L'explosion d'Halifax de 1917 | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

L'explosion d'Halifax de 1917

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

À la prison de Richmond, au bout de la rue Gottingen, à Halifax, le jeune fils du directeur est attiré à la fenêtre par un spectaculaire feu d'artifice. Trop malade pour aller à l'école ce jour-là, il avait accompagné son père à son travail. Soudain, il est aveuglé par un éclair lumineux et assommé par un grondement assourdissant. Il est l'un des premiers témoins oculaires du plus grand désastre jamais survenu au Canada, l'explosion du port d'Halifax. Terrifié, il court à la recherche de son père.

Dans la noirceur précédant l'aurore, ce jeudi 6 décembre 1917, le Mont-Blanc, navire de munitions français, est ancré près de l'embouchure du port d'Halifax. On dirait un petit bateau quelconque, mais, en réalité, il transporte une cargaison mortelle, une véritable potion de sorcière composée d'acide picrique (utilisé dans la fabrication d'obus d'artillerie), de TNT, de fulmicoton, de benzène (un carburant à indice d'octane élevé) et de munitions chargées. La nuit précédente, on l'a empêché d'entrer dans le défilé (passe étroite) en fermant le filet sous-marin, le même qui empêche d'ailleurs l'Imo, un vaisseau de secours norvégien de quitter le port pour la Belgique. Ce matin-là, les deux capitaines sont impatients de faire avancer leur navire. L'Imo est en retard de 18 heures sur son horaire et le Mont-Blanc représente une cible facile dans le port ouvert.

La dévastation après l'explosion d'Halifax (The James Collection/City of Toronto Archives)

Le capitaine de l'Imo évite deux autres navires en les contournant à tribord, ce qui constitue une manoeuvre anormale qui, chaque fois, le rapproche de la côte de Dartmouth. C'est alors que le pilote du Mont-Blanc voit avec stupeur l'Imo s'avancer vers son bâtiment. Les deux échangent, dans la confusion la plus totale, une série d'ordres contradictoires, coups de corne et de sifflets. Les secondes qui précèdent la collision se déroulent sous le signe de l'indécision et de la panique.

Dans une dernière manoeuvre fatale, les deux capitaines s'époumonent à lancer l'ordre de faire « machines arrière toutes ». Le Mont-Blanc tangue sur le côté. La proue de l'Imo pivote et sa poupe emboutit le Mont-Blanc. Le froissement du métal projette des étincelles et enflamme le benzène. L'équipage du Mont-Blanc se rue dans les canots de sauvetage et rame à toute vitesse, hurlant des avertissements que personne ne peut comprendre.

Pendant vingt minutes, alors qu'il dérive dangereusement dans le port vers le quai no 6, le Mont-Blanc en flammes attire une foule de curieux aux yeux écarquillés. Dans la cour de triage de la gare Richmond, un télégraphiste envoie un dernier message : « Bateau de munitions en feu dans le port. Se dirige vers le quai no 6. Au revoir. » Quelques secondes plus tard, le Mont-Blanc explose. Il s'agit de la plus grosse explosion d'origine humaine du monde avant celle d'Hiroshima. Le grondement étourdissant de la détonation est entendu jusqu'à l'île de Sable et au Cap-Breton.

Une boule de feu aussi brûlante que la surface du soleil parcourt les quais, anéantissant tout sur son passage, comme si rien n'y avait jamais existé. Le métal du Mont-Blanc vole en millions d'éclats qui se déplacent à une vitesse supérieure à celle de n'importe quel projectile. Un marin, J.C. Meyers, qui n'est qu'à une trentaine de mètres du navire, entend quelqu'un crier : « Attention! » C'est la dernière chose dont il se souvient quand il se réveille allongé sur le sol de Fort Needham, à plus d'un kilomètre de là, n'ayant plus rien d'autre sur lui que ses bottes.

Après la boule de feu, suit une bouffée d'air mille fois plus puissante que n'importe quel ouragan, qui, compressant l'air en une poigne de fer, projette des wagons comme s'ils étaient des jouets d'enfant, écrase les maisons comme s'il s'agissait de vulgaires allumettes et broie tout sur son passage. Derrière le mur d'air, survient une averse mortelle de shrapnels. Dans le port, l'Imo est dépouillé de sa superstructure et s'échoue au loin sur la côte. En deux secondes, la déflagration a anéanti la totalité du quartier de Richmond et fait au moins mille morts.

En moins de temps qu'il n'en faut pour prendre son souffle, presque tous les immeubles d'Halifax et de Dartmouth sont endommagés. Les premières tentatives de secours sont chaotiques. La ville n'a plus aucun moyen d'entrer en communication avec le reste du monde. Au fur et à mesure que la nouvelle de la catastrophe se répand, des Maritimes, du centre du pays, de la Nouvelle-Angleterre et du monde entier arrivent assistance médicale, nourriture, vêtements, matériel de construction et ouvriers spécialisés.

Le nombre officiel de morts est de 1963, mais c'est vraisemblablement une sous-estimation. Le désastre aura fait plus de 9000 blessés et 25 000 sans-abri. La confusion règne dans la ville pendant des mois, alors que ceux qui ont perdu des êtres chers fouillent sans fin les décombres et posent des questions qui restent sans réponse. Il n'y a pas d'aide offerte à ceux qui sont en deuil. Dans une seule famille, comme celle de James et Elizabeth Jackson, 46 personnes ont été tuées et 19 blessées.

Les soupçons propres aux temps de guerre en poussent plus d'un à penser que l'explosion pourrait résulter d'un acte de sabotage. Le Halifax Herald n'hésite pas à accuser « ce grand criminel, le Kaiser de l'Allemagne ». Une première enquête fait étrangement porter tout le blâme au capitaine et pilote du Mont-Blanc. La Cour suprême du Canada répartit plutôt la responsabilité. Deux juges blâment l'Imo, deux autres le Mont-Blanc, et le cinquième décide que les capitaines des deux navires ont agi avec imprudence.

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