Joseph Howe et la presse de la Nouvelle-Écosse | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Joseph Howe et la presse de la Nouvelle-Écosse

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Le 1er janvier 1835 est devenu un jour mémorable à la fois pour Joseph Howe et pour la Nouvelle-Écosse. Ce jour-là, le journal de Howe, le Novascotian, publie une lettre accusant les magistrats et la police d'avoir prélevé illégalement 30 000 £ «des poches des gens pauvres et en détresse».

La lettre est signée par «le peuple» mais, en fait, elle a été rédigée par George Thompson, un ami de Howe. En la publiant, Howe jette le gant aux magistrats, ne leur laissant que deux options désagréables : l'ignorer, ce qui revient à plaider coupables devant le tribunal de l'opinion publique, ou poursuivre Howe en justice, au risque de provoquer des révélations dangereuses.

Les magistrats choisissent la seconde option. Howe refuse de divulguer le nom de l'auteur. C'est donc lui qui est accusé de ruse malveillante, malicieuse et séditieuse pour avoir soulevé le mécontentement et provoqué la sédition. Dans les faits, compte tenu de la loi de l'époque, l'issue du procès est presque certaine. Tous les avocats que Howe consulte lui prédisent qu'il va perdre. Dans les causes en diffamation, la vérité n'était pas défendue comme aujourd'hui.

Malgré ses échecs, beaucoup le considèrent comme le plus illustre des Néo-Écossais (Notman Archives, avec la permission du Musée McCord).

Howe décide d'assurer sa propre défense. Brillant autodidacte, il connaît très bien l'œuvre de Shakespeare et croit pouvoir persuader un jury de l'acquitter.

La salle d'audience est pleine à craquer et on y étouffe comme dans un four. Le procès se déroule sous la présidence du juge Brenton Haliburton, que Howe a particulièrement attaqué dans son journal.

(Howe sait qu'il s'est moqué, à ses risques, des notables et puissants d'Halifax et qu'il y a de fortes chances qu'on le récuse, voire qu'on lui tire dessus. Plus tard, il se battra en duel contre John, le fils d'Haliburton. Ils s'affronteront à Point Pleasant le 14 mars 1840. John tirera le premier et manquera son adversaire, et Howe videra son pistolet en l'air.)

La Couronne présente rapidement sa cause. Howe entame sa défense en exprimant tout son mépris pour ses accusateurs. Il prétend que ses critiques avaient pour but de «préserver la paix» et non de la troubler. Il accuse différents magistrats de petits larcins, de vendre des effets de piètre qualité à des prix exorbitants et de prélever de faux frais et des amendes exagérées.

Après chacune de ses accusations, Howe demande au jury : «Messieurs, avec une telle preuve entre les mains, pouvais-je pu me permettre de refuser la publication de cette lettre?» Peu habitué à parler en public, Howe s'avère ici un orateur accompli et fait monter les larmes aux yeux des jurés. Le juge demande aux spectateurs de ne pas applaudir et explique au jury qu'il est de son devoir de revenir avec un verdict de culpabilité. Ce dernier ignore le juge - et la loi - et déclare Howe innocent après seulement dix minutes de délibération.

Pendant un moment, l'assistance retient son souffle, puis laisse éclater son approbation. La célébration prend à Halifax une ampleur sans précédent. Howe proclame que c'est la victoire de la liberté de presse, mais cette vision est exagérée. Les jurys n'ont pas le pouvoir de changer la loi. Néanmoins, le verdict provoque une grande pagaille dans l'establishment local, et ceux qui avaient été montrés du doigt démissionnent. C'est aussi le début de la longue et remarquable carrière politique d'Howe.

Il est élu pour la première fois en 1836 sur ce message simple : «Tout ce que nous demandons, c'est ce qu'on trouve chacun chez soi - un système de responsabilité envers les gens.» Howe n'est pas un radical ni même un réformateur libéral. Il surpasse même le conservateur le plus enragé dans sa dévotion envers la Grande-Bretagne. Pourtant, c'est en grande partie grâce à lui que la Nouvelle-Écosse devient la première colonie à mettre en place un gouvernement responsable. Cependant, Howe doit payer le prix de sa conduite excessive, et l'honneur de diriger ce gouvernement revient à James Boyle Uniake.

Howe s'oppose au projet de Confédération qui, selon lui, mènera à la perte de l'indépendance et à la ruine économique de la Nouvelle-Écosse. De fait, ses prédictions selon lesquelles les hausses de prix sous le nouveau système seront désastreuses pour la Nouvelle-Écosse se révèlent tout à fait justes. En 1868, il dirige une délégation à Londres pour faire abolir la Confédération. Il cède finalement aux offres alléchantes de sir John A. Macdonald et se joint au gouvernement fédéral.

Howe est resté célèbre pour son exubérance irrésistible et pour l'incroyable énergie qu'il a mis au service du bien-être de sa province natale. Pour lui, sa plus belle réussite aura été de faire en sorte que compatriotes lèvent les yeux «du petit bourbier trivial de la politique à leurs pieds vers quelque chose de plus noble, exigeant et inspirant.»