Les pipelines sont des systèmes de tuyaux connectés qui sont utilisés pour transporter des liquides et des gaz (plus précisément du pétrole et du gaz naturel) sur de longues distances, de la source aux marchés. Plus de 840 000 km de pipelines sillonnent le pays. Ils représentent une partie du secteur pétrolier et gazier, qui emploie directement et indirectement environ 740 000 personnes. Selon Ressources naturelles Canada, le secteur rapporte une moyenne de 20 milliards de dollars au gouvernement en redevances, droits et taxes chaque année (voir Ressources naturelles au Canada). Il contribue également près de 11 % du produit intérieur brut du Canada.
Néanmoins, les pipelines suscitent la controverse au Canada. Les pipelines aident à transporter les combustibles fossiles et la recherche indique que l’utilisation des combustibles fossiles, contribue de manière significative aux changements climatiques. Au cours des dernières années, des groupes autochtones, des écologistes, des municipalités et des syndicats se sont opposés à de nombreux projets de pipelines en raison du risque de contamination des cours d’eau locaux par des déversements et des fuites. (Voir aussi Mouvements écologistes au Canada.)
Contexte
La découverte de combustibles fossiles au Canada commence dans le canton d’Enniskillen près de Sarnia, en Ontario , dans les années 1850 (voir Industrie pétrolière). La construction de pipelines pour acheminer le pétrole brut et le gaz naturel vers les marchés intérieurs (puis étrangers) s’ensuit rapidement. Dans le siècle suivant la découverte de pétrole dans la région de Sarnia, le rythme de la construction de pipelines est lent : trois grandes routes seulement (de Turner Valley en Alberta à Calgary ; de la côte du Maine à Montréal ; et du Midwest américain à l’Ontario ) sont en production.
Cependant, à la fin des années 1940, des réserves suffisantes de pétrole et de gaz naturel sont découvertes en Alberta dans le champ pétrolier de Leduc pour justifier une expansion monumentale et rapide du réseau de pipelines afin d’acheminer le pétrole brut vers les marchés de l’est du Canada et des États-Unis. À la fin des années 1950, de nouveaux pipelines commencent à être construits pour transporter le pétrole de puits éloignés jusqu’à Edmonton, puis à Vancouver et vers le sud pour les relier aux pipelines américains. Cette capacité augmente considérablement des années 1970 aux années 2010 avec la construction de pipelines supplémentaires qui relient les champs de pétrole et de gaz naturel canadiens aux raffineries de l’Alaska, de l’Illinois et de l’Oklahoma.
Principaux pipelines du Canada
De nos jours, plus de 840 000 km de pipelines traversent le Canada. Ils commencent en Alberta et vont vers l’ouest jusqu’en Colombie-Britannique , vers le nord jusqu’aux Territoires du Nord-Ouest , vers le sud jusqu’au Texas et vers l’est jusqu’au Québec . Les pipelines de collectes, les pipelines d’amenée et les pipelines de transport acheminent le pétrole brut , le gaz naturel et les gaz naturels liquéfiés des puits jusqu’aux points de collecte, à travers les frontières provinciales et nationales. Les pipelines de distribution livrent certains produits du gaz naturel directement aux consommateurs. Selon l’Association canadienne des producteurs pétroliers, 99,999 % de tout le pétrole et le gaz transportés au Canada arrivent à destination.
Principaux pipelines de pétrole brut qui sont actuellement exploités au Canada :
Pipeline |
Route |
Capacité |
Réseau principal d’Enbridge |
De l’Alberta au Wisconsin |
2,5 millions de barils/jour |
Keystone de TC Énergie |
De l’Alberta à l’Illinois |
591 000 de barils/jour |
Pipeline Trans Mountain (gouvernement du Canada) |
De l’Alberta à la Colombie-Britannique |
300 000 de barils/jour |
Canalisation 9 d’Enbridge |
300 000 de barils/jour |
|
Spectra Express |
De l’Alberta au Wyoming |
280 000 de barils/jour |
Parmi les principaux pipelines de gaz naturel qui sont actuellement exploités au Canada, on trouve :
Pipeline |
Route |
Capacité |
Réseau de Nova Gas Transmission Ltd. |
Alberta |
475 millions de mètres cubes/jour |
Canalisation principale de TC Énergie |
De l’Alberta au Québec |
445 millions de mètres cubes/jour |
Pipeline d’Alliance |
De la Colombie-Britannique à la Saskatchewan |
48 millions de mètres cubes/jour |
Pipeline de Westcoast |
Des Territoires du Nord-Ouest à la Colombie-Britannique |
45 millions de mètres cubes/jour |
Pipeline Maritimes and Northeast |
Du Nouveau-Brunswick à la Nouvelle-Écosse |
15 millions de mètres cubes/jour |
De nombreux projets de pipelines à grande échelle ont été rejetés par le gouvernement fédéral ou retirés au cours des dernières années (voir Politique et controverses ; Propositions notables de pipelines). Le projet de pipeline de Northern Gateway d’Enbridge, de l’Alberta à Kitimat en Colombie-Britannique, est rejeté par le premier ministre Justin Trudeau en novembre 2016 en raison de l’opposition des peuples autochtones et des craintes de déversements en milieu marin. Le projet de pipeline Keystone XL de TC Énergie a été soutenu par le gouvernement fédéral et le gouvernement de l’Alberta. Cependant, le projet a fait face à une opposition importante et à des défis juridiques pour des raisons environnementales. Le 9 juin 2021, TC Énergie et le gouvernement de l’Alberta annoncent la fin du projet de pipeline Keystone XL. Un autre projet de TC Énergie, le projet Énergie Est, vise à transporter plus de 850 000 barils de pétrole chaque jour de l’Alberta jusqu’aux raffineries au Québec et au Nouveau-Brunswick. En octobre 2017, TC Énergie abandonne Énergie Est ainsi que le réseau principal Est, qui avait également été proposé. Le projet gazier Mackenzie, qui aurait transporté du gaz naturel du delta du Mackenzie jusqu’au nord de l’Alberta, est annulé par la compagnie pétrolière Impérial Ltée et ses partenaires en 2017.
Comment fonctionnent les pipelines?
Un pipeline simple est une longue canalisation formée d’un réseau de tuyaux qui sont connectés à des pompes, à des valves et à des dispositifs de contrôle afin de transporter des liquides ou des gaz. Un réseau de pipelines est constitué de systèmes de collecte, de lignes principales et de systèmes de distribution. On peut les comparer aux racines, au tronc et aux branches d’un arbre. Le système de collecte transporte un mélange de pétrole, de gaz et parfois d’eau d’un puits de production à des points de collecte, comme des usines de traitement et des raffineries. L’eau ou les contaminants présents dans le pipeline y sont éliminés du combustible fossile.
Le tronc, qui est constitué des principaux pipelines, transporte le pétrole ou le gaz sur de longues distances et à pression très élevée dans des tuyaux de large diamètre, du point de collecte jusqu’aux marchés. L’énergie nécessaire pour gérer le frottement dans les tuyaux est fournie par des stations de pompage (pour les liquides) et des stations de compression (pour les gaz) placées à intervalles réguliers. À mesure que les marchés prennent de l’expansion, la capacité des lignes principales peut être augmentée en installant des lignes parallèles (appelées « boucles ») ou en ajoutant plus de pompes ou de compresseurs. Dans le cas du pétrole, les lignes principales approvisionnent les raffineries, qui à leur tour, distribuent le combustible fossile aux détaillants par camions ou par pipelines de produits.
Le gaz naturel est retiré de la ligne principale et livré aux consommateurs grâce à un système de distribution. Cette partie du réseau est la plus longue des trois systèmes. En règle générale, les tuyaux de ce système sont de diamètre plus petit et le système opère à basse pression.
Comment les pipelines sont-ils construits?
La plupart des pipelines sont faits d’acier, bien que le plastique et l’ aluminium soient parfois utilisés dans la construction des réseaux de distribution de gaz naturel. Les pipelines d’acier sont formés en soudant des sections de tuyaux les unes aux autres. Après que les soudures aient été radiographiées pour détecter tout défaut possible, le tuyau est enveloppé d’un revêtement protecteur et il est ensuite enterré. Tous les pipelines, quel que soit leur type, sont alors inspectés et testés sous pression avant d’être mis en service. Pour les lignes en plastique de petit diamètre, le tuyau peut être déroulé d’une large bobine tirée par un gros tracteur, une méthode qui est plus rapide pour la pose de pipeline.
La profondeur d’enfouissement habituelle est d’environ 1,5 mètre pour les gros tuyaux et d’un peu moins pour les petits tuyaux, bien que certaines lignes, comme celles de l’Interprovincial qui traverse le détroit de Mackinac, soient enterrées à des profondeurs dépassant les 70 mètres. Le Canada est le chef de file mondial dans la construction des pipelines en hiver. On y a mis au point des machines uniques pour creuser des tranchées dans le pergélisol et les tourbières. Des entreprises canadiennes de pipelines ont conçu et construit des pipelines en Russie, en Chine et en Asie du Sud-Est.
Comment les pipelines sont-ils surveillés et entretenus?
Les pipelines sont exploités tous les jours de l’année. Des opérations informatisées assurent la surveillance en permanence de la pression, du débit et de la consommation d’énergie partout sur la ligne. Des ordinateurs peuvent effectuer rapidement des calculs de détection des fuites et entreprendre des mesures correctives en cas d’urgence, comme la fermeture d’urgence des valves, l’arrêt des pompes et l’envoi d’alertes aux équipes de réparation (voir aussi Applications de l’informatique). Cependant, des recherches suggèrent que les stations de commande interceptent seulement environ de 15 à 20 % des fuites de pipelines. Les entreprises utilisent également encore fréquemment des systèmes de détection non continus, qui incluent des chiens et des inspections visuelles, notamment grâce à la surveillance aérienne par hélicoptères.
Par mesure de précaution supplémentaire, des tests périodiques sont effectués afin d’assurer la sécurité du fonctionnement d’un pipeline. La cire et les matières étrangères peuvent être éliminées des pipelines pétroliers par un processus appelé « raclage ». Le « racleur » est un cylindre couvert de poils qui est poussé dans le pipeline par la pression de fluides et qui nettoie ainsi le tuyau sur son passage. Le terme désignant ce processus en anglais est pigging (dérivé du mot pour « cochon ») et il est appelé ainsi en raison du couinement que font les poils lorsqu’ils frottent la paroi des tuyaux. De nos jours, les « racleurs intelligents » (ou smart pigs en anglais, ce qui se traduit par « cochons intelligents ») sont équipés de capteurs et d’enregistreurs qui surveillent l’intérieur du pipeline pour détecter la corrosion et les points faibles. Les tests de pression sont utilisés en conjonction avec des inspections des racleurs ou à la place de celles-ci.
Comment les pipelines sont-ils réglementés?
La première Loi sur la sûreté des pipelines canadienne est adoptée en 1949. Cette loi fédérale crée des lignes directrices et des exigences de sécurité sur les modes et les lieux de construction des pipelines. Une décennie plus tard, le gouvernement fédéral établit l’ Office national de l’énergie, un organisme indépendant qui a l’autorité de réglementer les pipelines qui traversent les frontières provinciales et internationales, ainsi que l’exportation du pétrole brut et du gaz naturel.
De plus, l’Office national de l’énergie examine les questions liées à la construction de pipelines, comme les estimations de réserves de pétrole, les coûts, les facteurs environnementaux et les pratiques d’ingénierie et de sécurité. Historiquement, l’Office a également effectué des évaluations de l’impact sur l’environnement des projets d’infrastructures énergétiques proposées. Dans de rares cas, une commission peut être nommée afin d’examiner un projet en particulier, comme cela s’est produit avec le pipeline de la vallée du Mackenzie durant les années 1970. Des revendications environnementales ainsi que des revendications territoriales autochtones avaient alors compliqué le processus d’examen au-delà du mandat de l’Office.
Politique et controverses
La construction de pipelines est un point politique extrêmement sensible. Un pipeline de TransCanada (aujourd’hui TC Énergie), maintenant connu comme le réseau principal TransCanada, a fait l’objet de vifs débats en 1956. Une intense controverse a également entouré le projet de pipeline de la vallée du Mackenzie, un projet qui a été indéfiniment reporté dans les années 1970, a été repris par la compagnie pétrolière Impérial Ltée en 2004, et ensuite abandonné en 2017.
Le projet d’expansion du pipeline Trans Mountain, qui appartenait à l’origine à Kinder Morgan, et appartient maintenant au gouvernement canadien, a également été au centre d’un conflit politique continu. Au début de l’année 2018, une dispute commerciale éclate entre la Colombie-Britannique (farouche opposante au pipeline sous la gouverne du premier ministre néo-démocrate John Horgan ) et l’ Alberta, lorsque le gouvernement de John Horgan propose d’interdire l’augmentation du transport du bitume en provenance de l’Alberta. Des mois de discorde entre les deux provinces s’ensuivent.
Le saviez-vous?
En mai 2018, Kinder Morgan menace d’abandonner le projet en raison de l’opposition continue de la Colombie-Britannique. Le gouvernement fédéral prend alors la décision controversée d’acheter le pipeline Trans Mountain et son expansion pour 4,5 milliards de dollars. Au mois d’août de la même année, la Cour fédérale du Canada se prononce sur les contestations lancées par six Premières Nations , deux groupes écologistes et les villes de Burnaby et de Vancouver . Le tribunal trouve des failles dans l’approbation du projet par le gouvernement. La décision stoppe l’expansion et ordonne que certaines parties du processus soient reprises (voir Projet d’expansion du pipeline Trans Mountain).
La consultation et l’approbation des projets de pipeline par les Autochtones deviennent des facteurs clés dans leur acceptation par les gouvernements, les organismes et le public. Avant le succès de la contestation juridique du projet d’expansion du pipeline Trans Mountain, les Premières Nations de la Colombie-Britannique ont également recours au système judiciaire et à l’obligation du gouvernement de les consulter afin de s’opposer au pipeline Northern Gateway. Plus récemment, lors de l’hiver de 2018-2019, deux points de contrôle mis en place par un groupe d’activistes Wet’suwet’en ( voir Dakelh) font la une des manchettes nationales : ils bloquent la construction du pipeline Coastal GasLink de TC Énergie, qui traverse leurs territoires traditionnels. Des groupes de sympathisants tiennent des manifestations à travers le pays en soutien aux opposants Wet’suwet’en, et 14 d’entre eux sont arrêtés par la GRC en janvier 2019. Cependant, Coastal GasLink est également une source de division parmi les Wet’suwet’en : en effet, certains chefs héréditaires et conseils de bandes élus soutiennent le projet.
Une préoccupation centrale de nombreuses communautés autochtones est le risque associé à la localisation des infrastructures d’extraction du pétrole et du gaz dans les habitats de sources de nourriture sauvages dont ils dépendent ou près de ceux-ci. Les risques sanitaires suscitent également des inquiétudes à proximité des sites d’extraction de combustibles fossiles : on craint non seulement la contamination de l’eau potable, mais aussi une augmentation des risques de cancer. L’accroissement de ces risques a été confirmée par une étude de l’Université du Manitoba et de Santé Canada portant sur la Première Nation Chipewyan d’Athabasca et la Première Nation crie Misikew en 2014 (voir aussi Déné ; Cri). Ces deux communautés sont situées près de sites d’extraction des sables bitumineux en Alberta.
Certains projets de pipelines ont reçu le soutien de communautés autochtones. Par exemple, la Société régionale Inuvialuit, le conseil tribal des Gwich'in et le Sahtu Pipeline Trust s’associent au projet gazier Mackenzie en tant que le Aboriginal Pipeline Group (voir aussi Inuvialuit ; Gwich’in ; Sahtu Got’ine ). Le pipeline Eagle Spirit, une alternative proposée à Northern Gateway, est soutenu par plusieurs Premières Nations qui cherchent à construire un pipeline appartenant à des Autochtones.
Les écologistes commencent à insister pour que les compagnies pétrolières, les gouvernements et l’Office national de l’énergie mesurent en amont le rôle des pipelines dans l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. En effet, les pipelines facilitent l’extraction et la combustion de plus de combustibles fossiles. À la conférence de Paris sur les changements climatiques en décembre 2015, le Canada accepte de réduire ses émissions de carbone de 523 mégatonnes par année d’ici 2030, ce qui équivaut à une réduction de 30 % par rapport aux niveaux de 2005. Bien qu’il soit peu probable que le Canada atteigne ses objectifs de Paris, certains soutiennent que la tâche sera rendue impossible si on augmente la capacité des pipelines liés aux sables bitumineux de l’Alberta (voir aussi Changement climatique).
Le système même d’approbation des pipelines est critiqué, certains Canadiens soutenant qu’ils ont perdu confiance en la capacité de l’Office national de l’énergie d’évaluer les projets énergétiques de manière impartiale. Lors de l’hiver 2016-2017, un panel d’experts nommé par le gouvernement rencontre des groupes de l’industrie, des intervenants et des groupes autochtones dans le cadre d’un important effort visant à restructurer la manière dont l’Office de l’énergie examine et approuve les projets à l’avenir.
Propositions actives de pipelines
Les propositions de pipelines qui demeurent actives ou en construction incluent le projet d’expansion du pipeline Trans Mountain , initié par Kinder Morgan et appartenant maintenant au gouvernement fédéral , et le programme de remplacement de la canalisation 3 d’ Enbridge.