Le Québec est la seule province à s'être dotée d'une Charte des droits et libertés qui ne soit pas qu'une simple loi antidiscriminatoire mais une véritable loi fondamentale largement inspirée de documents internationaux (Déclaration universelle des droits de l'Homme, Pacte relatif aux droits civils et politiques, Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels).
Plusieurs éminents professeurs ont participé à l'ébauche et à la rédaction d'un avant projet de loi (Jacques-Yvan Morin, Paul Crépeau, Frank Scott). La Ligue des droits de l'Homme (aujourd'hui la Ligue des droits et libertés) rédigea un vaste projet de Charte, en assura une diffusion très large dans les journaux en 1973 et organisa plusieurs sessions de discussion publique. Après de longs débats en Commission parlementaire, portant principalement sur la question de la primauté de cette Charte sur l'ensemble des lois québécoises, celle-ci fut adoptée à l'unanimité, en 1975, par l'Assemblée nationale qui procéda, ce même jour, à la nomination des membres de la Commission des droits de la personne.
La Charte québécoise est une loi fondamentale ayant préséance sur les autres lois et jouissant, selon la Cour suprême, d'un statut quasi constitutionnel. L'article 52 prévoit qu'aucune disposition législative, même postérieure à la Charte, ne peut déroger aux articles 1 à 38, à moins que cette loi n'énonce expressément que cette disposition s'applique malgré la Charte.
Cette disposition appelle deux remarques. Premièrement, tout comme c'est le cas dans la Charte Canadienne des Droits et Libertés, il y a une possibilité de recourir à une clause dérogatoire quant aux libertés et droits fondamentaux. Deuxièmement, seuls les articles 1 à 38 ont préséance sur les autres lois, soit les libertés et les droits fondamentaux (1 à 8), le secret professionnel (9), le droit à l'égalité (10 à 20), les droits politiques (21, 22), les droits judiciaires (23 à 38). Les droits économiques et sociaux (art. 39 à 48) sont donc exclus de cette règle de prédominance, de même que le droit au recours d'une victime de la violation d'un droit conféré par la Charte (art. 49). En plus de cette clause dérogatoire, on retrouve à l'article 9.1 une clause limitative qui permet certaines restrictions aux libertés et droits fondamentaux, à condition qu'elles soient prévues par la loi et qu'elles respectent les valeurs démocratiques, l'ordre public et le bien-être général des citoyens du Québec.
La Charte « vise les matières qui sont de la compétence législative du Québec » (art. 55) et elle lie l'État (art. 54). Elle s'applique donc tant aux activités législative et exécutive qu'aux rapports de droit privé dans la province.
L'article 10 de la Charte garantit à toute personne le droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés, sans distinction, exclusion ou préférence, fondée sur un motif de discrimination énuméré. La liste des motifs prohibés comprend des motifs traditionnels, tels l'origine ethnique, le sexe ou la religion, et d'autres motifs plus modernes comme la condition sociale, les convictions politiques, la grossesse. Il faut souligner aussi que le Québec est la première région d'Amérique du Nord à avoir interdit, dès 1978, la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Toute discrimination est ainsi interdite dans les actes juridiques, dans le domaine de l'emploi, du logement, de l'accès aux lieux et services publics.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (la Commission des droits de la personne fut en effet fusionnée, en 1995, à la Commission des droits de la jeunesse) a pour principaux mandats la promotion, l'éducation et la sensibilisation aux droits fondamentaux, la recherche, le devoir de recommandation au gouvernement sur la validité de ses lois de même que l'approbation et l'élaboration de programmes d'accès à l'égalité. Elle doit aussi faire enquête sur les plaintes de discrimination qui lui sont adressées par les citoyens. Dans les cas où, après enquête, la Commission estime que la plainte est bien fondée et que les personnes mises en cause ne donnent pas suite à sa recommandation, elle, et elle seule, peut saisir le Tribunal des droits de la personne du Québec.
Ce tribunal a été créé, en 1991, pour répondre à diverses préoccupations de groupes intéressés qui voyaient là un recours plus accessible, plus rapide, plus simple et moins coûteux qu'un recours civil. Les membres de ce tribunal, sensibilisés aux questions de discrimination et d'exploitation, sont mieux préparés à statuer sur des plaintes de ce type que les juges de droit commun. L'analyse de la jurisprudence du Tribunal des droits de la personne permet en effet de conclure que la création, au Québec, d'un tribunal spécialisé en matière de discrimination a permis de remédier à plusieurs lacunes et d'élaborer un corpus jurisprudentiel plus consistant et évolutif.
Les droits économiques et sociaux de la Charte, dont le droit à l'instruction gratuite, le droit à la protection pour les enfants, le droit à l'information, le droit au maintien et à l'essor de la vie culturelle des minorités ethniques, le droit à des mesures sociales assurant un niveau de vie décent, le droit à des conditions de travail justes et raisonnables, le droit à la protection contre l'exploitation pour les personnes âgées et handicapées, sont donc exclus de la règle de prépondérance dont jouissent les autres droits de la Charte (art. 52). Ils ne peuvent recevoir application qu'après l'établissement par l'État d'un mécanisme de mise en œuvre. Comme c'est le cas sur la scène internationale, ces droits ne sont pas justiciables en soi et le gouvernement doit en assurer "progressivement" l'application. S'appuyant sur les principes d'indivisibilité et d'interdépendance des droits, plusieurs groupes, dont la Ligue des droits et libertés, réclament aujourd'hui un amendement pour que ces droits soient sur un pied d'égalité avec les autres droits fondamentaux.
Tribunal des droits de la personne a toutefois décidé que ces droits, s'ils ne sont pas prépondérants en soi, pouvaient le devenir quand ils interagissaient avec le droit à l'égalité (article 10). Dans une affaire d'intégration scolaire d'un enfant handicapé, le Tribunal a, en effet, statué que, si la Charte permet que l'exercice du droit à l'instruction publique soit affecté de diverses restrictions législatives, telles l'imposition de frais de scolarité, elle interdit cependant des restrictions fondées sur un des motifs de discrimination de l'article 10, tel le handicap.