Le métro de Montréal ouvre ses portes le 14 octobre 1966. Second métro canadien après celui de Toronto (datant de 1954), le métro de Montréal est le premier en Amérique du Nord à rouler sur pneumatiques au lieu de roues métalliques. Des extensions au métro sont construites sur l’île de Montréal au cours des deux décennies suivant sa mise en service, puis vers la ville de Laval sur l’île Jésus, durant les années 2000. Le système est entièrement souterrain et ses stations se distinguent les unes des autres par leur architecture et leur design uniques. Le métro de Montréal est constitué de quatre lignes parcourant un total de 71 km et desservant 68 stations. En 2018, ses passagers ont effectué plus de 383 millions de voyages.
Les premiers projets
La Montreal Subway Company présente le premier projet connu de métro en 1902. À cette époque, plusieurs systèmes de métros ouvrent aux États-Unis et en Europe. De cette période jusqu’à la fin des années 1920, près d’une quinzaine de projets sont soumis à la municipalité de Montréal. Ce nombre s’explique par le potentiel des profits impliqués. La population de Montréal et son économie sont en constante croissance, et le transport en commun est un service que la Ville sous-traite à des entreprises privées. On justifie alors la construction d’un métro par la gravité des problèmes de circulation de la ville. Ces problèmes sont accentués par l’emplacement de Montréal sur une île ainsi que par la présence du mont Royal qui obstrue le flot de la circulation.
Malgré ces facteurs, aucune de ces propositions initiales ne se concrétise. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale entrave en partie les importants projets d’infrastructure de Montréal. Une autre raison est l’état déplorable des finances de la Ville, ce qui conduit à sa mise en tutelle du gouvernement provincial du Québec de 1918 à 1921. Mais de façon générale, les autorités de Montréal ne semblent simplement pas très convaincues de la nécessité d’un métro et elles refusent donc de l’approuver.
Les astres s’alignent à la fin des années 1920, lorsque le premier ministre du Québec Louis-Alexandre Taschereau approuve les plans pour un métro. Mais la Crise économique des années 1930 vient à nouveau briser l’élan. Bien que le chantier de construction du métro fournirait de nombreux emplois, ni la Ville et ni les gouvernements provincial et fédéral ne veulent le financer. Une des raisons émises est que le taux de chômage croissant a réduit les problèmes de circulation de la ville de façon considérable.
Néanmoins, les appels à la construction d’un métro se poursuivent. En 1939, les partisans du projet croient être enfin près du but. À la veille des élections provinciales, et malgré la mauvaise situation financière de la ville, le maire de Montréal Camillien Houde demande au gouvernement provincial d’amender la charte de la Ville afin de lui accorder le pouvoir de construire un système de métro. Mais sa demande n’aboutit à rien en raison du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale lors de cette même année. La Ville est mise à nouveau en tutelle provinciale de 1940 à 1944.
Le débat se poursuit, de 1945 à 1960
Lorsque la guerre se termine en 1945, le débat au sujet de la construction d’un métro reprend. Il se poursuit tout au long des années 1950, alimenté par plusieurs nouveaux rapports, dont celui de la Commission de transport de Montréal. Cette Commission est créée en 1950 lorsque le transport en commun, exploité auparavant par une entreprise privée, passe sous le contrôle du gouvernement de la Ville.
L’argument principal en faveur de la construction d’un métro repose toujours sur la nécessité de réduire les problèmes de circulation de la ville. Ces problèmes s’aggravent en raison de l’augmentation rapide du nombre d’automobiles sur la route. Cette augmentation est accompagnée d’une baisse de l’achalandage du transport en commun, qui passe de 398,3 d’usagers en 1947 à 284,5 millions en 1960. Les partisans soutiennent également que le métro stimulera le développement urbain, tant au centre-ville de Montréal que dans les autres quartiers de la ville qui seront desservis. La rivalité avec la ville de Toronto devient également un autre facteur. Au début des années 1940, les Montréalais considèrent le métro comme une infrastructure qui ne serait que naturelle pour leur ville, qui est la plus importante au Canada. Mais, Toronto grandit rapidement, et la construction d’un métro y commence à l’été 1949. Progressivement, les Montréalais considèrent que la présence d’un métro dans leur ville est essentielle à la sauvegarde de son statut de grande ville canadienne.
Cependant, de nombreux citoyens et représentants élus s’opposent fermement à la construction d’un métro. Les opposants estiment que l’ère du transport en commun est révolue au profit de l’ère de l’automobile. La voiture est perçue comme un symbole de modernité et de liberté, et comme étant le mode de transport de l’avenir. Cette perception, partagée initialement par le maire Jean Drapeau, mène au remplacement complet des tramways de Montréal par des autobus, entre 1951 et 1959. Le métro est également vu par ses opposants comme un moyen de transport trop coûteux et inefficace. Il est même perçu comme étant insalubre, puisque les passagers voyagent sous terre, loin du soleil et de l’air pur.
Jean Drapeau change d’idée
Le débat concernant le métro change rapidement à l’automne 1960. Jean Drapeau redevient maire après trois ans d’absence. Son Parti civique obtient une majorité au conseil municipal et lui confère ainsi une plus grande liberté d’action. En privé, Jean Drapeau démontre peu d’enthousiasme à l’idée de construire un métro. Mais Lucien Saulnier, son nouveau bras droit et président du Comité exécutif de la Ville, est un ardent partisan du projet. Jean Saulnier s’efforce donc de convaincre Jean Drapeau d’aller de l’avant.
En novembre 1960, lors d’un séjour à Paris, il amène le maire visiter une des lignes du métro de la ville. Cette ligne utilise depuis peu une nouvelle technologie : des voitures qui roulent sur des pneumatiques au lieu du système traditionnel de roues d’acier sur rail. Cette technologie n’est pas encore utilisée en Amérique du Nord. Cette découverte transforme radicalement la perception de Jean Drapeau. Maintenant, au lieu de voir le métro comme un mode de transport archaïque, il devient à ses yeux un symbole de potentiel d’innovation pour Montréal. Ceci correspond à sa vision de Montréal en tant que ville moderne de classe mondiale. Jean Drapeau retourne donc au Québec avec la ferme intention de construire un métro roulant sur pneumatiques.
En janvier 1961, le gouvernement provincial de Jean Lesage donne à la ville de Montréal le pouvoir de construire un métro. La ville obtient le contrôle complet du projet, de même que sa facture qui s’élève à 213,7 millions de dollars au total. Les villes de Longueuil et de Westmount acceptent d’assumer les coûts après l’aménagement de stations sur leur territoire (les stations Longueuil et Atwater).
Planification et construction du métro de Montréal
En avril 1961, un Comité du métro est formé. Il est présidé par le maire Jean Drapeau et inclut des membres du Comité exécutif de la ville. Le personnel des services municipaux, soit de l’urbanisme, des travaux publics, de la circulation, de la voie publique et des finances se joint également à eux. Le Comité travaille jusqu’à l’automne afin de définir les caractéristiques du projet. Il choisit le type de roues, le design des wagons, et la route que suivront les lignes. Le 20 octobre 1961, Jean Drapeau et Lucien Saulnier dévoilent au public les itinéraires choisis.
Trois lignes sont prévues. Une ligne nord-sud passera à l’est du mont Royal (l’actuelle ligne orange). Une ligne est-ouest passera à travers le centre-ville (l’actuelle ligne verte). La dernière ligne reliera le centre-ville au nord de la ville en utilisant un tunnel ferroviaire du Canadien national existant sous la montagne. Les autorités municipales souhaitent utiliser le métro pour favoriser le développement urbain tout en protégeant certaines artères principales des inconvénients causés par la construction. Par exemple, la Ville décide de ne pas construire la ligne est-ouest sous la rue Sainte-Catherine, qui est une artère majeure du centre-ville. Elle passera plutôt sous le boulevard De Maisonneuve, qui à ce moment est en construction juste au nord de Ste-Catherrine.
Les travaux de construction sont lancés le 23 mai 1962. Le Bureau du métro, un organisme municipal dirigé par Lucien L’Allier, supervise le projet. En juin 1963, d’importantes modifications sont apportées aux itinéraires. La ligne devant desservir le nord de la ville via le tunnel sous le mont Royal est annulée. Des difficultés techniques font partie du problème. De plus, Montréal n’arrive pas à conclure une entente avec les autres municipalités que cette ligne est censée traverser (Outremont, Mont-Royal et Saint-Laurent). Mais les autorités municipales annoncent cependant l’ajout d’une nouvelle ligne (l’actuelle ligne jaune) qui reliera le centre-ville de Montréal à la rive sud du fleuve Saint-Laurent, ainsi qu’à l’Exposition universelle de 1967.
Les premiers passagers du métro de Montréal
Après quatre ans de travaux, le métro de Montréal ouvre ses portes le 14 octobre 1966. La ligne jaune ainsi que quatre stations sur deux autres lignes (Frontenac, Beaudry, Square-Victoria et Bonaventure) ne sont pas encore prêtes. Elles accueilleront leurs premiers passagers au cours des mois suivants, à temps pour l’Expo 67. La gestion du métro est confiée à la Commission de transport de Montréal. Le réseau compte initialement 26 stations réparties sur trois lignes entièrement souterraines, couvrant une distance de 22 km. Les stations sont nommées d’après des rues et des parcs avoisinants.
L’effet de nouveauté du métro ainsi que l’ouverture de l’Expo 67 contribuent à faire augmenter rapidement l’achalandage du transport en commun à Montréal. Il grimpe de 268,7 millions de passagers en 1965 à 300 millions en 1967. À la fin de 1966, alors que le métro n’est ouvert que depuis deux mois et demi, on compte déjà 32,1 millions de voyages dans le système. Néanmoins, le pouvoir d’attraction de l’automobile demeure fort : le nombre de passagers des transports en commun en 1969 se révèle inférieur à celui de 1966. Plusieurs responsables du transport en commun considèrent que la meilleure façon d’attirer plus de voyageurs dans le métro est d’étendre ses lignes à travers la ville.
Extensions
Les extensions du métro avaient fait l’objet de discussions lors de la planification du système d’origine. La progression vers la réelle construction des extensions commence sérieusement en 1969. Ceci se produit parce que le gouvernement provincial québécois de Jean-Jacques Bertrand s’engage à couvrir une partie des coûts. En 1970, la Ville de Montréal transfère la responsabilité du Bureau du métro à la Communauté urbaine de Montréal (CUM). Il s’agit d’une nouvelle structure de gouvernance de la région métropolitaine dirigée par Lucien Saulnier. Maintenant connu sous le nom de Bureau de transport métropolitain, il est chargé de la planification des nouvelles extensions. En septembre 1970, le Bureau présente ses recommandations. Il propose de prolonger la ligne verte et celle orange et de construire de nouvelles lignes nord-sud et est-ouest.
La Communauté urbaine de Montréal et le gouvernement provincial approuvent ces recommandations. Les travaux commencent le 14 octobre 1971, cinq ans jour pour jour après l’ouverture du premier métro. La conviction que le métro peut servir de levier au développement urbain influence encore une fois la sélection des itinéraires. Plus particulièrement, les planificateurs espèrent qu’il contribuera à revigorer des quartiers défavorisés comme Ville-Émard ou Pointe-Saint-Charles.
Cependant, d’importants retards de construction s’ensuivent. Les itinéraires prévus doivent être révisés. D’une part, le projet rencontre des difficultés techniques. D’autre part, des citoyens s’opposent à la démolition de logements et à la perte d’espaces verts dans différents endroits. Les retards, les changements, l’ajout de segments aux extensions prévues ainsi que l’inflation font grimper les coûts de 430 millions de dollars en 1972 à 1,6 milliard en 1975. Profondément préoccupé, le gouvernement provincial, principal bailleur de fonds du projet, fait cesser les travaux en mai 1976.
Néanmoins, le nouveau tronçon est de la ligne verte, desservant le Parc olympique, est mis en service en juin 1976, à temps pour les Jeux olympiques d’été de Montréal de juillet. Les autres tronçons entrent en service graduellement. L’extension ouest de la ligne verte ouvre en 1978. La nouvelle ligne bleue, d’une longueur de 9,7 km et comprenant douze stations, est complétée en 1988.12 (la ligne bleue aura nécessité 14 ans de travaux interrompus puis repris à répétition). De 2002 à 2007, la ligne orange est prolongée vers Laval, sur l’île Jésus.
La Société de transport de Montréal, agence du transport en commun de la ville, planifie l’ouverture d’une extension de la ligne bleue en 2026. En partant de la station Saint-Michel, le nouveau tunnel de 5,8 km desservira cinq nouvelles stations.
L’art dans le métro de Montréal
Lorsque le système initial du métro de Montréal est construit au début des années 1960, les planificateurs s’assurent que chaque station a sa propre architecture et son propre design. De plus, chaque station présente des œuvres d’artistes québécois de diverses disciplines. Ces artistes incluent Frédéric Back, Jordi Bonet, Charles Daudelin, Marcelle Ferron, Mario Merola et Jean-Paul Mousseau. En partie, la raison est de faire du métro de Montréal un métro différent de celui de Toronto et des autres métros nord-américains. Les autorités veulent également construire un système qui attire les Montréalais à une époque où bon nombre de ceux-ci choisissent leurs voitures au lieu du transport en commun.
Les premières œuvres choisies pour les stations reflètent divers aspects de l’histoire de Montréal. Les choix faits par Robert LaPalme, premier directeur artistique du métro, sont particulièrement centrés sur ce thème. Ces œuvres d’art abordent des sujets comme la fondation de la ville, son industrialisation et son passé musical. L’éventail des sujets s’élargit lorsque vient le temps de planifier les extensions du métro. Les comités incorporent la planification artistique dès le début du processus de conception de chaque station. Le budget artistique alloué aux nouvelles stations représente 1 % du coût total de la construction.
Cet aspect distinctif du métro de Montréal a depuis inspiré des villes comme Washington DC à faire de même. Montréal a appliqué ces mêmes principes lors de la conception des trois nouvelles stations ouvertes sur la ligne orange en 2007.
Réseau actuel
De nos jours, le métro de Montréal est constitué de quatre lignes parcourant un total de 71 km et desservant 68 stations. En 2018, ses passagers ont effectué plus de 383 millions de voyages.
Une nouvelle génération de wagons AZUR sur pneumatiques est graduellement mise en service à partir de 2016. La possibilité pour les passagers de se déplacer librement d’un wagon à l’autre augmente la capacité des trains de 8 %. Les wagons sont aussi beaucoup plus accessibles.