Géomorphologie | l'Encyclopédie Canadienne

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Géomorphologie

 Pingo
Pingo à proximité de Tuktoyaktuk, dans les Territoires du Nord-Ouest. Ces buttes glacées en forme de dôme se forment lorsque l'eau souterraine sous l'effet d'une pression commence à geler (photo de Aerocamera Services Inc.).
Big Rock
Le Big Rock, un erratique, se trouve à 7 km à l'ouest d'Okotoks (avec la permission de la Ville d'Okotoks; photo de Gail McArthur)
Mealy, monts
Les monts Mealy, au Labrador (avec la permission du Service canadien des parcs/Environnement Canada).
Tyrrell, Joseph B.
Joseph Tyrrell était d'une nouvelle race d'explorateur, un voyageur écologiste qui était aussi un scientifique (avec la permission de la Thomas Fisher Rare Book Library).

Géomorphologie

La géomorphologie a pour principal objet l'étude des formes du relief terrestre et des processus les modifiant. On applique cependant aussi les principes géomorphologiques à l'étude des masses planétaires ayant une croûte solide, telles que la Lune et Mars. Les géomorphologues cherchent à comprendre les variations et l'évolution des formes du relief ainsi que l'impact sur les populations humaines des processus géomorphologiques, y compris des événements dangereux tels que les GLISSEMENTS DE TERRAIN et les crues des cours d'eau qui peuvent s'intensifier à l'avenir en raison du CHANGEMENT DE CLIMAT. Les géomorphologues contemporains se conforment à une branche spécialisée sur le sujet qui traite des GLACIERS, des COURS D'EAU et des FORMES LITTORALES. Au Canada, pays couvert par plusieurs grands glaciers et où le PERGÉLISOL occupe la moitié de la terre émergée, de nombreux géomorphologues s'intéresse au Quaternaire (dernières 2,6 millions d'années) ou au temps froid dominant.

La géomorphologie est liée à la GÉOLOGIE, discipline avec laquelle elle partage des échelles chronologiques très étendues, l'intérêt pour la déformation de la croûte terrestre (voir TECTONIQUE DES PLAQUES) et pour les propriétés des rochers et des sédiments, mais aussi à la géographie physique qui s'intéresse aussi au CLIMAT, la BIOGÉOGRAPHIE, à la SCIENCES DES SOLS et à l'HYDROLOGIE. Malgré des changements fondamentaux dans ce domaine au cours des dernières décennies, on peut dégager deux grands courants : l'approche historique se rapportant à l'évolution à long terme du relief, souvent liée au changement climatique, au niveau de la mer et aux conditions biologiques, humaines, tectoniques et autres, et les processus géomorphologiques se rapportant essentiellement à la compréhension des processus récents et à leurs effets sur différents matériaux géologiques.

Les forces géomorphologiques dépendent de l'énergie du SOLEIL, de la gravité et de la chaleur interne de la Terre. Les reliefs sont sculptés par des processus qui altèrent, érodent, transportent et déposent des matières de la Terre (voir aussi ÉROSION; MÉTÉORISATION). Des modifications du relief peuvent survenir durant des événements rares mais violents tels que des crues de cours d'eau (intensité élevée, faible fréquence) ou durant des périodes plus normales moins violentes telles que le courant fluvial quotidien (fréquence élevée, faible intensité). Les reliefs changent constamment. Les types de relief et les plus petites formes qui les composent témoignent de la nature, de la puissance et de la fréquence des processus qui agissent sur le sol et sur la résistance des matières sur lesquelles les processus font effet. Par exemple, les rides sur les dunes sont des petites caractéristiques qui peuvent se former très rapidement sous l'influence de vents assez violents (voir aussi RELIEF ÉOLIEN) alors que les BOUCLIERS continentaux et les chaînes de montagnes sont de grosses formes qui évoluent très lentement, au fil de millions d'années.

En plus d'équipement spécialisé leur permettant la mesure et l'enregistrement des conditions en évolution sur le terrain (telles que la vitesse et le débit d'un cours d'eau, le transport de sédiments, les vagues et les vents, la température et l'humidité du sol et des rochers et les taux d'érosion), les chercheurs utilisent une panoplie de méthodes de datation et de technologies (notamment le radar-laser, la TÉLÉDÉTECTION, le géoradar et les systèmes de positionnement global) ainsi que des méthodes computationnelles avancées (y compris les SYSTÈMES D'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE et les modèles altimétriques numériques). Les chercheurs se servent des données recueillies sur le terrain et en laboratoire dans des modèles mathématiques afin d'étudier le fonctionnement et l'évolution des systèmes géomorphologiques au fil du temps.

Historique

On traite de géomorphologie dans la plupart des rapports d'exploration depuis les années 1850. Les dépôts de surface font l'objet d'études par la COMMISSION GÉOLOGIQUE DU CANADA (CGC) depuis sa création, en 1842. Les premières discussions portent sur le mode de transport des blocs erratiques : sont-ils transportés par des glaces flottantes ou par des glaciers continentaux? Vers 1875, la plupart des chercheurs adoptent l'hypothèse du transport par les glaciers, à l'exception de John W. DAWSON, de l'Université McGill, auteur d'un ouvrage intitulé The Canadian Ice Age, publié en 1893. Son fils, George M. DAWSON, explore presque tout l'Ouest canadien et publie le premier ouvrage exhaustif sur la physiographie du Canada en 1884.

Avant 1950, la géomorphologie et la géologie des formations glacières n'occupent qu'une place restreinte dans les rapports sur le substrat rocheux. Toutefois, plusieurs géologues attachés à la CGC apportent une contribution plus intéressante : Robert Chalmers dans le sud du Québec et au Nouveau-Brunswick; Joseph B. TYRRELL dans le nord du Manitoba; William A. Johnston en Ontario, dans l'est des Prairies et en Colombie-Britannique; James W. Goldthwait dans la vallée du Saint-Laurent et en Nouvelle-Écosse et Edward M. Kindle, qui étudie les processus récents de sédimentation. Après la Deuxième Guerre mondiale, la CGC forme une équipe comptant une douzaine de spécialistes de la géologie glacière, qui devient par la suite la Division de l'étude des terrains (à l'heure actuelle la CGC Nord du Canada), la plus importante équipe de géomorphologues canadiens de l'époque. D'autres géologues, qui ne sont pas attachés à la CGC, apportent également leur contribution, notamment David Honeyman en Nouvelle-Écosse (1862-1888), Joseph W. Spencer, Frank B. Taylor et George M. Stanley, qui étudient les Grands Lacs glaciaires (1894-1945), Arthur P. Coleman, qui travaille partout au Canada et qui écrit sur les GLACIATIONS du Précambrien et du Pléistocène, notamment dans son ouvrage intitulé The Last Million Years, paru en 1941. George et William S. Vaux entreprennent l'étude des glaciations en Alberta et en Colombie-Britannique en 1899, travaux que reprend et poursuit Arthur O. WHEELER jusqu'en 1931. Alfred W.G. Wilson et Harold C. Cooke de la CGC traitent pour leur part de l'érosion des surfaces du BOUCLIER précambrien, le premier en 1903 et le second de 1929 à 1933.

Éducation

L'ajout de la GÉOGRAPHIE PHYSIQUE aux départements de géographie entraîne un afflux de géographes britanniques et donne naissance à une discipline plus vaste qui remplace la géomorphologie géologique plus limitée des premières décennies. De nombreux géomorphologues se bâtissent une réputation au plan international durant la deuxième moitié du siècle dernier, notamment Derek Ford (RELIEF KARSTIQUE), Michael Church (processus dans les cours d'eau), J. Ross Mackay (régions froides) et Hugh French (RELIER PÉRIGLACIAIRE). Une croissance similaire s'observe dans les départements de géologie, qui offrent des programmes d'études supérieures en géomorphologie et des diplômes d'études supérieures en géologie de l'époque glaciaire ou quaternaire.

La Direction de la géographie, un organisme fédéral parallèle à la CGC, est créée en 1947 et se concentre sur la géomorphologie de l'Arctique. L'organisme est dissout en 1967 et sa revue, le Geographical Bulletin, cesse de paraître. La plupart des membres de son personnel se joignent à d'autres équipes. De 1950 à 1970, on assiste à une prolifération de publications traitant de géomorphologie. C'est ainsi que sont publiées des monographies régionales sur la CORDILLÈRE canadienne par Hugh S. Bostock (1948), sur le sud de l'Ontario par Lyman J. Chapman et Donald F. PUTNAM (1951), sur la Colombie-Britannique par Stuart S. Holland (1964), sur l'Arctique par J. Brian Bird (1967), et sur l'ensemble du Canada par Bird (1972). Alan S. Trenhaile écrit le premier ouvrage de géomorphologie systématique au Canada en 1990, et ses écrits plus généraux sur la géomorphologie, publiés par la suite, se focalisent principalement sur le Canada.

Applications

Les principes et techniques géomorphologiques sont importants, car ils s'appliquent aux domaines des catastrophes naturelles, de la GESTION DES RESSOURCES et de la CONSERVATION, de l'aménagement et de la planification, des problèmes environnementaux et d'ingénierie. En fait, nombre de nos plus grands problèmes environnementaux, en particulier ceux découlant du changement climatique et de l'utilisation des terres, sont constitués d'éléments géomorphologiques, notamment la fonte du pergélisol, l'augmentation du niveau de la mer, la crue des cours d'eau, l'érosion du sol et la réactivation possible de mers de sable. Récemment, la reconnaissance grandissante de la complexité des questions environnementales par les décideurs, la mise en place de lois exigeant une ÉVALUATION DE L'IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT, la prise de conscience du danger lié aux catastrophes géomorphologiques et la demande d'information des ingénieurs sur les conditions du sol conduisent à une utilisation croissante de la géomorphologie appliquée. Grâce à des méthodes plus précises de mesure, de cartographie et d'analyse, les géomorphologues sont beaucoup mieux équipés pour résoudre des problèmes d'ordre pratique et atténuer les effets des désastres environnementaux et des crises que par le passé. Il est fort probable qu'à l'avenir la recherche mette l'accent sur les problèmes environnementaux. Partout au Canada, de plus en plus d'entreprises de consultation emploient des géomorphologues dans le domaine de la restauration des rivières, l'érosion côtière et autres projets environnementaux. Sur presque tout le territoire canadien, ce changement est favorisé, surtout depuis le début du XXIe siècle, par la réglementation professionnelle des géomorphologues et autres spécialistes en géosciences.

Institutions et publications

Les géomorphologues canadiens publient dans plusieurs revues internationales, notamment le Geomorphology et Earth Surface Processes and Landforms, ainsi que dans des revues scientifiques spécialisées. Au Canada, l'Association géologique du Canada et la Revue canadienne des sciences de la Terre du Conseil national de recherches Canada représentent des forums importants; l'Association québécoise pour l'étude du Quaternaire et l'Association canadienne pour l'étude du Quaternaire parrainent la revue Géographie physique et quaternaire de 1997 à 2009.

En 1987, à Ottawa, la communauté des géomorphologues canadiens accueille le 12e congrès international de l'Union internationale pour l'étude du Quaternaire. À l'occasion de la Troisième Conférence internationale sur la géomorphologie de l'Association internationale des géomorphologues (AIG) tenue à Hamilton, en Ontario, en 1993, on organise de nombreuses excursions sur le terrain en Amérique du Nord. Olav Slaymaker, de l'université de la Colombie-Britannique, est président de l'AIG de 1997 à 2001. L'Association canadienne pour l'étude du Quaternaire se joint quelquefois aux réunions bisannuelles de l'American Quaternary Association (AMQUA) afin de discuter de problèmes d'intérêt commun. La géomorphologie occupe une grande part des discussions. Le Groupe canadien de recherche en géomorphologie (GCRG), fondé en 1993, se réunit avec les organisations mentionnées ci-dessus et il parraine des séances de travail portant sur des sujets précis. Il publie un bulletin, gère une bibliographie de géomorphologie au Canada et favorise les échanges sur Internet.

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