Périodiques littéraires de langue française | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Périodiques littéraires de langue française

Les périodiques ont toujours joué un rôle déterminant dans la diffusion, voire la création même de la littérature québécoise. Au XIXe s.

Périodiques littéraires de langue française

Les périodiques ont toujours joué un rôle déterminant dans la diffusion, voire la création même de la littérature québécoise. Au XIXe s., alors que cette littérature se désigne sous le nom de canadienne et que les imprimeurs hésitent à publier des oeuvres de fiction, plusieurs journaux suppléent aux carences des maisons d'édition et publient de manière fragmentée, soit des oeuvres entières, soit des textes plus courts dans le domaine du conte ou de la poésie. Les revues spécifiquement littéraires, à l'origine plus rares, sont cependant marquées, dès leur apparition, par des orientations précises qui en font les porte-parole de groupes en même temps que des révélateurs des moments forts de la littérature québécoise.

Fondées dans une optique d'abord patriotique, les revues littéraires du XIXe s. se proposent, comme d'ailleurs le Répertoire national de James Huston, d'encourager et « d'entretenir l'amour de la littérature nationale au Canada ». L'un des premiers périodiques de ce genre, La Ruche littéraire illustrée (1853-1859), veut d'abord réunir des oeuvres littéraires canadiennes, mais doit vite se tourner également vers les traductions, pour se spécialiser ensuite dans les récits à tendance romantique d'écrivains français récemment arrivés au pays, parmi lesquels le plus connu est Henri-Émile Chevalier. Les véritables tentatives d'enracinement ont lieu davantage dans les trois revues qui naissent vers le milieu du XIXe s. et qui coïncident avec ce qu'on a nommé le mouvement de 1860 ou l'École patriotique de Québec.

Les SOIRÉES CANADIENNES (1861-1865), sous-titrées « Recueil de littérature nationale », citent en exergue la célèbre phrase de Nodier: « Hâtons-nous de raconter les délicieuses histoires du peuple avant qu'il ne les ait oubliées ». Selon les termes de ses animateurs, l'objectif de la revue est « de soustraire nos belles légendes canadiennes à un oubli dont elles sont plus que jamais menacées, de perpétuer ainsi les souvenirs conservés dans la mémoire de nos vieux narrateurs et de vulgariser certains épisodes peu connus de l'histoire de notre pays ». Dès le premier numéro, Joseph-Charles Taché y donne « Trois légendes de mon pays » et l'abbé Casgrain « La Jongleuse ». À ces noms, il faut ajouter ceux de Hubert LaRue et d'Antoine Gérin-Lajoie comme rédacteurs et collaborateurs principaux. Les Soirées canadiennes cherchent à promouvoir une littérature d'inspiration folklorique et bannissent de leurs pages toute discussion à caractère politique. Une dissension au sein du groupe donne bientôt naissance à Le Foyer canadien (1862-1866), recueil littéraire et historique qui, tout en reprenant les objectifs des Soirées, ajoute l'intention de publier « toute oeuvre canadienne se distinguant par quelque originalité de vues, de pensée ou de style ». Antoine Gérin-Lajoie y publie son roman-manifeste: Jean Rivard, économiste. Puis succèdent à ces deux périodiques Les Nouvelles Soirées canadiennes (1882-1888), qui cherchent à favoriser les oeuvres de création afin de « fortifier nos institutions et notre langue ». On ajoute même que Les Nouvelles Soirées « seront avant tout et toujours canadiennes et catholiques, c'est-à-dire qu'elles seront essentiellement nationales ».

Malgré un contenu plus diversifié, trois revues prolongent cette conception de la littérature avant tout traditionaliste et folklorisante. Il s'agit de l'Opinion publique (1870-1883), une publication politique et littéraire, de l'Album universel (1884-1902) et de la Revue canadienne (1864-1922), plus ouverte sur l'ensemble de la vie intellectuelle au Canada français.

Le début du XXe s. préfère envisager le problème de la littérature nationale sous l'angle de l'option régionaliste contre l'option universaliste. Un premier groupe d'écrivains fonde en 1909 la revue Le Terroir, qui se propose de mettre en évidence les particularismes de « l'âme canadienne-française ». On veut permettre « l'exaltation du sol de chez nous » et le « regroupement de la jeunesse littéraire canadienne ». Animée par des membres de l'École littéraire de Montréal, dont Charles Gill et Albert Ferland, la revue reste quand même fort éclectique dans son contenu et ne dure qu'un an. Une dizaine d'années plus tard, un autre périodique tout aussi éphémère, le NIGOG (1918) lui fera écho en optant pour un certain universalisme et en affirmant la nécessité de se mettre à l'heure du monde et de la littérature contemporaine. Les débats suscités par ces revues sont repris par certains essayistes et pamphlétaires, comme Victor Barbeau et Claude-Henri Grignon, et se cristallisent, déjà vers les années 30, autour de la question de la langue d'écriture.

À cette époque, d'autres périodiques intègrent la littérature dans une orientation plus large. La revue Les Idées (1935-1939), animée par Albert Pelletier, attaque le « manque de vie de l'esprit » et parle d'une vie intellectuelle qui se ramollit en passant « peu à peu dans les limbes de l'instinct ». Quant à La RELÈVE (1934-1941), la plus importante revue culturelle de la première partie du XXe s., qui regroupe Robert Charbonneau, Paul Beaulieu, Saint-Denys Garneau et Robert Élie, elle vise un renouveau spirituel et humaniste dont l'art doit demeurer un témoin privilégié. « Dans la grande révolution qui s'ébauche et qui devra être le retour de l'humanité au spiritual, écrit Saint-Denys Garneau, il s'impose que l'art, cette couronne de l'homme, l'expression suprême de son âme et de sa volonté, retrouve son sens perdu et soit l'expression splendide de cet élan vers le haut ». Bien loin du folklore, les oeuvres littéraires de ce groupe exaltent l'expression du moi, la vie intérieure et les problèmes spirituals de la civilisation moderne.

Posant la problématique de la double appartenance française et américaine, Amérique française (1941-1964), fondée par d'anciens élèves du coll. Jean-de-Brébeuf, soit François HERTEL et de ses collaborateurs, reflète les idéaux artistiques et esthétiques d'une certaine élite intellectuelle du Québec d'alors. Andrée Maillet prend la relève en 1951 et oriente davantage la revue vers la création littéraire. Plusieurs auteurs y participent, dont Jacques FERRON et Anne HÉBERT. De 1941 à 1955, la revue est publiée de façon régulière, à raison de 4 à 12 numéros par année. Quant aux Écrits du Canada français (1954), ils poursuivent, après quelques années d'interruption, leurs publications de fictions, poèmes et essais inédits.

Tout en s'éloignant progressivement d'une conception étroite de la notion de « littérature nationale », les revues du XXe s. restent marquées au sceau d'un certain catholicisme. Même CITÉ LIBRE (1950-1966) n'y échappe pas. Cette revue réunit les Pierre-Elliot Trudeau, Jean Marchand et Gérard Pelletier, mieux connus aujourd'hui par leur engagement politique. En pleine période duplessiste, la revue s'oppose au conservatisme qui a marqué le Québec pendant plus d'un siècle et prône un internationalisme qui fait l'économie du concept de nation. Plus politique qui littéraire, Cité libre n'en a pas moins marqué l'histoire culturelle du Québec en revendiquant, deux ans après REFUS GLOBAL (1948), le droit à la parole et à la dissidence. Le groupe devient bientôt la cible préférée des rédacteurs de PARTI PRIS (1963-1968), revue politique et culturelle à trois objectifs: l'indépendance, le socialisme et le laïcisme au Québec. Par rapport aux mouvements antérieurs, l'originalité de Parti pris consiste d'abord à dédouaner le nationalisme à gauche, c'est-à-dire à analyser le cas du Québec sans s'enfermer dans un conservatisme sclérosé; ensuite à articuler la relation entre le littéraire et le politique, à remettre en question l'un et l'autre, et l'un à cause de l'autre. Parti pris, dont le comité de rédaction est constitué en grande majorité par des écrivains (Paul Chamberland, Jacques Renaud, André Major, etc.), réfléchit à la fois sur le fait littéraire, c'est-à-dire sur la littérature comme institution, et sur le faire, doublant sa pratique de la fiction d'une théorie de cette pratique. Parmi les questions fréquemment abordées dans la revue, mentionnons celles du statut de l'écrivain, de la situation de la culture, de la littérature en contexte colonial et de la langue d'écriture. Surtout connus pour leur choix - transitoire et politique - du joual, cette langue parlée dont on ne veut éliminer aucune faute ou anglicisme, les écrivains de Parti pris ont tenté de renouveler les grands thèmes sartriens (à savoir pour qui et pour quoi écrire) dans la pratique d'une littérature désormais désignée sous le nom de « québécoise ». Cité libre, quant à elle, publiera son dernier numéro en octobre 2000.

Entre la fondation de Cité libre et celle de Parti pris, une autre revue se crée, et reste encore aujourd'hui l'un des périodiques littéraires du Québec les plus lus. Fondée en 1959, LIBERTÉ se définit d'abord comme « un centre de discussion des problèmes culturels qui compte accueillir toutes les pensées valables et favoriser le dialogue ». Loin d'être « l'organe d'un groupe fermé », elle se veut « ouverte à tous ceux qui ont quelque chose à dire ». Point de rencontre, carrefour des divers courants littéraires et culturels, la revue en tant que telle, précise dès le début la direction, « n'a pas à s'engager de quelque manière que ce soit ». Un numéro de 1961 contient pourtant une sorte de manifeste: « Nous sommes pour: le désarmement total, universel et immédiat; la liberté, l'amour, l'amitié; le jazz; ceux qui ont la jeunesse de Varèse, Russell, Henry Miller, Abel Gance; un ministère de l'Instruction publique; le respect des consciences; la démocratie culturelle; l'univ. laïque; l'utilisation raffinée du sexe. » En ses premières années, Liberté s'applique à dénoncer les problèmes de la « fatigue culturelle ». Elle permet, en 1963, la première expression collective du groupe Parti pris et intitule un de ses numéros « Le Québec et la lutte des langues ». La revue est à l'origine de la rencontre québécoise des écrivains, qui s'est transformée en rencontre québécoise internationale. Tout en s'intéressant à la publication d'auteurs étrangers (Israël, États-Unis, France, Roumanie), Liberté n'en accorde pas moins une place de choix aux jeunes écrivains du Québec qui y trouvent l'occasion de leurs premières armes. La direction de la revue, longtemps assurée par Jean-Guy Pilon, est passée de François Ricard à François Hébert, puis à Marie-Andrée Lamontagne. La revue a fait paraître plusieurs numéros spéciaux importants, parmi lesquels un bilan de « l'institution littéraire québécoise » (1981).

Les générations littéraires, tout particulièrement au Québec, durent en moyenne 10 ans. Si Parti pris s'oppose à Cité libre et double Liberté sur sa gauche, La BARRE DU JOUR fondée par Nicole Brossard et Roger Soublières (1965-1976), rompt avec une certaine conception sociale de la littérature. L'écrivain n'y est plus le sismographe de la douleur collective: attentif à ses propres pulsions, il traduit, en une mise en scène textuelle savante, une écriture en gestation. Le concept de nouveauté y domine à tel point qu'après quelques années et un changement de comité de rédaction, on passe de La Barre du jour à La Nouvelle Barre du jour (1977-1990). On y retrouve l'écriture chiffrée de la modernité, à mi-chemin entre théorie et fiction, où la théorie même devient fiction. D'où un formalisme inévitable et, en corollaire, le reproche de mandarinisme, d'écriture de caste. À cela, les nouveaux écrivains répondent qu'il faut changer les habitudes de lecture, celles qu'a inculquées la culture bourgeoise. Aux codes plus aisément repérables et reconnaissables, ils substituent la notion de texte. Aux écritures linéaires et totalisantes, ils préfèrent le fragment. Les équipes successives se sont engagées dans une série de renouvellements, transgressions et transversions du dire. Ici, rien ne va de soi. Le jeu, d'emblée, s'installe en donnant lieu à des « fabrications » de fables et de contes écrits « au pied de la lettre », à la « page image » et à des chroniques « diasynchroniques ». Le défi est de taille. Chaque texte doit jusqu'à un certain point réinventer ses propres codes d'écriture.

Tout à côté de La Barre du jour, la revue Les Herbes rouges (1968-), dirigées par Marcel & François Hébert, ainsi que par André Roy, choisit de publier dans chaque numéro les textes d'un seul auteur sous forme de petite plaquette. Pas d'énoncés programmatiques: une pratique suffit. En guise de retour sur cette pratique, Roger Desroches parlera lui aussi, comme les rédacteurs de La Barre du jour, de la matérialité du texte comme lieu de questionnement et de jeu, de l'intention d'« illustrer les particularités du plaisir et du désir, du corps en tant que lieu pensant et pensant ses belles morts », et aussi des « différences dans tous leurs états ». Les textes des Herbes rouges sont généralement provocants, subversifs, contre-culturels et ou mythiques, sans dédaigner le lyrisme. De la publicité aux bandes dessinées, du discours social à la conscience politique, tout est matière à texte et à poésie.

Né d'un groupe qui s'était désigné sous le nom de « poètes sur parole » et qui avait fait les belles soirées du Chantauteuil, à Québec, Estuaire (1976-) est essentiellement une revue de poésie. À ses débuts, celle-ci privilégie la poésie pour l'oeil et pour la voix, puisant aux sources vives du pays et du paysage. Aucun hasard dans le fait que la revue publie des entrevues avec Miron, Hélias, Perrault, tous des artisans de la parole au verbe manifestaire. Cette orientation semble s'estomper progressivement au profit d'une poésie plus elliptique qui, toutefois, s'en tient à un certain niveau de lisibilité. En 1986, Gérald Gaudet succède à Jean Royer, le directeur-fondateur d'Estuaire. Plus électrique, Moebius (1977) publie poèmes, nouvelles, entrevues d'écrivains et aborde également la production littéraire d'un point de vue critique.

Entre 1960 et 1980, des revues se créent, à l'existence plus ou moins éphémère. Maintenant (1962-1975) a tenté d'articuler problématique nationale et catholicisme de gauche. Mainmise (1970-1978) s'est fait le porte-parole d'une contre-culture américaine en quête de racines québécoises alors que Presqu'Amérique (1970-1973) a cherché à définir de nouvelles appartenances. Hobo-Québec (1972-1981) et Cul-Q (1973-1975) ont montré un autre versant de la culture québécoise. Brèches (1973-1977) a questionné la littérature et la culture dans le sillage de la nouvelle critique parisienne. Chroniques (1975-1978) et Stratégie (1972-1977) ont analysé l'objet littéraire et les discours critiques qui l'entourent à partir d'une grille marxiste. Les Têtes de pioche (1976-1979) ont regroupé les éléments les plus radicaux du mouvement des femmes alors en plein essor.

Du côté de l'information, signalons la disparition de Livres et auteurs québécois (1961-1982), recueil annuel de critiques sur la production québécoise. Lettres québécoises, sous-titrée « Revue de l'actualité littéraire », est un périodique trimestriel qui, surtout par de longs comptes rendus, passe systématiquement en revue les publications courantes. Spirale (1979-), périodique engagé dans une forme de critique moderne, propose une information doublée d'une interrogation et d'une réflexion sur la littérature et les autres domaines artistiques. Nuit blanche (1980-), magazine d'information qui s'intéresse à « toutes les littératures », offre un dossier thématique dans chacune de ses livraisons. Dans le domaine du théâtre, Jeu (1976-) fait le lien entre théorie et pratique, scrute attentivement les productions, s'interroge sur les troupes et rend compte des enjeux de l'activité théâtrale au Québec.

Quant aux revues universitaires, elles se consacrent le plus souvent à l'étude d'un thème, d'un écrivain, d'une question. C'est le cas d'Études littéraires à Laval, d'Études françaises à l'Univ. de Montréal, et de Protée à l'Univ. du Québec à Chicoutimi. Voix et Images, publiées par les PUQ et nées de Voix et Images du pays, seule revue entièrement consacrée au domaine québécois, dédie une partie de chaque numéro à un écrivain. À Sherbrooke, Ellipse trouve une formule inédite en publiant des oeuvres en traduction, tandis que Présence francophone rend compte des activités des pays de langue française. À Ottawa, Incidences et La Revue littéraire de l'Univ. d'Ottawa ouvrent leurs pages aux questions littéraires de même que la revue de l'Université de Moncton dans la ville du même nom. Québec français, revue des enseignants (AQPF) publie aussi des dossiers sur des écrivains. À l'Univ. du Québec à Rimouski, Tangénce (1992) a remplacé Urgence.

Depuis 1975, plusieurs revues ont vu le jour: Dérives (1975-1987), Possibles (1976), Intervention (1978), Le Temps fou (1978-1983), Focus (1978). Elles ont en commun de proposer non seulement un décloisonnement des champs d'activités culturelles, mais aussi un antidogmatisme. Si la revue Intervention, devenue ensuite Inter, oriente d'abord son questionnement vers divers secteurs artistiques, elle ne néglige pas d'analyser les phénomènes connexes à l'art (diffusion, galeries, édition, etc.) ni les faits sociologiques actuels ou les politiques gouvernementales. Dérives est une revue interdisciplinaire qui tente d'établir le dialogue Québec/Tiers monde et fait appel aux collaborations les plus diverses. Quant à Possibles, qui regroupe sociologues, littéraires et critiques d'art, elle poursuit depuis sa création une réflexion sur le Québec, son avenir politique, les pratiques autogestionnaires qui s'y implantent; la création littéraire et artistique y est considérée comme une composante essentielle de l'imaginaire social, comme lieu d'articulation des « possibles », tant individuels que collectifs. Le Temps fou, magazine mensuel, a détecté systématiquement l'innovation dans les différents domaines de la culture et de la société, tandis que Focus voulait rendre compte de l'activité régionale du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Trafic (anciennement Résistances, 1982-) rejoint des objectifs analogues tout en ouvrant ses pages à une collaboration internationale. À l'heure de la multidisciplinarité, ces revues intègrent la création à un projet global de société.

À l'époque de l'interplanétaire, deux revues s'orientent vers la science-fiction: Solaris (anciennement Requiem, 1974-) et Imagine (1979-). Du côté des femmes, un féminisme teinté d'humour s'exprime dans La Vie en rose (1980-1987) et l'expression littéraire a trouvé un lieu particulier nommé Arcade (1982-). En 1986, La Parole métèque propose « un nouveau rêve féministe. » Dixit. 01 (1984-) consacre deux numéros sur cinq à un auteur et XYZ (1985-) de même que Stop (1986-) choississent exclusivement la nouvelle. Exit (1995) se consacre à la poésie. Moins spécialisée, Trois (1985-), revue d'écriture et d'érudition, cherche à faire éclater les catégories trop étanches entre les savoirs et les genres littéraires, l'essai et la fiction, la prose et la poésie, le texte critique et celui de création. Quant à Vice Versa (1983-1987), magazine trilingue (français, anglais, italien) dirigé par trois Québécois d'origine italienne, il s'est defini comme transculturel, c'est-à-dire en prise directe sur les diverses cultures qui façonnent le monde d'aujourd'hui. Ruptures, fondée en 1992 par Edgard Gousse, est une revue qui s'intéresse aux trois Amériques et publie des textes en français, en anglais, en espagnol et en portugais. En Acadie, Éloizes (1981-), puis Vent d'est (1985-), regroupe poètes et auteurs de fiction.

L'analyse des revues culturelles permet ainsi de constater que plusieurs courants coexistent, survivent et luttent pour la reconnaissance symbolique alors que l'histoire littéraire du Québec nous avait habitués à ne voir surgir, à une même époque, qu'un seul courant dominant.

Malgré cette polyvalence, peut-on généraliser? Hasardons, tout au plus, quelques propositions. Au cours des dernières décennies, l'écrivain s'est peu à peu débarrassé de sa mauvaise conscience et a quitté le « mur des lamentations » national. Écrire est devenu une affaire de métier, un métier enraciné et situé dans un contexte social et politique où il est plus facile de dire je que de dire nous. Sur le plan des groupes, les ruptures sont moins violentes qu'à l'époque de Refus Global et de Parti Pris. On ne s'oppose plus, mais on transpose et on transgresse. D'autre part, la dimension internationale des revues s'affiche avec de plus en plus d'évidence. Place à l'innovation, place au métissage culturel, semblent dire les uns et les autres.