Bataille d'Ortona | l'Encyclopédie Canadienne

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Bataille d'Ortona

C’est dans le cadre de la campagne d’Italie des Alliés, lors de la Deuxième Guerre mondiale, que les Forces canadiennes mènent en décembre 1943 l’une de leurs batailles les plus acharnées pour tenter de s’emparer de la ville d’Ortona. À l’issue de cette longue bataille qui va durer un mois, tout d’abord sur la rivière Moro, à l’extérieur d’Ortona, puis au cœur de la ville, dans des combats de rue d’une extrême violence, les forces alliées vont prendre Ortona au prix de plus de 2 300 victimes canadiennes.

Le général Vokes dirige la 1re Division canadienne qui se bat avec acharnement de maison en maison et au nord sur la ligne Hitler.

Bataille d’Ortona

Date

Du 20 au 28 décembre 1943

Lieu

Ortona, Italie

Participants

Canada
Allemagne

Pertes canadiennes (approx.)

2 300 au total
500 morts

Bataille d’Ortona (carte)

La bataille pour Ortona (en médaillon) et le secteur Adriatique, du 28 novembre 1943 au 4 janvier 1944.
(Source : Gerald W. L. Nicholson, Les Canadiens en Italie 1943-1945 [1960], carte 11, ministère de la Défense nationale.)

Campagne d’Italie

En juillet 1943, les forces alliées, notamment canadiennes, envahissent l’Italie, ouvrant un nouveau front dans le sud de l’Europe. Elles vont tout d’abord prendre la Sicile pour ensuite progresser lentement en direction du nord, le long de la « botte italienne ».

À l’automne 1943, les troupes alliées s’enlisent face à une résistance acharnée des Allemands, solidement arc‑boutés sur leurs deux lignes défensives fortifiées: la ligne Gustav à l’ouest et la ligne Bernhard à l’est. La première s’articule autour du sommet du Monte Cassino, tandis que la seconde est fermement implantée à l’arrière de la rivière Sangro. Entre ces deux lignes se trouvent les montagnes des Apennins, où il est pratiquement impossible de combattre.

Début novembre, le major‑général Bernard Montgomery de la 8e Armée britannique décide qu’une percée audacieuse le long de la côte Adriatique pourrait permettre aux forces alliées de s’enfoncer dans les terres vers l’ouest en direction de Rome, avec pour objectif de prendre la capitale italienne avant Noël. En arrivant le long de la Sangro, les Britanniques réussissent, le 24 novembre, à établir une petite tête de pont dont la 8e Armée tente, le 28 novembre, de se dégager en lançant une attaque massive qui va entraîner de lourdes pertes : au cours des combats pour s’emparer d’une crête stratégique surplombant la rivière qui vont durer deux jours, la bataille va faire 2 800 victimes britanniques, néo‑zélandaises et indiennes.

Rivière Moro

Les forces allemandes battent en retraite jusqu’à la rivière Moro, quelques kilomètres au nord, où elles se retranchent sur de solides positions défensives en vue de nouveaux combats. Dans la nuit du 5 au 6 décembre, la 1re Division d’infanterie canadienne et la 1re Brigade blindée canadienne prennent la tête de la 8e Armée et se lancent dans la mission d’arriver à forcer le passage et à traverser la rivière. Le 6 décembre, au petit matin, les alliés lancent une triple attaque. Tout d’abord, seul le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (PPCLI) se projette vers l’avant, réussissant à s’emparer de la Villa Rogatti sur la rive opposée. Toutefois, les hommes du génie se montrant incapables d’ériger le pont sur la Moro qui aurait permis aux chars d’appuyer le PPCLI, ce dernier se voit intimer l’ordre de battre en retraite.

Il faut attendre jusqu’au 9 décembre pour que les Canadiens réussissent à établir une solide tête de pont. Ils espèrent alors avancer rapidement en contournant Ortona, un port de pêche sur la mer Adriatique. Les Canadiens ne s’attendent toutefois pas à ce que les Allemands défendent Ortona aussi farouchement.

Le plus grand combat qu’on ait livré, ça a été la bataille d’Ortona, où on a perdu beaucoup d’hommes. À ce moment-là, je dirigeais, bon, une équipe de pièces, des mortiers de 50 mm. … Et quand ils se sont regroupés, c’est là que l’ennemi a ouvert le feu. On a perdu une grande partie du peloton juste là. … Il y avait, ma position était sans danger parce qu’on était très en arrière, hors de portée de canon. Mais de tous ceux-là, il n’y a eu que trois ou quatre qui ont survécu, alors on a subi de lourdes pertes dans cette bataille en particulier. (Témoignage de l’ancien combattant de l’armée canadienne George F. Burrows, au combat à la bataille d’Ortona. Cliquez ici pour écouter l’entrevue de M.Burrows avec le Projet Mémoire.)

Le Ravin

Après deux jours de combats, les troupes canadiennes s’approchent de ce que les cartes topographiques ne montrent que comme une petite dépression sans importance à environ 1 km au sud d’Ortona. Toutefois, au fur et à mesure qu’elles progressent, elles découvrent qu’il s’agit d’un étroit ravin, extrêmement profond, sur la rive sud duquel les Allemands ont creusé profondément des trous les protégeant des tirs d’artillerie. Lorsque les bombardements s’arrêtent, les Allemands se précipitent jusqu’au bord de la ravine et tirent sans relâche à la mitrailleuse sur l’infanterie canadienne qui tente de progresser en pente douce au travers d’un enchevêtrement de vignobles et d’oliveraies.

« Le Ravin », comme il a été surnommé par les Canadiens, s’avère impossible à prendre lors d’une attaque frontale telle qu’elle a été ordonnée par le major‑général de la 1re Division Chris Vokes. Chacun des assauts successifs de ce type, conduit par les troupes canadiennes, est repoussé au prix de lourdes pertes. Des pluies torrentielles et la chute des températures rendent la situation encore plus difficile. Le champ de bataille rappelle alors, comme un écho, les « no man’s land » boueux qui séparaient les lignes des deux camps lors de la Première Guerre mondiale.

Le major général Chris Vokes

Le major général Chris Vokes s’adresse aux membres du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry à Riccione (Italie), le 13 novembre 1944
C. E. Nye | C. E. Nye. Canada. Ministère de la défense nationale. Bibliothèque et Archives Canada, PA-131169


Finalement, dans la nuit du 14 au 15 décembre, les 81 hommes de la compagnie « C » du capitaine Paul Triquet du Royal 22e Régiment réussissent à contourner le Ravin. Appuyée par sept chars de l’Ontario Regiment, cette force réduite doit faire face à une âpre résistance allemande pour s’emparer d’une ferme appelée la Casa Berardi : pendant quatre jours, les combats vont faire rage autour de cette place forte miniature avant que les Allemands ne soient contraints à la retraite. Pour son héroïsme et son leadership, le capitaine Triquet reçoit la Croix de Victoria, la plus haute distinction du Commonwealth récompensant des actes de bravoure militaires.

Faisant preuve d’un superbe mépris envers l’ennemi, le Capitaine Paul Triquet s’affaire à regrouper les survivants et à les encourager en leur disant : « Ne vous occupez pas d’eux ; ils ne savent pas tirer. » Enfin, lorsqu’il constate l’infiltration de l’ennemi de tous les côtés, il crie : « Il y a des ennemis devant nous, derrière nous et sur nos flancs. Il ne reste qu’une place sans danger, soit vers l’objectif. » Il se précipite en avant et, avec ses hommes derrière lui, il vient à bout de la résistance de l’ennemi.
(Extrait de la citation de la Croix de Victoria du capitaine Paul Trique, publiée dans le London Gazette, no 36408, 6 mars 1944.)

Ortona

Contrairement aux attentes, la 1reDivision parachutiste allemande ne se replie que jusqu’à la ville d’Ortona, située juste au nord du Ravin. Soudainement, les Canadiens se retrouvent confrontés à un type de bataille pour lequel ils n’ont pas été préparés: les combats de rue. Dès le 12 décembre, les forces allemandes avaient préparé la défense d’Ortona en détruisant de nombreuses maisons à l’explosif afin de créer des amas de décombres, au sein desquels ils pourraient enfouir profondément leurs positions de combat, parsemant également la ville de nombreuses mines. Le 19 décembre, toutes les rues transversales de la ville sont entièrement bouchées par les décombres.

Les Allemands ont fait exploser deux grands édifices afin de bloquer une rue appelée Corso Vittorio Emanuele, qui constitue la voie d’accès à la place faisant face à la mairie. On a retiré l’horloge de la tour de l’hôtel de ville et installé une mitraillette dans l’espace ainsi libéré. Il est probable que ce sont les hommes du génie allemand qui, à l’aube du 21 décembre, détruisent la tour adjacente à la cathédrale San Tomasso afin que, dans sa chute, elle sépare en deux le dôme de la cathédrale.

Bataille d’Ortona
Des soldats canadiens transportant des blessés de la bataille d’Ortona, en Italie, en 1943, lors de la Deuxième Guerre mondiale. (Photo prise par Alexander M. Stirton. Avec la permission du Département de la Défence nationale/PA-112945)
Bataille d’Ortona
La bataille d‘Ortona, en 1943, a étéun des plus grands défis auxquels les Forces canadiennes ont dû faire face pendant la Campagne d‘Italie lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Dans ce contexte de ruines urbaines, la compagnie « D » du Loyal Edmonton Regiment se retrouve décimée en tentant de progresser dans Ortona : en à peine quelques minutes, les 60 hommes qui la composent ne sont plus que 17. En dépit de ces lourdes pertes, les survivants réussissent à prendre pied à la périphérie de la ville et voient bientôt l’arrivée, en renfort, d’autres compagnies de leur bataillon. Les Seaforth Highlanders of Canada et les chars du Three Rivers Regiment convergent également sur les lieux.

Ces deux bataillons d’infanterie appuyés par un unique régiment blindé vontmener,maison après maison, sans relâche, pendant huit jours, d’intenses combats meurtriers dans le labyrinthe souvent fatal des ruelles d’Ortona. Les combats de rue sont si intenses que les correspondants de guerre ont surnommé cette bataille d’Ortona la « Petite Stalingrad » pour sa ressemblance avec les célèbres combats urbains ayant opposé les forces soviétiques et celles du troisième Reich sur le front de l’Est, en Russie.

Tactique des « trous de souris »

Constatant à quel point il serait suicidaire de tenter de progresser classiquement le long des rues, les Edmontons et les Seaforths vont avoir recours à la technique dite des « trous de souris ». Bien qu’elle soit enseignée dans certaines écoles militaires britanniques, aucun combattant canadien présent à Ortona n’a jamais entendu parler de cette tactique. Mais, nécessité fait loi, et c’est parce qu’ils n’ont pas d’autres choix qu’ils vont la réinventer. Il s’agit, après avoir fait sauter, à grand renfort d’explosifs, les murs de communication entre deux bâtiments, d’avancer, maison par maison, en se précipitant par les ouvertures ainsi constituées, en jetant des grenades à la ronde et en menant la charge pour éradiquer toute présence des soldats ennemis de l’autre côté du mur.

Les édifices d’Ortona étant en général mitoyens, les Forces canadiennes réussissent ainsi à progresser d’un bâtiment à l’autre sans avoir quasiment à s’aventurer dans les rues ; il s’agit toutefois d’un « jeu » qui peut s’avérer mortel : parfois, les Allemands planifient des explosions qui se déclenchent au moment où les soldats canadiens franchissent le « trou de souris », et parfois, c’est l’édifice tout entier qui s’effondre ensevelissant les combattants vivants.

Noël à Ortona

Alors que les combats au corps à corps se poursuivent à Ortona, deux autres brigades canadiennes tentent de contourner la ville par l’ouest. Si cette manœuvre réussit, les parachutistes allemands seront contraints, s’ils ne veulent pas être encerclés, de se retirer de la ville. Au départ, ces attaques de flanc enregistrent quelques succès avant d’être bloquées par les troupes ennemies.

L’intensité des combats ne se relâche pas le jour de Noël, ni à l’intérieur de la ville ni sur le flanc gauche. Sur l’une des crêtes qui surplombent la ville à l’ouest, les hommes du 48thHighlanders se retrouvent coupés de leurs lignes et l’officier commandant l’artillerie de soutien ne peut sauver la situation qu’en mettant en place un cercle de tirs d’obus autour de la position canadienne.

Pendant ce temps, alors que les Allemands et les Canadiens échangent des balles et des grenades à l’intérieur d’Ortona, le quartier‑maître des Seaforth et le personnel des services centraux organisent un somptueux repas de Noël. L’une après l’autre, les compagnies des Seaforth quittent leurs lignes pour venir se restaurer ; toutefois, les hommes de l’Edmonton ne connaissent, eux, aucun répit, et reçoivent leurs rations directement sur la ligne de combat.

Chute d’Ortona

Le 27 décembre, Matthew Halton de la CBC déclare que cette bataille est un véritable cauchemar. Mais, ce cauchemar va bientôt prendre fin. Le lendemain matin, le 28 décembre, une patrouille des Edmonton se rend compte que les parachutistes allemands se sont retirés en silence pendant la nuit, laissant Ortona aux mains des Canadiens.

Bataille d’Ortona

Tombes de soldats du Loyal Edmonton Regiment après la bataille d’Ortona, en Italie, en 1943.
(Photo prise par Alexander M. Stirton. Avec la permission du Département de la Défence nationale et de Bibliothèque et Archives Canada /PA-115151)


Tout au long du mois de décembre, les combats ont fait 2 339 victimes, dont 502 tués, quoique l’on n’ait jamais pu déterminer le nombre réel de soldats canadiens morts dans la ville même d’Ortona. Bien que l’on n’ait jamais établi avec exactitude les pertes ennemies, ce que l’on sait, c’est qu’entre les combats sur la rivière Moro et la fin de la bataille d’Ortona, deux divisions allemandes ont été en grande partie détruites. Comme Ortona n’avait pas été évacuée avant le début des combats, de nombreux civils ont également été tués et blessés. Selon la source la plus sûre, il y aurait eu 1 314 tués parmi les habitants de la ville.

La ville elle‑même a été détruite et nécessitera des années pour être reconstruite. Pendant les premiers mois de l’hiver 1944, en dépit des ravages causés par la bataille, Ortona servira de zone de repos pour les troupes canadiennes déployées à proximité, au nord de la rivière Arielli.


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