Maurice Ruddick, mineur de charbon, musicien (né en 1912 à Joggins en Nouvelle-Écosse et décédé en 1988 à Springhill en Nouvelle-Écosse). Lorsqu’un puits de la mine où il travaille s’effondre sur lui et six de ses collègues, Maurice Ruddick garde le moral de ses compagnons par des chansons et des prières. Cette expérience, il la décrit dans la chanson « Spring Hill Disaster ». Les sept « mineurs miraculés » profitent d’une certaine notoriété publique après la catastrophe, mais pour Ruddick, seul Noir du groupe, cette notoriété est ternie par le racisme ambiant.
Enfance
Maurice Ruddick naît dans une famille de mineurs de charbon à Joggins, en Nouvelle-Écosse. Adolescent, il devient boxeur amateur et, fort de sa 11e année à l’école, il commence à travailler dans les mines de charbon des alentours de Springhill. Ruddick et son épouse Norma, descendants d'esclaves emmenés en Nouvelle-Écosse par les Loyalistes à la fin du 18e siècle, font partie des rares membres de la communauté noire de Springhill. C’est là qu’ils s’installent et qu’ils élèvent leurs douze enfants.
« Le mineur chantant »
Maurice Ruddick, la moustache bien taillée, les cheveux pommadés, un chapeau en feutre sur la tête et, à l’occasion, une chemise de couleur pastel sur le dos, est un homme à la personnalité enthousiaste et décidément musicale. Selon Melissa Fay Greene, auteur de Last Man Out (2003), il apporte, avec son look, « une touche hollywoodienne » à son terne village ouvrier de quelque 7 000 habitants. De temps en temps, ses aînés et lui se produisent en spectacle dans des salles locales sous le nom The Singing Miner and the Minerettes. Durant ses pauses dans les houillères (mines de charbon), Maurice Ruddick orchestre des revues de chansons impromptues avec ses collègues, les menant dans l'interprétation des populaires « Don’t Be Cruel » ou « Bye Bye Love ».
1958 : tragédie minière de Springhill
La houillère No 2, propriété de la Dominion Steel and Coal Corporation et lieu de travail de Maurice Ruddick, est, avec ses tunnels à plus de 4 km de la surface, la plus profonde d’Amérique du Nord. Elle est aussi une des plus dangereuses : une explosion cause la mort de 125 hommes adultes et jeunes garçons en 1891 et une autre, en 1956, fait 39 victimes. Lorsque plus tard, un journaliste lui demande pourquoi avoir choisi un emploi si risqué, Maurice Ruddick répond : « Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’on passait de bons moments dans les mines. Beaucoup de chansons durant les pauses, beaucoup de camaraderie. » (voir Désastres.)
Le matin du 23 octobre 1958, Maurice Ruddick fait partie des 174 hommes qui se trouvent dans la houillère No 2 lorsqu’une secousse cause l’écroulement de l’accès au puits de la mine. En tout, 75 personnes meurent dans l’accident. Les autres sont prisonniers sous terre. La plupart sont secourus après un ou deux jours, mais Maurice Ruddick et six autres hommes sont pris au fond de la mine. Dans un effort pour garder le moral dans l'obscurité et la chaleur étouffante de la mine, malgré la douleur que lui cause sa jambe cassée, Maurice Ruddick encourage le groupe à chanter avec lui. « Ça allait plutôt bien au début, mais vers la fin ça devenait plus difficile de chanter, dit-il. Ma voix se cassait à cause de la sécheresse. » Un autre groupe de 12 hommes, prisonniers dans une zone séparée, est secouru après une semaine complète. Il faut toutefois plus de neuf jours pour que les secours parviennent à sauver Maurice Ruddick et son groupe, une expérience qui sera décrite plus tard dans la chanson « Spring Hill Disaster ».
Citoyen de l’année
Les médias font leurs choux gras de l’opération de sauvetage. L'un des survivants est même invité à The Ed Sullivan Show, et Maurice Ruddick devient brièvement une célébrité. Lors de son sauvetage, il déclare : « Donnez-moi un verre d’eau et je vous chanterai une chanson », ce qui lui vaut des articles évoquant sa jovialité dans l'épreuve et son effort héroïque pour remonter le moral de ses camarades, et où on fait l'éloge de sa bonne humeur indéfectible. L’histoire attire l’attention du gouverneur de Georgie, Marvin Griffin, qui invite les survivants et leurs épouses à un centre de villégiature sur l’île de Jekyll. En apprenant que Maurice Ruddick est noir, le gouverneur insiste pour qu’on l’isole du groupe, dans une maison mobile près d’une plage à part. Les autres mineurs refusent l’invitation sans la présence de Maurice Riddick, qui finit par accepter, avec sa femme Norma, l’invitation plus ou moins sentie du gouverneur. « Ce sera peut-être l’occasion d’ouvrir les yeux de quelques-uns », déclare-t-il alors.
En février 1959, le Toronto Telegram sonde ses lecteurs pour le choix du Citoyen canadien de l’année 1958. Sur les 21 personnes en lice, Maurice Ruddick reçoit 51 % des votes. Après avoir passé les dernières années de sa vie en famille, loin des caméras, Maurice Ruddick s’éteint en 1988, presque oublié du grand public pour son héroïsme lors de la tragédie minière de Springhill.