Jean Paul Lemieux | l'Encyclopédie Canadienne

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Jean Paul Lemieux

Jean Paul Lemieux, C.C., G.O.Q., peintre, illustrateur, critique, enseignant (né le 18 novembre 1904 à Québec, au Québec; décédé le 7 novembre 1990 à Montréal, au Québec).
Le visiteur du soir
Huile sur toile de Jean-Paul Lemieux, 1956 (avec la permission de la National Gallery of Canada/Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa).\r\n \r\n
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Jean-Paul Lemieux, 1956, huile sur toile (avec la permission du Musée des beaux-arts du Canada).

Jean Paul Lemieux, C.C., G.O.Q., peintre, illustrateur, critique, enseignant (né le 18 novembre 1904 à Québec, au Québec; décédé le 7 novembre 1990 à Montréal, au Québec). Compagnon de l’Ordre du Canada, Jean Paul Lemieux est largement considéré comme l’un des plus importants artistes québécois du XXe siècle. On décrit souvent son univers artistique comme fait de paysages nordiques et d’espaces plats, dénudés et infinis; toutefois, cette orientation ne constitue que l’une des caractéristiques d’un travail aux multiples aspects.

Formation et début de carrière

En 1914, durant l’un des étés que la famille passe à Kent House, un centre de villégiature à 12 km de Québec surplombant la chute Montmorency, Jean Paul Lemieux, alors âgé de 10 ans, rencontre un artiste américain qui travaille à de grandes peintures destinées à la restauration de l’un des pavillons de l’hôtel. Cet été‑là, le jeune garçon commence à faire des croquis et réalise sa première aquarelle.

Après avoir quitté la capitale provinciale pour Berkeley en Californie, la famille Lemieux revient au Québec en 1917, cette fois à Montréal. Là, Jean Paul Lemieux suit des cours au Collège Mont‑Saint‑Louis puis au Collège Loyola. En 1926, il commence à prendre des leçons auprès du peintre impressionniste canadien Marc‑Aurèle de Foy Suzor‑Coté. Les cours se déroulent dans la maison du célèbre sculpteur Alfred LalibertéMaurice Cullen, Robert Pilot et Edwin Holgate ont également leur studio.

À l’automne 1926, Jean Paul Lemieux s’inscrit à l’École des beaux‑arts de Montréal, et étudie auprès d’Edwin Holgate. Alors qu’il est à l’École, où le programme, classique et antimoderniste, met l’accent sur les compétences traditionnelles comme le dessin, la peinture figurative et la sculpture, il rencontre un condisciple, le peintre Paul‑Émile Borduas, qui sera plus tard l’un des auteurs du célèbre manifeste du Refus global et l’un des pionniers de la peinture abstraite au Canada. Durant cette période, il noue également de solides amitiés avec Francesco Iacurto, Jean Palardy et le poète Hector de Saint‑Denys Garneau. Il étudie à l’École des beaux‑arts de Montréal de 1926 à 1934, avec une interruption consacrée à un voyage à Paris. Après avoir enseigné à l’École du meuble, il devient professeur à l’École des beaux‑arts de Québec en 1937 où il restera jusqu’en 1965. Son travail s’inspire de Québec et de L’Isle aux Coudres dans la région de Charlevoix pour laquelle il a une affection toute particulière. Ses premières œuvres rendent compte de la vie quotidienne; il s’agit notamment de portraits de proches et de peintures de paysages familiers. Il expose pour la première fois en 1931 à l’occasion de l’exposition annuelle de printemps de l’Art Association of Montreal. En 1934, il remporte le prix William‑Brymner réservé aux artistes de moins de 35 ans. En 1935, il commence à participer aux expositions annuelles de l’Académie royale des arts du Canada.

Non content d’exercer comme peintre et comme enseignant, Jean Paul Lemieux poursuit également une carrière de critique d’art, rédigeant ses textes aussi bien en français qu’en anglais. À compter de 1935, il écrit des articles pour différentes publications, notamment Le Jour, Regards, Maritime Art et Canadian Art. Il est le premier critique franco‑canadien à s’intéresser, dans ses articles, à l’art abstrait, qu’il rejette toutefois comme une abdication de la responsabilité de l’artiste qui se doit, selon lui, de traiter de sujets importants; il restera d’ailleurs un artiste figuratif jusqu’à la fin de sa carrière. Il est également l’un des rares, parmi ses pairs, à faire preuve d’ouverture vis‑à‑vis de l’art américain.

Milieu de carrière

Dans les années 1940, les tableaux les plus marquants de Jean Paul Lemieux, comme Lazare en 1941 et La Fête‑Dieu à Québec en 1944, peints délibérément à la manière de fresques primitivistes, visent à incarner sur la toile les attitudes des Québécois ordinaires. À cette époque, son organisation de l’espace et du sujet est influencée par l’école primitiviste italienne et par l’art populaire québécois ancien qu’il collectionne insatiablement. Au début des années 1950, sa peinture commence à être largement reconnue. Les Ursulines, une œuvre de 1951 représentant six religieuses à l’aspect austère étroitement rassemblées au premier plan du tableau avec, derrière elles, le couvent placé sur une sorte de petit promontoire en pente raide, remporte le premier prix lors du Concours artistique de la province de Québec en 1952. Cependant, après un voyage en France en 1954 grâce à une bourse de la Société royale du Canada, Jean Paul Lemieux se détache de ses influences folkloriques et, peu à peu, propose un traitement plus épuré de ses sujets dans un style plus géométrique. Il ne s’agit toutefois pas de géométrie figée, puisque les lignes vibrent encore et que les couleurs sont soit transparentes, soit pastel. En 1959, il peint deux huiles sur toile marquant nettement cette évolution stylistique : dans Le Train de midi, de vastes espaces s’ouvrent et dans L’été à Montréal, des formes géométriques hiératiques se découpant sur la ligne d’horizon, à la fois intégrées à l’arrière‑plan et s’en détachant nettement, évoquent un monde de rêve et de souvenirs.

Dès la fin des années 1950 et durant toute la décennie 1960, la réputation de Jean Paul Lemieux ne cesse de croître de façon spectaculaire aussi bien au pays qu’à l’étranger. Des expositions exclusives lui sont consacrées à Vancouver, à Toronto, à Montréal et à Québec, et ses œuvres sont incluses dans quatre expositions biennales du Musée des beaux‑arts du Canada. Ses tableaux sont intégrés à des expositions d’art canadien à la Biennale de Sao Paulo, à l’Exposition internationale de Bruxelles, au Museum of Modern Art de New York, à la Tate Gallery de Londres et au Musée Galliera à Paris et il représente, en outre, le Canada lors de la Biennale de Venise en 1960 en compagnie d’œuvres d’Edmund Alleyn, de Graham Coughtry, de Frances Loring et d’Albert Dumouchel. En 1968, il est fait Compagnon de l’Ordre du Canada.

Dernière partie de carrière

Alors que les tableaux de Jean Paul Lemieux sont, dans les années 1960, empreints d’une sérénité classique, à compter de 1970 et jusqu’à la fin de sa vie, il se tourne vers un style nettement plus expressionniste, une période marquée par des œuvres souvent sombres et tourmentées dans lesquelles il traite notamment de la guerre, de la possibilité d’un cataclysme nucléaire et, plus généralement, du futur de l’humanité. Dans Dies Irae, une œuvre datant de 1982‑1983, on voit par exemple, de dos, une rangée de soldats en tenue de combat faisant face à ce qui semble être une foule en colère de laquelle ils sont séparés par une étendue neigeuse. Angoisse, une œuvre de 1988, montre une mère et son fils, côte à côte à l’extérieur dans la nuit, bouches bées, les yeux remplis d’une extrême terreur, le garçon couvrant ses oreilles avec ses mains. Cependant, les œuvres expressionnistes de Jean Paul Lemieux n’ont pas reçu le même accueil critique et n’ont pas obtenu le même succès commercial que les travaux de sa période précédente. Néanmoins, deux ans après sa mort en 1990, il a fait l’objet d’une rétrospective extrêmement complète au Musée national des beaux‑arts du Québec.

Souvent méditatif et sérieux, l’art de Jean Paul Lemieux peut aussi parfois être humoristique et lyrique, comme dans ses illustrations des livres de Gabrielle Roy. Ses œuvres sont régulièrement exposées au Canada et à l’étranger, et il a peint les portraits de nombreuses personnalités. En 1985, il a publié une édition bilingue limitée d’une collection d’œuvres, une pour chaque province et territoire, intitulée Canada‑Canada.

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