Le Canada est le principal producteur et exportateur de produits de l’érable, représentant 75 % du marché international. En 2020, les producteurs canadiens ont exporté plus de 61 millions kilogrammes de produits de l’érable, valant 515 millions de dollars. Le Québec est de loin le plus grand producteur avec 96,4 % des exportations canadiennes de produits de l’érable. Le sirop d’érable et les produits acéricoles viennent de l’ébullition de la sève d’érable. La production mondiale du sirop et du sucre d’érable se limite principalement à l’aire de distribution de l’érable à sucre, c’est-à-dire la forêt de feuillus qui couvre le Midwest américain, l’Ontario, le Québec, la Nouvelle-Angleterre, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard. Cependant, la Colombie-Britannique, le Manitoba et la Saskatchewan produisent également du sirop.
Histoire
La douce sève de l’érable à sucre (Acer saccharum) est connue et appréciée des Autochtones des forêts de l’Est, incluant les Abénakis, les Haudenosaunee et les Mi’kmaq, bien avant l’arrivée des colons européens. Une tradition haudenosaunee raconte l’incision de l’écorce d’érable et l’utilisation de son « eau sucrée » pour cuire le chevreuil, un heureux accident qui est peut-être à l’origine de la technique culinaire de la viande fumée à l’érable. Le fumage à l’érable est une méthode de conservation des aliments utilisée par les Anichinabés qui permet le stockage de vivres pour les mois d’hiver où la nourriture se fait rare.
Les Anichinabés appellent la « saison des sucres » (la période durant laquelle la sève est recueillie) la « lune d’érable » ou « le mois des sucres ». La tradition de la saison des sucres s’est installée dans les communautés des forêts de feuillus de l’Amérique du Nord et survit jusqu’à aujourd’hui.
Les techniques varient, mais les Autochtones ont l’habitude d’entailler en forme de V l’écorce des érables, ou d’insérer une tige de tilleul ou de saule dans l’arbre. Au début du printemps, des bols faits en bouleau sont placés sous l’entaille afin de recueillir la sève liquide qui est ensuite transformée en sirop à l’aide de différentes méthodes. Certains laissent la sève dehors, au froid, et jettent l’eau gelée qui s’est séparée du sirop sucré. D’autres réduisent la sève en sirop en ajoutant des pierres chaudes à des contenants en écorce de bouleau, ou font bouillir la sève dans des marmites de métal ou d’ argile placées sur le feu.
Les colons français apprennent des peuples autochtones comment entailler les arbres pour récolter la sève et la réduire pour obtenir du sirop sucré ou des morceaux de sucre pouvant être stockés pour usage futur. Les premiers colons qui décrivent la saison des sucres sont André Thevet, qui relate les voyages de Jacques Cartier en 1557, et Marc Lescarbot, qui explique la collecte et la « distillation » de la sève par les Mi’kmaq en 1606.
La production de sucre d’érable par les colons commence vers la fin des années 1700 et le début des années 1800. Les colons forent des trous dans lesquels ils placent des chalumeaux en bois. La sève est recueillie dans des troncs évidés puis transportée dans une sucrerie (ou plus communément appelée cabane à sucre en français), où elle est transformée en sirop dans de larges marmites en métal placées sur le feu. Avec le temps, les innovations en matière d’évaporation ont écourté le temps nécessaire pour réduire la sève. Des améliorations sont également apportées quant aux méthodes utilisées pour entailler les érables et acheminer la sève à la cabane à sucre.
Récolte de la sève d’érable
À l’automne, l’érable à sucre dépose des sucres concentrés dans ses rayons (groupes de cellules qui acheminent et emmagasinent les nutriments). Ces sucres mûrissent durant l’hiver et sont récoltés quand le sol est encore gelé. Le flux de sève est stimulé au printemps quand la température dépasse 0°C le jour, et tombe sous le point de congélation la nuit. Dans l’arbre, la pression positive créée par des températures supérieures à 0°C produit un flux naturel de sève. Quand la pression intérieure d’un arbre est plus grande que la pression extérieure, la sève s’écoule d’un trou percé (d’une branche cassée ou d’une entaille dans l’écorce). La sève claire coule à flots dans le système de collecte.
Plus la pression baisse à l’intérieur de l’arbre, plus le flux de sève ralentit et finit par s’arrêter. L’arbre est en situation de pression négative et commence à absorber de l’eau grâce à son réseau de racines. Le lendemain, quand l’arbre se réchauffe, la pression positive revient, créant un autre flux. Le processus se poursuit durant environ six semaines au début du printemps, entre mars et avril. À la fin de cette période, la sève devient opaque et son contenu en sucre chute considérablement. Au plus fort de la saison des sucres, la sève contient entre 2 % et 5 % de sucre. En fin de saison, la sève contient moins de 1 % de sucre. En période de récolte, un arbre relâche environ 7 % de sa sève. Des tests confirment que la récolte n’endommage pas l’arbre à long terme. Plusieurs arbres entaillés ont plus de 100 ans.
Il existe plusieurs méthodes de collecte de sève. La récolte traditionnelle à l’aide de chaudières, bien qu’encore en vigueur dans l’aire de distribution de l’érable à sucre, a été remplacée par un système de tubes sous vide qui réduit la main-d’œuvre et assure un environnement beaucoup plus sanitaire. Habituellement, ces systèmes acheminent la sève directement des arbres à un ou plusieurs points de collecte, d’où la sève est transportée afin d’être traitée.
Une fois la sève récoltée, la matière première diluée est réduite par évaporation afin de retirer tout excédent d’eau; rien n’est ajouté. En moyenne, il faut 30 à 45 litres de sève d’érable (la quantité habituelle de sève qu’un arbre produit au cours de la saison des sucres) pour produire 1 litre de sirop d’érable pur. Une ferme acéricole d’un hectare peut produire environ 250 litres de sirop.
L’eau peut être retirée de la sève à l’aide de différents systèmes, des évaporateurs alimentés au bois aux systèmes d’osmose inversée qui séparent l’eau des molécules de sucre sous forte pression.
Exportation du sirop d’érable
En 2016, le Canada compte 11 468 fermes acéricoles et 47 millions d’arbres entaillés. Ces fermes produisent 12,2 millions de gallons de sirop, représentant 71 % du sirop d’érable produit mondialement. Toujours en 2016, le Québec, avec ses 7 863 fermes et ses 42 millions d’arbres entaillés, produit 11,2 millions de gallons, ce qui représente 92 % de la production totale canadienne. Le reste de la production canadienne provient du Nouveau-Brunswick (4 %), de l’Ontario (3 %) et de la Nouvelle-Écosse (1 %). La valeur des produits de l’érable (sucre, beurre et sirop) s’élève à 487 millions de dollars en 2016.
La part canadienne dans la production mondiale des produits de l’érable augmente de 225 % entre 2006 et 2016. Cependant, sa part dans la production mondiale chute de 80 à 71 % entre 2015 et 2016 en raison de la concurrence croissante des États-Unis.
En 2020, plus de 61 millions de kilogrammes de produits de l’érable sont exportés, valant 515 millions de dollars. Le Québec exporte 95 % des produits canadiens de l’érable. Les produits de l’érable du Canada sont exportés dans plus de 68 pays. L’importateur le plus important est les États-Unis : les producteurs canadiens y envoient 59.1 % de leurs exportations. Les autres principaux acheteurs sont l’Allemagne (9.8 %), le Japon (4.8 %), le Royaume-Uni (6.0 %), l’Australie (5.2 %) et la France (4.4 %).
Mise en marché du sirop d’érable
Le sirop d’érable est un édulcorant pur et naturel. Il contient une grande quantité d’oligo-éléments essentiels à une bonne alimentation, comme le potassium, le magnésium, le phosphore, le manganèse, le fer, le zinc, le cuivre, l’étain et le calcium.
Le sirop d’érable est classé selon la couleur, la saveur et la densité; les normes sont prescrites selon une règlementation fédérale. Les sirops de « qualité A » sont divisés en quatre catégories : doré au goût délicat, ambré au goût riche, foncé au goût robuste et très foncé au goût prononcé. Si un sirop ne répond pas à l’une de ces catégories, il se classe dans la catégorie « transformation ». Le sirop d’érable doit se situer entre 66 et 68,9 degrés sur l’échelle de Brix qui évalue la teneur en sucre des liquides. Tout ce qui se situe en deçà ou au-delà de ces chiffres ne peut être vendu comme du sirop d’érable pur (voir aussi Politique de l'agriculture et de l’alimentation).
Au début des années 1970, les acheteurs traditionnels sont les importantes compagnies alimentaires. Quand la Food and Drug Administration aux États-Unis réduit le volume minimum de sirop d’érable qui doit faire partie de la liste des ingrédients des produits vendus comme « sirop d’érable » et « sucre d’érable » de 15 à 2 %, les ventes chutent considérablement et l’industrie connaît une crise majeure. Des efforts sont faits pour développer un nouveau marché qui cible directement le consommateur. La croissance dans ce marché dynamise l’industrie. Aujourd’hui, les États-Unis et le Canada ont des normes de classement harmonisées.
Le sirop d’érable est toujours principalement servi sur des crêpes et est considéré comme un condiment, bien qu’il soit utilisé pour préparer des sauces, des glacis et des vinaigrettes. Il est aussi utilisé dans des marinades et en pâtisserie.
Gestion des réserves au Québec
La production acéricole au Québec est contrôlée par les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ), mise sur pied en 1966. Les PPAQ gèrent les réserves en sirop de la province qui peuvent varier d’une année à l’autre en raison de conditions météorologiques incertaines, ajustant le prix en conséquence.
Dans les années 1990, le gouvernement fédéral confère aux PPAQ l’autorité sur la vente, les prix et l’exportation du sirop. Les PPAQ établissent des quotas annuels pour tous les producteurs. Les PPAQ essaient également de stabiliser le prix du sirop grâce à sa réserve stratégique mondiale, constituée de deux énormes entrepôts situés à Laurierville et à Saint-Louis-de-Blandford, au Québec. Tout le sirop de la province transite par ces entrepôts où plus de 60 millions de livres de sirop d’érable en réserve sont conservés dans des barils (la quantité en réserve varie). Les années où la production est faible, le sirop gardé dans cette réserve entre sur le marché pour contrer la pénurie. Ainsi, les prix restent bas même si la demande est grande.
Les producteurs de sirop d’érable ne sont pas tous d’accord avec le contrôle qu’exerce la PPAQ sur la gestion des réserves. Mécontents d’être légalement tenus de travailler avec un syndicat qui contrôle leur production, certains acériculteurs contournent les PPAQ en vendant leurs produits eux-mêmes, une activité que les PPAQ considèrent comme illégale.
En novembre 2021, les PPAQ ont annoncé qu’il libérerait 22,7 millions de kilogrammes de sirop d’érable de la réserve stratégique mondiale. Avec une demande accrue de sirop d’érable et un rendement annuel moyen, la réserve permettrait aux PPAQ de répondre à la demande locale et internationale. Pour reconstituer la réserve et répondre à la demande du marché, les PPAQ approuvent 7 millions de nouvelles entailles.
Le saviez-vous?
Entre 2011 et 2012, environ 2 700 tonnes de sirop d’érable ont été volées dans la réserve stratégique de Saint-Louis-de Blandford. Le sirop était évalué à environ 18 millions de dollars. (Voir aussi Vol de sirop d’érable du siècle.)
Emblème de l’identité canadienne
L’expression « aussi canadien que le sirop d’érable » démontre à quel point les produits de l’érable et la production acéricole sont associés à l’identité canadienne. La feuille de l’érable à sucre, par exemple, est au centre du drapeau national du Canada (voir aussi Emblèmes du Canada). Les produits de l’érable sont généralement vendus dans les boutiques touristiques partout au pays et sont offerts à titre de cadeaux diplomatiques.
Pour les Québécois et les Canadiens français en général, aller à la cabane à sucre est une pratique culturelle qui demeure populaire à ce jour. Même à l’apogée du catholicisme jusqu’au milieu des années 1950, lorsque la saison des sucres coïncidait avec le carême, une période de jeûne et de pénitence avant Pâques, les cabanes à sucre étaient un endroit populaire pour célébrer la fin de l’hiver et l’arrivée des températures plus clémentes. Aujourd’hui, au printemps, les gens se rassemblent pour le temps des sucres sur les érablières afin de partager un repas, écouter de la musique traditionnelle et manger de la tire sur la neige (lorsque le sirop d’érable est bouilli, le rendant plus concentré, puis étendu sur de la neige). Le repas traditionnel inclut souvent jambon, omelette, soupe aux pois, fèves au lard, saucisses, pommes de terre, crêpes et oreilles de crisse (couenne de porc croustillante), le tout trempé dans le sirop d’érable si désiré. Les traditions associées à la saison des sucres ont été désignées comme élément du patrimoine culturel immatériel du Québec par le ministère de la Culture et des Communications du Québec en 2021.
En Ontario, les enfants visitent fréquemment des cabanes à sucre au printemps, que cela soit lors de sorties scolaires ou familiales. Ils y apprennent comment le sirop est fait et y dégustent des produits frais, comme la tire d’érable sur la neige.