Omar Khadr est un Canadien né à Toronto qui est capturé par des soldats américains après un échange de coups de feu en Afghanistan en 2002 alors qu’il est âgé de 15 ans. Seul mineur à être accusé d’avoir prétendument commis des crimes de guerre depuis la Deuxième Guerre mondiale, il est incarcéré à Guantánamo et au Canada pendant près de 13 ans. En 2010, la Cour suprême du Canada statue que la détention d’Omar Khadr constituait une infraction aux « principes de justice fondamentale », ainsi qu’aux « normes canadiennes les plus élémentaires quant aux traitements à accorder aux suspects adolescents détenus ». Omar Khadr est libéré sous caution en mai 2015, malgré les tentatives répétées du gouvernement canadien pour le maintenir derrière les barreaux. En juillet 2017, le gouvernement verse à Omar Khadr une indemnité de 10,5 millions de dollars pour la violation de ses droits constitutionnels par le Canada.En mars 2019, un juge albertain déclare que Khadr a purgé sa peine de crime de guerre et qu’il est maintenant libre.
Omar Khadr, adolescent, pris en photo avant d’être capturé par les forces militaires américaines.
Capture en Afghanistan
Omar Khadr est né de parents immigrants : Ahmed Said Khadr, originaire d’Égypte, et Maha Elsamnah, originaire de Palestine. Son père travaille pour des organismes caritatifs musulmans au Pakistan et en Afghanistan, ce qui oblige la famille à se déplacer fréquemment entre le Canada et le Pakistan et amène la famille à se lier d’amitié avec Oussama Ben Laden, le cerveau derrière l’organisation terroriste Al-Qaïda. Ahmed Khadr est arrêté au Pakistan en 1995 en lien avec un attentat à la bombe contre l’ambassade d’Égypte, mais il est remis en liberté un an plus tard. Ahmed Khadr est plus tard un suspect dans lesattaques terroristes d’Al-Qaïda du 11 septembre 2001qui ont eu lieu à New York et à Washington, D.C.
En 2002, à la suite des attaques terroristes du 11 septembre, puis de l’invasion américaine de l’Afghanistan, le père d’Omar Khadr l’envoie en Afghanistan pour qu’il y occupe la fonction de traducteur. Plus tard la même année, Omar Khadr est le seul survivant d’un groupe de militants engagés dans un échange de coups de feu avec les forces américaines. Omar Khadr est accusé d’avoir lancé les grenades qui ont entraîné la mort du sergent américain Christopher Speer et qui ont rendu le sergent Layne Morris aveugle d’un œil. Omar Khadr admet plus tard avoir lancé une grenade, mais il ignore si elle était l’une qui a tué le sergent Christopher Speer.
Les Américains emmènent leur prisonnier blessé à la base aérienne de Bagram, en Afghanistan, pour qu’il y reçoive des soins médicaux et pour l’interroger avant de le transférer à la tristement célèbre prison de la base navale de la baie de Guantánamo, à Cuba, en octobre 2002. Omar Khadr, qui vient d’avoir 16 ans, est l’un des plus jeunes prisonniers à avoir été détenus là-bas.
Opinion publique polarisée
Le gouvernement canadien s’oppose d’abord au transfert d’Omar Khadr au camp de Guantánamo. Il fait aussi pression sur le gouvernement américain pour qu’il reconnaisse son statut de mineur, mais les Américains ignorent les demandes du Canada. Pour des raisons encore inconnues, l’attitude d’Ottawas’endurcit et le gouvernementlibéralcommence à minimiser l’importance de l’âge d’Omar Khadr. Certains blâment l’« effet Khadr », un froid qui s’installe à Ottawa après que le premier ministreJean Chrétiencède aux pressions des médias et des défenseurs d’Ahmed Khadr et intervienne au Pakistan dans le milieu des années 1990 pour le faire libérer. On apprend plus tard qu’Ahmed Khadr est un complice d’Oussama Ben Laden et un prétendu bailleur de fonds d’Al‑Qaïda.
La situation d’Omar Khadr se complique à la suite de la diffusion, en mars 2004, d’un documentaire de laCBCdans lequel sa mère et sa sœur, qui résident à Toronto, expriment des points de vue favorables à Al-Qaïda et critiques à l’égard du Canada. Le documentaire provoque la colère de nombreux Canadiens et entraîne la forte polarisation de l’opinion publique au sujet de cette affaire.
Le frère aîné d’Omar Khadr, Abdullah, est arrêté au Pakistan en 2004 à la demande de l’Agence centrale du renseignement (CIA) des États-Unis. Il est incarcéré pendant plus d’un an, où il prétend être victime de violence, avant d’être libéré et retourné au Canada en décembre 2005 sans avoir été accusé de quoi que ce soit. Au Canada, Abdullah passe quatre années supplémentaires en prison et il s’oppose avec succès à son extradition vers les États-Unis où on veut lui faire subir un procès pour trafic d’armes pour le compte d’Al-Qaïda.
Le deuxième frère d’Omar Khadr, Abdurahman, prétend avoir travaillé pour la CIA, tandis que son frère cadet devient paralysé à la suite d’une fusillade avec des soldats pakistanais en décembre 2003. La même fusillade cause la mort de leur père, Ahmed.
Il faut plusieurs années, un grand nombre de jugements favorables ainsi que des efforts acharnés de la part des avocats d’Omar Khadr, Dennis Edney et Nathan Whitling, pour que les Canadiens commencent à le considérer d’un œil favorable dans sa lutte contre le nouveau gouvernementconservateurà Ottawa, qui se présente comme le seul parti politique capable de combattre le terrorisme. En septembre 2009, un sondage Angus Reid montre que 52 % des répondants sont indifférents à l’affaire Omar Khadr. En août 2012, un sondage d’Abacus Data révèle que 60 % des répondants sont contre le fait qu’Omar Khadr quitte Guantánamo pour être rapatrié au Canada, alors que seulement 24 % des répondants appuient cette proposition.
Cependant, un sondage d’Angus Reid effectué en mai 2015 indique que 67 % des répondants croient qu’Omar Khadr aurait dû être traité comme un enfant-soldat.
Les interrogatoires de Guantánamo
Au début de 2003, puis en 2004, les autorités canadiennes du renseignement sont autorisées à interroger Omar Khadr à Guantánamo à condition qu’elles partagent les renseignements obtenus avec les Américains qui se préparent à le poursuivre en justice. Les autorités canadiennes acceptent les conditions. Dans le but de réduire la résistance d’Omar Khadr avant son interrogatoire, les Américains le privent de sommeil en l’obligeant à constamment changer de cellule.
L’ancien ministrelibéraldes Affaires étrangères, Bill Graham, déclare plus tard qu’il regrette de ne pas avoir insisté plus pour faire libérer Omar Khadr de Guantánamo. Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, un organe de surveillance des services de renseignement, soutient que l’agence d’espionnage canadienne a abandonné Omar Khadr en refusant de reconnaître qu’il était mineur et en ne croyant pas à ses allégations répétées de mauvais traitements lorsqu’il était aux mains des Américains.
En 2008, laCour suprême du Canada, en dépit des objections du gouvernement canadien, ordonne au gouvernement de lui remettre les vidéos des interrogatoires d’Omar Khadr. Il s’agit de la première des trois décisions du plus haut tribunal au pays en faveur d’Omar Khadr contre le gouvernement canadien. La vidéo, sur laquelle on voit Omar Khadr pleurer et demander sa mère, provoque un tollé dans la population.
En 2010, des documents rendus publics par WikiLeaks, une organisation privée spécialisée dans la divulgation de secrets, révèlent que le gouvernement canadien avait décidé de ne pas demander le rapatriement d’Omar Khadr, même si d’autres gouvernements occidentaux dont des citoyens se trouvent au camp de Guantánamo ont fait de telles demandes. Toujours selon les câbles diffusés par WikiLeaks, le directeur duService canadien du renseignement de sécurité(SCRS) aurait déclaré que la publication des vidéos des interrogatoires d’Omar Khadr mènerait à « de l’antiaméricanisme viscéral » et créerait « une crise d’indignation, une spécialité canadienne ».
En janvier 2010, la Cour suprême tranche à nouveau en défaveur du gouvernement en déclarant que les interrogatoires de Guantánamo ont violé les droits constitutionnels d’Omar Khadr. La cour, concluant que les agents du SCRS qui ont pris part aux interrogations ont « contrevenu aux normes canadiennes les plus élémentaires quant aux traitements à accorder aux suspects adolescents détenus », interdit aux autorités canadiennes toute interrogation future. La cour refuse cependant d’exiger le rapatriement d’Omar. Conséquemment, Ottawa demande aux États-Unis de ne pas utiliser les preuves recueillies pendant les interrogatoires dans leur poursuite contre Omar Khadr.
Défenseurs
À la suite d’une visite d’un des avocats canadiens d’Omar Khadr à la King’s University College, àEdmonton, un groupe de professeurs, avec Arlette Zinck à leur tête, commence à correspondre avec Omar Khadr tandis qu’il est à Guantánamo. Ils préparent un programme scolaire spécialement pour lui et ils lui offrent du tutorat à distance. Puis, après son transfert à une prison d’Edmonton la même année, les professeurs lui offrent des leçons privées en personne. L’université lui offre par la suite un placement à temps plein dont il pourrait profiter après sa libération de prison.
Des groupes comme Free Omar Khadr Now et Amnistie internationale se portent aussi à sa défense. Ces groupes critiquent le fait que le gouvernement fédéral se serve d’Omar Khadr comme d’un modèle pour prouver son attitude ferme et sans pitié contre le terrorisme. Ils s’en prennent aussi aux médias qui le présentent comme un criminel de guerre, surtout en regard de la faible légitimité de la commission militaire américaine qui finit par le condamner.
Commission militaire
Pour engager des poursuites judiciaires contre les personnes que le président américain George W. Bush appelle « les pires parmi les pires », les États-Unis décident de ne pas passer par les tribunaux civils et de mettre sur pied des commissions militaires pour juger les prisonniers du camp de Guantánamo, y compris Omar Khadr. Les commissions sont basées sur le système bien connu des cours martiales, mais des groupes de défense des droits de la personne ainsi que des groupes de juristes, et même la Cour suprême des États-Unis, les critiquent pour leur manque de diligence dans l’application des procédures et pour la criminalisation rétroactive de certains comportements. De plus, les commissions ne font pas la distinction entre les enfants et les adultes et permettent la détention à perpétuité même après un acquittement.
En octobre 2010, Omar Khadr plaide coupable à cinq chefs de crimes de guerre devant une commission militaire en échange d’une peine d’emprisonnement supplémentaire de huit ans. Il signe une très longue déposition dans laquelle il admet avoir tué le sergent Christopher Speer, avoir tenté de tuer le sergent Layne Morris et être un membre d’Al-Qaïda. Il déclare par la suite que la reconnaissance de sa culpabilité, fortement conseillée par ses avocats, était la seule façon pour lui de retourner au Canada. En effet, les États-Unis avaient le pouvoir de le maintenir prisonnier à Guantánamo, et ce, même après un acquittement.
Transfert au Canada
La négociation de plaidoyer d’Omar Khadr prévoit qu’il pourra être transféré au Canada pour purger les huit dernières années de sa peine après avoir purgé une dernière année à Guantánamo. Avant que cette entente soit conclue, le gouvernement canadien se montre favorable à ce transfert. Cependant, les années passent sans que le transfert ne se réalise. Les Américains accusent le Canada de prendre son temps, tandis que le Canada prétend que les Américains n’ont pas rempli les formulaires nécessaires. Quoi qu’il en soit, le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, signe finalement l’autorisation de rapatriement et Omar Khadr est transféré au Canada en vertu de laLoi sur le transfèrement international des délinquantsen septembre 2012.
Les autoritéspénitentiairescanadiennes confèrent immédiatement à Omar Khadr la cote de délinquant à sécurité maximale en dépit du fait qu’il était considéré comme un prisonnier à sécurité minimale à Guantánamo et qu’il n’y ait jamais causé de problèmes. Il est incarcéré à la Millhaven Institution, dans l’est de l’Ontario. Le statut de délinquant à sécurité maximale d’Omar Khadr, qui détermine ses conditions de détention ainsi que ses chances de libération conditionnelle, est remis en question sans succès par l’ombudsman des prisons fédérales.
En réponse à toutes les questions au sujet d’Omar Khadr, le gouvernementconservateurinvoque presque exclusivement une série de messages préparés pour les médias qu’il répète au cours des années suivantes : « Omar Khadr a plaidé coupable à des crimes très graves. Il est primordial que nous continuions de contester toutes les demandes de réduction de la peine qu’il purge pour avoir commis ces crimes odieux qui sont formulées devant les tribunaux. » Ce message a aussi été formulé de la façon suivante : « Omar Khadr a plaidé coupable à des crimes odieux, y compris le meurtre d’un infirmier de l’armée américaine, le sergent Christopher Speer. Nous contestons vigoureusement toutes ses requêtes de réduction de la peine qu’il purge pour avoir commis ces crimes ».
En avril 2013, le gouvernement fédéral procède à une intervention spéciale et annule une décision du directeur de la prison de Millhaven qui avait autorisé laPresse canadienneà interviewer Omar Khadr. Les avocats d’Omar Khadr prétendent que cette intervention fait partie de la stratégie du gouvernement de le diaboliser et de le présenter comme un terroriste endurci. Le gouvernement justifie l’interdiction en prétendant qu’elle a été imposée pour préserver la sécurité d’Omar Khadr et de la prison.
En tant que détenu à sécurité moyenne, Omar Khadr est transféré à la Edmonton Institution en mai 2013, puis à la Bowden Institution à Innisfail, enAlberta, en février 2014. L’ombudsman des prisons fustige encore une fois le gouvernement, qui refuse toujours d’octroyer à Omar Khadr la cote de détenu à sécurité minimale. Plus d’un an plus tard, en avril 2015, le Service correctionnel du Canada octroie à Omar Khadr la cote de détenu à sécurité minimale.
Statut de jeune délinquant
En septembre 2013, les avocats d’Omar Khadr soutiennent devant les tribunauxalbertainsque la peine de huit ans rendue à leur client ne peut être interprétée que comme une peine pour adolescents en vertu de laLoi sur le transfèrement international des délinquants. (La commission militaire ne fait pas la distinction entre les adolescents et les adultes.) Son statut d’adolescent obligerait le gouvernement à le traiter comme un jeune contrevenant et à le faire purger sa peine dans un établissement provincial. Le gouvernement fédéral conteste cette demande. Il soutient qu’Omar Khadr a reçu cinq peines simultanées de huit ans, dont quatre étaient des peines d’adulte, ce qui signifie qu’il doit être emprisonné dans un pénitencier pour adultes. Sans s’y exprimer, Omar Khadr se présente en cour pour assister au débat. Il s’agit de sa première apparition publique depuis sa capture.
Presque un mois plus tard, le juge albertain John Rooke donne raison à Ottawa. Omar Khadr fait appel de la décision. Dans un jugement très clair rendu en juillet 2014, la Cour d’appel de l’Alberta déclare que la peine d’Omar Khadr ne pouvait être interprétée que comme une peine pour adolescents. Le gouvernement fédéral demande à laCour suprême du Canadade se pencher sur la question; celle-ci y consent. Chose pour le moins inhabituelle, le plus haut tribunal canadien confirme le statut d’adolescent d’Omar Khadr en vertu de la loi canadienne seulement 30 minutes après avoir entendu le dernier témoignage, le 14 mai 2015.
Libération sous caution
En mars 2015, les avocats d’Omar Khadr se tournent à nouveau vers les tribunaux albertains pour argumenter que leur client devrait être libéré sous caution en attendant l’issue de l’appel de sa condamnation pour crimes de guerre devant les tribunaux aux États-Unis. Ils soutiennent que l’appel de leur client semble s’éterniser et que la décision pourrait ne pas être rendue avant la fin de sa peine en octobre 2018. Ils avancent aussi qu’Omar Khadr, maintenant âgé de 28 ans, est depuis longtemps un prisonnier modèle. Le gouvernement s’oppose à leur demande.
Le 24 avril 2015, la juge June Ross tranche en faveur d’Omar Khadr. Elle demande aux deux parties d’être de retour au tribunal le 5 mai pour établir les termes de la libération provisoire. Le matin du 5 mai, le gouvernement demande un sursis des procédures à la suite de la décision de la juge June Ross de libérer provisoirement Omar Khadr dans l’attente de l’issue de son appel. Myra Bielby, juge à la Cour d’appel de l’Alberta, demande deux jours pour étudier la requête du gouvernement, mais déclare que les deux parties doivent malgré tout se présenter devant la juge June Ross en après-midi pour déterminer les conditions de la libération. Le 7 mai, la juge Myra Bielby rejette la demande de sursis des procédures du gouvernement. Quelques heures plus tard, Omar Khadr est libéré sous caution et ses conditions de libération stipulent notamment qu’il doit porter un bracelet de localisation électronique et habiter chez son avocat Dennis Edney.
ÀEdmonton, à l’extérieur de la maison de Dennis Edney, Omar Khadr profite de la première occasion qu’il a de parler librement aux médias pour supplier le public de lui donner une chance. Il tient aussi à répondre aux allégations du gouvernement deStephen Harperqui le peignent comme un djihadiste dangereux : « Je vais sûrement le décevoir, car je suis une meilleure personne qu’il ne le croit ». La réponse de Stephen Harper est conséquente avec ses déclarations antérieures : « Monsieur Khadr, comme nous le savons, a plaidé coupable à des accusations de crimes très graves, dont un meurtre. La priorité de notre gouvernement a toujours été d’assurer, d’abord et avant tout, la protection et la sécurité de la population canadienne ».
Appel en cours
En juin 2015, un tribunal civil américain annule la condamnation d’Hamza al-Bahlul, un autre détenu de Guantánamo, ce qui donne un nouvel élan à la demande d’appel de la condamnation d’Omar Khadr pour crimes de guerre aux États-Unis. Le tribunal fédéral américain déclare que les crimes pour lesquels Hamza al-Bahlul a été condamné n’étaient pas considérés comme des crimes de guerre à l’époque où ils ont été commis et donc que la commission militaire n’avait pas l’autorité nécessaire pour le juger. L’appel d’Omar Khadr s’appuie sur des arguments juridiques similaires, ce qui incite ses avocats à déclarer que les charges retenues contre leur client devraient être annulées. L’appel est toujours en cours en date de juillet 2019.
Excuses et indemnisation
Omar Khadr poursuit aussi le gouvernement canadien pour violation de ses droits constitutionnels au moment des interrogations menées par les agents à Guantánamo et de la remise des preuves au gouvernement américain. En 2014, un juge de laCour fédérale du Canadalui permet d’élargir la poursuite au civil de 10 millions de dollars qu’il a intentée en 2004. La poursuite, qui totalise aujourd’hui 20 millions de dollars, a été élargie pour alléguer que le Canada a comploté avec les États-Unis pour violer les droits constitutionnels d’Omar Khadr. Le gouvernement, à l’origine, se défend contre celle-ci.
En 2017, le gouvernement libéral du premier ministreJustin Trudeau règle la poursuite Khadr en présentant des excuses à ce dernier et en le dédommageant pour ce que les ministres du Cabinet décrivent comme un « acte répréhensible de la part des représentants canadiens […] Les droits d’un citoyen canadien, garantis par laCharte, ont été violés, et le gouvernement canadien n’a d’autre choix que d’y remédier. »
Des excuses officielles sont présentées le 7 juillet 2017. Bien que le montant de l’indemnisation ne soit pas divulgué officiellement, on parle dans les médias d’une somme de 10,5 millions de dollars versée à Omar Khadr et ses avocats.
L’indemnisation d’Omar Khadr n’est pas sans soulever les passions. Des Canadiens, de même que de nombreux commentateurs politiques, critiquent le gouvernement pour avoir indemnisé, à grand renfort de millions de dollars, un ancien terroriste. Nombreux sont ceux qui réclament la restitution de la somme versée à Omar Khadr à la famille du sergent américain Christopher Speer. Les avocats de cette dernière cherchent à exécuter, au Canada, une décision d’un montant de 134 millions de dollars US pour mort injustifiée contre Omar Khadr, décision initialement rendue en 2015 par un tribunal américain.
Les ministres du gouvernement libéral déclarent que la décision de 2010 de laCour suprêmeconcernant Omar Khadr signifiait qu’Ottawa devrait dépenser plusieurs millions
pour sa défense dans un tel procès, avec une mince probabilité de succès. C’est ce qui l’incite à privilégier des excuses assorties d’une indemnisation financière. Certains observateurs applaudissent ce règlement, estimant qu’il confirme l’État de droit
et la Charte des droits, lesquels doivent être accessibles à tous les Canadiens. Andrew Scheer, chef de l’opposition conservateur, dénonce quant à lui ce paiement, invoquant que le rapatriement d’Omar Khadr de Guantánamo en 2012 suffisait et qu’il devrait
constituer une indemnisation adéquate relativement à la violation de ses droits garantis par la Charte.
En juillet 2017, Omar Khadr s’adresse ainsi aux médias : « J’espère sincèrement que tout ce qui se véhicule à propos du règlement ou des excuses du gouvernement ne cause de tort à personne. Si c’est le cas, j’en suis réellement désolé. Je ne suis pas un terroriste endurci. Nous faisons tous des choses que nous regrettons par la suite. Pour l’instant, je ne peux que me concentrer sur le présent et tout mettre en œuvre pour devenir un membre productif de la société. »
Expiration de la peine
En mars 2019, un juge albertain conclut qu’Omar Khadr a fini de purger sa peine de crime de guerre, bien qu’il a été libéré sous caution en 2015. Si Khadr était resté sous garde, sa peine aurait expiré en octobre 2018. Cependant, lorsqu'il a été libéré sous caution à la suite d’un appel de sa condamnation militaire, le délai a été interrompu. Malgré ce fait, la juge en chef Mary Moreau décide que le temps que Khadr avait passé en liberté conditionnelle (une période de près de quatre ans) peut être déduit de sa peine de huit ans. Elle conclut que les conditions de sa libération sont semblables à celles auxquelles il aurait fait face dans le cadre de la Loi sur la justice pénale pour les adolescents s’il avait purgé sa peine dans la communauté. En vertu de la même Loi, la décision de la juge Moreau est finale et ne peut être abrogée. Dans le contexte de cette décision, toutes les restrictions de liberté sont éliminées.