Petite Italie de Montréal | l'Encyclopédie Canadienne

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Petite Italie de Montréal

Fruit de deux cohortes majeures d’immigration italienne au Canada (l’une de 1880 à la Première Guerre mondiale, l’autre de 1950 à 1970), la communauté italienne de Montréal se rassemble dès 1910 au sein de la paroisse Notre-Dame-de-la-Défense. Ce quartier de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie est situé le long du boulevard Saint-Laurent et délimité par les rues Saint-Zotique et Jean-Talon.

Toujours au cœur de la vie communautaire et culturelle de la communauté italo-canadienne de Montréal, la Petite Italie (Piccola Italia) se distingue par ses édifices aux caractéristiques architecturales et décoratives remarquables. Elle abrite aussi une véritable institution du paysage urbain montréalais, le marché Jean-Talon.

Petite Italie de Montréal

Historique de la Petite Italie

Première cohorte d’immigration italienne

Vers la fin des années 1860, on trouve une cinquantaine de familles italiennes à Montréal. Originaires surtout du nord de l’Italie, ces immigrants sont principalement des commerçants, des artisans professionnels et des musiciens.

Vers 1880, des immigrants en provenance du sud de l’Italie s’établissent dans les actuels quartiers chinois et latin de Montréal. Rapidement, ils se dirigent vers le nord de la ville et construisent des habitations sur des terres jusqu’alors utilisées pour l’agriculture. Ils travaillent à l’entretien et la construction des chemins de fer du Canadien Pacifique et de la Compagnie du Grand Tronc. Lors du recensement de 1901, près de 1400 Montréalais sont d’origine italienne. Dix ans plus tard, en 1911, ils sont 7000.

C’est d’ailleurs au début des années 1900 que certains immigrants italiens s’installent de façon permanente de part et d’autre de la gare du Mile-End située près du boulevard Saint-Laurent et de la rue Bernard. Accessible par tramways, le secteur a l’avantage de comprendre des terrains assez grands pour y entretenir de petits potagers. Déjà à l’époque, les cafés et les restaurants se multiplient dans le quartier, permettant à ses habitants de perpétuer en terre d’Amérique les saveurs traditionnelles de l’Italie.

Notre-Dame-de-la-Défense

En 1910, la paroisse Notre-Dame-de-la-Défense (Madonna della Difesa) est fondée. Bien vite, elle regroupe des établissements d’éducation, d’assistance mutuelle et de loisirs, et devient le cœur de la vie sociale du quartier. C’est dans cette paroisse italienne, la plus ancienne au Canada, que s’élève la magnifique église Notre-Dame-de-la-Défense, construite en 1919 et inaugurée en 1927. La décoration intérieure est réalisée dans un style néo-renaissance par le célèbre maître verrier Guido Nincheri, qui est aussi co-architecte du bâtiment. (Voir Architecture religieuse.) Cette église a été désignée par le gouvernement canadien comme lieu historique national en 2002.

Église de la Petite Italie de Montréal

Vie économique

Différentes industries se développent dans le quartier principalement le long de la voie ferrée, telles que l’usine bien connue de Catelli ou encore les ateliers de la Montreal Street Railways. On y trouve aussi plusieurs petits commerces, particulièrement des épiceries dont le nombre double entre 1911 et 1916.

Marché Jean-Talon

Ainsi regroupés, les Italiens développent un sentiment d’appartenance qui ne cesse de croître. Curieusement, la crise économique des années 1930 permet au quartier de se développer. Plusieurs grands travaux publics sont amorcés. Les anciens terrains de crosse Shamrock deviennent le site du Marché du Nord (aujourd’hui le marché Jean-Talon). C’est en 1934 qu’est officiellement inauguré ce célèbre marché montréalais. Regroupant à ses débuts des agriculteurs venus vendre leurs denrées, il devient, au fil des ans, l’un des plus importants marchés en plein air en Amérique du Nord.

C’est aussi à cette période que la gare Mile-End est remplacée par la nouvelle Park Avenue Station (maintenant la station Jean-Talon) pour le transport des passagers. (Voir Métro de Montréal.) Les carrières de pierre sont remplacées par des édifices municipaux et on voit l’émergence de plusieurs cinémas de quartier. En 1936, on construit au cœur du quartier un bâtiment Art déco, La Casa d’Italia, fleuron de la communauté italienne. Lieu de rassemblement social de la communauté italienne, ce célèbre bâtiment a subi une cure de rajeunissement en 2009. Il abrite désormais un centre d’archives, une bibliothèque et un économusée sur l’immigration italienne de même qu’une salle de 160 places pour accueillir différents événements.

Marché Jean-Talon, Montréal

Seconde cohorte d’immigration italienne

Après la Deuxième Guerre mondiale, entre 1946 et 1960, la majorité de l’immigration italienne est composée d’agriculteurs venus d’Europe. Ceux-ci s’installent autour du Marché Jean-Talon et de l’Église Notre-Dame-de-la-Défense. Ce regroupement de 150 000 familles au milieu des années 1950 donne véritablement naissance à la Petite Italie.

Entre 1961 et 1975, l’immigration italienne se diversifie et le Québec accueille des travailleurs du secteur manufacturier et de la construction. Malgré la baisse du flux migratoire italien dans les années 1970, la population italienne demeure néanmoins le troisième groupe d’origine européenne le plus important sur l’île de Montréal.

Peu à peu, certaines familles quittent la Petite Italie pour d’autres quartiers ou municipalités tels que Villeray, Saint-Léonard, La Salle et Rivière-des-Prairies. Malgré tout, la Petite Italie s’enrichit de nouveaux arrivants en provenance d’Haïti et d’Amérique latine, devenant un lieu véritablement cosmopolite. (Voir Canadiens d’origine antillaise; Canadiens d’origine latino-américaine.)

Vie communautaire et culturelle

Bien que la plupart des Italo-Montréalais habitent désormais en dehors des limites de la Petite Italie (dont 28 000 à Saint-Léonard), le quartier demeure au cœur de leur vie communautaire et culturelle. C’est là qu’ils y célèbrent la fête du Grand Prix (juin) et la Semaine italienne de Montréal (août) où une foule multicolore se donne rendez-vous pour festoyer, regroupée autour des différentes associations locales. Les tournois de soccer, les expositions, les projections de films, les défilés de mode, les représentations musicales, les ateliers de cuisine, les dégustations culinaires et vinicoles s’y succèdent, et ce, au plus grand plaisir des Montréalais.

Le touriste en visite dans le quartier remarque deux grandes arches qui en indiquent clairement les limites. Il y règne une atmosphère distinctement italienne, notamment en raison des nombreux drapeaux italiens qui flottent fièrement dans les rues, mais aussi de la consonance linguistique des enseignes italiennes de plus de 70 boutiques. On y découvre de nombreux cafés, des trattorias, de petites épiceries et une population qui gravitent autour de la magnifique église Notre-Dame-de-la-Défense et du marché Jean-Talon. Quant aux joueurs de bocce (variante italienne du jeu de pétanque), ils se donnent rendez-vous pour disputer une partie au parc Dante inauguré en 1963.


Héritage

De nombreux cinéastes ont voulu mettre l’esprit de la Petite Italie en vedette. Dans Dimanche d’Amérique (1961), un des premiers documentaires réalisés par Gilles Carle, on découvre la communauté italienne de Montréal à travers ses loisirs et ses activités dominicales. Caffè Italia (1985) de Paul Tana dresse pour sa part un portrait attachant de cette communauté qu’on découvre à travers des lettres et des reconstitutions dramatiques. En 2009, Giovanni Princigalli propose dans J’ai fait mon propre courage (Ho fatto il mio coraggio), le récit des migrants italiens qui ont quitté la vie agricole de l’Italie du Sud dans les années1950 pour aller travailler dans les usines de Montréal.

Si plusieurs édifices de ce quartier sont remarquables tant en ce qui a trait à leur architecture, à leur histoire qu’à leur rôle dans la communauté, certains de ses lieux sont devenus des emblèmes du paysage montréalais. C’est le cas du marché Jean-Talon, encore aujourd’hui très populaire. Le marché est si important qu’il a été immortalisé sur les murs du métro de Montréal. En effet, en 1983, lors de la construction de la ligne bleue, l’artiste Jean-Charles Charuest a réalisé à partir de ses expériences au marché, une série de 30 bas-reliefs pour la station De Castelnau.

Lecture supplémentaire

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