Thomas Ricketts, V.C. | l'Encyclopédie Canadienne

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Thomas Ricketts, V.C.

Thomas (Tommy) Ricketts, soldat, pharmacien, récipiendaire de la Croix de Victoria (né le 15 avril 1901 à Middle Arm, White Bay, Terre-Neuve et Labrador ; décédé le 10 février 1967 à St. John’s). Durant la Première Guerre mondiale, Tommy Ricketts est le plus jeune soldat à recevoir la Croix de Victoria (V.C.), la plus haute récompense pour bravoure dans les troupes de l’Empire britannique.
Thomas Ricketts, VC

Jeunesse

Tommy Ricketts est le fils de John Ricketts, un pêcheur, et sa femme Amélie. Tout jeune, il fait partie de la Church Lads’ Brigade, un ancien mouvement de cadets de Terre-Neuve.

En septembre 1916, au milieu de la Première Guerre mondiale, Ricketts ment au sujet de son âge pour entrer dans l’armée et s’enrôle dans le 1st Battalion, Newfoundland Regiment (plus tard appelé le Royal Newfoundland Regiment). Il affirme avoir 18 ans et 3 mois, beaucoup plus que son âge véritable, 15 ans.

Sur le front

Tommy Ricketts traverse l’océan en avril de l’année suivante et arrive en France en juin. Au mois d’août, peu après son arrivée sur le front de l’Ouest, il reçoit son baptême du feu dans une offensive sur le Steenbeek, un petit ruisseau en Belgique. Plus tard, en novembre 1917, il est blessé à la jambe dans les combats de Marcoing, près de Cambrai, en France. En septembre 1918, son régiment est transféré à la 9e division (écossaise), avec laquelle il combat durant tout le reste de la Guerre.

Acte de bravoure à Ledeghem

Le 14 octobre 1918, Tommy Ricketts est en action à Ledeghem, à l’est d’Ypres, en Belgique. Pendant une offensive, tôt le matin dans une brume épaisse, le régiment mené à sa droite par la compagnie B de Tommy réussit d’abord à faire reculer les Allemands et à capturer trois fortins ennemis (emplacements blindés de pièces allemandes). Un peu plus tard dans la matinée, la brume se lève, laissant voir le Wulfdambeek, un ruisseau de deux mètres de profondeur qu’il faut traverser à vue de l’ennemi. Après avoir franchi le cours d’eau avec des pertes énormes, le régiment parcourt 900 mètres et se retrouve coincé sous le feu de l’artillerie ennemie. L’unité s’est trop éloignée de son soutien d’artillerie et le nombre de pertes commence à monter.

Le lieutenant Stanley Newman, qui commande le peloton de Tommy Ricketts, s’avance avec un petit groupe d’hommes et un détachement de fusils Lewis (mitraillettes légères) dont fait partie Tommy, pour essayer de prendre à revers la position des batteries allemande. Quand ils ont avancé le plus loin qu’ils peuvent, Tommy Ricketts se porte volontaire pour aller plus loin avec son commandant de section, le caporal suppléant Matthew Brazil, dans une autre tentative de prendre à revers la position allemande.

Les deux soldats progressent en avancées rapides, sous un intense feu ennemi, jusqu’à près de 275 m des pièces allemandes, mais se trouvent à court de munitions. L’ennemi s’en rend compte et commence à faire venir des renforts. Se portant à nouveau volontaire, Tommy Ricketts fonce sur 90 mètres pour revenir vers les lignes de son unité, ramasse des munitions puis revient vers son commandant de section, le tout sous un feu ennemi intense. Avec des munitions supplémentaires, Tommy Ricketts et Matthew Brazil, les deux seuls terre-neuviens indemnes dans le petit groupe du lieutenant Newman, forcent les Allemands à se retrancher derrière des bâtiments de ferme non loin de là.

Grâce à cette action, le peloton de Tommy Ricketts peut s’avancer sur l’ennemi sans subir d’autres pertes. Dans leur progression, ils prennent quatre pièces d’artillerie, quatre mitrailleuses et huit prisonniers ; un peu plus tard, ils ajoutent au tableau une cinquième pièce d’artillerie.

Croix de Victoria

Croix de Victoria

Pour son héroïsme, Tommy Ricketts reçoit la Croix de Victoria. Plus tard, le Gouvernement français lui offre aussi la Croix de Guerre avec étoile d’or. De son côté, Matthew Brazil reçoit la Médaille de conduite distinguée.

Tommy Ricketts reçoit la Croix de Victoria le 19 janvier 1919 dans la résidence de campagne de George V à Sandringham, en Angleterre. La cérémonie est privée, car le roi et la reine sont en deuil de leur plus jeune fils, le prince John, qui est mort la veille, adolescent, à la suite de complications d’un problème médical. Pour éviter de retarder le retour de Tommy à Terre-Neuve et sa démobilisation, le roi accepte d’organiser pour lui une investiture spéciale.

Le roi lit à voix haute la citation pour le prix, qui est publiée dans la London Gazette deux semaines plus tard, puis accroche la Croix de Victoria sur la poitrine de Tommy. Puis il se retourne vers le petit groupe des spectateurs et remarque : « Voilà la plus jeune Croix de Victoria dans mon armée. » Le lendemain, le roi écrit dans son journal : « Hier, j’ai donné la Croix de Victoria au soldat Ricketts, régiment de Terre-Neuve, qui n’a que dix-sept ans et demi, un garçon splendide. »

Le saviez-vous?
Du haut de ses 17 ans, le Terre-Neuvien Tommy Ricketts est le plus jeune soldat à recevoir la Croix de Victoria pendant la Première Guerre mondiale. Il n’est cependant pas le plus jeune récipiendaire de tous les temps. John Travers « Jack » Cornwell, un marin anglais de la Royal Navy, a reçu la Croix de Victoria à titre posthume pour sa bravoure pendant la bataille du Jutland en 1916; il n’avait que 16 ans lorsqu’il est mort. L’apprenti hospitalier Andrew Fitzgibbon, né en Inde, avait 15 ans lorsqu’il a bravé le feu ennemi pour aider un blessé pendant la deuxième guerre de l’opium (1860). Il a reçu la Croix de Victoria pour son « grand sang-froid et son courage » en 1861. Thomas Flynn, un tambour irlandais de l’armée britannique, n’avait que 15 ans lorsqu’il s’est engagé dans un combat au corps à corps pendant la mutinerie indienne de 1857; il a ensuite reçu la Croix de Victoria pour « bravoure remarquable ».


Tommy Ricketts, VC

Après la Guerre

Tommy Ricketts est promu sergent à la fin de janvier et arrive au début de février à St. John où il reçoit un accueil tumultueux. Une des premières personnes à l’accueillir est un jeune journaliste du Evening Telegram qui rame jusqu’à son bateau qui mouille dans le port, attendant le matin pour débarquer les troupes. Selon son habitude, Tommy se montre timide et modeste, mais le reporter parvient à obtenir de sa bouche le récit de son exploit de guerre, et passe le restant de la nuit à le rédiger. Le lendemain, l’article paraît sous les plus grandes manchettes possibles : « Des exploits qui ont gagné l’Empire! Comment Ricketts a remporté la Croix de Victoria. Le héros interviewé par le Telegram. »

Le journaliste est un homme qui deviendra bientôt célèbre lui-même, un des plus fameux fils de Terre-Neuve, Joey Smallwood, celui qui amènera Terre-Neuve dans la Confédération en 1949.

Tommy retourne à l’école, s’inscrivant au Bishop Feild College en 1920, puis au Memorial University College. Après la fin de ses études, il travaille à la pharmacie McMurdo, où il passe ses examens en pharmacologie. Il ouvre ensuite sa propre pharmacie à St. John, sur la rue Water, au coin de Job.

Thomas Ricketts, VC

Il continue à fuir la publicité, et semble même disparaître encore plus profondément dans sa coquille. Il refuse de donner des entrevues, de poser pour les photographes et d’apparaître en public, même pendant les visites royales. Toutefois, il se rend à Londres en 1929 pour participer à une réunion des récipiendaires de la Croix de Victoria.

En février 1967, Tommy Ricketts, qui n’était pas en très bonne santé, s’écroule et meurt d’une crise cardiaque sur le plancher de son commerce. Le héros qui a survécu pendant deux ans sur le front de l’Ouest aurait eu 66 ans deux mois plus tard.

Le jeune journaliste qui avait interviewé le héros de guerre 48 ans auparavant est devenu premier ministre de Terre-Neuve. Joey Smallwood et son gouvernement décrètent des funérailles d’État pour honorer Tommy Ricketts. Après ses funérailles à l’église St. Thomas, il est enterré dans le cimetière anglican de la rue Forest. Au pied de sa pierre tombale est gravée la devise de la Church Lads’ Brigade : « Fight the Good Fight » (Se battre pour la bonne cause).

Lecture supplémentaire

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