L’industrie, dans son sens le plus large, désigne l’ensemble des activités économiques mais, pour des raisons pratiques, on la divise en trois secteurs : primaire, secondaire et tertiaire. Le secteur primaire a pour objet l’exploitation des ressources; le secondaire concerne la fabrication industrielle, et le tertiaire est celui des services. Ensemble, ils représentent l’ensemble de l’activité économique du Canada, qui n’a cessé de se complexifier avec le temps. Le Canada est considéré comme un pays « développé », c’est-à-dire qu’il profite, économiquement, d’une base industrielle développée. (Voir aussi Histoire économique; Régionalisme; Économie régionale; Technologie.)
Secteurs
Secteur primaire
Le secteur primaire inclut tous les établissements impliqués dans l’exploitation et la première transformation des ressources naturelles. Ainsi, l’extraction du charbon comprend des acteurs qui brisent, lavent, classent ou préparent d’une façon quelconque le charbon en vue de son utilisation comme combustible. L’exploitation pétrolière et gazière, des métaux précieux et d’autres métaux et la foresterie sont d’autres exemples d’industries œuvrant dans ce secteur.
Secteur secondaire
Le secteur secondaire, aussi appelé industrie manufacturière, rassemble des entreprises manufacturières primaires, c’est-à-dire qui transforment la matière première pour produire le fer et l’acier, les pâtes et papiers, les produits dérivés du pétrole, entre autres, et des installations manufacturières secondaires, qui fabriquent des biens de consommation (comme les vêtements) et des biens d’équipement (qui servent à faire d’autres biens, comme de la machinerie, de l’équipement ou des pièces).
Secteur tertiaire
Le secteur tertiaire, ou secteur des services, regroupe des acteurs des secteurs privés et publics d’une foule de domaines, des services d’alimentation à la Banque du Canada en passant par les blanchisseries. Ces acteurs ne produisent et n’exploitent aucun bien, mais fournissent des services à la population (dont la vente de biens et de marchandises).
Ère coloniale
Le développement industriel est longtemps lié à l’exploitation des nombreuses richesses du Canada, surtout dans les années 1500, ère coloniale où les Européens et les peuples autochtones entrent en contact pour la première fois. Dans les premières années de traite des fourrures et de récolte du poisson dans la région Atlantique, le développement industriel est restreint. En effet, on met plutôt l’accent sur le commerce lié à l’exportation des ressources et sur les relations commerciales avec les peuples autochtones. À mesure que la colonisation progresse, l’industrie intérieure commence à croître dans des secteurs liés à l’exploitation de ressources comme l’équipement ferroviaire, la construction navale et la machinerie agricole. Dès le début de XVIIIe siècle, par exemple, on exploite une petite fonderie près de Trois-Rivières au Québec.
Durant les régimes coloniaux français et britannique, le Canada se développe comme source importante de biens de première nécessité (c’est-à-dire de ressources naturelles comme le poisson, la fourrure, le bois et l’agriculture) et entre ce faisant dans le « système mercantiliste », fournissant aux mères patrie (la France d’abord, puis l’Angleterre) ses ressources brutes en échange de biens finis. Un tel système, aux dires de certains, dont Harold Innis (1894-1952), chercheur à l’Université de Toronto, crée une dépendance à l’égard de l’exportation des ressources qui mène au sous-développement industriel relatif. Cette théorie est appelée « Théorie des principales ressources », un concept important en politique et en économie canadiennes.
XIXe siècle : politique nationale
Au XIXe siècle s’amorce au Canada le développement de l’industrie secondaire, à mesure que la révolution industrielle prend d’assaut l’Europe et l’Amérique du Nord. Dès 1850, l’arrivée des moteurs à vapeur et de la machinerie et le développement ferroviaire permettent l’établissement de papeteries, de fonderies et d’usines de fabrication de locomotives à vapeur et d’outils agricoles partout sur le territoire, tant au Canada-Est qu’au Canada-Ouest. Vers la fin du XIXe siècle, des installations manufacturières mécanisées et beaucoup plus grandes commencent à apparaître, en particulier à Montréal et Toronto. Au tournant de la décennie 1870 et 1880, le gouvernement conservateur de John A. Macdonald vote une Politique nationale pour encourager davantage le développement industriel.
Cette politique a trois objectifs. Premièrement, elle stimule dès 1879 le développement industriel intérieur par la mise en place de barrières tarifaires. Cette protection douanière soutient les industries naissantes au Canada en apposant une taxe de 35 % sur les biens entrant au pays, rendant par le fait même les biens canadiens bien moins onéreux. Deuxièmement, elle encourage l’immigration afin de mettre en valeur le potentiel agricole dans l’Ouest et de créer un marché local d’envergure. Finalement, le gouvernement s’efforce de terminer la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique le plus rapidement possible afin d’établir une « économie du blé » dans laquelle, d’une part, le blé de l’Ouest voyage facilement vers l’est et les marchés d’exportation étrangers et, d’autre part, les biens manufacturés de l’Est se rendent rapidement aux populations grandissantes d’agriculteurs immigrants de l’Ouest. À l’origine, la Politique nationale désigne surtout la protection tarifaire mise en place en 1879, mais, avec le temps, elle comprend aussi les deux autres éléments mentionnés plus haut : l’immigration et le chemin de fer.
La Politique nationale, après la longue période de récession mondiale des décennies 1880 et 1890, est très fructueuse. Avec la colonisation de l’Ouest, l’agriculture, l’exploitation minière et forestière et la pêche prospèrent. Le gouvernement soutient cette effervescence industrielle en développant des infrastructures (chemins de fer, navires, élévateurs à grains, routes) financées en grande partie par les Britanniques. La Politique nationale et la colonisation de l’Ouest (et son développement en général) accordent toutefois peu d’importance aux peuples autochtones de la région, qui sont dépossédés de leur territoire et traités avec mépris. Les Autochtones ne sont pas les seuls touchés par cette politique; en effet, elle attise aussi les tensions régionales entre l’Ouest agricole et l’Est manufacturier.
Première Guerre mondiale et expansion des années 1920
Les industries manufacturières qui soutiennent le développement des ressources naturelles du Canada sont concentrées le long du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs au Québec et en Ontario. Ces développements sont accompagnés par l’émergence du secteur des services (institutions financières et commerciales, administration publique, etc.), en particulier en réponse à la hausse de la population durant le grand boom de l’immigration entre 1896 et 1914, lorsque le Canada accueille environ trois millions d’immigrants, européens pour la plupart. À cette époque, le Canada devient un exportateur commercial d’importance, faisant le commerce de ses ressources naturelles brutes et de produits semi-transformés avec les grands marchés européens et américains. C’est aussi à ce moment que l’industrialisation prend son essor, avec l’adoption de chaînes de montage mécanisées et d’installations plus grandes. La Première Guerre mondiale donne un élan supplémentaire à l’industrialisation du Canada, dont les usines fabriquent de grandes quantités de matériel de guerre. L’économie continue ainsi à passer de façon progressive de l’extraction et la transformation (fondée en grande partie sur l’agriculture) à une économie basée sur le travail salarié et la fabrication industrielle. Ces changements exacerbent l’urbanisation du Canada et les inégalités, donnant lieu à la naissance du capitalisme industriel. La montée de l’industrialisation allant de pair avec celle de la syndicalisation, de nombreux conflits éclatent entre le capital et la main-d’œuvre, en particulier durant la révolte du travail pancanadienne de 1919. (Voir aussi Grève générale de Winnipeg.)
Cette force croissante encourage la grande expansion des années 1920. Dès 1929, l’industrie des pâtes et papiers, la plus importante au pays, accapare 64 % du commerce mondial. Le gouvernement continue de stimuler la création d’infrastructures et prend en charge d’importants programmes comme l’exploration minière et la recherche sur l’amélioration des plantes (afin de créer une variété de blé plus résistante, par exemple), ce qui aide ainsi directement le secteur privé à développer l’industrie. (Voir aussi Commission géologique du Canada.)
Alors que les industries primaires tiennent le haut du pavé, le secteur de la fabrication de certains produits comme l’automobile se développe aussi. Avant la fin des années 1920, il devient le deuxième plus grand producteur d’automobiles au monde. Cette grande expansion d’après-guerre nécessite un investissement de capitaux considérable, dont la majeure partie provient des États-Unis sous forme d’investissements directs dans des filiales de sociétés américaines qui, dès lors, approvisionnent le marché canadien en contournant les barrières tarifaires instaurées par la Politique nationale. En fait, les capitaux américains remplacent rapidement les investissements britanniques du siècle précédent. La proximité des États-Unis augmente la capacité et la productivité canadiennes, mais crée également une dépendance du Canada envers le marché américain, ses capitaux et ses propriétés.
Crise des années 1930 et Deuxième Guerre mondiale
Cette rapide expansion industrielle cesse soudainement avec la crise des années 1930. Entre 1929 et 1933, les revenus d’exportation du Canada déclinent de 67 %. Un grand nombre d’entreprises ferment leurs portes et le chômage monte en flèche. Les industries d’exportation (blé, pêche, bois, pâtes et papiers) sont les plus durement touchées, alors que les industries comme celles du secteur manufacturier qui ont connu un important développement approvisionnent principalement le marché canadien et sont surtout situées au centre du pays sont moins affectées et restent en meilleure posture pour répondre aux besoins industriels de la Deuxième Guerre mondiale, qui dure de 1939 à 1945.
La guerre crée une forte demande de produits spécialisés comme des pièces d’avions, des voitures et des camions. La construction navale, la fabrication d’équipements militaires, de produits de base et la production de denrées alimentaires augmentent aussi de façon considérable à mesure que le Canada étend de manière spectaculaire sa capacité industrielle en temps de guerre. Bon nombre de ces produits requièrent de nouvelles techniques de production qui s’intègrent au réseau industriel du pays. Le gouvernement fédéral fonde aussi une foule de sociétés d’État (entreprises et usines dirigées par le gouvernement) qui produisent du matériel militaire stratégique ou important, comme le caoutchouc synthétique. L’exploitation de l’uranium et de l’énergie nucléaire (ou atomique) sont aussi des développements importants financés par le gouvernement durant la guerre. La majeure partie de cette industrie fonctionne sur une base continentale, les alliés américains et canadiens s’efforçant de coopérer économiquement pour maximiser leurs efforts de guerre. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le Canada est devenu une puissance industrielle majeure.
Boom d’après-guerre
La période entre 1945 et les années 1970 est marquée par la plus longue période de prospérité économique du Canada, en grande partie induite par l’activité industrielle accrue au pays. La hausse de population des années 1950 (causée par le « baby-boom » et l’immigration), la demande refoulée des consommateurs après plus d’une décennie de dépression et de guerre et les politiques gouvernementales incitant à la croissance contribuent à l’expansion économique et industrielle.
L’extraction des ressources monte en flèche pour répondre aux besoins titanesques de l’économie états-unienne : l’industrie pétrolière et gazière canadienne, en grande partie dominée par des sociétés américaines, croît exponentiellement après la grève pétrolière de 1947 à Leduc, en Alberta, et l’industrie canadienne des pâtes et papiers nourrit les géants américains de l’édition et du magazine. Les secteurs de la production alimentaire et de l’extraction minière ne sont pas non plus en reste. En même temps, l’industrie manufacturière roule à plein régime, en particulier dans les secteurs de l’automobile et des biens de consommation comme les électroménagers et les produits personnels et autres, qui contribuent à enrichir la population canadienne. Le secteur des services connaît aussi une croissance impressionnante; les banques augmentent le volume des crédits offerts à une population de plus en plus suburbaine et concèdent aux centres commerciaux, aux établissements de restauration rapide et aux commerces de détail des taux d’intérêt très bas. Les programmes gouvernementaux, quant à eux, décuplent le pouvoir d’achat de la population canadienne.
Le boom d’après-guerre est en grande partie alimenté par l’investissement états-unien, à qui l’on emprunte le modèle de consommation. Dans l’ensemble, la population canadienne accueille l’américanisation à bras ouverts : elle rejoint des syndicats basés aux États-Unis (comme les Travailleurs unis de l’automobile), conduit des voitures américaines, regarde la télévision américaine et adopte un mode de vie et de travail banlieusard calqué sur le principe du rêve américain. Rares sont les Canadiens qui s’inquiètent de la prédominance des sociétés américaines dans la plupart des secteurs d’activité de l’économie canadienne, bien que, vers la fin des années 1960, certains universitaires et politiciens commencent à s’opposer à l’américanisation.
Déclin industriel
Vers la fin des années 1970, la situation atteint un point tel que le gouvernement fédéral croit bon d’instaurer des politiques favorisant les industries de propriété canadienne. L’exemple le plus frappant reste le Programme énergétique national (1980), dont l’objectif est de faire passer la part de propriété canadienne de l’industrie pétrolière à 50 % en 1990, ce qui représenterait une hausse de 28 % par rapport à 1980.
Le gouvernement fédéral instaure également un mécanisme visant à contrôler les investissements étrangers en mettant sur pied l’Agence d’examen de l’investissement étranger. Cette organisation sert à évaluer les intentions des investisseurs étrangers pour essayer d’en tirer le plus de bénéfices pour le pays. Les gouvernements fédéral et provinciaux créent enfin des politiques pour favoriser le développement des industries canadiennes.
Malgré tout, dès les années 1970, l’économie canadienne est confrontée à des problèmes mondiaux qui affectent toute l’Amérique du Nord : l’embargo du pétrole de 1973 par les pays exportateurs cause une perturbation économique et l’inflation des prix, alors que la désindustrialisation aux États-Unis et, à un degré plus faible, au Canada, donne un coup dur aux fondements industriels des deux pays.
Les conjonctures économiques de la fin des années 1970 et du début des années 1980 en poussent plus d’un à remettre en question la validité du modèle économique d’après-guerre qui prévaut au Canada; on réclame plutôt la fin des politiques protectionnistes (dont beaucoup disparaissent peu à peu depuis les années 1950) au profit des politiques dites néolibérales comme le libre-échange, des régulations moins sévères et un gouvernement plus petit. L’Agence d’examen de l’investissement étranger laisse ainsi place à Investissement Canada, une agence qui a pour but d’attirer les investisseurs étrangers plutôt que leur mettre des bâtons dans les roues. Au milieu des années 1990, le Canada vote l’Accord commercial Canada-États-Unis (1989) et l’Accord de libre-échange nord-américain (1993). Le Canada continue aussi de préconiser des politiques qui facilitent le commerce et la mondialisation économique.
XXIe siècle
Ces changements mènent à une chute draconienne de la fabrication manufacturière dans les années 2000 et à un retour à l’extraction et à l’exportation des ressources naturelles comme base de l’économie canadienne. Cette tendance est intensifiée par la grande récession de 2008, dont le principal acteur est la crise financière aux États-Unis (que le Canada a en grande partie su éviter). Après 2008, l’emploi dans le secteur industriel chute de façon considérable, la faute aux usines et installations manufacturières qui ferment leurs portes ou fuient vers le Sud des États-Unis ou le Mexique. Les industries du montage et des pièces automobiles en Ontario souffrent particulièrement de cet exil. De leur côté, les sociétés manufacturières ou de technologie comme Nortel et BlackBerry ferment boutique ou réduisent leurs effectifs. L’industrie pétrolière et gazière, qui depuis les années 1990 concentre ses efforts dans le développement des sables bitumineux albertains, prend un coup lorsque le prix de l’essence chute à des niveaux catastrophiques, la forçant à reporter ou à annuler certains oléoducs, comme le projet Keystone XL.
Malgré ces difficultés, le Canada garde une économie relativement prospère et ouverte. Nonobstant le ralentissement mondial des produits de base, le Canada peut toujours compter sur des industries primaires fortes, alors que la place de la fabrication secondaire dans le PIB continue de perdre du terrain depuis les années 1970.
De façon générale, la croissance de l’économie des services est importante, au point où elle est devenue le segment le plus important de la production économique canadienne. De plus, la technologie de l’information, les services financiers et alimentaires et le commerce de détail sont désormais tous des aspects majeurs du secteur industriel tertiaire.