Affaire Sparrow | l'Encyclopédie Canadienne

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Affaire Sparrow

L’affaire R. c. Sparrow de 1990 a été la première affaire portée devant la Cour suprême du Canada à mettre à l’épreuve l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Initialement condamné pour pêche illégale, Ronald Edward Sparrow, membre de la bande des Musqueams, a été innocenté par la Cour suprême et son droit ancestral à la pêche a été confirmé.
Cour supr\u00eame du Canada
L'édifice de la Cour supr\u00eame du Canada de nuit.

Contexte

En mai 1984, Ronald Edward Sparrow, un pêcheur commercial de la bande des Musqueams qui exerce son activité dans la région du fleuve Fraser en Colombie‑Britannique, est pris en train de pêcher en violation du paragraphe 61(1) de la Loi sur les pêches fédérale. Arrêté, il est accusé d’avoir utilisé un filet de pêche dépassant la longueur autorisée en vertu de son permis de pêche de subsistance. Dans sa défense, il allègue que le droit de pêche est un droit immémorial protégé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui consacre les droits des peuples autochtones. Au cours des six années suivantes, il va défendre sa position devant les tribunaux provinciaux, en première instance et en appel, avant que l’affaire ne soit portée devant la Cour suprême du Canada.

Processus judiciaire et jugements

L’affaire Sparrow est tout d’abord entendue devant la Cour provinciale de la Colombie‑Britannique où le juge statue que l’accusé est coupable des accusations portées contre lui, le tribunal estimant qu’un droit autochtone à la pêche doit être justifié, sans ambiguïté, par un traité ou un autre document de même nature. Cependant, Ronald Sparrow invoque son droit à la pêche plutôt comme une pratique historique autochtone que comme un droit visé par un traité particulier (voir Traités autochtones).

Ronald Sparrow interjette appel de sa condamnation devant la Cour de comté de la Colombie‑Britannique qui confirme toutefois sa culpabilité. La prochaine étape consiste pour l’accusé à faire appel devant la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique. Ce tribunal annule la condamnation en raison d’une erreur devant le tribunal d’appel et ordonne, en conséquence un nouveau procès. L’accusé et la Couronne, tous deux mécontents du résultat, portent l’affaire devant la Cour suprême du Canada en 1988.

La question posée devant la Cour suprême consiste à déterminer si les Musqueams disposent d’un droit ancestral de pêcher et si, dans l’affirmative, ledit droit a pu être « éteint » (c’est-à-dire infirmé) par la législation fédérale ultérieure, par exemple la Loi constitutionnelle de 1982. En 1990, la Cour statue que la bande des Musqueams dispose bien d’un droit ancestral de pêche qui n’a pas été éteint par la Constitution. Le tribunal constate que lorsque l’accusé a été arrêté, il exerçait un droit légitime « existant » de pêcher et annule, en conséquence, sa condamnation. Ronald Sparrow sort alors vainqueur de cette affaire.

Les critères « Sparrow »

À la suite de cette affaire, la Cour suprême établit un ensemble de critères, connus sous le nom de « critères Sparrow », permettant de faciliter l’interprétation de l’article 35. Étant donné que l’article 35 ne précise pas ce qui qualifie un droit autochtone, ces critères vont permettre au législateur de le faire.

Première question : « Un droit autochtone est-il menacé? »

Critère de réponse :

Une activité gouvernementale menace de violer un droit autochtone si…

  • Elle impose une contrainte « indûment rigoureuse » aux Premières Nations;
  • Elle est considérée comme « déraisonnable » par le tribunal;
  • Elle nie aux titulaires d’un droit « leur moyen préféré de l’exercer ».

Deuxième question : « Qu’est-ce qui peut justifier une atteinte à un droit autochtone? »

Critère de réponse :

Une telle atteinte peut être justifiée si…

  • Elle sert un « objectif législatif régulier », comme « la conservation et la gestion d’une ressource naturelle »;
  • En tentant d’atteindre cet objectif, elle « porte le moins possible atteinte à des droits »;
  • Lorsqu’elle se produit à des fins d’expropriation, une juste indemnisation est prévue;
  • Le gouvernement a consulté le groupe autochtone concerné sur les mesures de conservation mises en œuvre.

Portée

L’affaire Sparrow est largement considérée comme une victoire notable dans la lutte pour les droits des Autochtones au Canada. La décision fournit un code d’interprétation de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et confirme le devoir constitutionnel de la Couronne d’offrir certaines garanties aux peuples autochtones (voir Loi sur l’obligation fiduciaire). Cependant, certaines voix critiques se sont élevées pour souligner que, s’il est vrai que cette décision confirme les droits des peuples autochtones, elle entérine également le fait que le gouvernement peut légalement justifier une violation desdits droits. Des affaires ultérieures portant sur des droits autochtones, par exemple en 2004 l’affaire Nation haïda c. Colombie‑Britannique et l’affaire Première Nation Tlingit de Taku River c. Colombie‑Britannique, approfondiront l’analyse des questions non résolues par l’affaire Sparrow, notamment en matière d’indemnisation et de consultation lors d’une atteinte aux droits des Autochtones.

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