La politique d’immigration est la façon dont le gouvernement contrôle, par des lois et des règlements, qui peut venir s’installer au Canada. Depuis la Confédération, la politique d’immigration a été conçue pour accroître la population, coloniser le pays et fournir de la main-d’œuvre et du capital financier à l’économie. La politique d’immigration a également tendance à refléter les attitudes raciales ou les préoccupations de sécurité nationale de l’époque, ce qui a également conduit à des restrictions discriminatoires à l’égard de certains groupes de migrants. (Voir aussi Politique canadienne sur les réfugiés.)
(Ceci est l'article intégral sur la politique d'immigration au Canada. Si vous souhaitez lire un résumé en langage simple, veuillez consulter Politique d'immigration au Canada (résumé en langage simple).)
Les facteurs qui sous-tendent la politique d’immigration
Historiquement, la politique d’immigration au Canada est principalement motivée par un désir de croissance démographique et de développement économique. Toutefois, le Canada admet également de nombreux réfugiés pour des raisons humanitaires.
En 1870, juste après la Confédération, la population totale du Canada est de 3,6 millions d’habitants. Outre les peuples autochtones (environ 102 000 en 1870), les deux plus grands groupes de colons blancs sont les Canadiens français (1 million) et les Britanniques (2,1 millions). Avec une population aussi peu nombreuse et de vastes étendues de territoire non colonisé, l’immigration est considérée, dans les décennies qui suivent la Confédération, comme un moyen essentiel de développer le pays et son économie.
Au cours du siècle et demi suivant, la population du Canada se multiplie, pour atteindre plus de 35 millions d’habitants en 2016, en grande partie grâce à l’immigration. Au cours des dernières décennies, alors que le taux de natalité du Canada a diminué, l’immigration représente la majeure partie de la croissance démographique. Sur les 6 millions d’habitants qui s’ajoutent à la population du Canada entre 1996 et 2016, les deux tiers (4 millions de personnes) – sont des immigrants. (Voir aussi Immigration au Canada.)
Qui est responsable de l’immigration?
Plusieurs ministères ou agences du gouvernement fédéral ont été responsables de la politique d’immigration depuis la Deuxième Guerre mondiale : le ministère des Mines et des Ressources (1936-1949), le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (1950-1966, 1992-2016), le ministère de la Main-d’œuvre et de l’Immigration (1966-1977) et la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada (1977-1992). Depuis 2016, l’immigration est principalement sous la responsabilité du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC).
En vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, la responsabilité constitutionnelle de l’immigration est répartie entre les gouvernements provinciaux et fédéral. Cependant, pendant la plus grande partie de l’histoire du Canada, Ottawa domine ce domaine politique, bien que l’Ontario depuis la Deuxième Guerre mondiale, le Québec depuis le milieu des années 1960 et la Colombie-Britannique depuis 2010, se préoccupent particulièrement de l’immigration. Depuis 2017, toutes les provinces et certains territoires ont conclu des accords avec Ottawa leur permettant de sélectionner et de recruter des immigrants en fonction de leurs besoins sociaux et économiques. Le Québec est cependant de loin la province qui exerce le plus d’autonomie en matière de politique d’immigration.
Le Québec crée son propre ministère de l’immigration en 1968. Ses principales préoccupations sont de recruter le plus grand nombre possible d’immigrants francophones dans la province, et de s’assurer que les immigrants qui s’installent au Québec font partie de la communauté francophone. Le Québec est la première province à conclure un accord spécial en matière d’immigration avec le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral est également impliqué dans la tâche d’augmenter le nombre d’immigrants francophones au Canada. (Voir aussi Politique d’immigration du Québec.)
Au cours des dernières années, chaque province (à l’exception du Québec, qui a son propre programme similaire) a mis en place un programme de désignation des candidats des provinces, permettant aux gouvernements provinciaux de désigner des candidats immigrants spécifiques, avec l’exigence qu’ils résident pendant un certain temps dans cette province. Bien que les programmes varient d’une province à l’autre, ils ont généralement deux objectifs : stimuler la croissance démographique et recruter des immigrants ayant des compétences professionnelles ou linguistiques souhaitables au sein de la population active d’une province. Certains programmes permettent aux immigrants d’accélérer le traitement de leur demande d’entrée au Canada. Environ 51 000 immigrants (sur un total d’environ 300 000) sont devenus résidents permanents au Canada en 2017 grâce aux programmes de désignation des candidats des provinces.
L’immigration au Canada au 19e siècle
Au 19e siècle, le mouvement des individus et des groupes vers le Canada est largement libre. Cette politique de « portes ouvertes » encourage surtout l’immigration blanche au Canada et notamment la colonisation de l’Ouest canadien. (Voir aussi Immigration au Canada.)
Le Canada n’est cependant pas ouvert à tous. La première Loi sur l’immigration, adoptée en 1869, établit une discrimination spécifique à l’égard des personnes en raison de leur classe sociale et de leur handicap. L’immigration est également discriminatoire sur la base de la race. En 1885, sous la pression de la Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral impose des politiques visant à restreindre l’immigration chinoise, comme une taxe d’entrée et, plus tard, la Loi sur l’immigration chinoise de 1923. Ces mesures explicitement racistes à l’égard des Chinois se poursuivent jusqu’à la fin des années1940.
Même les migrants blancs sont discriminés sur la base de leur origine ethnique : les colons anglo-saxons de Grande-Bretagne et des États-Unis sont considérés comme les mieux adaptés, tandis que les Italiens et les Grecs sont vus comme plus difficiles à assimiler et donc moins désirables.
Début du 20e siècle : restrictions raciales et nationales
Entre 1903 et 1913, après l’arrivée au Canada d’importantes cohortes d’immigrants principalement européens et une série de bouleversements politiques et de problèmes économiques suivant la Première Guerre mondiale (voir Grève générale de Winnipeg), une politique d’immigration beaucoup plus restrictive est mise en place.
En vertu d’une Loi sur l’immigration révisée en 1919, le gouvernement exclut l’entrée au pays à certains groupes, notamment les communistes, les mennonites, les doukhobors et d’autres groupes ayant des pratiques religieuses particulières, ainsi que les gens originaires de pays ayant combattu le Canada pendant la Première Guerre mondiale, comme les Autrichiens, les Hongrois et les Turcs.
Le gouvernement fédéral applique également des restrictions fondées sur la race et la religion. En 1911, le gouvernement envisage d’interdire les immigrants noirs, mais ne donne finalement pas suite à l’idée. Les restrictions à l’immigration sud-asiatique au Canada au début du 20e siècle atteignent leur paroxysme lors des événements entourant les passagers du SS Komagata Maru qui contestent ces politiques discriminatoires et exclusives. En 1939, les réfugiés juifs fuyant l’Allemagne nazie à bord du MS Saint Louis se voient refuser l’entrée au Canada.
Nombre de ces politiques et pratiques discriminatoires se poursuivent jusqu’au milieu du 20e siècle.
L’après-guerre : vers un système de points
Les politiques d’immigration restrictives du Canada commencent à s’assouplir lentement et progressivement après la Deuxième Guerre mondiale, en partie grâce à une croissance économique (et une demande de main-d’œuvre) en plein essor et en partie en raison de l’évolution des mœurs sociales.
En 1947, l’interdiction formelle de l’immigration chinoise est levée. Toutefois, en 1952, une nouvelle Loi sur l’immigration maintient les politiques discriminatoires du Canada à l’égard des immigrants non européens et non américains. Ce n’est qu’en 1962 que le gouvernement fédéral met fin à la discrimination raciale dans le système d’immigration. En 1967, un système de points est mis en place pour classer les immigrants potentiels en fonction de leur admissibilité. La race, la couleur ou la nationalité ne sont pas des facteurs dans le nouveau système; au contraire, les compétences professionnelles, les niveaux d’éducation, les compétences linguistiques (soit le fait de parler le français ou l’anglais) et les liens familiaux deviennent les principales considérations pour décider qui peut immigrer.
En 1969, le Canada signe la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967. Bien qu’il reconnaisse les réfugiés comme une catégorie spéciale de migrants pour des raisons humanitaires, le Canada ne crée aucune mesure officielle pour l’examen des demandes de statut de réfugié; il continue comme par le passé à n’admettre les réfugiés qu’au cas par cas.
Loi sur l’immigration, 1976
Les politiques d’immigration et de population sont profondément remaniées en 1975. Après une consultation approfondie, le gouvernement libéral du premier ministre Pierre Trudeau adopte une nouvelle Loi sur l’immigration en 1976.
Cette Loi, entrée en vigueur en 1978, constitue une rupture radicale avec le passé. Elle établit pour la première fois dans la loi les principaux objectifs de la politique d’immigration du Canada. Ceux-ci comprennent la promotion des objectifs démographiques, économiques, sociaux et culturels du Canada, ainsi que les priorités que sont le regroupement familial, la diversité et la non-discrimination. La Loi permet également la coopération entre les différents niveaux de gouvernement et le secteur bénévole pour aider les nouveaux arrivants à s’adapter à la société canadienne. Pour la première fois, la Loi définit également les réfugiés comme un groupe distinct d’immigrants dans le droit canadien, obligeant le gouvernement à respecter ses obligations envers les réfugiés en vertu des accords internationaux.
En 1979, le Canada se lance dans un programme unique permettant à des groupes privés (le plus souvent des églises et des organisations communautaires ethniques) de parrainer des personnes ou des familles de réfugiés, de les faire venir au Canada en tant que résidents permanents et de les aider à s’installer ici. En 2017, le programme de parrainage privé de réfugiés permet d’installer plus de 275 000 personnes au Canada, en plus des réfugiés pris en charge par le gouvernement. Malgré son succès, le programme est critiqué ces dernières années pour sa lourdeur administrative et ses retards, ainsi que pour les restrictions croissantes concernant les pays d’où les réfugiés peuvent être parrainés.
La Loi élargit le nombre de personnes ayant un rôle à jouer dans l’élaboration des politiques et l’établissement des niveaux d’immigration annuels. Elle donne aux gouvernements provinciaux, aux groupes ethniques et aux organisations humanitaires la possibilité, par le biais de consultations avec le gouvernement fédéral, de faire entendre leur point de vue aux responsables fédéraux de l’immigration.
La Loi modernise également la façon dont le statut de réfugié est déterminé en fonction de la sécurité nationale et de l’application de la loi. Elle établit également que la Commission d’immigration quasi judiciaire (créée en 1967) doit être un organe totalement indépendant dont les décisions relatives aux demandes d’immigration et aux appels ne peuvent être annulées par le gouvernement, sauf en matière de sécurité.
En 1980, cinq catégories d’immigrants sont créées pour l’entrée au Canada: indépendants (personnes présentant leur propre demande); humanitaires (réfugiés et autres personnes persécutées ou déplacées); familiaux (ayant de la famille immédiate vivant déjà au Canada); parents aidés (parents éloignés, parrainés par un membre de la famille au Canada); et économiques (personnes ayant des compétences professionnelles très recherchées, ou celles qui sont prêtes à ouvrir une entreprise ou à investir de manière significative dans l’économie canadienne).
Dans les années 1990, après des décennies de réformes juridiques et administratives, la composition raciale des immigrants change également. L’Asie (en particulier la Chine, l’Inde et les Philippines) a remplacé l’Europe comme principale source d’immigrants au Canada.
L’accent mis sur la migration économique
Au cours des années 1980, les décideurs politiques mettent en place un programme visant à encourager les hommes d’affaires et les entrepreneurs à immigrer au Canada, en apportant leurs compétences en matière de gestion et leur capital financier afin de créer des possibilités d’emploi supplémentaires. Depuis, de nombreux immigrants apportent au Canada des capitaux et des emplois substantiels.
Sans une immigration accrue, le déclin de la fécondité au Canada au 21e poserait de défis sociaux importants. Avec moins de Canadiens en âge de travailler, il serait difficile de couvrir les coûts des programmes de santé et des programmes sociaux destinés au nombre beaucoup plus important de citoyens âgés. Outre la main-d’œuvre supplémentaire, l’immigration répond également aux besoins d’une économie moderne en ce qui concerne l’éducation et les compétences. Ainsi, le Canada continue de favoriser les immigrants hautement qualifiés et instruits. En 2018, les immigrants de la catégorie économique constituent la plus grande catégorie d’immigrants, soit 186 352 des 321 035 immigrants admis cette année-là.
La pratique consistant à admettre des personnes hautement qualifiées provenant de pays moins développés continue de susciter la controverse. Les gouvernements des pays en développement, d’où proviennent un nombre croissant d’immigrants au Canada, considèrent avec appréhension l’exode de personnes qu’ils ne peuvent pas se permettre de perdre. Bien que l’opinion a été exprimée que le Canada ne devrait pas encourager l’exode de personnes formées provenant de régions « démunies » du monde, le Canada défend le concept de liberté de circulation pour toutes les personnes.
Changements dans la politique d’immigration moderne
En 2001, après les attaques terroristes du 11 septembre sur les États-Unis, le Canada remplace sa Loi sur l’immigration de 1976 par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La nouvelle Loi, entrée en vigueur en 2002, conserve bon nombre des principes et des politiques de la précédente, y compris les différentes catégories d’immigrants. Elle étend également la catégorie « famille » pour inclure les relations homosexuelles et les unions de fait. (Voir Regroupement familial au Canada.)
Plus important encore, la Loi de 2001 donne au gouvernement des pouvoirs plus étendus pour détenir et expulser les immigrants soupçonnés de constituer une menace pour la sécurité. En 2004, le Canada et les États-Unis interdisent la pratique consistant à permettre aux migrants d’entrer dans un pays avec un visa de voyage et de demander le statut de réfugié à la frontière de l’autre pays via l’Accord sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis (ETPS). Cette politique est toutefois critiquée par de nombreux détracteurs qui font valoir que les États-Unis ne sont pas un « pays tiers sûr » pour les migrants en raison de leur approche plus hostile de la migration. (Voir Politique canadienne sur les réfugiés.) Certaines personnes demandeuses d'asile contournent l'ETPS en traversant la frontière de manière irrégulière pour ensuite faire une demande d'asile au Canada. En 2023, l'accord est renégocié pour limiter cet échapatoire.