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Chester Brown

​Chester Brown, bédéiste (né le 16 mai 1960, à Montréal, au Québec).

Chester Brown, bédéiste (né le 16 mai 1960, à Montréal, au Québec). L’auteur de bandes dessinées intrépides, ainsi que d’une biographie en bande dessinée du chef métis Louis Riel, Chester Brown est l’un des plus grands bédéistes du monde.

Enfance

L’adolescence de Chester Brown dans la banlieue anglophone de Châteauguay, à Montréal, fait l’objet de plusieurs de ses bandes dessinées. En particulier, Je ne t’ai jamais aimé (1994) documente son éducation au sein d’une famille ordinaire de classe moyenne (aller à l’église et à l’école secondaire, avoir le béguin pour les filles, regarder la télévision) et de la détérioration progressive de la santé de sa mère. Pendant sa jeunesse, Chester Brown voit également ses premières bandes dessinées publiées dans le journal local. Celles-ci sont inspirées par les publications de Doug Wright et portent sur la famille de Chester, qui devient également lecteur passionné des bandes dessinées de superhéros et d’horreur. Après avoir complété l’école secondaire, Chester Brown se rend aux bureaux de Marvel et de DC Comics à New York, mais, ne réussissant pas à se trouver du travail, il retourne à Montréal pour y étudier l’art commercial au collège Dawson.

Minibédés

En 1983, quelques années après avoir déménagé à Toronto, Chester Brown commence à créer une série de minibédés (de courtes bandes dessinées noir et blanc de petit format) appelée Yummy Fur qu’il publie et distribue lui-même. La série, influencée par les lectures de l'artiste sur le surréalisme, sert de fourre-tout pour diverses histoires absurdes sorties de son subconscient. Yummy Fur est publié comme une bande dessinée à part entière en 1986. C'est alors que Vortex Comics de Toronto débute une nouvelle version de la série, qui deviendra l’un des premiers titres du mouvement des bandes dessinées alternatives, à l’instar des œuvres Eightball de Dan Clowes et Love and Rockets des frères Hernandez. Dans cette incarnation, Yummy Fur commence à porter principalement sur les adaptations sans fard des Évangiles (qui demeurent non recueillies) et sur les labeurs scandaleux d’un clown malchanceux appelé Ed qui erre sans but. Avant de conclure la série Ed, ses premiers chapitres sont recueillis dans Ed the Happy Clown en 1989. (Chester Brown révise le livre à plusieurs reprises avant d’en arriver à sa version la plus récente en 2012.)

Autobiographie

De plus en plus mécontent de la direction que prennent les histoires d’Ed, et inspiré par American Splendor de Harvey Pekar et par les bandes dessinées autobiographiques de Joe Matt et de Julie Doucet de Montréal, Chester Brown abandonne les varia d’Ed incomplets en 1990 et se tourne vers les circonstances de sa propre vie pour alimenter son travail. Les histoires et les publications en série qu’il sort dans Yummy Fur seront plus tard recueillies dans Le Playboy (1992), Je ne t’ai jamais aimé (1994), et Le petit homme : histoires courtes, 1980–1995 (1998), qui sont citées collectivement comme étant parmi les meilleures bandes dessinées du XXe siècle par The Comics Journal. Dans un style qui combine une perspective distancée avec le détail brusque et sans honte, ces histoires examinent les accrochages de Chester Brown avec ses colocataires, ses expériences avec la pornographie, et ses années d’adolescent horriblement isolé. Le changement de direction vers l’autobiographie coïncide également avec un changement d’éditeur pour l’artiste. En effet, Chester Brown signe en 1991 avec la société nouvelle Drawn & Quarterly de Montréal, où Julie Doucet, Joe Matt et Seth, un autre ami de Chester Brown, publient également des bandes dessinées autobiographiques.

Underwater et Louis Riel

Chester Brown clôt Yummy Fur en 1994 et entreprend Underwater. La série continue avec les histoires évangéliques de l’artiste, mais fournit aussi le tableau pour un nouveau projet de fiction : le récit de la petite enfance d’un jumeau, raconté en utilisant comme approche un monologue intérieur et un dialecte inventé. Chester Brown abandonnera les histoires évangéliques et son nouveau récit en 1997, mais pas avant de publier l’article spécial « My Mom Was a Schizophrenic » (Ma mère était schizophrène) dans un des numéros. Une polémique contre la psychiatrie et la façon dont elle stigmatise certains comportements comme étant une « maladie mentale », cette courte bande dessinée canalise ses impulsions autobiographiques dans une direction plus argumentative basée sur les faits.

Chester Brown poursuit cette méthode essayiste qui consiste à tamiser l’information et à interpréter les faits historiques dans sa série suivante, Louis Riel (1999). Cette série biographique du chef métis en bande dessinée, dérivée en partie du livre de Maggie Siggins sur Louis Riel et de toute une série d’autres sources, se concentre sur le rôle joué par Louis Riel dans les résistances de la rivière Rouge et du Nord-Ouest et sur son instabilité mentale et, finalement, sur son procès et son exécution. Chester Brown raconte sa version de l’histoire avec un mélange de déformation caricaturée (qui rappelle la bande dessinée fortement politisée Little Orphan Annie de Harold Gray) et d’objectivité indépendante dénudée de tout effet. Une fois achevé et recueilli en 2003, Louis Riel devient un succès de vente non-fiction au Canada – le premier roman graphique à le faire – et méritera plusieurs autres distinctions et éloges. Le National Post le déclare l’un des dix meilleurs livres canadiens de sa décennie, le Toronto Star, l’un des dix livres les plus importants de la décennie. Le musée des beaux-arts de l’Ontario organise une exposition de l’art original de Louis Riel par Chester Brown en 2014.

Politique et Vingt-trois prostituées

En effectuant ses recherches pour créer Louis Riel, Chester Brown se découvre un intérêt pour le rôle que le gouvernement devrait jouer quant à la propriété privée; sa politique se transforme d’anarchiste à libertaire. Il se présente comme candidat pour le Parti libertarien du Canada dans la circonscription de Trinity-Spadina, lors des élections fédérales de 2008 et 2011.

Son prochain projet traite directement d’une question politique d’actualité. Il publie Vingt-trois prostituées (2011), avec le sous-titre « mémoire d’un micheton en bande dessinée », dans la foulée de la décision controversée de la Cour supérieure de l’Ontario, qui déclare que les lois canadiennes sur la prostitution sont inconstitutionnelles. Par l’entremise de dialogues avec des amis dans le livre, ainsi que de plusieurs appendices écrits à la main et de représentations objectives de ses expériences avec les travailleuses du sexe, Chester Brown émet un argument pour la décriminalisation de la prostitution.

Prix

Chester Brown est l’un des fondateurs des prix Doug Wright, qui reconnaissent l’excellence dans la bande dessinée au Canada. Il a gagné plusieurs prix de l’industrie de la bande dessinée, y compris le Harvey et l’Ignatz, en plus d’avoir été sélectionné pour les prix Eisner et pour la liste restreinte des prix au Festival international de la bande dessinée à Angoulême, en France.

Voir aussi : la Bande dessinée de langue anglaise au Canada et Dessin humoristique et bande dessinée.