Contexte
En 1880, le God Save the King et The Maple Leaf For Ever sont des chants patriotiques populaires et des hymnes nationaux de facto au Canada anglais, mais les Canadiens français souhaitent depuis longtemps avoir un hymne national. Au milieu du 19e siècle, plusieurs chants existent déjà. L’un des premiers est l’éphémère Sol canadien, terre chérie, dont les paroles sont écrites en 1829 par Isidore Bédard et la musique, composée par Theodore Molt. Ô Canada! mon pays! mes amours! est écrit par sir George-Étienne Cartier et mis en musique par J.-B. Labelle, à l’occasion de la fondation de la Société Saint-Jean-Baptiste en 1834. D’autres chants, tels que La Huronne, de Célestin Lavigueur, et Le drapeau de Carillon, d’Octave Crémazie et Charles W. Sabatier, jouissent d’une certaine popularité.
Cependant, aucun de ces chants ne touche les masses populaires. Dans son ouvrage Chansons populaires du Canada (1865), Ernest Gagnon déclare, à propos de Vive la Canadienne : « La mélodie de cette chanson, et celle de la Claire fontaine, nous tient lieu d’hymne national, en attendant mieux. » En 1878, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal adopte officiellement À la claire fontaine comme hymne national.
Origine et composition
Dans une lettre à la Convention nationale des Canadiens français, qui a lieu du 23 au 25 juin 1880 à Québec, durant les festivités de la Saint-Jean-Baptiste, l’abbé Napoléon Caron, du diocèse de Trois-Rivières, suggère qu’un concours ait lieu afin de choisir un hymne national pour la célébration du mois de juin. La lettre est envoyée le 24 janvier 1880, mais les organisateurs du festival estiment que le manque de temps ne leur permet pas d’organiser un concours. Le 15 mars 1880, un comité de musique, formé de 23 membres, dont Calixa Lavallée, Arthur Lavigne, Gustave Gagnon, Alfred Paré, Louis-Nazaire LeVasseur et Joseph Vézina, est responsable de composer un chant. Ernest Gagnon en est le président, et Clodomir Delisle, le secrétaire.
Des récits contradictoires font surface au fil des années concernant la composition du Ô Canada. Dans un article paru dans La Musique en juin 1920, Blanche Gagnon affirme que son père, Ernest Gagnon, a invité Calixa Lavallée à composer un hymne national pour les célébrations de la Saint-Jean-Baptiste et a demandé au juge Adolphe-Basile Routhier d’en écrire les paroles, en lui suggérant la première ligne du chant. En décembre 1920, un article publié dans La Presse et intitulé « La genèse de l’hymne national Ô Canada ! » jette le discrédit sur le récit de Blanche Gagnon, affirmant qu’Adolphe-Basile Routhier a écrit les paroles du chant et que le lieutenant-gouverneur du Québec, Théodore Robitaille, a supplié Calixa Lavallée de les mettre en musique. Cette version, longtemps considérée comme authentique, paraît dans le Dictionnaire général du Canada (1931), de Louis LeJeune, et dans la biographie d’Eugène Lapierre, Calixa Lavallée (1936) (voir Calixa Lavallée et les origines du Ô Canada).
Cependant, de l’information est révélée à la fin des années 1970. Une lettre d’Adolphe-Basile Routhier à Thomas B. Richardson, datée du 12 février 1907, est présentée à la Bibliothèque nationale du Canada en 1975 par la fille de Thomas B. Richardson, Florence Hagerman. Dans cette lettre, rédigée en anglais, Adolphe-Basile Routhier déclare : « M. Ernest Gagnon [...] était l’un de mes grands amis et de ceux de M. Lavallée […] à sa suggestion, Calixa Lavallée et moi nous sommes entendus pour composer un hymne national. Calixa Lavallée a insisté pour composer la musique en premier, ce qu’il a fait, puis j’ai écrit les strophes, ou les couplets, en utilisant la métrique et les rimes qui convenaient à la musique. »
Une autre lettre adressée par l’avocat et politicien Armand Lavergne à Thomas B. Richardson, datée du 8 janvier 1907, contient le propre témoignage d’Ernest Gagnon, qui confirme ce récit. Dans cette lettre, Ernest Gagnon déclare qu’il a apporté la musique de Calixa Lavallée au juge Adolphe-Basile Routhier et lui a suggéré, en pensant à un exemple de paroles s’accordant au rythme du chant, la première ligne de l’hymne Ô Canada : « Terre de nos aïeux ».
La version du récit de la naissance du Ô Canada racontée par Adolphe-Basile Routhier est enrichie de notes qu’il avait transmises à son petit-fils, Adolphe Routhier, en mai 1920, peu de temps avant sa mort. Ces notes, lues au Parlement en juin 1980 par le sénateur Arthur Tremblay, expliquent qu’Adolphe-Basile Routhier a entendu Calixa Lavallée interpréter le « grand air » ou la « marche héroïque » dans la demeure de ce dernier, située sur la rue Couillard, et qu’il a rédigé les quatre versets de l’hymne la nuit suivante.
Les notes provenant du petit-fils d’Adolphe-Basile Routhier précisent que, contrairement à ce qui avait été déclaré précédemment, Calixa Lavallée, Ernest Gagnon et Adolphe-Basile Routhier n’ont pas été mandatés de composer l’hymne, mais en ont eux-mêmes pris l’initiative, en raison du manque de temps disponible. Pour ne pas contrarier les autres membres du comité de musique, le trio persuade le lieutenant-gouverneur Théodore Robitaille de mandater « officiellement » Calixa Lavallée et Adolphe-Basile Routhier pour composer l’hymne.
Calixa Lavallée est semble-t-il si enthousiaste après avoir composé le Ô Canada qu’il oublie de signer son manuscrit. Arthur Lavigne le signe de la part de Calixa Lavallée et dépêche un messager pour le porter au lieutenant-gouverneur Théodore Robitaille, qui lui confie alors la publication du document.
Le Ô Canada est achevé durant les premières semaines d’avril 1880. Dans Le Journal de Québec daté du 17 avril de la même année, on peut lire : « Nous avons enfin un véritable hymne national canadien-français ! » L’article ajoute qu’Ernest Gagnon, président du comité de musique, a approuvé le chant de Calixa Lavallée et d’Adolphe-Basile Routhier et que « 6000 exemplaires de l’hymne national seront tirés, dont 5 000 à l’intention du public ».
Paroles originales en français, écrites par Adolphe-Basile Routhier en 1880
Ô Canada! Terre de nos
aïeux,
Ton front est ceint de fleurons glorieux!
Car ton bras sait porter l’épée,
Il sait porter la croix!
Ton histoire est une épopée
Des plus brillants exploits.
Et ta valeur, de foi trempée,
Protègera nos foyers et nos droits.
Protègera nos foyers et nos droits.
Versets additionnels :
Sous l’œil de Dieu, près du fleuve géant,
Le Canadien grandit en espérant.
Il est d’une race fière,
Béni fut son berceau.
Le ciel a marqué sa carrière
Dans ce monde nouveau.
Toujours guidé par sa lumière,
Il gardera l’honneur de son drapeau,
Il gardera l’honneur de son drapeau.
De son patron, précurseur du vrai Dieu,
Il porte au front l’auréole de feu.
Ennemi de la tyrannie Mais plein de loyauté.
Il veut garder dans l’harmonie,
Sa fière liberté;
Et par l’effort de son génie,
Sur notre sol asseoir la vérité.
Sur notre sol asseoir la vérité.
Amour sacré du trône et de l’autel,
Remplis nos cœurs de ton souffle immortel!
Parmi les races étrangères,
Notre guide est la loi;
Sachons être un peuple de frères,
Sous le joug de la foi.
Et répétons, comme nos pères
Le cri vainqueur : Pour le Christ et le roi,
Le cri vainqueur : Pour le Christ et le roi.
Cérémonie d’inauguration et premières interprétations
Plus de 500 invités de marque, parmi lesquels le marquis de Lorne, gouverneur général du Canada, assistent à la première interprétation de l’hymne Ô Canada, qui a lieu le soir du 24 juin 1880 lors d’un banquet au pavillon des patineurs à Québec. L’hymne, intitulé « Chant national », est joué par trois groupes de musiciens sous la direction de Joseph Vézina. Il est de nouveau interprété le jour suivant, à l’occasion d’une grande réception en présence de 6000 invités, dans les jardins de Spencer Wood. Six fanfares jouent l’hymne à deux reprises, et les paroles sont pour la première fois chantées par un grand chœur.
À la suite de ces événements, deux interprétations de l’hymne font l’objet de comptes rendus et d’éloges flatteurs dans Le Canadien daté du 30 juin 1880 : « Hier matin à la messe à l’église Saint-Roch, la société sainte a eu la gracieuseté de faire entendre l’hymne national composé par M. C. Lavallée à l’occasion de notre fête nationale. Cet hymne a un caractère magistral et chanté par des masses de voix produit l’effet le plus imposant. Notre artiste canadien a été patriotiquement et religieusement inspiré pour une fête aussi grande que celle du 24 juin. »
À propos de l’interprétation de l’hymne entendue le 27 juin à l’église Saint-Jean, Le Canada musical commente : « Le magnifique Chant national a été donné après le Dona Nobis Pacem avec grand effet. Cette composition, dans laquelle on reconnaît l’auteur de la Cantate à la Princesse Louise, est un chant large, patriotique et en même temps d’un caractère religieux ; elle paraît réunir toutes les beautés que l’on aime à trouver dans l’hymne national d’un peuple et pour peu qu’elle soit répandue dans nos villes canadiennes, elle deviendra sous doute le chant populaire des Canadiens-français. »
Versions et traductions
La partition du Ô Canada, qui compte 28 mesures, est écrite comme une marche traditionnelle à quatre temps et porte l’indication « Maestoso è risoluto ». La tonalité de sol majeur de la partition originale convient particulièrement bien aux interprétations instrumentales. Une tonalité inférieure, de fa majeur, mi majeur ou mi bémol majeur, est préférable dans le cas d’interprétations vocales. La version originale en sol majeur est écrite pour quatre voix et piano.
Le manuscrit original a disparu. La page couverture de la première édition est ornée d’un portrait du lieutenant-gouverneur Théodore Robitaille et de feuilles d’érable. On ne connaît actuellement que deux copies de cette version, l’une conservée dans les archives du Séminaire de Québec, l’autre, à la Faculté de musique de l’Université de Montréal (Collection Villeneuve). L’édition originale d’Arthur Lavigne est suivie de plusieurs autres, et particulièrement de celles d’A.J. Boucher et d’Edmond Hardy.
Beaucoup de versions, d’arrangements et de transcriptions du chant sont entendus. On peut citer, entre autres versions, celles de Jean-Baptiste Denys (Air varié sur Ô Canada pour piano, Boucher, 1909), d’Amédée Tremblay (McKechnie, 1909), d’ Edward Broome (Anglo-canadien, 1910), de C.O. Sénécal (Le Passe-Temps, n° 482, 1913), de sir Ernest MacMillan (Dent, 1928 ; Whaley Royce, 1930), de Healey Willan (Harris, 1940), de Godfrey Ridout (Thompson, 1965), de Kenneth Bray (Gage, 1969), de Rex LeLacheur (Harris, 1979) et de Stephen Chatman (pour voix et piano, Frederick Harris, 2007).
Version de Thomas B. Richardson
Le Ô Canada gagne rapidement en popularité au Québec, mais il faut attendre 20 ans pour que l’hymne soit entendu pour la première fois au Canada anglais. Il semble que le chant ait été interprété en 1901 par des écoliers à Toronto, à l’occasion de la visite du duc de Cornouailles et d’York, le futur roi George V, au Canada. Thomas B. Richardson traduit les deux des quatre couplets écrits par Adolphe-Basile Routhier. Cette version est publiée par Whaley, Royce & Co. en 1906 et interprétée au Massey Hall par le Toronto Mendelssohn Choir en 1907.
Ô Canada! Our fathers’ land of old
Thy brow is crown’d with leaves of red and gold.
Beneath the shade of the Holy Cross
Thy children own their birth
No stains thy glorious annals gloss
Since valour shield thy hearth.
Almighty God! On thee we call
Defend our rights, forfend this nation’s thrall,
Defend our rights, forfend this nation’s thrall.
Version de Mercy E. Powell McCulloch
La traduction littérale du texte français original de Thomas B. Richardson ne reçoit pas un bon accueil. Aussi, l’édition canadienne du magazine Collier’s Weekly organise un concours afin qu’une traduction anglaise acceptable soit proposée. C’est la version de Mercy E. Powell McCulloch qui est finalement choisie, parmi les 350 traductions soumises, et déclarée gagnante le 7 août 1909.
Ô Canada! In praise of thee we sing;
From echoing hills our anthems proudly ring.
With fertile plains and mountains grand
With lakes and rivers clear,
Eternal beauty, thos dost stand
Throughout the changing year.
Lord God of Hosts! We now implore
Bless our dear land this day and evermore,
Bless our dear land this day and evermore.
Version d’Ewing Buchan
Cependant, la version de Mercy E. Powell McCulloch n’emporte pas l’adhésion générale. De nombreuses autres versions anglaises du Ô Canada sont écrites, dont celles du poète Wilfred Campbell, du critique Augustus Bridle et celle d’Ewing Buchan, un directeur de banque de Vancouver, qui est promue par le Vancouver Club et connaît une popularité croissante en Colombie-Britannique.
Ô Canada, our heritage, our love
Thy worth we praise all other lands above.
From sea to see throughout their length
From Pole to borderland,
At Britain’s side, whate’er betide
Unflinchingly we’ll stand
With hearts we sing, ‘God save the King.’
Guide then one Empire wide, do we implore,
And prosper Canada from shore to shore.
Version de Robert Stanley Weir
Toutefois, la version anglaise qui se répand le plus est celle de Robert Stanley Weir, un avocat et greffier (plus tard, juge) à la Ville de Montréal. Écrite à l’occasion du 300e anniversaire de la fondation de Québec, cette version, arrangée par George Alfred Grant-Schafer, est publiée par Delmar Music en novembre 1908.
Des modifications ont été apportées à la version de Robert Stanley Weir en 1913, 1914 et 1916. Dans The Common School Book of Vocal Music, publié en 1913 par l’Educational Book Company of Toronto. La ligne originale « True patriot love thou dost in us command » change pour « True patriot love in all thy sons command. » Ce changement se retrouve aussi dans une version publiée par Delmar Music en 1914 et dans toutes les versions imprimées par la suite. Aucun indice n’indique pourquoi on a effectué le changement pour « sons » même s’il y a lieu de noter que vers 1913 constitue l’époque la plus controversée pour le mouvement des suffragettes et que d’ici 1914 et 1916 on voit un immense élan de patriotisme durant la Première Guerre mondiale à une époque où seuls les hommes pouvaient servir dans les forces armées.
D’autres modifications mineures sont faites aux paroles de Robert Stanley Weir après qu’elles soient largement publiées en 1927. Jusqu’au milieu du 20e siècle, le caractère approprié de la phrase « stand on guard for thee » et la controverse entourant la perception que la chanson ressemble à la Marche des prêtres de Mozart font l’objet d’un débat public concernant l’hymne national comme l’attestent les lettres à l’éditeur dans les principaux journaux au pays. Le débat concernant les aspects discriminatoires de l’hymne national comme l’utilisation sexiste du mot « sons » commence à émerger dans les années 1950.
Paroles originales en anglais du Ô Canada écrites par Robert Stanley Weir en 1908
Ô Canada! Our home and native land!
True patriot love thou dost in us command.
We see thee rising fair, dear land,
The True North, strong and free;
And stand on guard, Ô Canada,
We stand on guard for thee.
Refrain
Ô Canada! Ô Canada!Ô Canada! We stand on guard for thee.
Ô Canada! We stand on guard for thee.
Ô Canada! Where pines and maples grow,
Great prairies spread and lordly rivers flow,
How dear to us thy broad domain,
From East to Western Sea;
Thou land of hope for all who toil!
Thou True North, strong and free!
(Refrain)
Ô Canada! Beneath thy shining skies
May stalwart sons and gentle maidens rise,
To keep thee steadfast through the years,
From East to Western Sea.
Our own beloved native land,
Our True North, strong and free!
(Refrain)
Ruler Supreme, Who hearest humble prayer,
Hold our dominion within Thy loving care.
Help us to find, O God, in Thee,
A lasting, rich reward,
As waiting for the Better Day
We ever stand on guard. (Refrain)
Acquisition du statut officiel
Au début de la Première Guerre mondiale, Ô Canada devient véritablement l’hymne national du Canada français et bénéficie de la même popularité que The Maple Leaf For Ever au Canada anglais. Néanmoins, il reste à trouver un consensus populaire sur les paroles. Le député libéral William Stevens Fielding écrit en 1920 : « Au Canada français, Ô Canada! est chanté partout. Dans les provinces anglophones, la musique est entendue dans les parcs et les théâtres, mais rarement les paroles en anglais qui l’accompagnent. Quelle qu’en soit la raison, aucune des traductions anglaises ne semble avoir touché l’imaginaire collectif. » Mais, très vite, les choses changent. En 1924, l’Association des cercles canadiens fait de la version de Robert Stanley Weir son hymne officiel. En 1927, elle est officiellement publiée à l’occasion du Jubilé de diamant de la Confédération et commence à être chantée régulièrement dans les écoles et lors de cérémonies publiques officielles.
Entre 1962 et 1980, plus d’une dizaine de projets de loi proposant que le Ô Canada soit adopté comme hymne national officiel sont déposés au Parlement. En 1964, le gouvernement fédéral autorise un comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes à se pencher sur la question du statut officiel du God Save the Queen et du Ô Canada. Le 31 janvier 1966, le premier ministre Lester B. Pearson présente une motion devant la Chambre des communes en demandant « que le gouvernement soit autorisé à prendre les mesures nécessaires pour décréter que le Ô Canada soit l’hymne national du Canada et Dieu protège la Reine, l’hymne royal du Canada ».
Le 15 mars 1967, le comité spécial recommande à l’unanimité « que le gouvernement soit autorisé à adopter sans délai la musique de l’hymne Ô Canada composée par Calixa Lavallée comme musique de l’hymne national du Canada et que l’annotation “dignement, mais pas trop lentement” soit inscrite sur la partition ». Le comité propose également que l’on examine en détail les paroles du chant et que l’on garde les paroles originales en français, mais que l’on modifie celles écrites en anglais par Robert Stanley Weir, en remplaçant les mots « And stand on guard, Ô Canada » par « From Far and wide, Ô Canada » et « Ô Canada, glorious and free » par « God keep our land, glorious and free ».
Les droits d’auteur du texte de Robert Stanley Weir sont transmis à Leo Feist Ltée en 1929 et à Gordon V. Thompson Music en 1932. Cependant, les héritiers de Robert Stanley Weir n’acceptent pas les modifications des paroles, et bien que le statut légal de ces dernières soit matière à discussion, le gouvernement fait le choix de résoudre le problème à l’amiable. En 1970, les descendants de Gordon V. Thompson et de Robert Stanley Weir cèdent leurs droits au gouvernement canadien pour le montant symbolique d’un dollar.
Le 28 février 1972, le secrétaire d’État Gérard Pelletier dépose un projet de loi à la Chambre des communes qui reprend les recommandations émises par le comité spécial en 1967 et propose que le Ô Canada soit adopté comme hymne national officiel. Cependant, le projet de loi meurt au feuilleton ( voir Procédure parlementaire). Par la suite, divers projets de loi subissent le même sort.
C’est finalement le 18 juin 1980 qu’un projet de loi est présenté par le secrétaire d’État Francis Fox, proposant que le Ô Canada soit déclaré hymne national officiel dans les meilleurs délais, à l’occasion du centenaire de sa première interprétation. La Loi sur l’hymne national est adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes et par le Sénat le 27 juin 1980 et reçoit la sanction royale le même jour. Le 1er juillet 1980, lors d’une cérémonie publique en présence des descendants d’Adolphe-Basile Routhier et de Robert Stanley Weir et du lieutenant-gouverneur du Québec, Jean-Pierre Côté, le gouverneur général Edward Shreyer proclame le Ô Canada hymne national officiel du Canada.
Version officielle anglaise
Ô Canada! Our home and
native land!
True patriot love in all thy sons command.
With glowing hearts we see thee rise,
The True North strong and free!
From far and wide, Ô Canada,
We stand on guard for thee.
God keep our land glorious and free!
Ô Canada, we stand on guard for thee.
Ô Canada, we stand on guard for thee.
Analyse et appréciation
Dans sa biographie de Calixa Lavallée, Eugène Lapierre consacre un chapitre à l’analyse esthétique du Ô Canada et réfute les accusations de plagiat concernant les premières mesures de l’hymne (que certains comparent à la « Marche des Prêtres » de l’opéra La Flûte enchantée, de Mozart). De nombreux enregistrements de l’hymne sont réalisés, parmi lesquels les premiers disques 78 tours enregistrés au début des années 1900 par Joseph Saucier, Paul Dufault, Edward Johnson, Édouard LeBel et Percival Price.
Un recueil contenant quelque 25 traductions du Ô Canada est conservé à la Metropolitan Toronto Library. En 1975, le compositeur américain Harry A. Overholtzer compose son Quatuor à cordes en mi mineur, « The Canadian », inspiré de la mélodie de l’hymne du Canada et enregistré par le Dakota String Quartet sous étiquette Zoe. L’air du Ô Canada est également entendu dans la dernière partie de la Sonate pour piano no 3, « Textures », de Walter Buczynski (1991).
En 1981 et 1982, un projet de recherche sur le Ô Canada est mené par Helmut Kallmann et Patricia Wardrop à la Bibliothèque nationale du Canada. Les documents amassés comprennent une chronologie, une bibliographie sélective et une liste classée de quelque 160 éditions et arrangements, de 21 documents de CBC Radio et de trois films.
En 1992, à l’initiative de l’animateur de radio d’Orangeville, en Ontario, Ross Carlin, la Fondation Ô Canada est créée pour réaliser, enregistrer et distribuer trois arrangements contemporains de l’hymne : un en français, un en anglais et une version symphonique composée par Eric Robertson. Plus de 240 musiciens, reflétant la diversité musicale au Canada, participent au projet. La Fondation enregistre l’hymne sur CD, sur cassette et en vidéo, et en offre des copies à plus de 14 000 écoles à travers le pays en 1992.
Propositions de modifications
Depuis l’adoption de la Loi sur l’hymne national, en 1980, on a proposé à plusieurs reprises de modifier ses paroles. En juin 1990, le conseil municipal de Toronto vote en faveur d’une recommandation au gouvernement fédéral consistant à remplacer les mots « our home and native land » par « our home and cherished land » (afin d’inclure dans le texte les Canadiens non natifs du Canada), et « in all thy sons command » par « in all of us command » (pour se rapprocher du texte original, « thou dost in us command », et utiliser un genre neutre).
De la même manière, en 2002, la sénatrice Vivienne Poy dépose un projet de loi suggérant que les mots « in all thy sons command » soient remplacés par « in all of us command », mais le projet meurt finalement au feuilleton. Les années suivantes, plusieurs groupes d’individus critiquent les références à Dieu, dans la version anglaise, et au catholicisme, dans la version française, car elles s’opposent au principe de laïcité.
Le 3 mars 2010, la gouverneure générale Michaëlle Jean annonce, lors de son discours du Trône, un projet dans lequel le parlement examinera « la neutralité de genre des paroles originales de l’hymne national ». L’opinion publique se montre si fortement opposée à la modification de l’hymne que le Bureau du premier ministre annonce deux jours plus tard que le projet sera abandonné. Le 30 septembre 2013, la question du retour à des paroles utilisant un genre neutre est remise à l’ordre du jour par la campagne Restore Our Anthem, dirigée, entre autres, par la sénatrice Vivienne Poy, l’auteure Margaret Atwood, l’ancienne première ministre Kim Campbell et la sénatrice Nancy Ruth.
Le 6 mai 2016, le député libéral Mauril Bélanger, défenseur de la cause pendant des années et qui est à un stade avancé de la sclérose latérale amyotrophique (ALS, aussi appelée maladie de Lou Gehrig), présente un projet de loi d’initiative parlementaire pour changer la ligne « in all thy sons command » pour « in all of us command. » En juin, Mauril Bélanger fait une apparition émotive et controversée à la Chambre des communes pour s’assurer que le projet de loi soit déposé. Le projet de loi C-210 est approuvé le 15 juin 2016 grâce à un vote de 225 contre 74. Après sept débats séparés au Sénat et le décès de Mauril Bélanger le 17 août 2016, le projet de loi passe l’étude article par article au Sénat le 6 décembre. Le vote final pour l’adoption du projet de loi a eu lieu au Sénat le 31 janvier 2018, et est boycotté par tous les sénateurs conservateurs. Le changement devient officiel quand le projet de loi reçoit l’assentiment royal le 7 février 2018.
Héritage
La maison dans laquelle Calixa Lavalleé a composé l’hymne se trouve toujours au 22, rue Couillard, à Québec. Pour marquer le centenaire de l’hymne, en 1980, le gouvernement canadien émet deux timbres-poste le 18 juin, et la CBC publie un coffret de 4 disques 33 tours, Calixa Lavallée et son temps, dédié aux œuvres de Calixa Lavallée, Ernest Lavigne, Alexis Contant, Guillaume Couture et Joseph Vézina. Ce coffret comprend également 12 versions chorales et instrumentales du Ô Canada.
Droits d’auteur
La Loi sur l’hymne national, en 1980, stipule que la mélodie et les paroles du Ô Canada doivent rester dans le domaine public, bien qu’elle autorise l’obtention de droits d’auteur sur des arrangements spécifiques de la mélodie.
La version originale de cet article était publiée dans l’Encyclopédie de la musique au Canada.