Peuples autochtones du Plateau au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Peuples autochtones du Plateau au Canada

Le Canada comme nous le connaissons aujourd’hui comporte six zones culturelles, qui ne sont pas limitées par des frontières internationales. La zone culturelle du Plateau est composée des hauts plateaux entre la chaîne côtière de la Colombie-Britannique et les Rocheuses. Elle s’étend aussi au sud et comprend des parties de l’État de Washington, de l’Oregon, de l’Idaho et du Montana. À une altitude inférieure, elle est composée de prairies et de forêts subarctiques. Les Autochtones du Plateau comprennent, entre autres, les Secwepemc, les Stl’atl’imc, les Ktunaxa et les Tsilhqot’in. (Voir aussi Salish du continent.)


Régions culturelles autochtones au Canada : le Plateau

Premières Nations et familles linguistiques

Les familles linguistiques traditionnellement présentes dans cette région sont celles des langues denées (parfois appelé langues athapascanes) et salish. Certaines langues en faisant partie sont maintenant disparues alors que d’autres langues reçoivent l’appui de plusieurs programmes en plus de compter des locuteurs natifs.

Dans le Plateau, les nations salish du continent comprennent les Secwepemc (ou Shuswaps), les Stl’atl’imx (ou Lilloet), les Nlaka’pamux (aussi connus sous le nom Thompson) et les Okanagan (ou Salish du continent). Les Ktunaxa, aussi appelés Kootenays, dont la langue traditionnelle est isolée, sont établis le long de la limite ouest des montagnes Rocheuses, dans le bassin de la rivière Kootenay. En général, cette région est maintenant connue sous le nom «Kootenay» ou «les Kootenays». Les Tsilhqot’in (Chilcotins) et les Dakelh (ou Porteurs) sont des groupes dénés et habitent la région nord du Plateau. Les régions des Stl’atl’imx et des Nlaka’pamux se trouvent le long de la limite sud-ouest du Plateau, adjacente à la chaîne de montagnes côtière. Les Secwepemc habitent le grand territoire central à l’ouest des montagnes Rocheuses, au nord des Kootenays, faisant une boucle au-dessus du territoire traditionnel okanagan dans la  vallée de l’Okanagan.

Le saviez-vous?
Les archéologues avancent qu’il y a au moins 10000ans, peu de temps après la fonte des glaciers de la plus récente période glaciaire, le plateau de la Colombie-Britannique était peuplé d’Autochtones qui avaient migré vers le nord après avoir quitté des régions plus au sud de ce même plateau. (Voir aussi Préhistoire). Il s’y est progressivement développé une culture adaptée aux montagnes boisées, aux collines couvertes de sauge et de cactus, et aux ressources fluviales de la région.

Vie traditionnelle

Migration

Dans cette région, des groupes de personnes apparentées travaillent et se déplacent ensemble au printemps, à l’été et à l’automne. Elles rejoignent d’autres groupes pour passer l’hiver dans des villages relativement permanents. La société du Plateau est à plusieurs égards égalitaire et communautaire bien que les décisions importantes soient laissées aux hommes. Chaque village a plusieurs chefs ou notables qui voient à l’organisation d’activités économiques (par exemple, le chef du saumon s’occupe de la pêche). On prend les conseils de ces hommes au sérieux, mais tous les mâles adultes participent à des réunions au cours desquelles on discute des préoccupations générales du groupe. Dans certaines régions du Plateau, les aînés de l’ensemble de la communauté forment un conseil. Le chef invite les autres hommes à discuter des problèmes auxquels la bande est confrontée. Souvent, les décisions sont prises surtout en suivant les conseils des aînés.

Division du travail

Les Autochtones du Plateau répartissent les tâches en fonction du sexe. Les hommes sont responsables de la chasse, du piégeage, de la pêche et de la fabrication d’outils et d’armes d’os, de bois et de pierre. Les femmes préparent les repas et transforment la nourriture pour l’entreposage d’hiver, font la cueillette des plantes, voient à l’entretien de la maison et prennent soin des jeunes enfants. Les rôles sont peu spécialisés. Les hommes qui acquièrent des habiletés physiques et spirituelles durant leurs années d’adolescence deviennent les «professionnels» de la chasse à l’ours et à la chèvre de montagne. On attend de tous les hommes qu’ils soient de compétents chasseurs de cerfs.

Territoire et ressources

Le territoire et les ressources, à quelques exceptions près, appartiennent à la communauté. Certains particuliers sont propriétaires de leur propre zone de pêche au saumon, mais d’autres zones appartiennent collectivement aux résidents ou à des groupes du village. Les territoires de chasse et de cueillette de racines éloignés sont généralement réservés à tous ceux qui parlent la même langue, et les habitants d’une région en particulier permettent parfois à d’autres gens de les utiliser. Le partage obligatoire et l’égalitarisme économique constituent l’éthos fondamental de la société. Certains groupes de Secwepemc et de Stl’atl’imc ont un système héréditaire en vertu duquel certains chasseurs assument l’intendance des régions qu’ils connaissent bien.

Nourriture

Les Autochtones du Plateau dépendent principalement de la chasse et du piégeage pour acquérir des biens, mais ils échangent aussi poisson, fourrures, outils et armes. Ils chassent les gros animaux à l’aide de fosses et d’assommoirs, ils utilisent des arcs et des flèches pour les plus petites proies, et se servent de filets pour attraper la sauvagine. Les membres d’un village se partagent la nourriture. Dans les zones de pêche au saumon, on installe une pêcherie à fascines ou un filet pour capturer le poisson destiné à tout le village. Les hommes harponnent les poissons pour les besoins de leur propre famille.

Étant donné que l’économie du Plateau est basée sur la chasse, la pêche et la cueillette, qui sont des activités saisonnières et aléatoires, on consacre beaucoup de temps et d’efforts à fumer et à sécher la nourriture avant de l’entreposer. La conservation des aliments est essentielle à la survie, et toute la communauté participe à cette activité.

La nourriture n’est pas toujours abondante. Parfois, les migrations de saumons échouent, certains animaux sont introuvables, ou les cueillettes de racines et de baies sont infructueuses. Il faut alors parcourir de plus longues distances et travailler plus fort pour survivre. Chaque printemps, afin d’assurer une bonne récolte, on célèbre par une cérémonie spéciale la première montaison de saumon et l’apparition des fruits.

Transport

Le transport sur de longues distances se fait surtout en pirogues fabriquées à partir de genévrier rouge ou de peuplier, ou en canots d’écorce de pin blanc ou de bouleau. L’hiver, les Autochtones du Plateau utilisent des raquettes de différentes formes se prêtant aux divers états de la neige et du terrain pour voyager à pied. Au début, les chiens leur servent d’animaux de bât et pour la chasse au chevreuil. Dans les années1730, l’introduction du cheval, en provenance du Sud, améliore considérablement la mobilité des Autochtones du Plateau. Au Canada, les Ktunaxa sont vraisemblablement le premier peuple autochtone du Plateau canadien à obtenir des chevaux.

Habitation

Les Autochtones du Plateau vivent dans trois principaux types de maisons: la maison semi-souterraine, l’abri recouvert de joncs de scirpe et le tipi. Les Autochtones du Plateau sont semi-nomades, et leurs habitations sont construites à l’aide de matériaux transportables et réutilisables. On trouve aussi une suerie pour les hommes et une pièce d’isolement réservée aux femmes pendant leurs menstruations. Les deux structures servent de lieux de cérémonie pour faire la transition vers la vie adulte. Par exemple, on séquestre une jeune fille qui a ses premières menstruations pendant environ une semaine, puis des aînés prennent soin d’elle et on lui offre des cadeaux.

Sur le Plateau, on délaisse les habitations de style traditionnel au milieu et vers la fin du 19esiècle, bien qu’en certains endroits, on les utilise jusqu’au début du 20esiècle. (Voir aussi Histoire de l’architecture des peuples autochtones au Canada.)

Croyances spirituelles

Les Autochtones du Plateau conservent un lien profond avec leur environnement. Ils attribuent des pouvoirs spéciaux à tout ce qui les entoure. Cette relation spirituelle avec la nature imprègne tous les aspects de la vie quotidienne. (Voir aussi  Religion et spiritualité des Autochtones au Canada.)

Durant son adolescence, chaque individu subit un apprentissage spécial lui permettant de recevoir le pouvoir d’un gardien spirituel issu de la nature. L’esprit visite la personne quand celle-ci est en état de transe. Il lui explique comment utiliser son don et lui transmet une «chanson pour appeler le pouvoir». Les chamans, qui suivent une formation plus longue et plus intense, reçoivent des pouvoirs spéciaux qui les rendent capables de guérir les malades ou de jeter des sorts. Ils sont à la fois craints et respectés. Ils utilisent leurs pouvoirs transmis par l’esprit protecteur dans leurs rituels de guérison.

La danse du gardien spirituel, qui se fait en général en hiver, est la plus importante des cérémonies pour la plupart des peuples du Plateau dans ce qui constitue maintenant les États-Unis. Elle est également observée par les Okanagans. Il est probable que cette danse ait aussi été pratiquée jadis par les Secwepemc, les Nlaka’pamux et les Stl’atl’imc, mais de façon légèrement différente. Certains Okanagans participent encore à de telles cérémonies tenues aujourd’hui en Colombie-Britannique et aux États-Unis. Les chamans sont les hôtes de la danse, au cours de laquelle ils communiquent en public avec leurs puissances spirituelles. Après au moins une nuit de danse, au cours de laquelle sont administrés des soins aux malades, l’hôte ou l’hôtesse offre des présents aux invités. D’autres groupes salish du Plateau observent des rituels semblables, ponctués de chants offerts aux esprits, à n’importe quel moment de l’année.

Chez les Ktunaxa, on célèbre une cérémonie destinée à unir le pouvoir d’un esprit à son possesseur afin de prédire l’avenir ou de retrouver des objets perdus. Cette cérémonie, tout comme la danse du soleil, fait croire à l’existence de liens entre les Ktunaxa et les Autochtones des Plaines.

Pendant un certain temps, plusieurs groupes du Plateau se convertissent auchristianismesurtout en raison de l’influence des missionnaires et de l’imposition par le gouvernement fédéral de pensionnats assimilateurs dès la fin du 19esiècle. Tout comme les groupes d’Autochtones du Plateau se sont battus pour le rétablissement de leurs politiques et cultures, plusieurs groupes font des efforts pour se réapproprier leurs croyances religieuses et leurs cérémonies traditionnelles.

Vêtements

Les Autochtones du Plateau portent des vêtements confectionnés de peaux d’animaux tannées ou tissées avec des herbes ou de l’écorce de broussailles assouplie. Le port des mocassins est courant. Ils sont le plus souvent en peau de chevreuil et parfois en peau de saumon. Les vêtements d’hiver sont confectionnés avec les épaisses peaux d’animaux à fourrure. Certains groupes décorent leurs vêtements de coquilles de dentale, d’ocre, de piquants de porc-épic, de graines ou de perles faites à la main. Les articles utilitaires comme les nattes et les paniers tissés sont également ornés.

Chansons

Les chansons occupent une place importante dans la vie traditionnelle du Plateau. Elles servent à s’approprier des pouvoirs magiques et religieux. Elles sont parfois accompagnées du son de flûtes en bois et de hochets fabriqués avec des sabots de cerf, mais surtout de tambours en bois recouverts de peau. La chanson du jeu de bâtonnets demeure très en vogue aujourd’hui. On la chante souvent quand on s’engage dans un jeu de hasard.

Traditions orales et langue

Les Autochtones du Plateau transmettent leur savoir aux générations suivantes par la tradition orale. L’histoire d’une communauté a été transmise de génération en génération à l’aide de descriptions détaillées d’événements et de gens. La langue et le contexte de l’histoire font partie de sa signification et de son intention. Le personnage de filou-créateur surnommé le Coyote fait partie d’un cycle complexe de contes, souvent truffés d’épisodes amusants et grivois. La langue et la tradition orale sont naturellement liées. Par conséquent, les efforts de revitalisation des langues que déploient actuellement les Autochtones du Plateau ont aussi tendance à mettre l’accent sur l’importance des traditions orales. (Voir aussi Histoire orale; Histoires orales et sources primaires autochtones.)

L’introduction de systèmes écrits est décidément un des changements culturels les plus importants issus de l’arrivée des Européens. Des représentants de la Compagnie de la Baie d’Hudson et les premiers missionnaires essaient d’introduire la littéracie et les calendriers, sans grand succès. À la fin du 19esiècle, le père Jean-Marie-Raphaël Le Jeune (1855-1930), un missionnaire catholique, apporte une contribution très importante: il aide à créer des systèmes écrits pour les langues autochtones du Plateau. Cependant, une grande partie de la culture et de la langue des peuples du Plateau, à la fois orale et écrite, est perdue à cause de générations de pratiques assimilatrices, notamment appliquées par le système des pensionnats indiens. (Voir aussi Langues autochtones au Canada.)

Arrivée des Européens et histoire coloniale

C’est avant tout l’abondance des ressources naturelles du Plateau qui attire les non-Autochtones dans cette région. L’attrait des fourrures incite l’explorateur Alexander Mackenzie à rencontrer les Secwepemc du Nord en 1793 et entraîne David Thompson dans le territoire des Ktunaxa en 1807. (Voir aussiTraite des fourrures au Canada.) En 1808, Simon Fraser explore le fleuve qui porte désormais son nom. Les Autochtones rencontrés offrent l’hospitalité à tous ces explorateurs. Par exemple, un  chef prend Fraser par le bras et lui indique de serrer la main des 1200Nlaka’pamux rassemblés à Lytton pour le rencontrer.

Des postes de traite des fourrures sont construits dans diverses régions du Plateau avant les années1820. L’introduction des armes à feu et des outils métalliques facilite la chasse aux animaux à fourrure comme les cerfs, les wapitis, les ours et les bisons, dont les populations se mettent bientôt à décroître. À la même époque, des épidémies de rougeole, de grippe et de variole s’abattent sur les campements autochtones, tuant des milliers de personnes.

C’est l’or qui attire ensuite une autre vague de non-Autochtones, qui envahissent le Plateau. La découverte d’or en bordure du fleuve Fraser en 1857 attire en effet plus que 30000prospecteurs blancs dans la région. La grande majorité d’entre eux proviennent de régions de la Californie où se trouvent des mines d’or. Pour tenter d’instaurer des relations pacifiques entre les peuples et de protéger le territoire autochtone contre de nouveaux empiétements, le gouverneur colonial de la Colombie-Britannique, James Douglas, s’efforce de mettre au point des politiques qui respectent les  droits territoriaux des Autochtones. Il cherche à établir des réserves reposant sur des traités à l’intérieur des territoires traditionnels des Premières Nations plutôt que de poursuivre la politique de retrait et de concentration qui caractérise la colonisation de l’ouest des États-Unis. Les Autochtones vivront alors dans desréservesdélimitées et gérées par le gouvernement. Cependant, le mandat de James Douglas prend fin en 1864 et les politiques de colonisation sont dès lors dominées par Joseph William Trutch, le nouveau commissaire en chef des Terres et des Travaux, qui refuse de reconnaître le titre autochtone et cherche à réquisitionner les territoires autochtones autant que possible.

Dans le Plateau, aucuntraitén’est signé et aucune indemnité n’est versée même si on procède à l’arpentage et, en 1858, au partage des réserves. Plusieurs grandes réserves établies durant l’époque coloniale sont réduites en 1871 après que la Colombie-Britannique a joint la Confédération. (Voir aussi La Colombie-Britannique et la Confédération.) Avant la fin des années1890, les Autochtones du Plateau sont tenus de vivre dans de petites réserves dispersées. Des fonctionnaires provinciaux déclarent que la Proclamation royale de 1763 ne s’applique pas à la Colombie-Britannique et sont en fait même sceptiques à savoir si le titre autochtone existe. Les droits autochtones sont sans cesse marginalisés, ce qui fait en sorte que de nombreux efforts sont déployés de façon continue pour réclamer les terres ancestrales et revendiquer des méthodes d’autogouvernance. Par exemple, l’Alliance des tribus de la Colombie-Britannique, un partenariat entre la Nation nisga’a des  Salish de la côte et les Salish du continent, voit le jour en 1916 pour s’opposer au recours accru à la réduction des réserves entrepris par la succession de commissions foncières approuvées par la province. Toutefois, cette initiative est éclipsée par un conflit récurrent entre la province, qui, sur les traces de Joseph Willian Trutch, cherche à continuer à s’approprier des terres, et le gouvernement fédéral, qui revendique les titres de la Couronne sur les réserves. En 1912, pour résoudre ce conflit, le gouvernement crée la commission McKenna-McBride, qui publie un rapport reconnaissant la plupart des réserves existantes et recommandant que des terres supplémentaires soient mises de côté. Le gouvernement entérine le rapport sans consulter les populations autochtones touchées, ce qui fait en sorte qu’il prend des terres à des Premières Nations et en donne plus à d’autres. En 1969, le gouvernement fédéral reconnaît le caractère abusif de telles saisies de terres, ce qui mène aux premières revendications territoriales en 1982.

Problèmes contemporains

Depuis la création des réserves à la fin du 19esiècle, les Autochtones du Plateau jouent un rôle prépondérant dans les luttes menées pour faire valoir les revendications territoriales des Autochtones en Colombie-Britannique. Le dirigeant secwepemc Basil David se joint à des délégations autochtones qui se rendent en Angleterre en 1906 et à Ottawa en 1912 pour présenter des revendications territoriales à la Couronne. L’influente organisation autochtone l’Alliance des tribus de la Colombie-Britannique est fondée en 1916 par plusieurs Salish du continent. Cette organisation est active jusqu’en 1927. Elle s’effondre à la suite d’une tentative manquée de revendication du titre autochtone par l’intermédiaire du Comité judiciaire du Conseil privé.

Depuis le début des années1970, plusieurs Autochtones du Plateau tentent de réinterpréter de façon réfléchie leurs coutumes. Durant les dernières années de la décennie1970, on assiste à la création de puissants conseils de bandes autochtones du Plateau canadien, structurés en fonction de critères linguistiques définis et regroupant plusieurs bandes. Les bandes et les conseils préconisent avec vigueur l’instauration de l’autonomie gouvernementale des Autochtones, le développement économique des terres de réserves, les possibilités d’accès à l’éducation pour les Autochtones, la survivance de leur culture et de leur langue et, enfin, le règlement équitable des revendications territoriales qui les opposent depuis longtemps aux gouvernements provinciaux et fédéral. Plusieurs groupes mettent l’accent sur la revitalisation culturelle, en particulier en matière d’éducation, de langue et de savoir traditionnel.

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