Les Haudenosaunee, ou « peuple des maisons longues », communément appelés « Iroquois » ou « Six Nations », sont membres d’une confédération appelée « Confédération Haudenosaunee ». D’abord constitués de cinq nations habitant la partie plus au nord de l’État de New York, les Haudenosaunee comprennent les Sénécas, les Cayugas, les Oneidas, les Onondagas et les Mohawks. Ce n’est que lorsque les Tuscaroras se joignent à la confédération, au début de XVIIIe siècle, qu’on se met à parler des Six Nations. Aujourd’hui, les Haudenosaunee vivent dans des réserves états-uniennes et dans d’autres communautés hors réserve.
Confédération Haudenosaunee
Les cinq nations de la Confédération Haudenosaunee, aussi connue comme la « Ligue des Iroquois » ou la « Ligue des Cinq-Nations », occupent un territoire qui s’étend de la rivière Genesee à l’ouest et tout au long de la région des lacs Finger, jusqu’à la rivière Hudson à l’est de ce qui est maintenant la zone culturelle des forêts de l’est. En 1722, les Tuscaroras, dont la langue est similaire, se déplacent au nord de la Caroline du Nord et de la Virginie pour rejoindre la confédération. Même s’ils sont techniquement la sixième nation à intégrer la confédération, les Tuscaroras, tout comme les nations Delaware, Wyandot et Tutelo, doivent passer par la nation Cayuga pour faire entendre leur voix.
La confédération est unie par la grande loi de paix, qui est considérée à la fois comme une constitution et la base de la société haudenosaunee. La grande loi de paix est dictée à Hiawatha par le prophète Peacemaker, et c’est ensemble qu’ils forment la confédération. Les Haudenosaunee utilisent la métaphore de la maison longue pour décrire leur alliance politique, car l’idée de collaboration qu’elle inspire s’applique à leur vie sociale et culturelle, faisant de la grande loi de paix un document politique et culturel.
Les membres des nations individuelles au sein de la confédération se retrouvent à la fois dans les réserves ou hors des réserves un peu partout au Canada et aux États-Unis. La bande des Six Nations de Grand River, qui se trouve en périphérie de Brantford, en Ontario, est l’une des communautés qui rassemblent des membres de toutes les nations. En 1924, le gouvernement fédéral impose, par l’intermédiaire de la Loi sur les Indiens, qu’on restructure les Six Nations en un conseil d’élus à la structure différente : en vain, car le modèle traditionnel continue de régner sur le modèle proposé. Ainsi, le Grand Conseil des chefs Haudenosaunee demeure le gestionnaire des politiques nationales des Haudenosaunee.
Langues
Les langues parlées par les Haudenosaunee font partie de la famille des langues iroquoises, et sont linguistiquement liées aux langues des nations voisines de la région des Grands Lacs, comme les Hurons-Wendats, Pétuns et Neutres, et des peuples plus lointains, comme les Cherokees et les Tuscaroras. Il semblerait que ces langues soient également liées aux familles de langues sioux et caddo des Grandes Plaines.
Selon le recensement de 2016, on dénombre 2715 locuteurs de langues iroquoiennes, dont 2350 locuteurs du mohawk. De plus, selon l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, on compte 720 locuteurs du cayuga et 235 de l’oneida. Presque tous ces locuteurs se trouvent en Ontario, contre seulement une centaine au Québec. Les politiques assimilatrices (voir Relations entre les Autochtones et les Blancs et Pensionnats) ont largement nui à l’utilisation des langues iroquoises; plusieurs initiatives éducatives haudenosaunee, toutefois, cherchent à réanimer ces langues traditionnelles en danger.
Structure politique et sociale traditionnelle
Avant le contact prolongé avec les Européens, les Haudenosaunee sont des horticulteurs qui vivent à longueur d’année dans des villages fortifiés abritant des centaines de personnes. La structure sociale suit des principes matrilinéaires, c’est-à-dire qu’elle est basée sur l’ascendance maternelle. Les femmes vivent ensemble avec leur époux (qui appartiennent à d’autres matrilignages) dans une seule maison longue, dont un village peut en contenir jusqu’à 50. Plusieurs matrilignages forment des clans matrilinéaires, qui, au-delà de leur importance symbolique et cérémoniale, servaient à réguler les lignées. Ainsi, le mariage entre membres d’un même clan est défendu.
La plupart du temps, ces clans adoptent des noms d’animaux, comme l’ours, le loup, la tortue, la bécassine, le cerf ou l’aigle, et les membres d’un clan sont considérés comme membres d’une même famille au-delà des allégeances nationales. La ligue est gouvernée par un conseil de 50 sachems (chefs suprêmes), représentant chacun un clan et une nation, et chacune des cinq nations fondatrices de la confédération est représentée par une délégation de 8 à 14 personnes. Chaque siège au conseil est hérité du matrilignage. Les villages et les communautés individuels sont gouvernés par des conseils constitués d’autres sachems, et des clans mères représentant chacun des clans d’une nation reçoivent des responsabilités particulières, comme la supervision des actions du chef et l’élection de son successeur advenant sa mort.
Beaucoup d’Haudenosaunee suivent toujours le système traditionnel : ils s’identifient selon leur clan et leur nation, et comptent sur les chefs, et sur les clans mères qui les élisent, pour les guider.
Résumé historique
Des preuves archéologiques permettraient de dater la présence des Haudenosaunee près de l’État actuel de New York à environ 500 à 600 avant notre ère, voire jusqu’à 4000 avant notre ère. Leur culture distincte, quant à elle, se serait développée vers l’an 1000 avant notre ère. Les estimations concernant la date de création de la Confédération Haudenosaunee varient grandement. Malgré une majorité qui pointe la moitié du XVIe siècle comme période probable, les chercheurs Barbara A. Mann et Jerry L. Fields, à force d’examiner les rapports archéologiques, historiques et sur la tradition orale et de faire des calculs actuariels et astronomiques, en sont venus à la date du 31 août 1142.
Avec l’arrivée de la traite des fourrures, au XVIe siècle, les Haudenosaunee se sont embarqués dans de fructueuses campagnes pour subjuguer ou disperser les groupes voisins. Les Hurons, alliés des Français, sont chassés de leur terre maternelle après la destruction de plusieurs de leurs villages en 1649 et à la suite de l’assimilation de nombreuses personnes au clan haudenosaunee. Dans les décennies suivantes, ces campagnes de dispersion affectent aussi les Pétuns, les Neutres et les Ériés.
Les Français maintiennent des alliances militaires et commerciales avec beaucoup des ennemis des Iroquois. Pour cette raison, les Haudenosaunee et la Nouvelle-France sont souvent en guerre (voir Guerres iroquoises). Durant les périodes de paix, toutefois, certains Haudenosaunee sont convertis au catholicisme et sont convaincus d’aller coloniser les rives du St-Laurent.
Les Haudenosaunee demeurent fermement investis dans le commerce à Albany, à New York. La rivalité entre la Nouvelle-France et les Hollandais et les Anglais à Albany écarte l’idée d’une trêve entre les Français et les Haudenosaunee. Ces derniers attaquent fréquemment les colonies françaises sur le St-Laurent et ils envoient de larges armées détruire les colonies de Long Sault en 1660 et de Lachine, au Québec, en 1689. La France riposte en 1666, en 1687, en 1693 et en 1696 en attaquant des villages haudenosaunee.
Les colons européens et les Haudenosaunee établissent une entente de non-ingérence mutuelle au début du XVIIe siècle grâce au wampum, une ceinture à deux rangs. La chaîne d’alliance d’argent est un autre traité entre les nations britanniques et haudenosaunee. Avec le traité d’Albany, en 1701, les Haudenosaunee vendent les territoires des Grands Lacs à l’Angleterre en l’échange d’une protection et de droits de pêche et de chasse continus. Plus tard la même année, à Montréal, les Haudenosaunee signent un traité avec les Français, qui assure la paix et la protection des nations autochtones. Les pertes humaines causées par les guerres et la maladie sont importantes, même si les Haudenosaunee accueillent de nombreux prisonniers de guerre et des réfugiés. Malgré leur neutralité officielle, les Mohawks, sous l’influence de sir William Johnson, prennent parfois les armes en tant qu’alliés anglais, tout comme les Sénécas, qui font de même pour les Français lors de la défaite du général Edward Braddock, en 1755.
À l’exception des Oneidas, qui ont défendu la cause des Américains, les Haudenosaunee soutiennent les loyalistes et l’Empire britannique lors de la Révolution américaine, dès 1777. Les Mohawks ont en effet perdu leur maison aux mains des colons rebelles, et beaucoup de villages sénécas, onondagas et cayugas sont la proie des flammes en 1779. Ainsi, les Haudenosaunee et leurs alliés, sous l’autorité de Joseph Brant et d’autres, attaquent et incendient à répétition des forts et des colonies américaines. Après la guerre, beaucoup d’Iroquois suivent Joseph Brant et s’installent sur les terres reçues du gouverneur Frederick Haldimand près de Grand River. Une version tronquée de ce territoire abrite maintenant la bande des Six Nations de Grand River. Les autres Iroquois s’installent sur la baie de Quinte.
Tout comme pour la Révolution américaine, les guerriers haudenosaunee combattent dans les deux camps lors de la guerre de 1812, mettant ce faisant fin à la grande loi de paix. Le fils de Joseph Brant, John Brant, participe au conflit et devient le premier Autochtone à être élu à l’Assemblée législative du Haut-Canada en 1830, même s’il finit par perdre son siège après que l’on conteste son admissibilité en chambre.
Situation actuelle
L’implémentation continue de politiques d’assimilation par le gouvernement canadien ronge les bases culturelles et politiques des Haudenosaunee tout au long des XIXe et XXe siècles. Des communautés s’opposent toutefois à ces mesures, et réussissent à maintenir, par leurs luttes et leurs actions militantes, une force culturelle et politique. L’interprétation du traité de Jay de 1794 fait office d’exemple parfait. Le traité, qui définit la frontière entre le Canada et les États-Unis, reconnaît et maintient le droit des peuples autochtones de franchir la frontière librement pour travailler et y tenir résidence. Les Mohawks d’Akwesasne, dont le territoire chevauche la frontière internationale autour de Cornwall, en Ontario, clament, en 1968, que les autorités canadiennes ne respectent pas les articles du traité. Le débat sur la frontière s’intensifie, et se centre particulièrement sur la faculté d’une personne de transporter des biens par la frontière sans payer de taxes ou de droits de douane. En 1988, le grand chef Michael Mitchell traverse la frontière et déclare ses biens, mais affirme qu’il ne paiera ni taxes ni droits de douane. Après un procès pour droits de douane non acquittés, le cas se rend en Cour fédérale, qui décide que, selon l’article 35 de la Loi constitutionnelle, Michael Mitchell et tous les Autochtones détiennent le droit ancestral de transporter des biens des États-Unis au Canada. La décision est infirmée en appel par la Cour suprême en 2001, qui affirme que Michael Mitchell n’a pas prouvé que le droit d’apporter des biens au-delà des frontières internationales à des fins commerciales avec les nations autochtones au nord du St-Laurent précède la déclaration d’indépendance du Canada. Il s’agit en effet d’une condition essentielle à la réclamation de droits ancestraux.
Les communautés haudenosaunee, comme les Six Nations, les Akwesasne (Mohawks) et les Kahnawake (Mohawks), à l’extérieur de Montréal forment une des réserves les plus peuplées du Canada. En 2005, on comptait un nombre total de 22 294 Six Nations, dont 11 297 seulement dans cette communauté. La population des Akwesasne s’élève à environ 11 000 résidents, alors qu’en 2007, on évaluait à environ 10 000 le nombre de Kahnawake.
Voir aussi Autochtones : les forêts de l’est et les articles généraux dans la catégorie Peuples autochtones