Des avions de ligne comme armes
Le 11 septembre 2001, le monde regarde avec horreur la série d’attaques coordonnées lancée par le groupe islamiste radical Al-Qaïda sur New York et Washington, DC. Dix-neuf terroristes ont détourné quatre avions de ligne et font s’écraser les deux premiers sur les tours du World Trade Center à New York, et le troisième sur un bâtiment du Pentagone à Arlington en Virginie, en périphérie de Washington, DC.
À bord du quatrième avion, les passagers du vol 93 luttent quant à eux contre les auteurs du détournement. Leur avion s’écrase finalement dans un champ en Pennsylvanie.
Les attentats ont causé la mort de près de 3 000 personnes provenant de 93 pays. La plupart sont mortes lors de l’effondrement des tours du World Trade Center.
État d’urgence aérien
Dès le début des attaques, les États-Unis agissent rapidement pour contrecarrer toute autre tentative. À 9 h 45 (heure de l’Est), soit une heure après que le premier avion a percuté la tour nord du World Trade Center, la Federal Aviation Administration (FAA) ordonne à tous les aéronefs civils d’atterrir. Le National Airspace System (système de l’espace aérien américain) est officiellement fermé à 11 h 6.
David Collenette, ministre canadien du Transport, fait de même et immobilise tous les vols arrivant au Canada et en partance du pays. Les forces armées canadiennes prennent le contrôle de l’espace aérien en mettant en œuvre le Plan relatif au contrôle de sécurité d’urgence de la circulation aérienne, une mesure destinée à être utilisée en temps de guerre.
Plus de 500 avions de partout sur la planète sont en route vers les États-Unis lorsque ces mesures sont prises. Les avions disposant de suffisamment de carburant se font ordonner de faire volte-face, alors que les autres sont redirigés vers divers aéroports partout au Canada. En effet, craignant que les attaques ne soient pas terminées et inquiet que d’autres avions puissent être transformés en « missiles destructeurs », Transport Canada ordonne à NAV CANADA (l’organisme responsable de la circulation aérienne) de ne pas rediriger les avions vers de grandes zones urbaines comme Toronto, Ottawa et Montréal.
Dans les quelques heures qui suivent, plus de 200 avions atterrissent dans des aéroports canadiens. Transport Canada affirme que 224 vols transportant 33 000 passagers s’y sont posés, tandis que NAV CANADA porte le nombre d’avions à 238. Les vols provenant d’Asie sont déroutés vers Vancouver et d’autres villes aéroportuaires de l’Ouest canadien, alors que plusieurs des nombreux vols transatlantiques sont déviés vers les provinces de l’Atlantique.
L’aéroport international d’Halifax reçoit le plus grand nombre d’avions : 47 pour un total de 7 000 passagers. L’aéroport international de Vancouver, quant à lui, accueille le plus grand nombre de passagers : 8 500, répartis dans 34 avions.
Réactions des communautés
La gestion de milliers de visiteurs-surprises représente un défi de taille. En effet, très préoccupées par les questions de sécurité, les autorités exigent que tous les avions soient fouillés et tous les passagers, contrôlés. Dans différents aéroports, certains passeront d’ailleurs plus de 24 heures sur le tarmac. L’inspection passée, il faut nourrir et loger ces voyageurs. Les autorités locales, des bénévoles ainsi que des organismes de bienfaisance déploient des efforts considérables pour trouver des écoles et des centres communautaires capables d’accueillir tous les visiteurs bloqués au pays ainsi que pour leur fournir des lits, des couvertures, du café et de la nourriture.
C’est Gander, Terre-Neuve, qui fait face au plus sérieux défi : 37 avions y sont envoyés. Cette petite communauté de moins de 10 000 habitants reçoit donc 6 700 passagers, qu’elle doit loger et nourrir. Les chauffeurs d’autobus scolaires, alors en grève, abandonnent leur piquetage pour transporter les passagers vers des écoles et des centres communautaires. Les pharmacies exécutent gratuitement les ordonnances, et les citoyens ouvrent volontiers leurs portes aux voyageurs ayant besoin d’un café ou d’une douche.
Alan Flood, de Bristol (Royaume-Uni), coincé à Gander avec sa femme Barbara, résume les sentiments partagés par des centaines d’autres passagers lorsqu’il affirme : « Nous étions des étrangers. Ils ne savaient pas comment nous étions. Mais ils nous ont accueillis chez eux, se sont assurés que nous ne manquions de rien, nous ont traités comme des membres de leur famille. »
Shirley Brook-Jones et les passagers de son vol sont hébergés dans une communauté voisine, Lewisporte (aussi à Terre-Neuve). Lors du vol de retour, six jours plus tard, elle suggère à ses copassagers de mettre sur pied avec eux un programme de bourses étudiantes pour remercier la communauté de son accueil. À leur arrivée à Atlanta, les voyageurs ont déjà promis de verser 15 000 dollars. La nouvelle se propage et le fonds croît. En 2014, il atteint 1,5 million de dollars, ce qui permet d’attribuer plus de 130 bourses à des étudiants terre-neuviens.
En 2011, dans le cadre du dixième anniversaire des attentats, le président des États-Unis Barack Obama soutient que son peuple « se souvient avec gratitude et affection de la façon dont les Canadiens lui ont offert leur amitié, du confort et un soutien extraordinaire, le jour du drame et les jours d’après, en ouvrant leurs aéroports, leurs foyers et leurs cœurs. »
Victimes canadiennes
Parmi les 2 973 victimes des attentats du 11 septembre, on compte 24 Canadiens, notamment :
L’ancien joueur de hockey professionnel Garnet (Ace) Bailey, 53 ans, qui était à bord du vol 175 de United Airlines qui a percuté la tour sud du World Trade Center.
Les Montréalais Meredith Ewart, 29 ans, et Peter Feidelberg, 34 ans, qui travaillaient au 104e étage de la tour sud du Word Trade Center. Le couple était marié depuis 18 mois.
Christine Egan, 55 ans, une infirmière de Winnipeg qui rendait visite à son frère Michael, 51 ans, dont le bureau était situé au 105e étage du World Trade Center. Les deux sont décédés.
Le Torontois Ken Basnicki, 48 ans, qui assistait à une conférence au siège social de son entreprise au 106e étage du World Trade Center. Après sa mort, sa veuve, Maureen, met sur pied la Canadian Coalition Against Terror, une organisation qui fait pression sur le gouvernement fédéral et réussit à lui faire adopter des lois permettant aux victimes canadiennes de poursuivre les pays ou groupes soutenant le terrorisme.
Le dernier survivant
Le matin du 11 septembre, Ron DiFrancesco, de Hamilton en Ontario, est à son bureau à l’entreprise Euro Brokers, au 84e étage de la tour sud du World Trade Center. À 8 h 46, un avion de ligne frappe la tour nord. On annonce par le système d’interphone que l’édifice est sécurisé et qu’il n’y a aucune raison de l’évacuer, mais Ron DiFrancesco, après avoir discuté avec des collègues et sa femme au téléphone, décide néanmoins de partir.
Alors qu’il se dirige vers les ascenseurs, il est projeté contre un mur en raison de l’écrasement du vol United 175 contre la tour entre les 77e et 85e étages. Les escaliers de secours que Ron DiFrancesco et ses collègues commencent à descendre sont envahis par la fumée, le feu, les débris et la confusion. Lorsqu’il arrive au 79e étage, il découvre que la voie est bloquée par l’affaissement d’un mur. Partout, des gens sont couchés sur le sol et tentent désespérément d’échapper à la fumée. Certains perdent connaissance. Ron DiFrancesco refuse toutefois d’abandonner, guidé par une « voix puissante » à l’intérieur de lui. Il trouve une ouverture dans le mur et traverse à la course les flammes et les débris en feu des trois étages suivants.
Lorsqu’il atteint finalement le rez-de-chaussée, DiFrancesco dit avoir vu une boule de feu accompagnée d’un « grondement inhumain » : la tour s’effondre. Trois jours plus tard, il se réveille au Saint Vincent’s Hospital de Manhattan. On croit qu’il est la dernière personne à être sortie vivante de la tour. Selon le rapport de la commission américaine sur le 11 septembre, il serait une des quatre personnes travaillant au-dessus du 81e étage à avoir échappé à la mort.
Guerre en Afghanistan
Dans les jours qui suivent les attentats, le Canada rejoint la coalition des nations pour la soi-disant « lutte contre le terrorisme ».
En octobre 2001, des navires de la marine canadienne sont envoyés dans la mer d’Arabie pour patrouiller dans les eaux du sud-ouest de l’Asie à la recherche de bateaux se livrant à des activités illégales.
En décembre 2001, des commandos d’élite canadiens de la Deuxième Force opérationnelle interarmées (FOI 2) sont envoyés en Afghanistan pour se joindre aux forces états-uniennes, britanniques et autres dans la guerre contre les talibans. D’autres effectifs suivent bientôt, et le Canada demeure dans la région jusqu’en 2014. À la fin des opérations, 40 000 membres des forces armées canadiennes ont servi en Afghanistan, et 158 y ont perdu la vie.
Lois antiterroristes
Le gouvernement canadien adopte un certain nombre de nouvelles mesures de sécurité pour lutter contre le terrorisme au pays. Il resserre notamment la sécurité aux aéroports, aux ports et aux passages frontaliers, en plus d’imposer de nouvelles règles de sécurité à bord des avions aux compagnies aériennes.
En 2001, le gouvernement libéral vote la controversée Loi antiterroriste. Celle-ci permet entre autres aux autorités policières de procéder à « l’arrestation préventive » de toute personne suspectée d’activités terroristes et de l’amener devant un juge, qui peut alors limiter ses libertés en lui interdisant par exemple de communiquer avec certaines personnes. Cette loi crée aussi des « audiences d’investigation » durant lesquelles des suspects ne faisant face à aucun chef d’accusation peuvent être obligés de témoigner lors d’auditions secrètes devant un tribunal.
Ces deux éléments de la législation font l’objet d’une clause de temporisation de cinq ans. Le reste de la Loi antiterroriste reste en application.
Le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper essaie quatre fois de réintroduire ces deux dispositions, pour finalement y parvenir en 2013 avec la Loi sur la lutte contre le terrorisme. Cette dernière réinstaure donc les arrestations préventives et les audiences d’investigation pour cinq ans. Elle criminalise aussi le fait de quitter le Canada pour se livrer à des activités terroristes et alourdit les sanctions liées à l’hébergement d’une personne impliquée dans des activités terroristes.
Victimes canadiennes des attentats du 11 septembre 2001
(Source : La Presse canadienne)
Michael Arcynski, 45 ans, marié et père de six enfants. Son septième enfant est né après les attentats. |
Garnet (Ace) Bailey, 53 ans, marié et père d’un garçon. Hockeyeur dans la LNH pendant 11 ans. |
David Barkaway, 34 ans, marié et père de deux enfants. Un fils est né quatre mois après les attentats. |
Ken Basnicki, 48 ans, marié et père de deux enfants. Sa veuve fonde la Canadian Coalition Against Terror. |
Joseph Collison, 50 ans, prévoyait adopter un enfant dont il avait la charge. |
Cynthia Connolly, 40 ans, mariée, réaffectée de Montréal à New York en 1999. |
Arron Dack, 39 ans, marié et père de deux enfants. Sa femme fonde deux groupes de soutien pour les personnes en veuvage. |
Christine Egan, 55 ans, infirmière de Winnipeg en visite chez son frère à New York. |
Michael Egan, 51 ans, marié et père de deux enfants. |
Albert Elmarry, 30 ans, marié. Sa femme donne naissance à une fille six mois après sa mort. |
Meredith Ewart, 29 ans, mariée à Peter Feidelberg, qui meurt aussi lors des attentats. |
Peter Feidelberg, 34 ans, marié à Meredith Ewart depuis seulement 18 mois. |
Alexander Filipov, 70 ans, marié et père de trois garçons, était à bord du vol 11 de American Airlines. |
Ralph Gerhardt, 34 ans, célibataire, est décrit comme un homme qui accordait beaucoup d’importance à sa famille et était proche de ses parents. |
Stuart Lee, 30 ans, marié, aimait voyager avec sa femme. |
Mark Ludvigsen, 32 ans, marié, était un joueur de rugby enthousiaste originellement du Nouveau-Brunswick. |
Bernard Mascarenhas, 54 ans, marié et père de deux enfants, était à New York pour un voyage d’affaires. |
Colin McArthur, 52 ans, marié. Sa veuve lance une bourse à son nom à l’Université de Glasgow. |
Michael Pelletier, 36 ans, marié et père d’une fillette de trois ans et d’un garçon d’un an. |
Donald Robson, 52 ans, marié et père de deux garçons, planifiait son 24e anniversaire de mariage. |
Ruffin (Roy) Santos, 37 ans, célibataire, natif de Manille, avait déménagé en Colombie-Britannique dans les années 1980. |
Vladimir Tomasevic, 36 ans, marié, assistait à une conférence lors de son premier voyage à New York. |
Chantal Vincelli, 38 ans, célibataire, montait un kiosque dans le cadre d’une exposition commerciale au 106e étage. |
Debbie Williams, 35 ans, mariée et mère d’un enfant. Ses amis ont construit un terrain de jeu à son nom dans un parc de sa région. |