billboard. De plus, il est largement acclamé par la critique. Erin MacLeod de Pitchfork décrit l’album comme « une trame sonore moderne de musique de danse électrique qui est politiquement exaltante et immédiate » et « un album essentiel à écouter pour tous ». Benjamin Boles du magazine NOW affirme qu’il s’agit d’« un album de puissante musique militante arrangée sur des rythmes enivrants », tandis que David Dacks de Exclaim! avance que l’œuvre marque « une nouvelle étape pour la musique canadienne » et consiste en « un album concept extrêmement bien exécuté qui sert indéfectiblement sa vision ».

En 2017, We Are The Halluci Nation se retrouve sur la courte liste pour le Prix de musique Polaris et est nommé album de l’année aux Independent Music Awards. Le 2 avril de la même année, ATCR donne le spectacle d’ouverture du gala des prix Juno. Il se produit alors aux côtés de Tanya Tagaq et d’une troupe de danseurs autochtones. Le groupe remporte aussi le prix Jack Richardson du meilleur producteur de l’année pour son travail sur les singles « R.E.D. », avec Yasiin Bey, Narcy et Black Bear, et « Sila », avec Tanya Tagaq.

Le 18 octobre 2017, le membre fondateur Ian Campeau (DJ NDN) annonce qu’il quitte ATCR. Il déclare : « Après presque dix ans dans A Tribe Called Red, j’ai décidé de quitter le groupe et de me concentrer sur mon travail de conférencier, de mentor et de militant… Ces dernières années, j’ai parlé des difficultés que me posent les tournées, qui sont pour moi une source d’anxiété et de dépression. Mon départ est donc le choix le plus sain pour moi. Après autant de temps, les autres membres du groupe et moi avons évolué dans des directions distinctes et sommes maintenant animés par des idéologies et des intérêts différents de ceux que nous avions il y a dix ans. Cela a suscité des tensions entre nous et a créé un environnement toxique au point où je ne me sentais plus à l’aise d’y travailler. » Il fait également remarquer : « Je suis content de ce que j’ai fait en tant que membre de A Tribe Called Red et éternellement reconnaissant pour toutes les occasions que ce projet m’a offertes… Je suis vraiment excité par ce que l’avenir me réserve et je ne souhaite que de bonnes choses à A Tribe Called Red. »

The Halluci Nation

En 2021, le groupe annonce officiellement qu’il change de nom pour devenir The Halluci Nation. Dans une publication sur Instragram le 5 avril 2021, il explique :

« Nous sommes The Halluci Nation. Au fil des ans, ces mots sont devenus plus qu’un simple titre d’album pour nous. Les idées tirées de notre collaboration avec John Trudell ont servi de guide pour l’avenir de . 2oolman, Bear Witness et la famille de THN ont travaillé fort pour continuer de pousser The Halluci Nation vers la réalité qui enthousiasmait tellement John Trudell. C’est dans cet esprit que nous adoptons maintenant le nom de The Halluci Nation. »

Les membres ont également expliqué, dans une entrevue avec CFWE, que « les personnes autochtones doivent définir leur identité selon leurs propres termes. Si vous partagez cette vision, vous faites déjà de The Halluci Nation. »

Militantisme

En juin 2013, le groupe publie une déclaration sur Twitter demandant aux Blancs de cesser de pratiquer l’appropriation culturelle en assistant à ses spectacles en « redface », c’est-à-dire paré de plumes ou de peinture au visage, et en arborant des coiffes. La déclaration indique : « Aux personnes non autochtones qui viennent à nos spectacles, il faut qu’on se parle. S’il vous plaît, arrêtez de porter des coiffes et des peintures de guerre, c’est insultant. »

En septembre 2013, Ian Campeau lance une campagne sur Twitter (#ChangeThe Name) pour exiger que le club junior de football d’Ottawa, les Redskins de Nepean (littéralement les « Peaux-Rouges de Nepean »), change de nom. Il dépose également une plainte relative aux droits de la personne contre cette organisation auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. En janvier 2014, l’équipe change de nom pour devenir les Eagles de Nepean. Ian Campeau fait toutefois l’objet de beaucoup de harcèlement en ligne pour avoir soulevé cette question.

En juin 2014, les organisateurs du festival de musique Westfest d’Ottawa reçoivent un courriel menaçant pour avoir ajouté ATCR à leur programmation. Ce courriel traite Ian Campeau de « raciste hypocrite » pour avoir demandé au club de football de Nepean de changer de nom alors qu’il porte parfois un « T‑shirt raciste ». Il s’agit d’un T-shirt sur lequel on voit un homme blanc arborant un large sourire avec un symbole de dollar au‑dessus de la tête, une réinterprétation satirique du logo des Indians de Cleveland de la Ligue majeure de baseball.

Ian Campeau et les autres membres du groupe sont également d’ardents défenseurs du mouvement Idle No More, des droits des Autochtones et de l’égalité en général. Ils citent souvent des personnalités comme Noam Chomsky et publient sur Twitter des coupures de presse d’archives recensant les injustices commises contre les Premières Nations en Amérique du Nord.

En septembre 2014, ATCR annule une prestation à la cérémonie d’ouverture du Musée canadien des droits de la personne à Winnipeg et déclare : « Nous pensons qu’il est nécessaire d’annuler notre prestation parce que le musée donne une représentation erronée du génocide des peuples autochtones au Canada, en diminue l’importance et refuse de l’appeler “génocide”. Tant que cela n’aura pas été corrigé, nous ne soutiendrons le musée qu’à distance. »

Prix

Indigenous Music Awards

  • Meilleur producteur ou ingénieur du son (2013)
  • Meilleur CD pop (Nation II Nation) (2013)
  • Meilleur groupe ou duo (2013)
  • Meilleure couverture d’album (Nation II Nation) (2013)

Prix Juno

  • Groupe révélation de l’année (2014)
  • Producteur de l’année (« R.E.D. », avec Yasiin Bey, Narcy et Black Bear; « Sila », avec Tanya Tagaq) (2017)
  • Groupe de l’année (2018)

Autres

  • Album de l’année (We Are The Halluci Nation), Independent Music Awards (2017)

Music of
The Halluci Nation (A Tribe Called Red)

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