La bataille des plaines d’Abraham (13 septembre 1759), aussi appelée bataille de Québec, a été un moment charnière de la guerre de Sept Ans et de l’histoire du Canada. Une force d’invasion britannique, menée par le général James Wolfe, a vaincu les troupes françaises dirigées par le marquis de Montcalm, ce qui a mené à la reddition de la ville de Québec aux Britanniques. Les deux commandants sont morts de blessures subies lors de la bataille. Les Français n’ont jamais repris la ville de Québec, et ils ont perdu le contrôle de la Nouvelle-France en 1760. À la fin de la guerre, en 1763, la France a cédé un bon nombre de ses possessions coloniales aux Anglais, incluant le Canada.
(Ce texte est l’article complet sur la bataille des plaines d’Abraham. Si vous souhaitez en lire un résumé en termes simples, veuillez consulter : Bataille des plaines d’Abraham (résumé en langage simple).)
Bataille des Plaines d’Abraham |
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Date |
13 septembre 1759 |
Lieu |
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Participants |
Grande-Bretagne; France, milice canadienne, Sept Nations |
Victimes |
658 Britanniques 650 Français |
Guerre de Sept Ans
La bataille des plaines d’Abraham constitue un moment clé de la guerre de Sept Ans (1756-1763) qui sévit en Europe, en Inde et en Amérique du Nord (les livres d’histoire américains appellent le conflit en Amérique du Nord la « guerre des Français et des Indiens »). D’un côté se trouve l’alliance entre la France, l’Autriche, la Suède, la Saxe, la Russie et l’Espagne, et de l’autre côté se trouve l’alliance entre la Grande-Bretagne, la Prusse et Hanovre. Pendant que la France est préoccupée par les hostilités en Europe, la Grande-Bretagne cible les colonies françaises outre-mer et attaque la marine et la flotte marchande françaises, dans l’espoir de détruire la France en tant que rivale commerciale.
Bien que les Français repoussent plusieurs attaques britanniques en Amérique du Nord, y compris la défense réussie du fort Carillon par Louis-Joseph Montcalm, les Britanniques font des progrès considérables en 1759. Le 26 juillet 1758, ils prennent la ville fortifiée de Louisbourg sur l’île Royale (île du Cap-Breton). Ceci mène à la prise d’autres positions françaises au Canada atlantique, et laisse la Nouvelle-France exposée aux navires britanniques qui peuvent dorénavant naviguer sur le fleuve Saint-Laurent. L’un des brigadiers de l’expédition de Louisbourg est James Wolfe, qui est acclamé en Grande-Bretagne et dans les colonies américaines pour son rôle dans la prise de la forteresse.
Siège de Québec
James Wolfe est nommé commandant de l’assaut britannique contre la ville fortifiée de Québec en 1759. Il reçoit l’appui d’une force navale commandée par le vice-amiral Charles Saunders. L’armée de James Wolfe comprend plus de 8000 soldats réguliers britanniques, et près de 900 américains (des Rangers et des Colonial Pionneers), ainsi qu’environ 2100 Royal Marines. Les défenses de Québec comptent plus de 18 000 hommes. La majorité de ces hommes (près de 11 000) sont des miliciens canadiens, qui n’ont que peu d’entraînement militaire et aucune expérience des batailles rangées. La Force française est constituée d’environ 5600 professionnels : 2400 troupes régulières, 1100 Troupes de la Marine, et 2100 membres de la Marine française. Près de 1800 guerriers autochtones (incluant des Micmacs, des Wolastoqiyik [Malécites], des Abénakis, des Potawatomi, des Odawas et des Wendats) sont également impliqués dans la défense de Québec.
Le 27 juin de cette année-là, James Wolfe et ses hommes débarquent sur l’île d’Orléans. À la mi-juillet, les Britanniques occupent également des positions sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent à la Pointe Lévis, directement en face de Québec, et sur la rive nord à environ 13 km de la ville, près de la chute Montmorency et d’un campement français installé à Beauport. Cependant, les forces françaises à Beauport sont protégées par la rivière Montmorency, et donc toute tentative d’assaut contre la ville de Québec doit faire face à la batterie de canons du fort ainsi qu’aux puissants courants du fleuve Saint-Laurent. Les Français seront donc difficiles à déloger. Les Britanniques attaquent la position française de Beauport le 31 juillet, mais ils rencontrent une résistance féroce et doivent battre en retraite.
James Wolfe envoie alors le brigadier James Murray attaquer les réserves et navires français à environ 65 km en amont de Québec. Bien que cette action réduise l’approvisionnement disponible aux Français, elle ne réussit pas à attirer Louis-Joseph Montcalm en pleine bataille ouverte. En désespoir de cause, James Wolfe se livre à la destruction systématique des bâtiments et des campagnes autour de Québec, mais Louis-Joseph Montcalm refuse toujours d’attaquer. Toutefois, vers la fin août, plusieurs navires britanniques réussissent à naviguer sur les courants difficiles du fleuve Saint-Laurent, tout en échappant aux canons de Québec, et ils établissent une forte présence maritime britannique en amont de la ville. Le commandement britannique décide alors de tenter une force d’invasion en amont de Québec pour couper ses lignes de communication avec Montréal et ainsi contraindre Louis-Joseph Montcalm et l’armée française à se battre.
Attaque britannique
James Wolfe décide de débarquer à l’Anse-au-Foulon, à environ 3 km en amont de Québec, au pied d’une falaise de 53 mètres de haut. Bien que les historiens débattent encore de la logique et des mérites de cette décision, les Britanniques ont de la chance, car l’anse n’est que très peu gardée. Le 13 septembre 1759, opérant dans le silence et l’obscurité un peu après 4 h, les navires anglais remontent les courants puissants du Saint-Laurent et débarquent une force d’avant-garde. Une infanterie légère britannique, menée par le colonel William Howe (qui commandera plus tard les forces anglaises pendant la Révolution américaine) escalade la falaise et maîtrise le piquet français (avant-garde). Lorsque le soleil se lève, James Wolfe et la première division se trouvent sur le plateau et, à 8 h, l’ensemble de la force de 4 500 hommes est rassemblée. Les forces britanniques se répartissent sur les plaines d’Abraham (qui doivent leur nom à un pêcheur du 17e siècle, Abraham Martin) en courte formation de fer à cheval d’un kilomètre et composée de deux rangs.
La bataille des plaines d’Abraham
Quand Louis-Joseph Montcalm apprend que les Britanniques ont débarqué et escaladé la falaise, il décide d’attaquer rapidement, avant qu’ils n’aient l’occasion de s’y installer. Les historiens ont critiqué sa décision, suggérant qu’il aurait dû attendre les renforts des détachements français qui se trouvaient dans la région. La force française compte environ 4 500 hommes à Beauport, plusieurs d’entre eux étant des membres de milices ou des guerriers autochtones (voir Relations entre les Autochtones et les Français). L’armée de James Wolfe est d’une taille très semblable, mais elle est composée presque entièrement de soldats réguliers, qui sont hautement qualifiés et entraînés pour la bataille à venir.
Le saviez-vous?
Les nations autochtones alliées vivant dans les réductions, ou réserves, de la Nouvelle-France sont appelées les Seven (ou Nine) Fires, ou les Sept Nations, selon la période et les circonstances. Les Sept Nations étaient situées à Lorette, à Wolinak, à Odanak, à Kahnawake, à Kanesetake, à Akwesasne et à La Présentation (voir Abénakis, Algonquins, Haudenosaunee, Hurons-Wendats). Les Sept Nations ont participé en tant qu’alliés des Français aux premières campagnes de la guerre de Sept Ans.
Des tireurs d’élite autochtones sont positionnés dans les buissons avec des miliciens canadiens le long des flancs britanniques. Selon le récit d’un soldat britannique, « l’ennemi a positionné, dans les buissons de son front, quelque 1500 Indiens et Canadiens, et j’ose dire qu’il y a placé la plupart de ses meilleurs tireurs d’élite, qui ont continué de tirer, de façon irrégulière, mais néanmoins exaspérante, sur toute notre ligne ». L’historien Peter Macleod note que certains des premiers coups de feu tirés pendant la bataille l’ont été par des tireurs autochtones.
Les hommes de Louis-Joseph Montcalm avancent et commencent à tirer lorsqu’ils sont à peu près à 120 mètres du front britannique. Cependant, les hommes de James Wolfe tiennent bon jusqu’à ce que les Français soient à 40 mètres, puis ils commencent à tirer en continu, ce qui empêche la progression de leurs ennemis.
Le général James Wolfe meurt peu après le début des tirs, alors qu’il est atteint de trois balles pendant les premières minutes de la bataille. En apprenant que les forces françaises battent en retraite, James Wolfe aurait déclaré : « Maintenant, que Dieu soit loué, je meurs en paix. » Plusieurs autres officiers britanniques de haut rang sont également tués, et la charge britannique perd une bonne partie de sa direction.
Le brigadier général George Townshend prend en charge le commandement et organise deux bataillons pour contrer les renforts français qui s’approchent par-derrière et qui sont dirigés par le colonel Louis-Antoine de Bougainville. Celui-ci décide de battre en retraite, ce qui permet aux Britanniques de consolider leur position sur les hauteurs. Bien que cette action permette à l’armée de Louis-Joseph Montcalm de s’échapper, ce dernier est blessé durant la retraite et il meurt le lendemain matin à Québec. On raconte qu’après avoir appris qu’il allait mourir de ses blessures, Louis-Joseph Montcalm aurait déclaré « Tant mieux, je ne verrai pas les Britanniques à Québec. »
La décision de George Townshend de fixer la position britannique au lieu de poursuivre agressivement l’armée française a d’importantes conséquences : les Français marchent cette nuit-là vers Point-aux-Trembles et contournent leur ennemi, ne laissant qu’une force réduite dans la ville. Les Britanniques assiègent Québec et, le 18 septembre, le commandant français signe les articles de capitulation, et cède la ville aux Britanniques. Cependant, la guerre pour la Nouvelle-France continue.
Conséquences
La position britannique à Québec n’est pas assurée. Peu après la bataille des plaines d’Abraham, la marine britannique est forcée de quitter le fleuve Saint-Laurent avant que son embouchure ne soit bloquée par la glace. Les Britanniques sont donc isolés à Québec durant l’hiver, et beaucoup d’entre eux souffrent du scorbut. En avril 1760, François-Gaston le chevalier de Lévis (le successeur de Louis-Joseph Montcalm) marche vers Québec avec près de 7 000 soldats, alors que les Britanniques n’ont qu’environ 3 000 hommes pour se défendre. Le 28 avril, la force de Lévis vainc les Britanniques lors de la bataille de Sainte-Foy, qui se passe tout juste à l’ouest de la ville. Dans un revirement de situation de l’année précédente, les Britanniques se replient dans Québec et les Français assiègent la ville. Cependant, à la mi-mai, la marine britannique est de retour et le chevalier de Lévis bat en retraite à Montréal. Le 20 novembre 1759, la flotte française est détruite lors de la bataille de la baie Quiberon, au large de la côte française; il n’y a plus de renforts pour la Nouvelle-France. Le 8 septembre 1760, Montréal se rend aux Britanniques (voir Capitulation de Montréal). Avec le Traité de Paris de 1763, la Nouvelle-France est officiellement cédée à la Grande-Bretagne (voir Province de Québec, 1763-1781).
Héritage et importance
La bataille des plaines d’Abraham marque un tournant dans l’histoire de la Nouvelle-France et ce qui deviendra plus tard le Canada. Avec leur victoire et la défaite du bastion français de Québec, les Britanniques établissent une forte présence en Nouvelle-France, laissant ainsi présager la défaite éventuelle des Français et le début de l’hégémonie britannique en Amérique du Nord (voir Conquête). Cependant, l’élimination de la France en tant que puissance nord-américaine accroît la confiance des colonies britanniques comme New York, la Pennsylvanie et le Massachusetts, qui commencent alors à s’agiter pour obtenir une plus grande indépendance par rapport à la Grande-Bretagne. La bataille des plaines d’Abraham mène donc non seulement au contrôle britannique du Canada, mais également indirectement à la Révolution américaine, à la création des États-Unis et à la migration des loyalistes vers le nord (voir aussi Amérique du Nord britannique). La victoire des Britanniques à Québec en 1759 (et durant la guerre de Sept Ans en général) a laissé une longue tradition qui affecte les frontières, la culture et l’identité du Canada.