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Science-fiction

 La science-fiction est une branche de la littérature qui porte sur des variantes plausibles de la réalité.
Gibson, William (auteur de science-fiction)
Cet auteur de science-fiction a écrit le scénario du film \u00ab Johnny Mnemonic \u00bb (avec la permission de Maclean's).

Science-fiction

 La science-fiction est une branche de la littérature qui porte sur des variantes plausibles de la réalité. Les auteurs de la plupart des ouvrages du genre explorent des conceptions de l'avenir qui sont des extrapolations rationnelles à partir de nos connaissances du présent ou traitent des répercussions sociales ou collectives de technologies découlant logiquement des données scientifiques actuelles.

La science-fiction est née en Grande-Bretagne. Selon la plupart des critiques, le roman Frankenstein de Mary Shelley, paru en 1818, est le premier ouvrage du genre et l'auteur H.G. Wells (1866-1946), son pionnier le plus influent. C'est aux États-Unis que débute sa diffusion à une échelle commerciale avec la création du premier magazine de science-fiction, Amazing Stories, en 1926. Si les écrivains canadiens n'ont abordé ce domaine que récemment et en petit nombre, leur contribution n'en est pas moins importante.

La science-fiction canadienne se caractérise par deux pôles distincts, mais contrairement à beaucoup de secteurs au Canada, cette distinction ne repose pas essentiellement sur un clivage linguistique. En effet, la différence se situe entre les auteurs dont les oeuvres s'adressent exclusivement, ou en premier lieu, aux lecteurs canadiens, et ceux qui écrivent exclusivement pour le marché américain.

Le fossé entre les deux courants se franchit parfois aisément et parfois non. Les écrivains orientés principalement vers le marché américain n'éprouvent aucune difficulté à vendre leurs livres au Canada à l'occasion, mais ceux dont les écrits paraissent principalement dans des publications canadiennes n'ont que rarement, voire jamais, la possibilité d'être publiés à l'étranger. Ce schème unidirectionnel s'explique entre autres par les normes assez différentes en vigueur sur les deux marchés (au Canada, il n'existe aucun débouché pour les romans futuristes qui satisfasse aux normes minimales de paiement professionnelles appliquées par les Science Fiction and Fantasy Writers of America) ou encore par un « courant » national inexprimable et difficile à exporter.

Cette dernière explication se défend mal, étant donné que les écrits d'auteurs canadiens publiés dans des revues américaines de science-fiction portent souvent le sceau traditionnel de la littérature proprement canadienne. Le principal thème proprement national, qui ressort dans SURVIVAL (1972; trad. Essai sur la littérature canadienne, 1987), publié par Margaret Atwood, est la relation entre la société et son contexte. L'âme canadienne est marquée de façon indélébile par la vie dans un immense territoire peu peuplé, inhospitalier, où on ne peut se contenter de rester passif pour survivre. Plusieurs romans de science-fiction canadiens, comme Courtship Rite de Donald Kingsbury (1982), Dreams of an Unseen Planet de Teresa Plowright (1986), Station Gehenna d'Andrew Weiner (1987) et Far-Seer de Robert J. Sawyer (1992), tournent autour de ce thème.

Comme autre thème récurrent dans la science-fiction canadienne, citons l'intelligence artificielle, depuis le roman The Adolescence of P-1 de Thomas J. Ryan (1977). Ce sujet a été développé par la suite par William Gibson dans Neuromancer (1984; où figure pour la première fois le terme « cyberespace »), A. K. Dewdney dans Planiverse (1984), Robert J. Sawyer dans Golden Fleece et Factoring Humanity (1990 et 1998 respectivement) et Chris Atack dans Project Maldon (1997).

Le critique John Robert COLOMBO mentionne un troisième thème récurrent, le « scénario de la catastrophe nationale », des récits dans lesquels le Canada est détruit à la suite d'un cataclysme naturel ou de troubles politiques. Mentionnons à ce chapitre Epicenter de Basil Jackson (1971) et les romans de Richard ROHMER, bien que ces ouvrages passent ordinairement pour des « thrillers » ou de la littérature générale, au lieu d'être classés parmi les oeuvres de science-fiction.

Il est rare que l'action se déroule entièrement ou en partie dans un pays ressemblant au Canada actuel ou envisageable dans un avenir rapproché, bien que les romans fantastiques, particulièrement ceux de Charles de Lint et Tanya Huff, se situent souvent dans un contexte canadien. Parmi les meilleurs exemples de chevauchement entre la science-fiction et le roman policier, citons Barking Dogs (1988) et sa suite Blue Limbo (1997) de Terence M. Green, ainsi que The Terminal Experiment de Robert J. Sawyer (1995). On trouve également des sites canadiens facilement repérables dans certaines des nouvelles de fiction d'Andrew Weiner, de même que dans les romans et nouvelles de Spider Robinson, qui dépeignent fréquemment la Nouvelle-Écosse, où il a vécu, et la Colombie-Britannique, où il habite actuellement.

La grande majorité des auteurs canadiens de science-fiction viennent de l'étranger. Parmi ceux qui ont publié régulièrement, durant une assez longue période, des livres de science-fiction pour adultes, seuls Phyllis GOTLIEB (née à Toronto en 1926), Terence M. Green (né à Toronto en 1947) et Robert J. Sawyer (né à Ottawa en 1960) sont nés au Canada. Tous les autres y ont immigré : Donald Kingsbury et Robert Charles Wilson sont originaires de Californie; William Gibson, de Caroline du Sud; Spider Robinson et Judith Merril, aujourd'hui décédée, de New York; J. Brian Clarke, Michael Coney, Dave Duncan (spécialiste de la littérature fantastique) et Andrew Weiner, d'Angleterre; Charles de Lint (essentiellement un auteur de romans fantastiques, qui écrit à l'occasion de la science-fiction), des Pays-Bas; Élisabeth Vonarburg, de France; et Nalo Hopkinson, de Jamaïque.

Plusieurs auteurs de science-fiction nés au Canada se sont établis aux États-Unis, notamment Gordon R. Dickson, Horace L. Gold, Garfield et Judith Reeves-Stevens, Joel Rosenberg et A.E. van Vogt (qui a reçu, en 1996, le grand prix décerné aux maîtres de science-fiction par la Science Fiction and Fantasy Writers of America). De ce nombre, seuls Garfield Reeves-Stevens et A.E. van Vogt ont publié des ouvrages importants pendant qu'ils se trouvaient au Canada. Van Vogt a écrit Black Destroyer, ses récits Weapon Shops et Slan quand il résidait au Manitoba et en Ontario, tandis que Reeves-Stevens a écrit Children of the Shroud et Night Eyes alors qu'il était en Ontario. Une autre écrivaine de renom, la lauréate du prix du Gouverneur général, Heather Spears, auteure des romans de science-fiction publiés au Canada Moonfall et The Children of Atwar, s'est expatriée au Danemark.

La liste des écrivains canadiens-français dignes de mention comprend Joël Champetier, Denis Coté, Yves Meynard, Esther Rochon, Daniel Sernine et Élisabeth Vonarburg. Seuls les livres de Vonarburg ont été abondamment traduits en anglais, dont les romans à saveur féministe Le Silence de la Cité (1978; trad. The Silent City, 1988) et Les chroniques du pays des Mères (1992; trad. The Maerlande Chronicles, 1992). Toutefois, un roman de littérature fantastique de Meynard, The Book of Knights, rédigé en anglais, a été publié en 1998 par la grande maison d'édition américaine spécialisée en science-fiction Tor Books.

Au Canada, les membres de l'élite littéraire ne font pas autant de distinction que les Américains entre les divers genres. Par conséquent, il arrive souvent qu'un auteur généraliste canadien s'essaie à la science-fiction et, dans de nombreux cas, y excelle. Plusieurs auteurs à succès l'ont fait, notamment Margaret ATWOOD, dont le récit féministe The Handmaid's Tale (1985; trad. La servante écarlate, 1987) a été mis en nomination pour le prix Nebula décerné par les Science Fiction and Fantasy Writers of America, Hugh MACLENNAN (avec son récit des suites du cataclysme nucléaire Voices in Time, 1980), Brian MOORE (Catholics, 1972) et Charles Templeton (World of One, 1988).

Au Canada, plusieurs magazines de faible diffusion consacrés à la science-fiction ont été publiés au fil des années, les plus populaires étant la revue de langue anglaise On Spec: The Canadian Magazine of Speculative Writing (fondée en 1989, à laquelle on a ajouté la mention « More Than Just Science Fiction! » en 1997) ainsi que les périodiques en langue française Solaris (créé en 1974) et Imagine... (fondé en 1979).

Par ailleurs, il existe plusieurs anthologies importantes de science-fiction canadiennes. La première, intitulée Other Canadas (1979), est une réimpression d'une rétrospective historique publiée par John Robert Colombo. Il convient aussi de mentionner Visions from the Edge: Atlantic Canadian Science Fiction (1981), ouvrage publié sous la direction de Lesley Choyce et John Bell; Ark of Ice: Canadian Futurefiction (1992), une publication dirigée par Choyce; ainsi que Arrowdreams (1998), une anthologie de récits alternatifs recueillis par Mark Shainblum et John Dupuis. Cependant, le plus grand succès revient à la série anthologique Tesseracts, qui présente essentiellement des textes inédits : Tesseracts (1985), Judith Merril (dir.); Tesseracts 2 (1987), Phyllis Gotlieb et Douglas Barbour (dir.); Tesseracts 3 (1990), Candas Jane Dorsey et Gerry Truscott (dir.); Tesseracts 4 (1992), Lorna Toolis et Michael Skeet (dir.); Tesseracts 5 (1996), Yves Meynard et Robert Runt (dir.); Tesseracts 6 (1997), Robert J. Sawyer et Carolyn Clink (dir.); et Tesseracts 7 (1998), Paula Johanson et Jean-Louis Trudel (dir.). L'anthologie complémentaire Tesseracts Q (1996), une publication dirigée par Élisabeth Vonarburg et Jane Brierley, se compose exclusivement d'écrits de science-fiction d'auteurs canadiens-français traduits en anglais, bien qu'on en trouve quelques-uns dans tous les volumes de la série. La réimpression de Northern Stars: The Canadian Science Fiction Anthology (1994), est due à l'Américain David G. Hartwell, de New York, et à Glenn Grant, de Montréal.

Les maisons d'édition canadiennes ont publié plusieurs recueils de nouvelles d'un même auteur, en commençant par North by 2000 de H.A. Hargreaves (1976). Mentionnons également Melancholy Elephants de Spider Robinson (1984), The Woman Who is the Midnight Wind de Terence M. Green (1987), Machine Sex and Other Stories de Candas Jane Dorsey (1988), Distant Signals and Other Stories de Andrew Weiner (1989), Blue Apes de Phyllis Gotlieb (1995) et Death Drives a Semi, une série de récits fantastiques, d'histoires d'horreur et de nouvelles de science-fiction de l'auteur prolifique Edo van Belkom (1998).

Au Canada, le principal éditeur de science-fiction en anglais est la petite maison Tesseract Books établie à Edmonton. Une bonne partie des ouvrages de science-fiction en français sont publiés par la maison d'édition généraliste Québec/Amérique. Il arrive qu'un éditeur anglo-canadien généraliste fasse une incursion dans la science-fiction. Parmi les tentatives les plus remarquables, mentionnons la parution du roman Melancholy Elephants de Robinson chez Penguin Canada et la publication, en 1992, par McClelland & Stewart, du deuxième roman de Terence M. Green, Children of the Rainbow, qui raconte un voyage dans le temps.

Les principaux ouvrages de référence sur le sujet sont Canadian Science Fiction and Fantasy de David Ketterer (publié aux États-Unis en 1992 par Indiana University Press, un fait digne de mention), Out of this World: Canadian Science Fiction & Fantasy Literature, un recueil d'essais publié sous la direction d'Andréa Paradis pour le compte de la Bibliothèque nationale du Canada (1995), et Northern Dreamers, compte rendu d'une série d'entrevues réalisées par Edo van Belkom avec divers auteurs de science-fiction (1998). Citons également le numéro spécial de mars 1993 « Speculative Fiction » du magazine Books in Canada. Pendant de nombreuses années, l'U. Concordia au Québec a publié le journal universitaire Science-Fiction Studies qui, toutefois, ne mettait pas particulièrement l'accent sur les écrits d'origine canadienne.

Certains ont tenté de classifier la production des auteurs canadiens de science-fiction. Ketterer est allé jusqu'à affirmer que les écrivains canadiens négligent la science-fiction « pure » (à saveur technologique, rigoureuse scientifiquement), à part Chris Atack, J. Brian Clarke (dont les récits pa raissent régulièrement dans la revue Analog, principal magazine américain de science-fiction pure et qui a combiné six de ses nouvelles pour former le roman The Expediter en 1990), Julie E. Czerneda, Phyllis Gotlieb, Donald Kingsbury et Robert J. Sawyer. Enfin, les auteurs canadiens de science-fiction écrivent dans presque tous les styles. Les récits Mysterium (1994) et Darwinia (1998) de Robert Charles Wilson ont un caractère alternatif. Phyllis Gotlieb évoque de lointains empires galactiques. Spider Robinson rédige des ouvrages de science-fiction à la fois scientifiques et humoristiques. James Alan Gardner y mêle lui aussi de l'humour. On qualifie souvent les oeuvres de Terence M. Green de « science-fiction littéraire ». On compare Scott Mackay à l'auteur romantique américain de science-fiction Theodore Sturgeon. Enfin, William Gibson est à l'origine du concept de cyberpunk, apparu dans son roman précurseur Neuromancer, qui date de 1984.

Avant les années 80, la science-fiction canadienne est très limitée. Entre les années 60 et la fin des années 70, Phyllis Gotlieb est le seul auteur canadien-anglais à pratiquer ce genre. Elle persiste et signe : son plus récent roman, Flesh and Gold, est paru en 1998.

Si on remonte plus loin, le plus ancien ouvrage canadien de littérature spéculative est une satyre utopique intitulée A Strange Manuscript Found in a Copper Cylinder (1888) de James De Mille. Il convient aussi de mentionner les chapitres 11 à 13 du livre de Charles H. Sternberg, datant de 1917, Hunting Dinosaurs in the Badlands of the Red Deer River, Alberta Canada. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un ouvrage de fiction, les trois chapitres en question relatent un voyage dans le temps ayant pour cadre le Canada et constituent réellement un récit du genre. Sternberg (1850-1943), un Américain, a cherché, pendant plusieurs années, des fossiles pour le compte du gouvernement canadien. Le premier humoriste canadien, Stephen LEACOCK, a également écrit de la science-fiction dans une veine satyrique, soit The Iron Man and the Tin Woman with Other Such Futurities (1929) et Afternoons in Utopia (1932). Un autre ouvrage satyrique digne de mention est Consider Her Ways (1947) de Frederick Philip GROVE.

Depuis 1980, les principaux honneurs littéraires canadiens dans ce genre sont les prix canadiens de science-fiction et de littérature fantastique (les prix Aurora), soumis au vote de lecteurs d'un bout à l'autre du pays. Six prix professionnels sont attribués chaque année dans les catégories long récit, court récit et « autres » (normalement un magazine ou une anthologie), à la fois en anglais et en français. Les longs récits en anglais récemment couronnés sont Virtual Light de William Gibson (1995), The Terminal Experiment de Robert J. Sawyer (1996) et Starplex du même auteur (1997). Les ouvrages en français auxquels on a décerné ce prix sont La Mémoire du lac de Joël Champetier (1995), Les Voyageurs malgré eux d'Élisabeth Vonarburg (1996) et La Rose du désert d'Yves Meynard (1997).

Les ouvrages canadiens suivants ont obtenu des prix Hugo (prix internationaux de science-fiction décernés par les lecteurs) : By Any Other Name (roman court, 1977) de Spider Robinson, Stardance (roman court, 1978) de Spider et Jeanne Robinson, Melancholy Elephants (nouvelle, 1983) de Spider Robinson et Neuromancer (roman, 1985) de William Gibson. De plus, on a récompensé par des prix Nebula (« prix académiques » de science-fiction attribués par les Science Fiction and Fantasy Writers of America) aux oeuvres canadiennes suivantes : les romans Neuromancer de Gibson et The Terminal Experiment de Robert J. Sawyer, ainsi que le roman court Stardance du couple Robinson.

La principale bibliothèque canadienne de consultation en science-fiction est la Merril Collection of Science Fiction, Speculation and Fantasy (appelée jusqu'en 1990 la Spaced Out Library), fondée en 1969 par la directrice de publications de science-fiction d'origine américaine Judith Merril, qui a travaillé longtemps pour le Toronto Public Library System (le réseau de bibliothèques publiques de Toronto). En 1997 est apparu à Toronto le canal spécialisé de câblodistribution Space: The Imagination Station, qui se consacre à la science-fiction. Les interludes entre les émissions Space News et Space Opinion contribuent dans une large mesure à faire connaître les auteurs canadiens de science-fiction et leurs écrits.

Aux deux pôles de la littérature canadienne de science-fiction, les auteurs qui se font publier par des petites maisons d'édition canadiennes sont représentés pour la plupart par l'organisme SF Canada (fondé en 1989) établi à Edmonton. Quant à ceux dont les oeuvres connaissent une diffusion internationale, ils sont représentés dans le cadre du chapitre canadien (fondé en 1992) des Science Fiction and Fantasy Writers of America (association fondée en 1965). Peu d'écrivains sont à la fois membres de ces deux groupes. En 1994, on a créé un groupe de revendication bilingue, baptisé au départ Canadian Science Fiction and Fantasy Foundation, rebaptisée en 1997 National Science Fiction and Fantasy Society, dans le but de promouvoir la science-fiction canadienne auprès du grand public.

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