Les Inuits du Labrador (ou Labradormiuts) sont les descendants des premiers Inuits (culture de Thulé) et ont de tout temps occupé la majorité de la côte Atlantique du nord du Labrador. En 2005, les Inuits du Labrador ont célébré la promulgation du premier gouvernement du Nunatsiavut, un gouvernement régional autonome inuit, fruit de trois décennies de négociations sur les revendications territoriales avec le gouvernement fédéral.
Origines culturelles
Les Labradormiuts sont les descendants directs la culture des premiers Inuits (Thulé), un peuple originaire d’Alaska qui s’est répandu vers l’est en direction de l’Arctique canadien vers l’an 1000 de notre ère. Suivant les migrations des baleines et des phoques du Groenland, les premiers Inuits du Labrador voyagent vers le sud le long de la côte du Labrador jusqu’au détroit de Belle Isle. Quelques-uns vont encore plus loin au sud et atteignent le golfe du Saint-Laurent. Bien que vivant plus au sud que la plupart des autres groupes, les Inuits du Labrador partagent la langue et l’héritage culturel des Inuits habitant les régions circumpolaires du Canada, de l’Alaska, du Groenland et de la côte nord-est de la Sibérie.
Économie traditionnelle
Par tradition, les premiers Inuits tirent leur subsistance de la mer. Entre la mi-juin et la mi-décembre, quand les eaux côtières sont libres de glace, les hommes chassent le morse, le béluga et le phoque à bord de leurs kayaks. À la fin de l’automne, ils chassent la baleine boréale dans leurs umiaks, des embarcations à pont ouvert revêtues de peaux. Pendant l’hiver, ils chassent les phoques au bord des glaces. Leurs grandes maisons d’hiver sont faites de terre, de pierre, de bois et d’os de baleine et sont en général partagées par plusieurs familles.
Contact avec les Européens
Les Inuits du Labrador entrent en contact avec les missionnaires, les explorateurs, les pêcheurs et les baleiniers européens dans le sud du Labrador à la fin du XVI e siècle. Les baleiniers basques venant d’Espagne installent des camps dans le sud du Labrador. Ils y extraient l’huile des baleines, qu’ils ramènent en Europe entre le début de l’été et la fin automne, avant le retour des glaces. Pendant l’hiver, les Inuits visitent les stations baleinières abandonnées dans l’espoir d’y trouver des objets oubliés par les Européens, avec un intérêt particulier pour les outils en métal. Ces objets font ensuite chemin vers le nord par le biais d’un réseau commercial liant plusieurs groupes côtiers.
Après le départ des baleiniers basques dans les années 1620, des pêcheurs français s’installent dans les vieilles stations côtières et en construisent de nouvelles dans le détroit de Belle Isle pendant les XVIIe et XVIIIe siècles. Les Français ont peur des Inuits, et il est donc rare qu’ils commercent avec eux. Des stations isolées sont attaquées par les Inuits, qui sont à leur tour la cible d’expéditions de représailles par les pêcheurs français.
La Grande-Bretagne prend possession du Labrador en 1763, et des pêcheurs venant de Grande-Bretagne et de Nouvelle-Angleterre occupent bientôt les avant-postes autrefois occupés par les Français. Les relations entre Anglais et Inuits commencent du mauvais pied à cause de malentendus fréquents et des conflits qui en découlent. Cependant, cette période voit le commencement d’échanges commerciaux intermittents entre les deux groupes. Les Inuits obtiennent divers produits européens, dont des voiliers en bois, en échange de fanons (les lames cornées qui garnissent les mâchoires de certaines baleines), de peaux de phoque et de graisse de baleine. Avant d’obtenir des armes à feu dans les années 1780, les Inuits du Labrador gardent leurs distances avec les Innus, leurs voisins autochtones qui leur étaient parfois hostiles et qui avaient déjà été armés par des marchands de fourrures Français.
Missionnaires chrétiens
Dans les années 1760, les missionnaires de l’Église morave, une communauté protestante basée en Allemagne, deviennent les premiers Européens à établir une présence plus permanente le long de la côte du Labrador, au nord d’Hamilton Inlet. Dans leurs stations missionnaires, les Moraves commencent à convertir les Inuits au christianisme et leur fournissent des produits européens. Avec la création de ces stations missionnaires, les Inuits n’ont plus à voyager vers le sud du Labrador pour acquérir des produits, ce qui entraîne la fin du style d’échanges de biens entre bandes aux liens étroits qui avaient caractérisé le réseau commercial inuit. Les Moraves connaissent cependant plusieurs années de difficultés financières, et en 1926 toutes leurs opérations commerciales sont transférées à la Compagnie de la Baie d’Hudson.
Le gouvernement britannique appuie l’Église morave en lui octroyant d’immenses territoires sur la côte nord-est, où seront fondés les villages de Nain, d’Okak, de Hopedale et de Hebron. Quand Terre-Neuve rejoint la Confédération en 1949, des organismes gouvernementaux, tant fédéraux que provinciaux prennent en charge les services fournis par la Compagnie de la Baie d’Hudson, et les missions moraves avant eux.
Au fil du temps, la présence européenne change le mode de vie nomade et communale des Inuits. Ceux-ci deviennent plus impliqués dans l’économie commerciale naissante du Labrador. Les Européens amènent aussi avec eux des maladies contagieuses, qui déciment plusieurs communautés inuites dont les survivants migrent vers le sud. La plupart épousent des colons européens et s’intègrent à leur société.
Autonomie
En 1973, la Labrador Inuit Association (LIA) est fondée avec pour objectif de promouvoir la santé et les communautés inuites, et pour négocier les revendications des Inuits du Labrador auprès du Canada et de Terre-Neuve. En 1977, la LIA présente ses revendications territoriales (terrestres et maritimes) dans le nord du Labrador au gouvernement du Canada. Après 17 ans de négociations, les revendications territoriales inuites sont résolues en 1997. En conformité avec l’accord, les Inuits du Labrador obtiennent leur autonomie, mais aussi des droits de surface sur 16 000 km2 de terre, des droits de récolte et des droits partagés sur environ 44 000 km2, et un pourcentage du projet de la baie de Voisey.
Aujourd’hui, le territoire ancestral des Inuits du Labrador est appelé Nunatsiavut, qui veut dire « notre belle terre » en Inuttitut (un dialecte inuktitut). En 2005, le gouvernement du Nunatsiavut est fondé avec le statut de gouvernement régional dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Après la tenue d’élections officielles pour la nouvelle Assemblée du Nunatsiavut en 2006, le Nunatsiavut devient la première région inuite du Canada à obtenir un statut semi-autonome.
Il existe en ce moment cinq gouvernements communautaires inuits au Nunatsiavut : Rigolet, Makkovik, Postville, Hopedale (le centre législatif) et Nain (le centre administratif). Ces gouvernements ont pour devoir de servir les résidents de leurs communautés respectives. Chaque AngajukKâk (membre d’office de l’Assemblée) de chaque gouvernement communautaire représente sa circonscription à l’Assemblée du Nunatsiavut.
Villages Inuits modernes
Après la Deuxième Guerre mondiale, certains Inuits ont quitté la côte et se sont installés à l’intérieur des terres, dont à Happy Valley et à North West River. Plusieurs Inuits ont aussi été déplacés à Nain dans les années 1950, gracieuseté des projets de relogement du gouvernement fédéral. À cause de ces migrations, il n’existe plus aucune communauté inuite permanente sur la côte au nord de Nain. Cependant, plusieurs s’aventurent encore au nord de Nain chaque été pour pêcher l’omble chevalier, une source de revenus respectable pour les Inuits du Labrador modernes. La plupart des Inuits du Labrador vivent maintenant à Nain, à Hopedale et à Makkovik, des villages fondés par les missionnaires moraves en 1771, 1782 et 1896, respectivement.