Anabaptistes
A l'origine, les anabaptistes sont des dissidents religieux et sociaux qui vivent en Europe au XVIe siècle. En Suisse, le mouvement découle de l'orientation humaniste de la Réforme à Zurich (1525), tandis que dans le centre et le sud de l'Allemagne (1526), il résulte des courants mystiques et apocalyptiques (conviction de l'imminence de la fin du monde) du Moyen Âge. Il apparaît en 1530 aux Pays-Bas, conséquence du sacramentarisme (croyance selon laquelle les sacrements ne sont que des symboles extérieurs) et du perfectionnisme apocalyptique.
Le nom d'anabaptiste, qui vient d'un terme grec signifiant baptiser de nouveau, est donné à ceux qui pensent que le baptême ne devrait être administré qu'aux croyants adultes. Les principaux dirigeants du mouvement qui rejettent le baptême des nouveau-nés sont Andreas Karlstadt, Thomas Mntzer, Jakob Strauss et Eberhard Weidensee. Ceux qui rebaptisent des adultes sont appelés Täufer, ou baptiseurs, en allemand. Ils se nomment eux-mêmes Frères. Par la suite, la plupart des groupes anabaptistes des différentes régions prennent le nom de leur chef (mennonites, huttérites, amish).En Suisse, les principaux dirigeants sont Conrad Grebel, Ludwig Hetzer, Balthazar Hubmaïïer et Michael Sattler, et en Allemagne, Hans Denck, Hans Hut, Jakob Hutter (voir Huttérites), Pilgram Marpeck, et Peter Riedemann. Aux Pays-Bas, ce sont Melchior Hoffman, David Joris, Dirk Philips, Bernhard Rothmann et Menno Simons (voir Mennonites).
Rejet radical
Bien que le nombre de ses adhérents soit relativement peu élevé, le mouvement se manifeste dans la plupart des régions germanophones d'Europe, de même qu'en France, en Angleterre, en Pologne, en Moravie, en Hongrie et en Italie. Son rejet radical des croyances et des doctrines traditionnelles en fait partout l'objet d'une intense persécution; l'anabaptisme est considéré comme une menace sociale et politique. Aux XVIe et XVIIe siècles, près de 1000 personnes sont exécutées après avoir été rebaptisées. En Europe, ce n'est qu'au XIXe siècle que les anabaptistes se verront accorder des droits civils. Bien plus que dans les autres mouvements chrétiens, les femmes peuvent accéder à des rôles décisifs, plus particulièrement dans les premiers temps.
Autonomes au niveau organisationnel, les trois groupes précurseurs défendent cependant des positions similaires. La première est leur volonté de s'affranchir des tutelles du passé en revendiquant la liberté des laïques de faire leurs propres choix spirituels. Ils rejettent l'autorité du pape et des hiérarchies académiques et ne reconnaissent que celle des Écritures, dont l'interprétation devient la prérogative et la responsabilité de la congrégation. Au nom de la liberté religieuse, le mouvement s'oppose aussi à toute intervention du gouvernement civil. Bien qu'il existe des liens entre la Guerre des paysans allemands (1524-1525), dont les épisodes violents ont directement précédé l'apparition du mouvement, et la montée de l'anabaptisme lui-même, la plupart des anabaptistes rejettent par la suite le recours à la violence et tentent le plus possible d'éviter le service militaire (voir Pacifisme) ainsi que toute participation au gouvernement. Les trois groupes adoptent une structure fondée sur le libre consentement à la discipline. Ils considèrent l'Église comme la présence et l'action continuelles du Christ dans le monde. Les changements apportés aux doctrines et pratiques religieuses sont exprimés dans des déclarations confessionnelles périodiques.
Croyances et pratiques
Par ailleurs, les anabaptistes rejettent la doctrine luthérienne (voir Luthériens) selon laquelle seule la grâce de Dieu est source de salut et ils soutiennent que le croyant doit manifester et faire grandir sa foi par ses actions : l'homme doit porter la croix de l'apostolat et se réconcilier ainsi avec Dieu et la création. Les anabaptistes s'opposent au baptême des enfants, parce que ceux-ci ne sont pas en mesure de s'engager personnellement dans l'apostolat chrétien. Le baptême des adultes croyants symbolise la participation consciente et délibérée de l'homme au processus du salut, et relève d'une décision réfléchie prise par chacun. La plupart des croyants rejettent la doctrine du péché originel au profit du libre arbitre, défendu par l'humaniste catholique Érasme contre les protestants qui, généralement, le refusent.
L'importance accordée aux bonnes actions donne lieu à un fort courant de perfectionnisme. Bernhard Rothman, le chef anabaptiste de Münster, insiste sur le fait que le Christ, dont le retour est imminent, doit retrouver son épouse (l'Église) sans tache ni ride. Le perfectionnisme engendre des schismes fréquents, comme celui des Amish en 1693, dont l'enjeu principal est la discipline de l'Église.
Les anabaptistes en Amérique du Nord
Divers groupes considérés comme les héritiers du mouvement anabaptiste ont émigré d'Europe. Il s'agit de mennonites, d'huttérites, d'amish et de membres de la Fraternité chrétienne. Ce dernier groupe est né en Allemagne en 1708 et possède des liens indirects avec la tradition anabaptiste. Les deux autres groupes qui pratiquent le baptême de l'adulte et sont apparentés au mouvement anabaptiste sont les baptistes, généralement issus de la Réforme anglaise du XVIe siècle, et les schwenckfeldiens, nés du même contexte historique et désormais très peu nombreux.
Les persécutions donnent lieu aux premières vagues d'émigration en 1644. Les premiers mennonites néerlandais s'installent à New Amsterdam (New York), suivis jusqu'en 1683 de nombreux Allemands et Suisses répondant à l'appel de William Penn. Ils s'établissent tout d'abord à Germantown, en Pennsylvanie. Leur voyage est financé par des groupes prospères de mennonites néerlandais. En 1719, les premiers groupes de la Fraternité s'installent également en Pennsylvanie.
L'émigration vers le Canada
Les premiers mennonites arrivent dans la région de Niagara, en Ontario, en 1786. Au début des années 1800, une importante communauté s'établit dans le comté de Waterloo. En 1801, les mennonites fondent la première congrégation à Vineland, actuellement la First Mennonite Church de Vineland. Tout comme les quakers, les mennonites et les membres de la Fraternité se voient exemptés du service militaire en 1793, mais doivent payer chaque année un impôt supplémentaire pour financer la milice. Ce n'est qu'en 1849 que, sous des pressions constantes, l'impôt est aboli. L'exemption du service militaire est alors accordée à ces groupes (qu'on appellera les « Églises traditionnellement pacifistes »), qui sont cependant parfois appelés à effectuer un service civil dans les périodes de conscription. Dans les années 1870, de nombreux huttérites émigrent de la Russie vers les États-Unis pour échapper au service militaire obligatoire, puis passent massivement la frontière vers le Canada pour échapper aux persécutions et au service militaire.
Outre les groupes mennonites et de la Fraternité chrétienne, la récente Église missionnaire est également issue de la tradition anabaptiste canadienne. En 1883 est fondé ce qui deviendra l'Église missionnaire unie, unmouvement de renouveau spirituel qui rassemble plusieurs petits groupes mennonites et de la Fraternité. En 1987, l'Église missionnaire du Canada se sépare de l'Église missionnaire unie des États-Unis pour créer une entité nationale ; de sa fusion, en 1993, avec l'Église évangélique au Canada, naît l'Église missionnaire évangélique du Canada. Il existe au Canada près de 900 congrégations associées à l'anabaptisme.
Voir aussi Mouvements évangélistes et fondamentalistes et Missions et missionaries.