Oeuvres littéraires mises en musique | l'Encyclopédie Canadienne

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Oeuvres littéraires mises en musique

Oeuvres littéraires mises en musique. Une oeuvre littéraire de qualité tout comme un poème médiocre peuvent fournir un matériau convenable au compositeur, ceci dans n'importe quel pays.

Oeuvres littéraires mises en musique

Oeuvres littéraires mises en musique. Une oeuvre littéraire de qualité tout comme un poème médiocre peuvent fournir un matériau convenable au compositeur, ceci dans n'importe quel pays. Toutefois, il semblerait qu'au Canada, la plupart sinon la presque totalité des textes qui ont inspiré les compositeurs possèdent au point de vue littéraire une certaine valeur intrinsèque, et que la discrimination dont les créateurs font preuve dans leur choix de textes se retrouve aussi dans leur façon de les traiter, en d'autres mots, dans la qualité de leur mise en musique. Il n'est pas étonnant que les oeuvres de certains écrivains connus aient été fréquemment exploitées, telles les oeuvres d'Earle Birney, Bliss Carman, Émile Nelligan, Marjorie Pickthall, Edwin J. Pratt, Hector de Saint-Denys Garneau, Félix-Antoine Savard et Duncan Campbell Scott. Des oeuvres moins connues ont aussi été mises en musique, et certains compositeurs (notamment Brott, Cohen, Daunais, Leclerc, R. Mathieu et Schafer) ont parfois employé leurs propres textes.

Voir aussi Anerca, La Chanson au Québec, Evangeline, Histoire du Canada dans la musique, « In Flanders Fields », Livrets, Mélodie, La Musique dans les lettres canadiennes, Musique de scène, « Suzanne », « The Wreck of the Julie Plante ».

Langue française

Au Québec, la chanson se réclame d'une longue tradition. Au XVIIe siècle, les premiers habitants apportèrent avec eux les chants traditionnels et la musique des provinces de France d'où ils venaient. Ces chants de folklore furent transmis de génération en génération. En France la chanson, comme forme poétique, a une longue histoire et, au Québec, les premiers essais poétiques en adoptèrent les modèles rythmiques : il semblait tout naturel de chanter des poèmes sur des airs traditionnels. Le père Jean-Baptiste Boucher-Belleville publia en 1795 son Recueil de cantiques à l'usage des missions, des retraites et des catéchismes, en exprimant dans la préface son désir de « substituer des cantiques pieux... à des chansons indécentes qui corrompent les coeurs ». Cet ouvrage ne comporte pas de notation musicale, mais il en va autrement pour le Nouveau Recueil de cantiques à l'usage du Diocèse de Québec (1819), compilé par le père Jean-Denis Daulé, qui contient aussi la musique. Daulé est également l'auteur de la musique de certains des cantiques.

De 1765 à 1867, plus de 300 chansons ont été publiées dans des périodiques. Dans la plupart des cas, les poèmes seulement étaient cités avec simplement le titre de la mélodie connue sur laquelle ils devaient être chantés. Un réveil du sentiment patriotique au Québec atteignit son point culminant entre 1825 et 1840. Parmi les chansons caractéristiques de l'époque, mentionnons « La Chanson patriotique » (1825) d'Augustin-Norbert Morin, sur un air traditionnel : « Sol canadien, terre chérie » (1829) d'Isidore Bédard, connue sous deux mélodies traditionnelles puis mise en musique par Théodore Frédéric Molt; « Ô Canada! mon pays! mes amours! » (1834) de sir George-Étienne Cartier, musique de Jean-Baptiste Labelle; « Un Canadien errant », (1842) d'Antoine Gérin-Lajoie. Charles Sauvageau composa la musique du « Chant national » de François-Magloire Derome et du « Chant canadien » de F.-R. Angers. « Le Drapeau de Carillon » devint le plus célèbre poème d'Octave Crémazie lorsque en 1858 Charles Wugk Sabatier y ajouta une mélodie. D'autres oeuvres de Crémazie seront mises en musique, notamment le « Chant du vieux soldat canadien » et le « Chant des voyageurs », par Antoine Dessane, et « Le Canada », par Alfred La Liberté (1902), A.-P. Derome (1906), Auguste Fontaine (1909) et J.-J. Gagnier (v. 1935). En 1862, Antoine Dessane avait mis en musique le poème de Blain de Saint-Aubin, « La Mère canadienne ». Cette époque vit aussi fleurir un autre genre extrêmement populaire, la romance de salon. « Nuit d'été » de Lavallée, sur un poème de Napoléon Legendre, « Les Caprices du coeur » et « Car vous étiez si gentille » de Jehin-Prume en sont quelques exemples. « Mon bouquet » (v. 1890) de Louis Fréchette fut mis en musique par Achille Fortier et « Hymne à la patrie » d'Albert Lozeau, par J.-J. Gagnier (1939).

Joseph Quesnel fut le premier au Québec à composer de la musique sur des textes plus élaborés. Il écrivit lui-même les livrets de ses opéras-comiques Colas et Colinette et Lucas et Cécile. La Cantate : la Confédération, texte d'Auguste Achintre et musique de J.-B. Labelle, fut créée en 1868. En 1879 on exécuta à Québec une Cantate en l'honneur du marquis de Lorne et de la princesse Louise, texte de Napoléon Legendre et musique de Calixa Lavallée. Ce dernier écrira l'année suivante un chant appelé à devenir très célèbre, « Ô Canada », sur les paroles d'Adolphe-Basile Routhier. C'est aussi vers 1880 que Célestin Lavigueur écrivit la musique de l'opérette La Fiancée des bois, livret de Pamphile Lemay. Au début du XXe siècle, Joseph Vézina composa l'opérette Le Lauréat, sur un livret de l'ex-premier ministre du Québec Félix-Gabriel Marchand. Alexis Contant écrivit les oratorios Caïn, texte du frère Symphorien, et Les Deux Âmes, texte d'Henri Roullaud, poète français établi au Canada. Le texte de l'oratorio de Guillaume Couture, J ean le Précurseur, est une adaptation en vers libres par Albert Lozeau du livret de l'abbé Antonio Lebel.

En 1937, la fondation de la Bonne chanson correspondait à un essor de la chanson à la mélodie plaisante et au texte choisi pour son contenu patriotique ou religieux plutôt que pour sa qualité littéraire. Néanmoins, ce mouvement contribua à la redécouverte graduelle du patrimoine et prépara la naissance d'une littérature non plus soumise au goût du jour mais engagée socialement et politiquement.

L'apparition sur la scène québécoise de Félix Leclerc, au début des années 1950, marqua un tournant dans l'évolution de la littérature canadienne-française en relation avec la musique. Ce chansonnier fut le premier représentant de la génération des Vigneault, Léveillée, Ferland, dont les poèmes sont conçus pour être récités ou chantés. Monique Leyrac a fait connaître neuf poèmes de Nelligan mis en musique par André Gagnon, Maurice Dela a mis en musique « Le Paysage » de Vigneault, et Robert Charlebois a travaillé en collaboration avec Claude Péloquin et d'autres.

Nombre d'oeuvres musicales contemporaines reposent sur des poèmes qui, à l'encontre de ceux des chansonniers, appartiennent au répertoire du concert. C'est ainsi que furent mis en musique Hymne au vent du nord d'Alfred Desrochers, par Clermont Pépin (1960); d'Émile Nelligan, trois poèmes, par Maurice Blackburn (1949), « Le Vaisseau d'or » par Maurice Dela (1967), Les Clartés de la nuit puis Les Abîmes du rêve par Jacques Hétu (1970, 1982); L'Imagerie de Cécile Chabot, par Hector Gratton (1945); le Te Deum, texte français de Félix-Antoine Savard, par Roger Matton (1967); Les Rivages perdus de Wilfrid Lemoine, par François Morel (1954). Les oeuvres de Saint-Denys Garneau ont su inspirer Serge Garant (« Et je prierai ta grâce », 1952; « Cage d'oiseau », 1962), Jean Vallerand (Quatre Poèmes de Saint-Denys Garneau, 1954), Alain Gagnon (« Que je t'accueille », 1968), Bruce Mather (Madrigal II, III et IV, 1968-72) et Jean Papineau-Couture (Paysage, 1968). Ce dernier écrivit aussi Églogues (1942), texte de Pierre Baillargeon, et José Evangelista composa En guise de fête (1974) sur un texte d'Anne Hébert. Richard Boucher écrivit (1979) la cantate Anges maudits, veuillez m'aider, poème d'Émile Nelligan. Léo Roy avait mis en musique 62 poèmes de Nelligan en 1934-35. Ont aussi mis en musique des poèmes de Nelligan Charles Baudouin, François Dompierre, Claude Léveillée et d'autres. Gabriel Charpentier, à la fois poète et compositeur, a collaboré au texte de Loving (Toi) de R. Murray Schafer (1966) et a écrit le livret et la musique de l'opéra Orphée I. D'autres de ses textes, Ils ont détruit la ville, Dissidence, et Cantate pour une joie, ont été mis en musique par Pierre Mercure. À l'occasion du 10e anniversaire de la mort de ce dernier, Charpentier écrivait Artère pour baryton. Il est également l'auteur du trio vocal « Jamais » et de la musique de Quand nous serons heureux, texte de Jacques Brault. Parmi les jeunes poètes, citons Michèle Lalonde dont le long poème Terre des hommes a été mis en musique par André Prévost à l'occasion de l'Expo 67. Micheline Coulombe Saint-Marcoux s'est servie de textes de Noël Audet et Gilles Marsolais pour Makazoti (1971), de Nicole Brossard pour Alchera (1973), de Paul Chamberland pour Ishuma (1973-74) et de France Théoret pour Transit (1984). Pour sa part, Marc Gagné a écrit le livret et la musique de son opéra Menaud (1986) d'après le roman de Félix-Antoine Savard. Nelligan, « opéra romantique », livret de Michel Tremblay et musique d'André Gagnon, a été créé à la PDA par l'Opéra de Montréal en 1990. Si certains compositeurs tels que Lionel Daunais (Sept Épitaphes plaisantes, Fantaisie dans tous les tons) et Rodolphe Mathieu ont composé le plus souvent sur leurs propres textes, la collaboration étroite entre poètes et musiciens est maintenant courante et contribue à produire des oeuvres de valeur et musicales et littéraires.

Bibliographie
Paul WYCZYNSKI, Nelligan et la musique (Ottawa 1971).

Marie-Christine BLAIS, « Nelligan : de la musique avant toute chose », Chansons d'aujourd'hui, XII (janv. 1990).

Laurent LEGAULT, « Dans le walkman de Nelligan », ibid.

Langue anglaise

Certains traits curieux ressortent d'une étude sur les mises en musique d'oeuvres littéraires canadiennes-anglaises, notamment le fait que certains poètes d'excellente réputation ne semblent pas avoir attiré l'attention des musiciens, si ce n'est à l'occasion. Il n'y a par exemple aucune mise en musique d'oeuvres de Roy Daniells et relativement peu de poètes tels A.M. Klein, Dorothy Livesay, Miriam Waddington, Wilfred Watson et Phyllis Webb. Certains poètes, rarement mis à contribution, l'ont été, par contre, de manière significative : Margaret Atwood par John Beckwith (The Trumpets of Summer) et Gustav Ciamaga (Solipsism While Dying), Leonard Cohen par lui-même, par Norma Beecroft (Elegy et Two Went to Sleep) et par Harry Freedman (The Shining People of Leonard Cohen), Eldon Grier par Anhalt (Cento), et Dennis Lee par Beckwith (Place of Meeting) et Freedman (« Ookpik »). Des collaborations ont été fécondes entre Livesay et Barbara Pentland, Anne Marriott et Pentland, Eugene Benson et Charles Wilson. Celle de James Reaney et Beckwith donna naissance à de nombreuses oeuvres sur des sujets spécifiquement canadiens, comme Canada Dash, Canada Dot (1965-67, « une trilogie-collage du centenaire »), Great Lakes Suite (1949), A Message to Winnipeg (1960) et Twelve Letters to a Small Town (1961). L'action des opéras de Reaney et Beckwith, Night Blooming Cereus (1958) et The Shivaree (1979), se situe en terre canadienne. (Les poèmes de Reaney ont également retenu l'attention d'autres compositeurs dont Walter Kaufmann, Alfred Kunz et Kenneth Winters.) Le plus grand nombre de mises en musique de textes canadiens-anglais est de loin l'oeuvre de compositeurs canadiens et non de musiciens d'autres origines. Ainsi, W.H. Anderson mit en musique des poèmes d'un grand nombre de poètes canadiens mineurs, mais aussi de sir Charles G.D. Roberts et de Duncan Campbell Scott. En plus de ses mises en musique de Reaney, Atwood et Lee, Beckwith a composé sur des paroles de David Willson (Sharon Fragments) et sur des poèmes de Coleen Thibaudeau (mélodies). Robert Fleming mit en musique des textes de John Coulter, Robert Finch, Paul Hiebert et Tom Kines. Les chansons d'Ernest Whyte sont écrites sur des poèmes d'Archibald Lampman, de Duncan Campbell Scott et d'autres. Le cycle de mélodies Image out of Season de Wilson utilise les paroles de sept poètes canadiens : Isabella V. Crawford, F.R. Scott, Miriam Waddington, E.J. Pratt, Jay Macpherson, Irving Layton et Robert Hogg. quelques compositeurs étrangers utilisèrent aussi des poèmes canadiens. Il faut signaler la musique du percussionniste-compositeur américain Warren Benson (jouée par Nexus) sur des paroles de Birney, les mises en musique de Barney Child de certains poèmes de John Newlove, et les compositions de l'Anglais Richard Arnell sur des textes de Ralph Gustafson.

Il est clair que certaines idées servent particulièrement les compositeurs - dire qu'elles les « inspirent » serait mons précis et plus hasardeux dans un contexte comme celui-ci. Certains poèmes, comme « Quiet » de Pickthall ont été mis en musique par plusieurs compositeurs. Des figures historiques ou de la vie quotidienne ainsi que les préoccupations et sentiments humains sont la plupart des thèmes littéraires utilisés; d'autres thèmes ont trait à la nature - l'élément pastoral, si tant est qu'on puisse l'isoler de l'émotion humaine. La proportion entre ces deux catégories de thèmes est approximativement de 9 à 5. Certains textes traitent de personnalités canadiennes ou de régions au Canada, par exemple : David (1949), Birney-Lorne Betts et Birney-Lloyd Burrit; Christmas in Canada (1968), Ernest Buckler-Keith Bissell; The Ottawa River (1949, publié en 1962), Archibald Lampman-Oskar Morawetz; Louis Riel (1967), Mavor Moore et Jacques Languirand-Harry Somers; The Brideship (1967), George Woodcock-Robert Turner; Brébeuf (1943-v. 1947, deux versions), Pratt (extrait de Brébeuf and His Brethren)-Healey Willan. D'autres oeuvres ont un contenu universel, d'intérêt général, comme l'amour, le printemps, etc. Il est clair que les pièces tournées de manière explicite vers des thèmes nationaux ou destinées à glorifier le Canada furent peu nombreuses; en fait, peu de compositions ont eu pour thème et pour raison d'être un événement précis à caractère national. Bien que les compositeurs canadiens n'aient pas alors écrit que des oeuvres de circonstance, l'année du Centenaire de la confédération (1967) inspira la composition d'un certain nombre d'oeuvres à thèmes nettement canadiens, souvent commandées par des organismes tels que le CAC, la SRC, etc. Il est assez naturel que les oeuvres vocales ainsi commandées aient souligné un aspect national (ou régional). Par ailleurs, plusieurs pièces et adaptations pour la radio et la télévision ont suscité la création de musique de scène, notamment les oeuvres de Birney - Damnation of Vancouver, Queen of Spades (d'après Pouchkine), etc. (musique de John Avison); W.O. Mitchell - Jake and the Kid (musique de Morris Surdin); Atwood - The Journals of Susanna Moodie (musique de Beckwith).

Certains compositeurs canadiens eurent tendance à rechercher les textes de leurs compatriotes et ce, en vertu de leur sens du devoir et d'un sentiment national. Néanmoins, cette tendance n'entraîna pas de compromis substantiels quant au mérite littéraire des textes choisis. Comme on peut en déduire par ce qui précède, les compositeurs canadiens n'ont pas réclamé des « textes canadiens à tout prix ». Il est également évident que plusieurs auteurs canadiens ont bien accueilli la plupart des compositions écrites sur leurs textes. Livesay déclare « la musique de Violet Archer m'est <sympathique> », mais d'autres se plaignent du manque d'intérêt dont ils sont l'objet de la part des compositeurs de leur pays. Cependant, il y a lieu de croire que ce manque d'attention ne persistera pas si, par exemple, l'attitude et l'intérêt manifestés par Alexander Brott ou Jean Coulthard se généralisent dans le milieu. Et si l'écriture musicale conserve la qualité d'expression consacrée par Coulthard dans Quebec May de Birney (1948), ou dans Sea Gulls de Pratt (1954), les écrivains canadiens n'ont guère raison d'être réticents.

En fait, la seule inquiétude fondée vient de l'oubli dans lequel sont tombées les mises en musique d'oeuvres d'écrivains canadiens. Non seulement le catalogue était-il incomplet en 1980 - de nombreux écrivains ne sachant même pas que leurs textes avaient été mis en musique - mais la rareté des exécutions était peu encourageante. Il arrive trop souvent qu'une belle oeuvre ne soit entendue qu'une ou deux fois, et cette négligence est aussi imméritée que déplorable.

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