Elizabeth (Elsie) Muriel Gregory MacGill, O. C., ingénieure en aéronautique, féministe (née le 27 mars 1905 à Vancouver, en Colombie-Britannique; décédée le 4 novembre 1980 à Cambridge, au Massachusetts). Elsie MacGill a été la première femme à obtenir une maîtrise en génie aéronautique en 1929. Elle a également été la première femme ingénieure canadienne à faire carrière en ingénierie. En 1938, elle est devenue ingénieure aéronautique en chef de Canadian, Car and Foundry (Can Car). Elle y a dirigé la production canadienne des avions de chasse Hawker Hurricane pendant la Deuxième Guerre mondiale. Féministe engagée, Elsie MacGill a été présidente nationale de la Fédération canadienne des Clubs des femmes de carrières commerciales et professionnelles de 1962 à 1964. Elle a également été membre de la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada, de 1967 à 1970.
Faits marquants
Née le 27 mars 1905 à Vancouver, en Colombie-Britannique; décédée le 4 novembre 1980
Première femme ingénieure en aéronautique et conceptrice d’aéronefs
Féministe canadienne importante
Supervise la production d'avions de combat pendant la Deuxième Guerre mondiale
Surnommée « Queen of the Hurricanes » (reine des Hurricanes, le nom des avions de combat)
Jeunesse et famille
Elsie MacGill naît en 1905 à Vancouver, en Colombie-Britannique. Elle est la deuxième fille d’Helen Gregory MacGill (1864-1947) et de James Henry MacGill (1869-1939). Le lien entre Elsie et sa sœur aînée Helen Junior, est si fort que la famille les appelle souvent « HelNelsie ». Les filles ont deux demi-frères plus vieux, Eric Herbert Gregory et Frederic Philip Gregory. Les frères sont issus du premier mariage de leur mère avec Frederick Charles Flesher, décédé en 1901.
Helen Gregory MacGill est une pionnière en éducation et un modèle pour ses filles. Elle est la première femme dans l’histoire de l’Empire britannique à obtenir un baccalauréat en musique (1886). En 1890, elle termine un baccalauréat en arts et une maîtrise en philosophie mentale et morale. Après la mort de son premier mari, elle travaille comme journaliste pour subvenir aux besoins de ses deux jeunes fils. L’année suivante, elle épouse James Henry MacGill, un ancien camarade de classe. Il est journaliste, avocat et diacre de l’Église anglicane. En tant qu’autodidacte, Helen Gregory MacGill étudie également le droit. En 1917, elle devient la première femme juge nommée en Colombie-Britannique.
Les deux parents partagent des aspects de leur pratique juridique avec la famille. Helen Gregory MacGill inculque également la base du développement féministe à ses filles. La grand-mère maternelle des enfants, la suffragette Emma Gregory, contribue à cet égard. Le féminisme est donc intégré dans la vie des enfants dès leur plus jeune âge (voir aussi Début des mouvements de femmes au Canada : 1867-1960).
Éducation et début de carrière
Lorsque’elle est enfant, Elsie MacGill fréquente l’école publique. Elle s’inscrit ensuite au programme de science appliquée de l’Université de la Colombie-Britannique en 1921. Elle termine les deux premières années de ce programme. En 1923, elle s’inscrit à la School of Practical Science de l’Université de Toronto, en génie électrique. C’est une décision audacieuse, car elle est la première femme admise au programme d’ingénierie. Parfois, sa présence provoque des remous parmi ses collègues masculins. Cependant, à la fin de ses études, il ne reste aucun doute concernant son talent d’ingénieure. En fait, Elsie MacGill noue de nombreuses et solides amitiés avec ses camarades de classe. Elle maintient des liens solides avec sa promotion et occupe une place proéminente au sein du corps des anciens étudiants.
Elsie MacGill obtient son diplôme en 1927. Elle trouve un emploi en tant qu’ingénieure mécanicienne pour un fabricant d’automobiles à Pontiac, au Michigan. Son poste est centré sur l’analyse des contraintes sur les automobiles. Lorsque l’entreprise commence à produire des avions, elle décide d’en apprendre davantage. Elle entreprend des études à temps partiel en aéronautique à l’Université du Michigan. Avant longtemps, elle passe aux études à temps plein. En 1929, elle obtient sa maîtrise en génie aéronautique. C’est une avancée remarquable pour les femmes. Elsie MacGill devient ainsi la première ingénieure en aéronautique dans le monde. Cependant, sa célébration est rapidement interrompue lorsqu’elle reçoit un diagnostic de polio en 1929.
Le saviez-vous?
La poliomyélite (polio) une maladie virale contagieuse. Elle peut causer la paralysie, des problèmes respiratoires et même la mort. Des éclosions importantes de polio sont survenues au Canada de 1910 à 1959. La pire éclosion, en 1953, a fait 9 000 cas de paralysie et 500 décès. Au début des années 1970, la maladie a été maîtrisée grâce au vaccin Salk et au vaccin oral Sabin. En 1994, le pays est certifié exempt de polio (voir aussi Le Canada et la mise au point du vaccin contre la polio.)
Après avoir été temporairement confinée à un fauteuil roulant, Elsie MacGill passe du temps à récupérer chez elle, à Vancouver. En plus de ses exercices de physiothérapie, elle dessine des concepts d’avions et écrit des articles sur l’aviation pour des magazines populaires comme Châtelaine. Elle participe également à certaines des activités féministes de sa mère. La Fédération canadienne des Clubs des femmes de carrières commerciales et professionnelles fait partie des causes féministes auxquelles elle se joint durant cette période.
Une fois rétablie, elle continue ses études supérieures au Massachusetts Institute of Technology (MIT) jusqu’en 1934. Cette année-là, on lui offre un poste d’ingénieure adjointe en aéronautique à Fairchild Aircraft Ltd, ce qui la ramène au Canada. Il s’agit d’une opportunité exceptionnelle, car les emplois sont rares durant la crise des années 1930. La compagnie, située à Longueuil, au Québec, fait un travail qui est à la fine pointe de la technologie. Elsie MacGill travaille sur les concepts de plusieurs aéronefs et forge d’importants liens professionnels avec le personnel aéronautique du Conseil national de recherches Canada (CNRC) à Ottawa, en Ontario. Elle démontre également sa bravoure en insistant pour monter à bord de ses créations lors des dangereux vols d’essai qui en évaluent la performance.
En 1938, deux événements importants se produisent dans la carrière d’Elsie MacGill : d’abord, elle accepte le poste d’ingénieure en chef de la division aéronautique de Canadian, Car and Foundry (Can Car) à Fort William (maintenant Thunder Bay) en Ontario. Deuxièmement, l’Institut canadien des ingénieurs (ICI) accepte sa demande d’admission. Elle devient ainsi la première femme à se joindre à cette association professionnelle.
Ingénieure en chef en aéronautique
À son arrivée chez Canadian, Car and Foundry (Can Car), Elsie MacGill entreprend plusieurs projets. Un de ces projets comprend la conception, la construction et le testage du Maple Leaf Trainer II. Bien que cet avion soit basé sur un modèle précédent, Elsie MacGill le restructure complètement, et ce, avec une rapidité impressionnante. Elle fait passer des tests aériens au prototype peu de temps après le début de son mandat chez Can Car. L’avion n’est jamais produit en masse au Canada. Cependant, il est reconnu comme étant le premier avion conçu et produit par une femme.
Après cette réussite, Elsie MacGill supervise le réoutillage de l’usine de Can Car. Elle équipe l’usine pour qu’elle puisse produire à la chaîne le Hawker Hurricane. Le Hurricane est l’un des principaux avions de chasse pilotés par les aviateurs canadiens et les alliés lors de la bataille d’Angleterre. C’est une entreprise de taille, et les médias ne tardent guère à remarquer le fait que l’ingénieur en chef de l’aéronautique de Can Car en ce temps de guerre est une femme. De nombreux articles sont écrits au sujet de Elsie MacGill. En 1942, la série de bandes dessinées américaine True Comics la surnomme « Queen of the Hurricanes » dans une histoire qu’ils publient sur elle.
Le saviez-vous?
Chez Can Car, Elsie MacGill a supervisé la production de 1 451 avions Hawker Hurricane. Elle en a également conçu une version hivernale avec des skis et un équipement de dégivrage. Ce projet a été le premier projet d’hivérisation réussi d’un avion à haute vitesse.
Carrière ultérieure
Le contrat pour les Hawker Hurricane prend fin en 1943. Elsie MacGill supervise encore une fois le réoutillage de l’usine Canadian, Car and Foundry. Cette fois, elle l’équipe pour produire le Curtiss-Wright Helldiver américain (communément appelé « The Beast » [la bête]). Il s’avère particulièrement plus difficile de travailler sur cet avion en raison des nombreuses modifications de conception envoyées des États-Unis. C’est au milieu de ces obstacles de conception qu’Elsie MacGill et le directeur de l’usine, E. J. Soulsby, sont mis à la porte de l’usine en 1943.
On ignore si Elsie MacGill et E. J. Soulsby ont démissionné de leurs postes ou s’ils ont été licenciés (et pour quelles raisons). Peu de temps après, ils se marient et déménagent à Toronto, en Ontario. Quelles que soient les raisons pour lesquelles ils ont quitté Can Car, leurs carrières n’en ont pas souffert. E. J. Soulsby trouve un nouveau poste de directeur d’usine pour Victory Aircraft Limited, à Malton, en Ontario. Elsie MacGill fonde alors sa propre entreprise de consultants en ingénierie, qui s’avère prospère. Elle est solidement soutenue par ses collègues de l’Institut canadien des ingénieurs.
Elsie MacGill accepte plusieurs contrats différents qui se concentrent de plus en plus souvent sur les avions civils. Elle devient également représentante canadienne auprès de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). En peu de temps, elle devient la première femme à occuper le poste de conseillère technique sur la navigabilité des avions.
Elsie MacGill n’a pas peur de remettre en question la politique gouvernementale concernant l’équilibre entre l’aviation civile et militaire. Son rapport de 1956, qu’elle présente à la Commission royale d’enquête sur les perspectives économiques du Canada, en est un exemple. Dans ce rapport, Elsie MacGill remet en question l’accent mis par le Canada sur le développement de projets d’aviation militaire aux dépens de l’aviation civile. La mise en garde de Elsie MacGill semble justifiée lorsque le gouvernement de John Diefenbaker annule le projet Avro Arrow en 1959. La fin de ce projet de défense s’avère désastreuse pour l’aviation canadienne.
Féminisme
Elsie MacGill est une ingénieure d’avant-garde et une féministe de premier plan. En tant que féministe libérale, elle croit que le changement passe par la réforme des lois et des politiques existantes. Elle a également des idées radicales pour l’époque. Par exemple, elle croit que les femmes devraient avoir entièrement le contrôle de leur propre corps. Elle considère donc que le sujet controversé de l’avortement est une question privée entre une femme et son docteur (à l’époque, l’avortement est illégal en vertu du Code criminel du Canada. Il est décriminalisé en 1988).
Après la mort de sa mère en 1947, Elsie MacGill est déterminée à immortaliser les plus importants accomplissements d’Helen Gregory MacGill. Elle publie My Mother the Judge: A Biography of Helen Gregory MacGill, en 1955. Ce projet renouvelle son engagement pour la cause féministe. Elle reprend son travail avec la Fédération canadienne des Clubs des femmes de carrières commerciales et professionnelles (FCCFCCP). En peu de temps, elle accède à des postes de leadership clés au sein de l’organisation. Elsie MacGill sert en tant que présidente provinciale du FCCFCCP de 1956 à 1958, et en tant que présidente nationale de 1962 à 1964. Pendant ces deux mandats, elle défend le rôle des femmes dans la société. En particulier, elle soutient que le Canada gagnerait à considérer et à dûment utiliser sa « woman power » (force féminine).
Entre 1967 et 1970, Elsie MacGill siège à la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada. Ses co-commissaires la reconnaissent comme étant la plus importante féministe d’entre elles. La présidente de la commission, Florence Bird, salue les qualités de leadership et d’organisation de Elsie MacGill. Durant le reste de sa vie, Elsie MacGill travaille sans relâche afin que le plus grand nombre possible des 167 recommandations du rapport soit mis en œuvre. Elle déploie ces efforts seule, ainsi qu’avec des groupes comme le Comité canadien d’action sur le statut de la femme et le Ontario Committee on the Status of Women.
Elsie MacGill rejette le titre de « femme ingénieure ». De son point de vue, elle est ingénieure, un point c’est tout. Le fait qu’elle soit une femme n’a pas besoin d’être souligné. Après tout, elle a prouvé à maintes reprises que son sexe n’a aucun impact sur sa capacité à faire son travail. Son ascension en tant qu’ingénieure n’a rencontré que relativement peu d’obstacles. Pendant la majeure partie de sa carrière, elle ne s’est pas préoccupée de la discrimination dont elle a été victime. En conséquence, elle ne considère pas la profession d’ingénieur comme étant discriminatoire. Et bien qu’elle soutienne les femmes qui entreprennent des professions dans le domaine des sciences et de l’ingénierie, ce n’est pas le point de focalisation de son activisme féministe.
Ce n’est qu’en 1970 qu’elle prend pleinement conscience des obstacles auxquels sont confrontées les femmes qui choisissent de faire carrière en ingénierie à cause de leur sexe. Cette prise de conscience suit la publication d’un article qui propose de former les femmes en tant « qu’aide-ingénieur ». Dans cet article, le docteur F.P.J. Rimrott se sert d’un préjugé sexiste comme base pour créer l’idée d’un nouveau poste subalterne. F.P.J. Rimrott écrit : « les femmes préfèrent des emplois qui n’impliquent pas certaines tâches, dont certaines sont malheureusement inhérentes à l’ingénierie, comme la conception, les projets à risques, les voyages, le travail sur le terrain ou dans l’atelier, des tâches physiquement et mentalement exigeantes, des fonctions de supervision et d’importantes responsabilités. » Cet article controversé provoque un débat intense sur la place des femmes en ingénierie. Il incite également Elsie MacGill à réfléchir à sa propre carrière et à admettre qu’elle a, elle aussi, été victime de discrimination. Elle devient ensuite une critique virulente de la discrimination au sein de la profession ainsi qu’une ardente défenseure de la place des femmes en ingénierie (voir aussi Mouvements de femmes au Canada : 1960 à 1985).
Le 4 novembre 1980, Elsie MacGill meurt alors qu’elle rend visite à sa sœur, Helen MacGill Hughes, à Cambridge, au Massachusetts. Son décès est un choc pour tous ceux qui la connaissent. À 75 ans, elle était toujours aussi active dans sa carrière. L’année précédente, elle avait reçu la plus haute distinction de l’Ordre des ingénieurs de l’Ontario : la médaille d’or. Son activisme féministe continu a inclus le soutien à l’Année internationale de la femme de l’ONU en 1975 par le biais de la FCCFCCP. Entre autres activités, elle a été membre du Comité consultatif pour l’Année internationale des personnes handicapées, qui était prévu pour 1981.
Prix et distinctions
- Médaille Gzowski, Institut canadien des ingénieurs (1941)
- Prix d’apport méritoire à l’ingénierie, Society of Women Engineers (1953)
- Médaille du centenaire du Canada, gouvernement du Canada (1967)
- Officier, Ordre du Canada (1971)
- Membre, Institut canadien des ingénieurs (1972)
- Médaille Julian C. Smith, Institut canadien des ingénieurs (1973)
- Doctorat honorifique, Université de Toronto (1973)
- Médaille Amelia Earhart, International Association of Women Airline Pilots (1975)
- Doctorat honorifique, Université de Windsor (1976)
- Médaille du jubilé d’argent de la reine Elizabeth II (1977)
- Doctorats honorifiques, Université Queen’s et Université York (1978)
- Médaille d’or, Ordre des ingénieurs de l’Ontario (1979)
- Intronisée à l’Engineering Hall of Distinction de l’Université de Toronto (1980)
- Intronisée au Panthéon de l’aviation du Canada (1983)
- Création de la fondation commémorative Elsie Gregory MacGill (1984)
- Intronisée au Panthéon canadien des sciences et du génie (1992)
- Intronisée au Women in Aviation International Pioneer Hall of Fame (2012)
Pièce commémorative émise par la Monnaie royale canadienne (2023)