Affaire du Trent | l'Encyclopédie Canadienne

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Affaire du Trent

Le 8 novembre 1861, sept mois après le déclenchement de la guerre de Sécession, le capitaine américain Charles Wilkes a arrêté le RMS Trent, un navire britannique non armé, dans les eaux internationales entre Cuba et les Bahamas. Deux envoyés confédérés ont été faits prisonniers. Cet incident a mené à une crise diplomatique entre la Grande-Bretagne et les États-Unis qui a failli déclencher une guerre qui aurait impliqué le Canada. L’affaire du Trent a été résolue de manière pacifique lorsque les deux envoyés ont été libérés le 1er janvier 1862 et qu’ils ont été autorisés à se rendre en Grande-Bretagne.

Le USS San Jacinto arrête le RMS Trent

Historique

La guerre de Sécession est déclenchée le 12 avril 1861. Les dirigeants des États du Sud qui font sécession des États-Unis pour former les États confédérés d’Amérique espèrent que la Grande-Bretagne et la France s’allieront à eux. Cependant, ces pays se déclarent tous deux neutres. Le président américain Abraham Lincoln impose un blocus aux ports du Sud pour couper l’approvisionnement vital en coton de l’Europe, et le 21 juillet, les confédérés remportent la première bataille majeure de la guerre, appelée Bull Run dans le Nord et Manassas dans le Sud. La Grande-Bretagne et la France maintiennent toujours leur neutralité.

En août, le président confédéré Jefferson Davis nomme deux envoyés spéciaux; James Mason, l’ancien président du comité des relations étrangères du Sénat américain, et John Slidell, l’ancien sénateur de la Louisiane. Il les charge de se rendre en Grande-Bretagne et en France et de persuader ces gouvernements de reconnaitre la Confédération en tant qu’État souverain afin qu’elle puisse exercer de façon plus légitime sa diplomatie, ses collectes de fonds dans les marchés internationaux et qu’elle puisse également conclure des alliances. Les deux envoyés, leurs secrétaires personnels et la famille de John Slidell sont transportés à Cuba en secret. Ils transportent des documents secrets authentifiant leurs missions et ils embarquent à bord du RMS Trent, un petit navire britannique non armé qui sert habituellement de navire postal.

La capture

Le 8 novembre, le Trent navigue dans les eaux internationales du canal de Bahama. Le capitaine Charles Wilkes du sloop américain San Jacinto repère le Trent et tire deux obus sur sa proue. Le capitaine du Trent, James Moir, n’a d’autre choix que de laisser les marins américains monter à bord et fouiller le navire. Lorsque James Mason et John Slidell s’avancent et s’identifient, ils sont mis en état d’arrestation et sont transférés à bord du San Jacinto. Le Trent reçoit l’autorisation de continuer son voyage. Une semaine plus tard, James Mason et John Slidell se retrouvent dans une prison au Fort Warren de Boston.

Le capitaine Charles Wilkes est accueilli en héros et célébré avec des festins et un défilé dans la ville de New York. Cependant, lorsque la nouvelle de l’arrestation parvient en Angleterre le 25 novembre, la presse britannique se joint aux dirigeants politiques pour exprimer leur indignation.

Embarquement sur le RMS Trent

La crise

Le premier ministre britannique, lord Palmerston, ordonne que les cargaisons de salpêtre vers les États-Unis soient arrêtées. (Le salpêtre, ou nitrate de potassium, est un composant important de la poudre à canon.) Une lettre est envoyée au secrétaire d’État américain William Seward déclarant que les actions du capitaine Charles Wilkes violent le droit international et qu’elles portent offense à l’honneur de la Grande-Bretagne, et que le gouvernement américain doit libérer James Mason et John Slidell et présenter des excuses publiques à la Grande-Bretagne.

Le représentant spécial de William Seward à Londres signale que le consensus en haut lieu était que William Seward avait donné l’ordre au capitaine Charles Wilkes de monter à bord du Trent « pour provoquer une guerre avec l’Angleterre avec l’intention d’obtenir le Canada ». Lord Palmerston sait que cette crise peut mener à une guerre et que le Canada serait un champ de bataille dans cette guerre. Tandis que sa lettre à William Seward fait son chemin jusqu’à Washington, il envoie des milliers de soldats britanniques, de l’artillerie et du matériel de guerre pour renforcer la frontière canadienne. Pendant ce temps, les troupes américaines sont déplacées à la frontière.

Le gouverneur général canadien Charles Monck ordonne aux troupes canadiennes et à l’approvisionnement de se rendre à la frontière. Des ouvriers supplémentaires sont affectés à la construction de nouvelles batteries à Toronto et à Montréal pour accélérer leur achèvement. Le premier ministre canadien John A. Macdonald ordonne le rassemblement, l’armement, et l’expansion des unités de milice. Au milieu du mois de décembre, 38 556 miliciens canadiens sont armés et prêts à se défendre contre ce qui est perçu comme une imminente invasion américaine.

John A. Macdonald envoie l’inspecteur général Alexander Galt à Washington. Ce dernier rencontre le président Abraham Lincoln le 4 décembre. Le président ne profère aucune menace directe, mais il avertit Alexander Galt de manière sinistre que le peuple américain veut que des mesures soient prises concernant les menaces de la Grande-Bretagne et du Canada. Il déclare : « Nous devons faire quelque chose pour satisfaire le peuple. »

Le jour de Noël, le cabinet américain débat au sujet de la crise durant quatre heures. Certains soutiennent que James Mason et John Slidell devraient être libérés et d’autres, incluant le président, s’y opposent initialement. Toutefois, lorsque le cabinet se rencontre à nouveau le lendemain, il est décidé que James Mason et John Slidell seront relâchés, mais qu’aucune excuse ne sera présentée. La lettre américaine décrivant cette entente est reçue à Londres le 8 janvier, et le premier ministre Palmerston en accepte les termes.

Cette crise a démontré la vitesse à laquelle la guerre de Sécession aurait pu dégénérer en conflit international plus vaste et déborder de la frontière nord des États-Unis dans le Canada.