Quartier chinois de Montréal | l'Encyclopédie Canadienne

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Quartier chinois de Montréal

Établi par des immigrants chinois en provenance de l’Ouest canadien à la fin du 19e siècle, ce quartier de l’arrondissement Ville-Marie de Montréal est l’un des plus anciens quartiers asiatiques en Amérique du Nord. Reconnu officieusement dès 1902, ce quadrilatère devient un attrait touristique indéniable dans la foulée de l’Expo 67.

Le quartier chinois est situé entre l’avenue Viger, la rue Saint-Urbain, le boulevard René-Lévesque et le boulevard Saint-Laurent, et son artère principale est la rue De La Gauchetière. Il abrite une multitude de commerces fondés par les membres de la communauté sino-canadienne et par des immigrants originaires de l’Asie du Sud-Est. Le quartier chinois de Montréal se démarque autant par ses traditions architecturales que culturelles.

Historique du quartier

Les premiers Chinois qui s’installent à Montréal proviennent principalement du sud de la Chine (voir Immigration). Ces derniers arrivent via la Californie, puis la Colombie-Britannique, où attirés par la ruée vers l’or, ils travaillent d’abord dans les mines, notamment dans la vallée du fleuve Fraser (voir Ruée vers l’or du fleuve Fraser). De 1880 à 1885, 15 000 ouvriers cantonais participent également, dans des conditions particulièrement difficiles, à la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique (CP). Victimes de racisme, plusieurs milliers d’entre eux se dirigent vers l’est du pays (voir Préjugés et discrimination).

Ces nouveaux arrivants s’établissent sur la rue De La Gauchetière entre les rues Chenneville et Saint-Charles-Boromée (aujourd’hui la rue Clark). C’est là qu’ils ouvrent de petits commerces de restauration et d’exportation, mais aussi des buanderies, dont la Troy Steam Laundry et la Montréal Steam Laundry. Certains d’entre eux tentent de s’établir dans d’autres quartiers, mais avec peu de succès.

Une taxe onéreuse

À Montréal, les licences d’exploitation des buanderies et blanchisseries sont parmi les plus chères, soit 50 $ annuellement. Pour les nouveaux arrivants, ce montant représente quatre mois de travail. Aussi, il arrive souvent que plusieurs d’entre eux ne soient pas en mesure de la payer. Dès 1896, la ville décide de mettre de donner des amendes aux commerçants récalcitrants : ils sont 106 cette année-là, 150 en 1897, et encore une centaine en 1899. En 1900, à la suite du procès de 71 buandiers et blanchisseurs chinois, 10 d’entre eux sont emprisonnés pour non-paiement. Dans une pétition adressée à la ville, les buandiers demandent une exemption de taxe pour leurs établissements et ils affirment que celle-ci vise uniquement à les chasser de la ville. Leur démarche est infructueuse et en octobre 1900, 146 d’entre eux sont condamnés à amende.

Développement et diversification du quartier

Si vers 1888 on ne comptait environ que 30 membres de la communauté chinoise, au début des années 1900, près d’un millier de Cantonais emménagent dans le quartier. L’expression « quartier chinois » apparaît dans La Presse dès 1902 et se réfère, à cette époque, à la section de la rue De La Gauchetière comprise entre les rues Chenneville et Saint-Charles-Borromée (Clarke). En 1911, le quartier compte plus de 1300 personnes, et dès 1915, on y trouve près de 50 commerces et restaurants. Ces établissements s’affichent à l’aide d’enseigne aux couleurs et aux caractères graphiques typiquement chinois, marquant ainsi l’appropriation visuelle et culturelle du quartier.

Le quartier chinois de Montréal, vers 1940

Le début de la Guerre froide amène avec elle une augmentation de l’immigration asiatique au Canada et à Montréal. Beaucoup d’Asiatiques du Sud-Est, en particulier du Laos, du Cambodge et du Vietnam, se rendent au Canada en tant qu’étudiants ou professionnels, ou ils sont admis à titre de réfugiés. Entre 1979 et 1982, le Canada accueille 73 000 réfugiés en provenance de l’ancienne Indochine. De ce nombre, 58 000 sont Vietnamiens, 7000 sont Cambodgiens, et 8000 sont Laotiens. Parmi ces nouveaux arrivants, 16 000 sont dirigés vers le Québec et la très grande majorité, initialement installés en région, se rendent par la suite à Montréal. Par conséquent, le quartier chinois subit une forte influence vietnamienne. Bien que les Chinois poursuivent leurs activités commerciales dans le secteur, on voit une migration de ses habitants vers les banlieues de Montréal. Ces derniers continuent à travailler dans le quartier chinois, mais ils y vivent de moins en moins.

Revitalisation du quartier et vocation touristique

L’Exposition universelle de 1967 redonne vie au quartier chinois. Affecté depuis plusieurs années de difficultés, notamment parce que certains spéculateurs ont acheté de vieux bâtiments sur de grands terrains dans le but de les démolir et d’en faire de grands stationnements, ces lots vacants défigurent l’image du quartier. Aussi, anticipant les centaines de milliers de touristes qui visiteront la ville à l’été 1967, les autorités montréalaises décident de revitaliser le quartier chinois. C’est ainsi qu’apparaissent de grands panneaux métalliques aux caractères chinois et dans la même veine, le parc de la Pagode, créé non seulement pour symboliser la paix et l’harmonie entre les peuples, mais aussi dans le but d’identifier la communauté chinoise.

Dans les décennies 1970 et 1980, la construction de plusieurs nouveaux édifices tels que le Complexe Guy-Favreau, le Palais des congrès de Montréal, ainsi que le Complexe Desjardins, réduisent l’espace occupé par le quartier. Ces nouvelles constructions occasionnent la destruction de plusieurs édifices à logement et le départ de nombreux résidents du quartier. Néanmoins, la seule église, l’Église de la mission catholique chinoise du Saint-Esprit, est classée monument historique en 1977 par le gouvernement du Québec et sauvée de la démolition. Elle est restaurée en 1988, mais le parc de la Pagode est détruit.

A Chinese pagoda surrounded by benches and a trash bin with tall buildings in the background
Chinese Catholic Mission Church

En 1981, la Ville de Montréal souhaite réaménager et embellir le quartier. La rue De La Gauchetière devient piétonnière afin d’attirer les touristes dans les commerces, et le quartier est identifié plus clairement, grâce à des icônes, à des peintures chinoises, et à des lampadaires.

Vers la fin des années 1980, alors que surviennent la libéralisation de l’économie chinoise et le retour de Hong Kong à la Chine, 166 487 personnes, principalement des professionnels et des hommes d’affaires, choisissent d’immigrer au Canada. Ces immigrants fortunés décident d’investir leurs capitaux au Canada et notamment dans le développement du quartier chinois, et d’en faire un pôle d’attraction pour les milliers de touristes qui visitent Montréal chaque année. Afin de bien identifier le quartier, deux immenses arches d’un rouge vif qui enjambent le boulevard Saint-Laurent sont construites par l’administration de Pierre Bourque avec l’aide de la ville de Shanghaï. Les deux anciennes arches bâties dans les années 1980 et situées au cœur de la rue De la Gauchetière sont quant à elles déplacées aux extrémités de cette rue (vers les rues St-Dominique et Jeanne-Mance), délimitant ainsi les frontières du quartier. Un nouveau temple-pagode rouge et or est aussi construit à la place Sun Yat-Sen.

Malgré ces différents projets, les infrastructures du quartier sont mal en point au début des années 2010. Aussi, afin de renouveler l’image du quartier, d’y insuffler un nouveau dynamisme, et de mettre en valeur ses atouts touristiques, l’arrondissement Ville-Marie procède, en 2014–2015, à une première phase de revitalisation en réaménageant la rue piétonne et commerciale De La Gauchetière Ouest, entre les rues Clark et Jeanne-Mance, ainsi que la place Sun Yat-Sen. Une toute nouvelle murale, visible à partir du boulevard René-Lévesque, est également inaugurée par le maire Denis Coderre à l’été 2015.

Murale du quartier chinois de Montréal

Au cours des dernières années, les préservationnistes historiques et la communauté chinoise expriment leurs inquiétudes concernant la valeur historique du quartier chinois face aux développements immobiliers. En juillet 2023, le gouvernement du Québec accorde le statut patrimonial à certaines parties du quartier chinois de Montréal.

Vie culturelle et communautaire

On trouve dans le quartier de nombreuses épiceries et de nombreux restaurants spécialisés. Il regorge aussi d’une centaine de commerces où le visiteur peut trouver de trésors typiques de la Chine, de même que des boutiques de médecine orientale. De par leur proximité avec les différents hôtels, les centres de congrès, et les immeubles à bureaux, les restaurants bénéficient également de la clientèle des congressistes et des fonctionnaires.

Bien qu’il soit plus commercial que résidentiel, le quartier chinois abrite néanmoins une vie communautaire vivante et remarquable. On y trouve la plus grande école chinoise de Montréal (accueillant environ 1500 élèves), une librairie, un hôpital (inauguré en 1999), et un centre communautaire aux nombreux programmes culturels et sociaux. Différentes cérémonies, expositions, festivals, et même un carnaval s’y déroulent. En dépit de la multiplication des restaurants asiatiques dans la ville et de la création d’un second « Chinatown » à Brossard (12 % de la population de cette municipalité est d’origine chinoise), le quartier chinois de Montréal demeure le centre névralgique des célébrations entourant le Nouvel An chinois.

Voir également Jardin classique chinois Dr Sun Yat-Sen

Lecture supplémentaire

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